Le slogan de notre dernier visuel, « Dictature féministe », défend un projet concret tout autant dans la continuité du marxisme — une étape de la résolution de la contradiction entre l’Homme et la Femme — que dans la rupture avec le mouvement communiste, et particulièrement avec la culture viriliste du milieu militant français. Dans ce texte, la contradiction entre l’Homme et la Femme doit être comprise comme étant synonyme de la domination patriarcale (chez les féministes), ou de la structure de la famille (chez Engels). Ce que nous désignons comme l’Homme et la Femme est une description de la construction sociale du genre.
1. Continuité avec le marxisme
A. Le féminisme est bourgeois
L’une des raisons pour lesquelles les communistes ne se revendiquent pas du féminisme est que le féminisme est bourgeois — le féminisme défend toutes les femmes peu importe leur classe. Pourtant, qu’une lutte ou une idéologie soit bourgeoise ou non ne fait pas d’elle une lutte négligeable. Ceci est évident lorsqu’on parle des luttes de libération nationale1, mais ça l’est moins lorsqu’on parle de défendre les intérêts politiques des femmes, et donc, de s’attaquer aux privilèges des hommes (y compris des hommes prolétaires). Par exemple, dans le cas d’un pays colonial ou semi-colonial, et donc dans le cas des luttes de libération nationale, la contradiction principale est entre le peuple dominé et l’impérialisme, la contradiction entre prolétariat et bourgeoisie est secondaire. Pour pouvoir avoir une révolution prolétarienne, il faut d’abord une révolution démocratique, une phase de développement des tâches démocratiques, donc bourgeoises — c’est la révolution continue par étape de Lénine. Dans un pays du centre impérialiste, la contradiction principale est entre prolétariat et bourgeoisie, la contradiction entre l’Homme et la Femme est secondaire.
Lorsqu’on dit qu’une contradiction est principale, il faut comprendre de quel phénomène on parle, parce qu’une contradiction principale est le principal déterminant d’un phénomène particulier. Une contradiction est principale dans un lieu et à un moment donné, une échelle temporelle et spatiale particulière.
Dans les pays impérialistes la contradiction principale est entre Travail et Capital, donc pour les femmes des pays impérialistes la contradiction principale est entre Travail et Capital. Mais à des millions de moments dans la vie d’une femme, dans chacune de ses interactions avec les hommes, la contradiction principale qui détermine ces interactions hommes-femmes est la contradiction Homme-Femme. Lorsque nous parlons de la vie quotidienne d’une femme, nous changeons le lieu et la temporalité de notre analyse. Par exemple, lorsqu’une femme marche dans la rue et croise un groupe d’hommes, ce qui conditionne son avenir immédiat n’est pas sa classe, mais son genre. Lorsqu’une femme est agressée sexuellement par son patron sur son lieu de travail ce n’est pas à cause de sa classe mais de son genre. Ainsi, même si pour toutes les femmes, et pour une femme sur toute sa vie, la contradiction principale est toujours la contradiction Capital-Travail, dans sa vie quotidienne la contradiction principale est la contradiction Homme-Femme, le déterminant principal est la violence patriarcale.
Nous parlons uniquement des femmes du centre impérialiste pour deux raisons. Premièrement, l’aristocratisation de la classe ouvrière des centres impérialistes atténue la violence ressentie de la contradiction Capital-Travail. Deuxièmement, dans les centres impérialistes l’avancée des droits démocratiques pour les femmes, l’égalité juridique, montrent que la violence du patriarcat est plus profonde que ce que croient les communistes. La violence des hommes sur les femmes a pour objectif de leur rappeler leur place dans les rapports de production : peu importe l’égalité juridique, les femmes sont toujours inférieures et exploitées pour leur travail reproductif domestique gratuit. De plus, cette égalité juridique rend la résistance de l’Homme encore plus violente : c’est l’émergence du mouvement masculiniste.
Pour pouvoir participer à la lutte des classes, pour pouvoir militer dans une organisation communiste, une femme doit être féministe et communiste. Il n’est pas correct de voir les choses de manière unilatérale et de développer un aspect sans l’autre, de devenir communiste sans être féministe. L’unilatéralisme est toujours entre deux aspects d’une contradiction, nous parlons ici de la contradiction entre libération des femmes et libération du prolétariat. Une femme communiste qui n’est pas féministe finira par se faire rattraper par la contradiction Homme-Femme. Une femme féministe qui n’est pas communiste se fera rattraper par la contradiction de classe — et ne pourra pas changer le monde.
Plus généralement, le féminisme sans lutte des classes est voué à l’échec puisque le capitalisme s’appuie sur le patriarcat. Les féministes bourgeoises finiront forcément par arriver à une limite où elles verront que les intérêts des femmes dans leur ensemble et du capitalisme ne sont pas compatibles. Ainsi, il n’est pas possible que les féministes se perdent dans la défense du capitalisme sans sacrifier le féminisme lui-même. Mais certaines le feront. Nous pouvons prendre un exemple extrême : celui du groupe « féministe » d’extrême droite Némésis. Leur propagande s’est faite sur la lutte contre l’immigration, en s’appuyant sur le féminisme, plus précisément en luttant contre le harcèlement de rue, les violences sexistes et sexuelles (VSS), le slut shaming, etc. Pourtant, elles défendent actuellement le devoir de procréation pour les femmes blanches, allant donc vers des lignes les plus réactionnaires qui soit pour les femmes, en les enchaînant à un rôle de procréatrices. Ces femmes d’extrême droite défendent leurs idées réactionnaires avant de défendre les femmes. Les mouvements féministes principalement bourgeois ne peuvent que finir de la même manière, en défendant la bourgeoisie avant les femmes.
Les communistes se bornent à ne voir la libération de la femme que par la socialisation de la production, par l’accès des femmes à la participation à cette production et à la socialisation du travail domestique. Cette analyse est aujourd’hui arriérée — la lutte pour la libération de la femme doit être aussi une lutte politique — mais sans cette socialisation de la production, le patriarcat ne peut pas non plus être renversé. Le patriarcat est reproduit matériellement par le mode de production capitaliste. Si les femmes sont dépendantes économiquement des hommes, comment pourraient-elles lutter pour des droits politiques ? Le féminisme doit converger vers la lutte des classes, vers une ligne prolétarienne.
Dans les pays impérialistes les droits démocratiques (juridiques et économiques) des femmes ont progressé. Aujourd’hui en France, presque la moitié des travailleurs sont des travailleuses, les femmes ont accès aux études, au vote, à l’indépendance financière, etc. Une division économique existe toujours, ainsi qu’une division dans le travail domestique. Mais les femmes ont accès à la production sociale, elles sont des prolétaires. Pourtant il est évident que cet accès à la production ne diminue pas la violence patriarcale : harcèlement de rue, harcèlement au travail, viol, féminicides, etc., ne sont que des rappels que la place de la Femme est au sein du foyer — de la sphère privée et non publique. Même sous les dictatures du prolétariat passées, l’avancée de l’égalité juridique et économique a permis une progression de la lutte des femmes, mais le patriarcat était toujours omniprésent.
La lutte des classes ne peut se passer du féminisme. Tous les mouvements révolutionnaires communistes, ou proches des communistes, ont vu se développer des mouvements de femmes et une mobilisation des femmes. Que ce soit du point de vue militaire, civil, ou théorique. La lutte des classes nécessite la mobilisation du prolétariat, et surtout des femmes prolétaires. Les femmes prolétaires sont le cœur de la lutte des classes, ce sont elles qui organisent et qui pensent le collectif. Que ce soit pendant la révolution ou pendant la dictature du prolétariat, la mobilisation des femmes est une nécessité. L’un des exemples moderne frappant est bien évidemment celui de la lutte des femmes au Rojava, où les guérillas de femmes sont non seulement un avantage militaire, mais également politique, parce que le mouvement des femmes est celui qui est le plus progressiste — les femmes ont davantage intérêt à la transformation du monde.
La lutte des classes a besoin de femmes révolutionnaires émancipées, formées, conscientes de la nécessité de changer le monde. Les femmes révolutionnaires ont besoin d’un espace de camaraderie sain, et donc de règles de discipline féministes imposées aux femmes et aux hommes.
B. En quoi la dictature féministe est-elle fidèle à l’orthodoxie marxiste ?
Lorsque nous voulons changer la société, il est important d’étudier toutes les contradictions qui la traversent, et non uniquement la contradiction principale. Ainsi, lorsqu’on est marxiste, on étudie non seulement la lutte des classes et son mouvement, mais également les autres contradictions. La contradiction entre l’Homme et la Femme est secondaire, mais c’est une contradiction importante, qui devient régulièrement principale dans la vie de tous les jours, et dans la vie des sectes communistes, comme nous l’avons vu dans la partie précédente.
« Ce qui fait l’aspect principal est une question qualitative : quelle est la place de cette relation dans la société ? Rien n’est figé : dans l’Histoire, une contradiction principale peut devenir secondaire, et inversement. Pareillement, cette transformation peut s’opérer à l’échelle générale (mondiale) ou se circonscrire à une situation particulière (un moment de crise, un pays, etc.). Il ne faut pas croire non plus que les contradictions principales seraient les premières, et qu’elles auraient produit ensuite les contradictions secondaires.
[…] Si nous disons qu’une contradiction est secondaire, nous disons qu’elle est plus déterminée que déterminante dans le système des contradictions — l’Histoire. Une contradiction n’est pas jugée principale ou secondaire selon son impact sur les trajectoires individuelles (la vie de chacun), mais sur la société. Au niveau microscopique (biographique, c’est-à-dire individuel), toutes les contradictions se superposent et se vivent entremêlées, mais au niveau macroscopique (historique, c’est-à-dire social) des degrés d’importance et des relations non triviales se décèlent — l’évaluation du principal et du secondaire est une question de magnitude dans le temps et l’espace.
[…] Appliqué au problème de l’émancipation des femmes, que devons-nous déduire de ce raisonnement ? La contradiction Homme-Femme est, avec la contradiction Société-Nature, la plus vieille contradiction sociale de l’Histoire. D’une contradiction principale, elle est devenue secondaire avec l’apparition des classes — qu’elle a permise. »2
Cette contradiction doit être étudiée sérieusement, afin que l’on puisse trouver des solutions vers son dépassement. La résolution d’une contradiction ne se trouve pas dans l’affirmation d’un élément sur un autre — bien que le chemin vers son dépassement puisse temporairement nécessiter l’affirmation d’un élément sur l’autre — mais dans le dépassement de la contradiction, la négation de la négation. Par exemple le prolétariat doit prendre le pouvoir et l’exercer sur la bourgeoisie, c’est la dictature du prolétariat, dans le but d’anéantir les deux classes. Il en est de même pour l’Homme et la Femme, nous passerons par une phase de dictature féministe, où la Femme détruira la domination de l’Homme, afin de détruire l’Homme et la Femme, c’est-à-dire le genre. La dictature du prolétariat permettra la mise en place de la dictature féministe — et également de l’écologie totale dans le cadre de la résolution de la contradiction entre la Société et la Nature. Les différences sexuelles existeront toujours après l’abolition du genre, mais la distinction sociale Homme-Femme créée par la société humaine n’existera plus.
Lorsque nous parlons de destruction du genre, nous sommes dans la continuité des lignes des camarades du TKP-ML qui forment les hommes cadres à « tuer l’Homme en eux ». Tuer le patriarcat en eux. Par ces mots, ils ne disent pas qu’il faudrait castrer tous les mâles communistes. Ils disent qu’il faut tuer l’Homme en tant qu’entité sociale. De la même manière, la dictature féministe tue autant l’Homme que la Femme. C’est-à-dire que nous devons tout autant détruire la domination des hommes que la soumission des femmes. Nous devons autant détruire la camaraderie viriliste, le prédateur sexuel, le petit chef, l’égoïste, etc., que nous devons tuer la concurrence féminine, la jalousie, la soumission, la mère, l’effacement de soi, la passivité, la proie, l’objet, etc. Les femmes tuent la Femme en elles, sans devenir l’Homme.
Le dépassement dialectique de la contradiction Homme-Femme implique la création d’un nouvel humain, et donc de penser et de construire des bribes de ce nouvel humain dès maintenant. Nous serons toujours Homme et Femme tant que cette contradiction existera, les humains actuels sont forcément Homme et Femme. Mais cette fatalité n’empêche pas de trouver des éléments de transition qui nous feront avancer vers un meilleur fonctionnement, au moins interne aux organisations communistes. Nous pouvons travailler cette question dès maintenant de la même manière que nous travaillons la question de la transition socialiste sans être dans une dictature du prolétariat. Tuer l’Homme et la Femme, tuer le genre, veut dire que nous allons nous concentrer sur la création d’autre chose. Nous allons partir de l’étude de la contradiction Homme-Femme dans la société, l’Histoire, et dans nos organisations communistes. Nous allons parler et débattre de manière honnête de ce qu’il y a au fond de toutes et tous, sans craindre ce qu’il peut y avoir de plus laid. Nous allons regarder droit dans les yeux les monstres qui nous habitent, et nous les affronterons. Nous partons de la réalité afin de la transformer, comme nous le faisons avec d’autres contradictions.
Nous ne parlons pas ici de la « déconstruction » des intersectionnels. L’intersectionnalité est une théorie postmoderne qui ne cherche qu’une négation mécanique de la contradiction Homme-Femme, et non une négation dialectique. C’est-à-dire que les courants postmodernes abandonnent la compréhension et la transformation du monde, ce sont donc des théories qui ne concentrent leur analyse et leur action que sur le changement individuel. L’intersectionnalité n’est pas révolutionnaire mais réformiste. Nous voulons la transformation individuelle par la transformation collective, et la transformation collective par la transformation individuelle — l’individu et le collectif sont des contraires, ils sont liés et identiques. Cette transformation ne sera totale que par la transformation du monde, c’est-à-dire par la transformation de la réalité dans laquelle les humains vivent, et dont ils sont le reflet.
La mise en place de la dictature féministe se fera grâce à la mise en place de la dictature du prolétariat, c’est-à-dire grâce à la période de transition vers le socialisme puis le communisme, vers la fin des contradictions de l’Histoire. Les dictatures du prolétariat ayant été mises en place par le passé ont été des périodes de recherches, d’essais, de tentatives, et d’échecs. Des périodes où la lutte des classes s’est intensifiée, et a pris des formes inattendues, comme la restructuration de la bourgeoisie à partir de l’intérieur du Parti communiste. Les communistes ont sous-estimé la capacité de résilience du mode de production capitaliste à partir de l’intérieur. Nous devons nous attendre à prendre un chemin tout aussi complexe vis-à-vis de la dictature féministe, et ne devons pas sous-estimer la force et la résilience du patriarcat.
Lorsque les communistes ont pris le pouvoir par le passé, elles et ils étaient « en avance » sur l’évolution de leurs modes de production et ont dû trouver des moyens afin d’avancer la transition sans brusquer l’économie ou la population (développer les forces productives tout en chamboulant les rapports de production). Elles et ils étaient également en avance vis-à-vis d’autres contradictions, particulièrement la contradiction Homme-Femme. Ainsi, en URSS et en République populaire de Chine, les femmes ont gagné des droits sans qu’il n’y ait eu de mouvement de femmes structuré, sans demande, sans lutte conséquente. Ces droits ont été donnés par le haut, par le Parti communiste qui voulait mobiliser les femmes prolétaires. Bien évidemment c’est principalement grâce aux combats des femmes communistes au sein du Parti, et à travers l’Histoire, que ces lignes ont pu gagner. Mais elles partaient de textes d’hommes : Engels pour la destruction de la famille, Lénine pour le soutien à la création d’organisations de femmes.
Depuis l’origine du marxisme, les femmes sont présentes. Il est facile d’oublier Jenny, Jenny (fille), Laura et Eleanor Marx puisqu’elles ont été partiellement effacées de l’histoire marxiste, par les marxistes et par leur genre même (notamment leur rôle de mère, sauf pour Eleanor). Pourtant, les femmes Marx ont participé aux travaux de Karl et Friedrich Engels, que ce soit à travers les débats, les corrections, ou les recherches. Tout particulièrement Eleanor, qui a assisté son père au point où ce dernier disait : « elle est moi ». Elle s’est également battue pour que le marxisme gagne au sein de la Seconde Internationale. Elle est morte à cause d’un homme. Nous ne retenons de notre histoire que les grands noms parce que nous avons une vision bourgeoise de l’Histoire, faite par « les grands hommes ». Cette vision bourgeoise de l’Histoire et de la lutte communiste est entretenue aujourd’hui par le culte de la personnalité de certains théoriciens marxistes, mais également par l’ego et l’individualisme des auteurs actuels des organisations communistes. Nous croyons pourtant qu’une théorie est toujours développée collectivement, à partir d’une pratique collective. C’est d’ailleurs pourquoi nous n’avons pas d’auteur, uniquement des textes d’Unité communiste.
L’histoire marxiste est le mouvement, le lien, de multiples individus qui résonnent à travers le temps et l’espace. Bien que ces individus soient principalement des hommes, les liens entre les hommes sont très souvent fait par les femmes, par les Eleanor. Les femmes sont au cœur du marxisme, au cœur de notre Histoire, et pourtant invisibles.
C. Mais qu’est-ce que la dictature féministe ?
Pour décrire la dictature féministe, nous partons du concept de dictature du prolétariat. La contradiction entre l’Homme et la Femme est bien évidemment différente de la contradiction entre le prolétariat et la bourgeoisie, mais nous pouvons nous inspirer des travaux effectués dans le but de résoudre cette contradiction — détruire les classes — afin de trouver comment résoudre la contradiction Homme-Femme — détruire le genre. Dans une démocratie bourgeoise, la bourgeoisie impose son pouvoir aux autres classes, ce qui mène nécessairement à un renversement de son pouvoir par le prolétariat, et par une imposition du pouvoir de ce dernier sur les autres classes. La dictature du prolétariat est temporaire, transitoire, et vise à la destruction même du prolétariat — même si cette phase est courte à l’échelle de l’Histoire, elle est d’une durée de plusieurs décennies, si ce n’est plus. Le prolétariat n’a pas d’autre choix que de prendre le pouvoir par la violence, parce que la classe dominante impose son pouvoir par la violence. Il faut une violence encore plus grande pour pouvoir la briser. Le prolétariat n’a pas d’autre choix que de s’organiser et de se transformer afin d’être capable de prendre le pouvoir, et d’exercer le pouvoir.
Dans le rapport de force entre l’Homme et la Femme, c’est l’Homme qui impose le niveau de violence, en détruisant la Femme physiquement et psychologiquement par tous les moyens possibles. La Femme n’a donc pas d’autre choix que de prendre le pouvoir par la force, de prendre le pouvoir pour briser le pouvoir de l’Homme. Cette force sera construite grâce à l’organisation et la transformation des femmes révolutionnaires.
Tout comme pour la dictature du prolétariat, ce pouvoir sera celui qui représentera les intérêts de long terme de la Femme, et non les intérêts immédiats des individus femmes. Les intérêts de long terme de la Femme, tout comme les intérêts de long terme du prolétariat, sont les intérêts de long terme de l’humanité entière — libérée de la société de classe et du genre. Cette logique peut être également appliquée au concept d’écologie totale, une dictature de la préservation des écosystèmes et du vivant en général, correspondant à des intérêts de long terme.
La lutte pour la dictature féministe doit avoir lieu dès maintenant. C’est en prenant du pouvoir maintenant dans les structures communistes, et donc en étant plus performantes que les camarades hommes, et en imposant des mesures de discriminations positives, que les femmes seront davantage à des postes de pouvoir lors de la révolution et lors de la dictature du prolétariat. En parallèle, les camarades hommes seront formés activement au féminisme communiste, et devront devenir de réels « alliés » de la lutte féministe, trahir leur genre jusqu’au plus profond d’eux-mêmes — tout comme les bourgeois communistes trahissent leur classe.
Bien évidemment certains camarades, hommes comme femmes, résisteront à leur transformation profonde — les hommes bien plus que les femmes. C’est la réaction normale à tout processus transformateur — les fonctionnements cognitifs sont difficiles à changer — et à la prise de risque pour les femmes, et la perte de privilèges de domination pour les hommes. Pourtant cette transformation n’est pas différente de celle qui est demandée pour devenir cadre communiste, elle fait partie de la formation de cadre. Une militante ou un militant devient cadre communiste après plusieurs années — souvent décennies — de travail pratique, théorique et idéologique collectif. C’est-à-dire après des années de militantisme politique dans une ou des organisations. Les militantes et militants doivent apprendre à tuer l’Homme et la Femme, tout comme elles et ils doivent apprendre à accepter la transformation, l’étude, l’humilité, à penser collectivement, à servir le peuple, à mener une vie saine, etc. Les qualités des cadres ne sont pas innées, les cadres ne sont pas nés tels qu’elles et ils sont : les cadres sont des individus qui cherchent à atteindre le maximum de leur potentiel, parce qu’elles et ils sont dévoués à une cause supérieure — le communisme.
Les féministes communistes mettront en place la dictature féministe lors de la dictature du prolétariat, en s’armant de tout ce que la dictature du prolétariat leur fournira. Premièrement, une accélération vers l’indépendance économique et la socialisation du travail domestique, entraînant de fait une baisse de la domination de l’Homme sur la Femme et une transformation des rapports et mentalités des hommes et des femmes. Deuxièmement, une force répressive étatique permettant une rééducation par la force des défenseurs de la domination de l’Homme, et permettant la mise en place de brigades féministes armées. Troisièmement une éducation féministe au sein du peuple et la mobilisation des masses.
La dictature féministe ne sera pas possible sans mobilisation des masses, particulièrement des femmes, parce que la contradiction Homme-Femme touche au domaine de la vie privée, de l’intime. La dictature féministe ne sera pas possible tant que les femmes accepteront leur sort de soumise, et ne lutteront pas activement contre « leurs » hommes.
La mobilisation des femmes dans leur ensemble permet de basculer réellement le rapport de force là où il est le plus grave, là où il est le plus inatteignable pour les communistes. La dictature féministe vivra des périodes de recul si elle n’atteint pas suffisamment les femmes, l’intime, bien que l’intime et le public soient liés. Les mouvements de masse de la Femme font basculer le rapport de force dans l’intime, le basculement du rapport de force dans l’intime permet l’intensification du mouvement de masse, un mouvement de masse supérieur. Avoir des millions de personnes dans la rue, organisées, permet d’intensifier la lutte pour le pouvoir des femmes contre les hommes au sein de la famille et des espaces de domination patriarcale. Attaquer cette domination patriarcale au quotidien permet de s’investir dans le rapport de force collectif, le mouvement de masse. Les mouvements de masse résolvent ainsi la contradiction entre l’intime et le public, ce qui permet d’avancer vers la résolution de la contradiction Homme-Femme.
D. Y a-t-il eu des éléments de dictature féministe dans l’histoire du mouvement communiste ?
On peut voir des éléments et des bribes de dictature féministe dans la pratique et la théorie communiste, dans le sens où des mesures ont été prises par différents Partis communistes afin d’avancer vers la résolution de la contradiction Homme-Femme, et non en réponse aux revendications spontanées des femmes.
Tout d’abord, Engels parla très tôt de la nécessité de la destruction de la famille — destruction de la famille comme ce que nous appelons aujourd’hui destruction du patriarcat.
« Le mariage conjugal n’entre donc point dans l’histoire comme la réconciliation de l’homme et de la femme, et bien moins encore comme la forme suprême du mariage. Au contraire : il apparaît comme l’assujettissement d’un sexe par l’autre, comme la proclamation d’un conflit des deux sexes, inconnu jusque-là dans toute la préhistoire. Dans un vieux manuscrit inédit3, composé par Marx et moi-même en 1846, je trouve ces lignes : “La première division du travail est celle entre l’homme et la femme pour la procréation.” Et je puis ajouter maintenant : La première opposition de classe qui se manifeste dans l’histoire coïncide avec le développement de l’antagonisme entre l’homme et la femme dans le mariage conjugal, et la première oppression de classe, avec l’oppression du sexe féminin par le sexe masculin. Le mariage conjugal fut un grand progrès historique, mais en même temps il ouvre, à côté de l’esclavage et de la propriété privée, cette époque qui se prolonge jusqu’à nos jours et dans laquelle chaque progrès est en même temps un pas en arrière relatif, puisque le bien-être et le développement des uns sont obtenus par la souffrance et le refoulement des autres. Le mariage conjugal est la forme-cellule de la société civilisée, forme sur laquelle nous pouvons déjà étudier la nature des antagonismes et des contradictions qui s’y développent pleinement. »4
Ici, Engels explique que la première division du travail est la division du travail « pour la procréation » entre mâle et femelle5. Pour lui, la contradiction Homme-Femme apparaît en même temps que la première division de classe.
« Dans la famille, l’homme est le bourgeois ; la femme joue le rôle du Prolétariat. Mais dans le monde industriel, le caractère spécifique de l’oppression économique qui pèse sur le prolétariat ne se manifeste dans toute sa rigueur qu’après que tous les privilèges légaux de la classe capitaliste ont été supprimés et que l’entière égalité juridique des deux classes a été établie ; la république démocratique ne supprime pas l’antagonisme entre les deux classes, au contraire : c’est elle qui, la première, fournit le terrain sur lequel leur combat va se décider. Et de même, le caractère particulier de la prédominance de l’homme sur la femme dans la famille moderne, ainsi que la nécessité et la manière d’établir une véritable égalité sociale des deux sexes, ne se montreront en pleine lumière qu’une fois que l’homme et la femme auront juridiquement des droits absolument égaux. On verra alors que l’affranchissement de la femme a pour condition première la rentrée de tout le sexe féminin dans l’industrie publique et que cette condition exige à son tour la suppression de la famille conjugale en tant qu’unité économique de la société. »6
Tout comme l’égalité juridique dans la république démocratique entre prolétaire et bourgeois intensifie la lutte des classes et montre la nécessité de la socialisation de la production, l’égalité juridique de l’Homme et de la Femme met en lumière la nécessité que la Femme entre dans la production sociale. Pour que la Femme entre dans la production il faut que le patriarcat comme unité économique de la société soit éliminé.
« La différence entre riches et pauvres s’établit à côté de la différence entre hommes libres et esclaves : nouvelle scission de la société en classes qui accompagne la nouvelle division du travail. Les différences de propriété entre les chefs de famille individuels font éclater l’ancienne communauté domestique communiste partout où elle s’était maintenue jusqu’alors et, avec elle, la culture en commun de la terre pour le compte de cette communauté. Les terres arables sont attribuées aux familles conjugales afin qu’elles les exploitent, d’abord à temps, plus tard une fois pour toutes ; le passage à la complète propriété privée s’accomplit peu à peu, parallèlement au passage du mariage apparié à la monogamie. La famille conjugale commence à devenir l’unité économique dans la société. »7
D’après Engels, l’apparition de la société de classe nécessite que l’unité économique de la société soit basée sur le patriarcat.
La question de l’origine de la domination de l’Homme sur la Femme sera développée dans un article ultérieur.
Dans les sociétés de classe les femmes sont exclues de la production sociale et confinées au travail reproductif domestique. L’exploitation du travail reproductif domestique gratuit y est une nécessité économique. L’exploitation de la Femme perdure dans le mode de production capitaliste, via le travail reproductif domestique gratuit qui permet une plus grande exploitation de la force de travail des ouvriers, et via la procréation qui permet un renouvellement de la population prolétaire. Dans les pays semi-féodaux, les femmes sont exclues du travail productif social et sont confinées au travail reproductif domestique. Dans les pays capitalistes, les femmes sont intégrées dans le travail productif social, mais elles sont les franges les plus exploitées du prolétariat et réalisent toujours le travail reproductif domestique.
L’oppression de la Femme est maintenue tant qu’elle ne fait pas pleinement partie de la production sociale, à égalité avec l’Homme, et tant que le travail reproductif domestique n’est pas pris en charge par toute la société — c’est-à-dire tant que nous ne sommes pas dans une société socialiste. La structure de la famille, le patriarcat, entretient le capitalisme et la société de classe, tout comme le capitalisme entretient le patriarcat. L’un ne peut être aboli sans l’autre et inversement. Le patriarcat a besoin de l’exploitation capitaliste et l’exploitation capitaliste a besoin du patriarcat.
Nous l’avons dit plus tôt, Engels considère que tout comme la république démocratique accentue la contradiction de classe, l’égalité juridique des femmes fournira « le terrain sur lequel leur combat va se décider ». Il parle ici de la lutte des femmes pour l’accès à la production sociale. Mais Engels ne pensait pas que les capitalistes accepteraient que les femmes aient accès à la production sociale ainsi qu’à une quasi-égalité juridique, comme c’est le cas aujourd’hui en France. Le capitalisme possède une qualité permettant à la Femme de rentrer dans la production : dans le mode de production capitaliste le travail est un travail général abstrait, il n’y a donc plus de « travail d’homme » et de « travail de femme » mais uniquement des équivalents généraux. Cette expérience nous montre qu’Engels avait raison, mais non comme il l’avait prédit. Aujourd’hui, les femmes sont exploitées dans la sphère privée, mais elles participent à la production sociale, la sphère publique. La domination patriarcale en est accentuée, de l’expression dans la sphère privée elle passe également à la sphère publique : le harcèlement et les agressions sexuelles dans les lieux publics (la rue et le travail) ne sont que des rappels pour les femmes que leur place est dans la sphère domestique. La violence de l’Homme s’accentue, elle est partout, elle est visible. L’avancée des droits démocratiques des femmes montre qu’il faut une libération politique pour que la libération juridique et matérielle soit réellement complète.
Dans les colonies et semi-colonies qui sont semi-féodales, les communistes entretiennent cette erreur d’Engels en croyant que l’émancipation juridique et matérielle des femmes serait possible sans lutte politique spécifique des femmes (le féminisme). Dans ces pays, les droits démocratiques des femmes sont arriérés, il est donc compréhensible que ces communistes ne comprennent pas ce que nous vivons dans notre pratique en France.
Lors de la transition de la société de classes à la société sans classe, la contradiction Homme-Femme passera à certains moments de contradiction secondaire à principale. Il est alors évident que les communistes doivent tout faire pour lutter pour la résolution de cette contradiction et pour l’abolition de la famille — du genre. Engels pose les bases sur lesquelles les différents groupes et Partis communistes ont développé le féminisme marxiste, ou leurs programmes de révolution des femmes. Mais, comme dit précédemment, ces groupes et Partis n’ont pas suffisamment étudié les avancées féministes, particulièrement les travaux effectués au cours de l’évolution du statut juridique des femmes — de plus en plus égales aux hommes en théorie mais non en pratique — et de leur accès au travail productif social dans les pays du centre impérialiste. Oui, le patriarcat et le capitalisme se nourrissent l’un l’autre, mais le patriarcat, la contradiction Homme-Femme doit être étudiée dans tous les domaines. Ainsi, même en URSS, l’avancée des droits juridiques des femmes et leur intégration à la production sociale n’a pas réussi à abolir cette contradiction, au contraire certains aspects étaient encore plus visibles.
Nous devons étudier les expériences communistes concrètes dans les dictatures du prolétariat. Dès le début de l’URSS des mesures visant à l’émancipation des femmes ont été mises en place, des organisations et congrès de femmes ont eu lieu, impulsées par le haut, c’est-à-dire par le Parti communiste — pourtant composé à majorité d’hommes. Ici des éléments de dictature féministe étaient mis en place pendant la dictature du prolétariat. Ces mesures peuvent paraître normales aujourd’hui, un siècle plus tard, pourtant elles étaient incroyablement en avance sur leur temps, et ont même participé à l’émancipation des femmes à travers le monde en encourageant le développement de luttes de femmes, et en étant une concurrence pour les pays capitalistes dans le développement des forces productives — l’URSS possédait deux fois plus de bras et de cerveaux que les pays capitalistes.
« Pendant une bonne partie du XXe siècle, les pays capitalistes occidentaux se sont par ailleurs efforcés de surpasser les pays de l’Est en matière de droits des femmes, ce qui a constitué un levier de progrès social. Dans un premier temps, le socialisme d’État a tellement bien réussi à offrir aux femmes des opportunités économiques hors de leur foyer que pendant environ vingt ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, le travail salarié des femmes était considéré comme l’un des méfaits du communisme. Dans l’American way of life, l’homme ramenait un salaire à la maison et la femme veillait sur le foyer. Mais peu à peu, le plaidoyer socialiste en faveur de l’émancipation des femmes a fini par entamer l’idéal du foyer américain célébré par les séries des années 1950. Le lancement de Spoutnik, le premier satellite artificiel de la Terre, en 1957, a incité les dirigeants américains à réfléchir au coût du maintien des rôles traditionnels. Les pays socialistes n’étaient-ils pas avantagés en matière de développement technologique, parce qu’ils pouvaient compter sur deux fois plus de cerveaux ? Les Russes ouvraient en effet l’université aux femmes et mettaient les meilleures au service de la recherche scientifique. (Elaine Tyler May, Homeward Bound: American Families in the Cold War Era, New York, Basic Books, 2008 [1988].) […] Frappé par les exploits du socialisme d’État dans le domaine scientifique, le gouvernement américain finança une étude à grande échelle intitulée “Women in the Soviet Economy” (Les femmes dans l’économie soviétique). Le responsable de l’étude se rendit en URSS à plusieurs reprises, en 1955, 1962 et 1965, afin d’observer les politiques soviétiques d’intégration des femmes à la force de travail, considérées comme un modèle pour les législateurs américains. Son rapport de 1966 commençait ainsi : “L’inquiétude manifestée ces dernières années à propos du gâchis de talents et de potentiel de travail des femmes a conduit à la mise en place de la Commission présidentielle sur le statut des femmes, qui a produit une série de rapports sur divers problèmes affectant les femmes et leur participation à la vie économique, politique et sociale. Afin de définir des politiques garantissant un meilleur usage de la force de travail des femmes, il importe de s’instruire de l’expérience d’autres nations en matière d’utilisation des capacités des femmes. Pour cette raison notamment, l’expérience soviétique est ici particulièrement intéressante.” »8
Ici, Kristen Ghodsee explique que la concurrence entre les pays capitalistes et socialistes a participé à faire avancer les droits démocratiques des femmes des pays capitalistes.
« Conscients des exigences de la biologie reproductive, les gouvernants de ces pays se sont également efforcés de collectiviser le travail domestique et la prise en charge des enfants, en mettant en place un réseau de garderies, de laveries et de cantines publiques. L’existence de congés maternité conséquents, avec l’assurance pour les femmes de retrouver leur emploi ensuite, ainsi que l’instauration d’allocations familiales permettaient aux femmes de trouver un meilleur équilibre entre leur travail et leur famille. Avec l’avènement de régimes socialistes au XXe siècle, les conditions de vie de millions de femmes ont connu une amélioration incontestable : la mortalité maternelle et infantile a diminué, l’espérance de vie a augmenté et l’analphabétisme a quasiment disparu. Pour ne prendre qu’un exemple, avant l’instauration du socialisme en 1945, la majorité des femmes albanaises étaient illettrées. À peine dix ans plus tard, tous les moins de 40 ans savaient lire et écrire et, dans les années 1980, la moitié de la population étudiante albanaise était composée de femmes. (Inès Armand, citée dans Barbara Evans Clements, Bolshevik Feminist: The Life of Aleksandra Kollontai, Bloomington, University of Indiana Press, 1979, p. 155; Fatos Tarifa “Disappearing from Politics (Albania)”, dans Marilyn Rueschemeyer (dir.), Women in the Politics of Postcommunist Eastern Europe, Armonk (NY), M.E. Sharpe, 1998, p. 269.) […] S’ils n’adoptaient pas tous les mêmes politiques, les gouvernements socialistes ont réduit de façon générale la dépendance économique des femmes vis-à-vis des hommes en s’assurant que tous les citoyens soient également bénéficiaires des services garantis par l’État. Ces politiques ont favorisé le découplage entre, d’un côté, l’amour et l’intimité, et de l’autre, les considérations économiques. Lorsque les femmes gagnent leur vie et lorsque l’État garantit une protection sociale aux personnes âgées, aux malades et aux handicapés, les femmes n’ont plus besoin d’entretenir des relations abusives, insatisfaisantes ou autrement nocives. Dans des pays comme la Pologne, la Hongrie, la Tchécoslovaquie, la Bulgarie, la Yougoslavie et l’Allemagne de l’Est, l’indépendance économique des femmes s’est traduite par le développement d’une culture où les relations personnelles étaient émancipées de l’influence du marché. Les femmes n’étaient pas obligées de se marier pour l’argent. (Katherine Verdery, What Was Communism and What Comes Next?, Princeton (NJ), Princeton University Press, 1996; Josie McLellan, Love in the Time of Communism: Intimacy and Sexuality in the GDR, Cambridge, Cambridge University Press, 2011.) »9
L’URSS a travaillé à socialiser le travail domestique, et à avancer vers l’égalité économique entre hommes et femmes. Ainsi les femmes ont pu se libérer partiellement de la domination masculine économique au sein de la famille.
« Les statistiques officielles de l’Organisation internationale du travail (OIT) révèlent le gouffre qui s’est creusé entre les économies socialistes et libérales en matière d’emploi des femmes. En 1950, les femmes représentaient 51,8 % de la population active en Union soviétique et 40,9 % en Europe de l’Est, contre 28,3 % en Amérique du Nord et 29,6 % en Europe de l’Ouest. En 1975, proclamée Année internationale de la femme par les Nations Unies, les femmes représentaient 49,7 % de la population active soviétique et 43,7 % de celle du bloc de l’Est, contre 37,4 % en Amérique du Nord et 32,7 % en Europe de l’Ouest. Selon l’OIT, les données sur la participation féminine à l’activité économique en URSS et dans les pays socialistes d’Europe montrent que les hommes et les femmes jouissent de droits égaux dans tous les domaines de la vie économique, politique et sociale. L’exercice de ces droits est garanti par des opportunités égales dans l’accès à l’éducation, à la formation professionnelle et au travail. (OIT et Institut international de recherche et de formation des Nations Unies pour la promotion de la femme (INSTRAW), “Women in Economic Activity: A Global Statistical Survey (1950–2000)”, 1985.) »10
En URSS, les femmes avaient quasiment les mêmes droits démocratiques que les hommes.
« Les socialistes ont compris depuis longtemps que, pour assurer l’équité entre les hommes et les femmes malgré leurs différences biologiques, il fallait mettre en place des structures collectives d’aide à l’éducation des enfants. Dès le milieu du xixe siècle, alors que les femmes rejoignent en nombre les rangs de la classe ouvrière en Europe, les socialistes défendent l’idée qu’il ne serait pas possible de construire un mouvement ouvrier puissant sans elles. Dès 1897, la féministe allemande Lily Braun prône l’instauration d’une assurance maternité financée par l’État. […] alors que Zetkin estime que le travail domestique et l’éducation des enfants doivent être pris en charge par l’État. […] Le quatrième point du programme socialiste de 1910 pose les fondements de toutes les politiques socialistes qui suivront concernant les responsabilités de l’État à l’égard des femmes qui travaillent. […] Sept ans plus tard, Kollontaï tentera de mettre en œuvre une partie de ces dispositions en Union soviétique, après la Révolution bolchevique. Pour éviter aux femmes d’avoir à assumer les travaux domestiques et l’éducation des enfants en plus de leur contribution à l’industrie, le jeune État soviétique projettera de construire des garderies, des jardins et des foyers d’enfants, ainsi que des cafétérias et des lavoirs publics. Ainsi, en 1919, le Huitième Congrès du Parti communiste chargera Kollontaï de prolonger son travail pour les femmes soviétiques, et l’État s’engagera à financer la construction d’un vaste réseau de services sociaux. La même année, on créera l’organisation Genotdel ou Section des femmes, avec pour mission de superviser la mise en œuvre d’un programme radical de réformes sociales destiné à permettre la complète émancipation des femmes. (Richard Stites, The Women’s Liberation Movement in Russia: Feminism, Nihilism, and Bolshevism, 1860–1930, Princeton (N), Princeton University Press, 1978; Gail Warshofsky Lapidus, Women in Soviet Society: Equality, Development, and Social Change, Berkeley, University of California Press, 1978; Beatrice Brodsky Farnsworth, “Bolshevism, the Woman Question, and Aleksandra Kollontai”, The American Historical Review, vol. 81, no 2, avril 1976, p, 296 ; Elizabeth A. Wood, The Baba and the Comrade: Gender and Politics in Revolutionary Russia, Bloomington, Indiana University Press, 1997.) Mais l’enthousiasme soviétique pour l’émancipation des femmes va se dissiper rapidement sous la pression de préoccupations démographiques, économiques et politiques plus urgentes. […] Aux États-Unis, par contre, il faudra attendre 1978 pour que soit promulguée une loi interdisant la discrimination à l’égard des femmes enceintes, et ce n’est qu’à partir de 1993 que les femmes pourront bénéficier d’une loi fédérale instituant un congé sans solde avec une clause de protection de l’emploi. À l’heure qu’il est, il n’existe toujours pas aux États-Unis de congé maternité rémunéré obligatoire (mais il est vrai que nous n’avons pas non plus de congé maladie obligatoire). »11
La socialisation du travail domestique s’est pourtant confrontée à la réalité des difficultés rencontrée par l’URSS. Malgré tout, les pays capitalistes étaient toujours gravement en retard sur la transformation des rapports au sein de la famille, et sur la prise en charge d’une partie du travail domestique par la société.
« Le décret de 1973 du Politburo bulgare évoque aussi la nécessité de rééduquer les hommes pour qu’ils fassent davantage de choses à la maison : La réduction et l’allègement du travail domestique des femmes dépend en grande partie de la participation commune des deux époux à l’organisation de la vie de famille. Il est par conséquent impératif : a) de combattre les opinions, les habitudes et les attitudes archaïques concernant la répartition du travail au sein de la famille ; b) de préparer les jeunes hommes à accomplir des tâches ménagères dès l’enfance et l’adolescence, et ce, tant à l’école et dans la société que dans la famille. (Parti communiste bulgare, Enhancing the Role of Women in the Building of a Developed Socialist Society: Decision of the Politburo of the Central Committee of the Bulgarian Communist Party of March 6, 1973, Sofia, Sofia Press, 1974, p. 10.) »12
Cet exemple nous montre que certaines mesures étaient prises par le haut, par l’État, afin de lutter contre l’inégalité dans le travail domestique. C’est l’acceptation de la nécessité de transformation de l’Homme pour dépasser la contradiction Homme-Femme.
« Au-delà de ces exemples notoires de la détermination des États socialistes à défendre les droits des femmes, ceux-ci n’ont pas tenu toutes leurs promesses. Au cours des 10 heures d’entretiens femmes, que j’ai réalisé entre 2010 et 2017 avec l’octogénaire Elena Lagadinova, la présidente du Comité du mouvement des femmes bulgares, cette dernière m’a confié ses déceptions. D’après elle, les pays d’Europe de l’Est n’ont pas eu le temps d’abolir l’idée séculaire selon laquelle les dirigeants doivent être des hommes. Non seulement les hommes ne voulaient pas de femmes au pouvoir, mais les femmes elles-mêmes n’étaient pas à l’aise avec le pouvoir, tant et si bien qu’elles ne soutenaient pas leurs camarades féminines et ne convoitaient pas les hautes sphères, leur préférant les coulisses. La haute politique, en Europe de l’Est comme ailleurs, était un lieu dangereux et semé d’embûches et de trahisons. Selon Lagadinova, les femmes n’étaient pas enclines à se prêter aux divers calculs et subterfuges nécessaires pour s’y imposer. Son organisation a bien essayé de promouvoir certaines candidatures féminines, mais la culture patriarcale des Balkans, doublée de l’autoritarisme d’un État dirigé par le même homme durant trente-cinq ans, dissuadait les femmes de se lancer. »13
Ici Kristen Ghodsee nous montre que l’inégalité politique entre les hommes et les femmes persistait malgré la socialisation du travail des femmes, l’égalité juridique, et la participation à la production sociale des femmes. La pratique en URSS démontre que la lutte contre la domination patriarcale doit être supérieure aux demandes économiques. Les demandes économiques doivent être dépassées. La lutte de la Femme doit être une lutte pour le pouvoir.
Bien évidemment, ces progrès se sont confrontés à la résistance des hommes comme des femmes, que ce soit dans les soviets ou dans le Parti, contre l’organisation des femmes mais surtout contre la prise de pouvoir des femmes. Les hommes défendent toujours leur domination, et les femmes peinent à sortir de leur rôle, à tuer la Femme en elles. Nous retrouvons ici le danger du manque de sororité, et du manque de volonté des femmes à prendre le pouvoir. La chute du bloc soviétique a fait reculer les droits des femmes, et du prolétariat en général, pour les remplacer par un capitalisme brutal. Les pays de l’Est sont devenus une plaque tournante de la traite des femmes, la Russie est devenue un État ultra patriarcal, où les luttes féministes sont interdites et où la plupart des communistes défendent des idées patriarcales.14
Actuellement nous pouvons étudier les cas de Guerres révolutionnaires menées par le Parti communiste d’Inde (maoïste) (PCI (maoïste)), le Parti communiste des Philippines (PCP), et le Parti communiste de Turquie — marxiste-léniniste (TKP-ML). Le PCI (maoïste), très peu communicatif parce qu’en clandestinité, a tout de même rendu public des mises à mort de violeurs, y compris de membres hauts gradés de leur armée rouge. C’est un exemple de violence anti-patriarcale radicale concrète, qui met en évidence le besoin de développer une forme de lutte offensive contre la violence masculine avant la révolution. Le TKP-ML, comme beaucoup d’autres Partis de Turquie et du Rojava depuis la révolution des femmes, a sa propre structure de femmes qui participe à la lutte armée. Dans toute la région, la constitution de groupes armés de femmes a permis d’accélérer l’avancée des droits des femmes. C’est la preuve dans la pratique que l’organisation et la violence des femmes a permis de faire pencher le rapport de force vers la Femme. Le PCP a mis en place un Bureau des femmes dès sa création en 1969, et a lui aussi des structures de femmes, et une large proportion de femmes engagées dans la guérilla. Les Partis les plus avancés dans le monde actuellement ont développé des structures de femmes, qui s’occupent de former théoriquement et militairement les femmes, les rendant indispensables pour ces mêmes Partis. Cette formation, en plus de la mise en place de quotas au sein des Partis, et d’une propagande en direction du recrutement des femmes, permet d’avancer vers la résolution de la contradiction Homme-Femme sans la remettre à plus tard. C’est une lutte actuelle, vivante, une reconnaissance de la nécessité de révolution des femmes.
Notre concept de dictature féministe n’est pas si éloigné du concept de révolution des femmes et de lutte contre l’hétéro-patriarcat théorisé par nos camarades du KKB (Union des femmes communistes) dans le TKP-ML : une lutte intense et violente doit être menée contre la violence de l’Homme.
2. Rupture avec le mouvement communiste
Pourquoi rompre avec le mouvement communiste sur la question du féminisme ?
Cette question renvoie directement à l’histoire complexe de notre organisation, à notre expérience concrète, ainsi qu’à celles de nos camarades femmes au cours des précédentes décennies.15 C’est-à-dire que nous constatons que le milieu militant français est une machine à broyer les femmes. Pourquoi ?
Premièrement, les hommes sont largement majoritaires dans les sectes françaises, ils bénéficient de l’avantage du nombre, en plus de bénéficier de leurs avantages patriarcaux — l’accumulation de certains types de savoir et la maîtrise des débats, de la conflictualité, de la violence, de la fraternité viriliste, etc. Les sectes sont composées majoritairement d’hommes, et ont donc une culture interne viriliste. Ce sont les hommes qui sont aux postes de direction politique, qui possèdent le pouvoir, et font tout pour le maintenir et pour garder un espace de « camaraderie » basé sur la masculinité (agréable pour eux mais repoussant pour les femmes). De fait, les revendications des femmes sont vues par ces derniers comme irritantes et perturbant leur confort, perturbant le bien-être du groupe, et donc de l’organisation entière. Les féministes « cassent l’ambiance en soirée » comme en Assemblée générale.
Deuxièmement, parce que les femmes sont peu nombreuses, elles prennent l’habitude d’être dans des groupes d’hommes. Ainsi, elles ne voient plus les problèmes qu’entraîne le virilisme dans leur organisation, parce qu’elles en ont fait une norme, et qu’elles cherchent l’approbation de leurs camarades hommes en validant et copiant les comportements virilistes. Elles ont appris à s’effacer toute leur vie, et par leur éducation et leur misogynie intériorisées, elles sont dans le déni du rapport de force entre hommes et femmes dans leur vie courante, dans leur famille, et dans leur organisation. La concurrence entre femmes est alors amplifiée, et malgré les discours féministes il n’y a pas de défense collective des femmes, même lors d’évènements graves. La sororité n’existe pas, la conflictualité entre femmes est démultipliée par rapport au reste de la population. Le haut niveau d’engagement politique et de recherche de sororité va de pair avec un manque de sororité supérieur à la normale.
Troisièmement, les femmes vont naturellement vers les domaines où elles sont meilleures que les hommes : les tâches organisationnelles. Elles négligent le travail théorico-politique et ne prennent pas le temps ni l’énergie d’étudier et de participer aux débats politiques. Il serait facile de ne voir qu’un aspect de cette situation, c’est-à-dire le manque d’espace accordé aux femmes pour mener à bien ce développement théorique, sans voir l’aspect le plus important. Le changement ne peut venir que de l’intérieur : les femmes doivent faire du développement théorico-politique une priorité, prendre leur place et transformer la structure de l’organisation sans attendre que l’organisation change d’elle-même.
Comme nous l’avons vu, il est simpliste de penser que les organisations communistes sont nocives pour les femmes uniquement parce qu’elles sont des nids à violeurs dominés par des hommes, et de ne pas voir le plus gros problème auquel tous les groupes communistes font face lorsqu’il s’agit d’aborder la contradiction Homme-Femme : les femmes communistes ne sont pas féministes, elles ne veulent pas être féministes, et elles ne veulent pas réellement se battre pour les droits politiques des femmes. Nous ne disons pas qu’il n’y a pas de féministes dans les organisations communistes, nous parlons d’une généralité, d’une moyenne. Nous ne disons pas que les comportements masculins violents ne sont pas un problème, nous disons que le problème est le manque d’intensité de la lutte contre ces comportements, lié au manque d’analyse correcte du rapport de force entre hommes et femmes, et au manque d’engagement des femmes. Les femmes ne peuvent transformer les hommes de leurs organisations que marginalement, mais elles ont le pouvoir de s’organiser entre femmes, elles ont le pouvoir de travailler à prendre le pouvoir. Avant de transformer les hommes, elles doivent se transformer, individuellement et collectivement.
A. L’antiféminisme des communistes
Dans le mouvement communiste international, la revendication du féminisme est extrêmement minoritaire. Cette position est cependant plus compréhensible dans les pays dominés semi-féodaux semi-coloniaux, parce qu’elle a une dimension anti-impérialiste, c’est-à-dire que les communistes des pays dominés rejettent le féminisme occidental. Les hommes et femmes des groupes communistes se battent généralement contre le féminisme, et ne défendent qu’une ligne vague de « lutte des femmes ».16 Cependant, lorsque les organisations et Partis des pays dominés parlent de lutte des femmes, c’est par anti-impérialisme. Lorsque les organisations des pays impérialistes parlent de lutte des femmes, c’est parce qu’elles sont réactionnaires et antiféministes. Ainsi les organisations communistes des pays dominés ne correspondent pas entièrement à notre critique, parce que ces organisations luttent aussi pour des droits politiques, en plus des droits économiques : elles luttent contre la domination patriarcale au sein de leurs organisations tout comme dans la société. Certaines de ces organisations parlent également de réaliser une révolution des femmes. Cependant, même les organisations des pays dominés rejettent l’étude des apports féministes et sont donc limitées dans leur analyse du patriarcat. C’est particulièrement le cas vis-à-vis de la nature de l’origine de la contradiction Homme-Femme, comme nous l’avons vu précédemment.
Dans le meilleur des cas, les groupes communistes des centres impérialistes se revendiquent du féminisme marxiste, courant qui néglige les apports des travaux des autres courants féministes et leurs avancées scientifiques, pour se concentrer sur des revendications démocratiques et économiques. Les revendications économiques et démocratiques, par exemple la lutte pour l’égalité des salaires, pour l’aide aux mères célibataires, etc., sont bien évidemment importantes. Mais elles ne sont pas suffisantes. Ces revendications sont des revendications spontanées des femmes pour des gains immédiats. Or, l’un des principes du léninisme est de politiser les revendications économiques et de conscientiser les revendications spontanées. Pour les communistes, le refus du féminisme est spontanéiste et économiste. Le refus du féminisme implique de se limiter à des revendications qui ne sont pas révolutionnaires, de refuser de s’attaquer à la résolution de la contradiction Homme-Femme, à la transformation totale du monde, pour les gains de long terme de l’humanité. Lorsque cette contradiction est jetée sous le tapis, qu’elle est ignorée, alors la classe est divisée. Les femmes prolétaires subissent la domination des hommes prolétaires : « l’homme est le bourgeois ; la femme joue le rôle du prolétariat ».
Les communistes des centres impérialistes ne font pas que se tromper, ils montrent surtout qu’ils ne s’intéressent pas à la résolution de la contradiction Homme-Femme. Il s’agit donc de leur imposer la lutte contre le patriarcat via la prise du pouvoir par la Femme. Les féministes doivent être à l’avant-garde de la révolution communiste, mais en même temps, elles doivent utiliser la révolution communiste pour la révolution féministe. La révolution démocratique est une nécessité pour la révolution communiste, mais elle n’est pas la révolution communiste, et la révolution communiste est une nécessité pour la révolution féministe, mais elle n’est pas la révolution féministe.
Le terme de « lutte des femmes » et le rejet du féminisme se traduisent dans les faits quasi exclusivement par une défense des droits économiques et un abandon de la lutte politique. C’est ainsi que nous arrivons au fond du problème vis-à-vis des groupes communistes en France de ces dernières décennies : les communistes ne peuvent pas défendre uniquement des droits économiques pour les femmes. Les femmes devraient selon eux attendre pour pouvoir lutter pour leur libération de la domination patriarcale, pour leurs revendications politiques, elles ne devraient pas combattre dès maintenant, et surtout, elles ne devraient jamais utiliser la violence, elles ne devraient pas diviser la lutte.
Pourtant, les travaux des féministes au cours du siècle dernier, particulièrement des féministes radicales matérialistes et socialistes, ont mis en évidence l’ampleur de la domination masculine par la violence dans toutes les sphères de la société, surtout dans l’intimité — la famille. Ces apports de la science bourgeoise sont bien évidemment critiquables et doivent être analysés via le matérialisme dialectique. Mais, en dehors de l’exploitation de leur force de travail, les femmes n’ont aujourd’hui de valeur que par leur qualité d’objets sexuels et de reproduction. Toute leur vie, leur éducation, leurs relations, les amènent à l’effacement d’elles-mêmes. Andrea Dworkin, dans Les femmes de droite, analyse la domination masculine via deux modèles : le bordel (la prostitution, les femmes comme objets sexuels) et la ferme (la maternité et le travail domestique). Ces modèles, et les conséquences qu’ils ont sur la vie des femmes, sur leur intimité, sur tout leur être, sont difficiles à admettre, parce qu’ils remettent en question toute notre vie. Les hommes sont mis à nus dans leur vraie nature17, les femmes comprennent qu’elles sont cernées par des « monstres ». Les communistes rejettent ce type d’analyses parce qu’elles ne sont pas superficielles et vont jusqu’au bout de l’analyse de la contradiction Homme-Femme. Pourtant, les hommes communistes comprennent parfois que les féministes radicales ont raison vis-à-vis de leur violence et de leurs privilèges. Ils défendent leurs intérêts d’hommes avant leur devoir communiste — avancer vers la fin des contradictions, dont la contradiction entre l’Homme et la Femme.
Les hommes, peu importe leur classe, race, orientation sexuelle, etc., ont l’habitude de l’exercice du pouvoir contre les femmes. Ils connaissent la violence, physique et psychologique, à la source de ce pouvoir. Elle les habite constamment, régit leurs relations aux autres humains, et parasite leurs désirs les plus profonds. Ils en sont maîtres et esclaves à la fois. En tant qu’acteurs de la violence, ils en comprennent l’intensité, ce qui leur permet donc de savoir qu’elle ne pourra pas être renversée sans violence, et que cette autre violence ne peut pas vaincre sans une intensité supérieure. Les hommes sont conscients du rapport de force existant entre hommes et femmes, ils en sont les dominants, et non seulement ils ne comptent pas perdre cette place, mais surtout ils comprennent l’ampleur de la tâche qui attend les femmes dans leur lutte.
Ainsi, il est plus facile pour les hommes communistes, majoritaires dans les organisations communistes, de comprendre quelle violence les femmes doivent exercer, mais surtout l’inévitabilité de cette dernière. Les hommes communistes ont peur du féminisme, tout autant que les mouvements masculinistes. Ce constat pousse de nombreux hommes et organisations communistes à se positionner contre le féminisme, sous couvert d’orthodoxie marxiste, par opportunisme. Ils savent ce qu’il coûterait de renverser leur pouvoir et leur domination, ils trouvent donc de bonnes raisons afin de justifier leur opportunisme, en appelant à l’unité entre camarades hommes et femmes, en dénonçant une déviation idéologique, en expliquant que la lutte féministe nie que la lutte des classes est la contradiction principale sous le capitalisme, etc. Ce faisant, ils font ce qu’ils accusent les féministes de faire : ils divisent les hommes et les femmes.
Ce refus de soutenir les luttes des femmes et les féministes au siècle dernier a provoqué un divorce au sein du mouvement ouvrier. Les communistes ont échoué dans leur devoir d’avant-garde en étant de facto du côté de la réaction, en restant figés plutôt que d’aller dans le sens de l’Histoire. La lutte pour le dépassement de la contradiction Homme-Femme est une nécessité qui n’attendra pas que les hommes et organisations communistes luttent pour ce dépassement. Des mouvements de masse et des organisations structurées émergeront et combattront pour ce dépassement, combattant au passage tout mouvement réactionnaire. La nécessité de la lutte pour le dépassement de cette contradiction s’étend aux autres contradictions telle que la contradiction entre la Société et la Nature — la lutte écologiste, aujourd’hui internationale, massive, offensive, pour laquelle le mouvement communiste est là aussi en retard. Le mouvement communiste actuellement en décomposition n’est pas à la hauteur de son devoir historique, sa science est atrophiée, sa force insuffisante.
Nous pouvons définir la « lutte des femmes » comme la lutte des femmes principalement prolétaires, secondairement femmes ; et le « féminisme » comme la lutte des femmes principalement femmes — les femmes en lutte contre les hommes. Nos camarades féministes sont communistes parce que pour se libérer du patriarcat, il faut se libérer du capitalisme. Assumer cette position nous met forcément en rupture avec le mouvement communiste, puisque même si nous savons que la contradiction principale dans la société française est celle entre Travail et Capital, nous défendons que les femmes doivent aussi lutter principalement pour la Femme. Nous pensons que cette position permet de faire avancer le mouvement communiste dans son ensemble, parce qu’elle permet d’aller dans le sens de l’Histoire, de sortir de la réaction, et parce qu’elle permet de renforcer l’engagement des femmes communistes. Les femmes féministes communistes s’engagent plus intensément dans la lutte des classes et dans leur développement en tant que cadres communistes que si elles restaient dans un rôle genré, soumises à la domination masculine. Notre ligne féministe répond à des besoins concrets mis en évidence par la pratique. Nous avons besoin de femmes formées et combatives pour construire le Parti, nous avons besoin que des femmes soient recrutées, qu’elles soient déterminées à lutter, qu’elles soient convaincues qu’elles se libéreront du Capital et du patriarcat, qu’elles mettent leur vie en jeu pour la libération de l’humanité entière, pour la transformation du monde.
Pour avoir ces femmes formées, nous mettons en place une ligne politique capable de lutter contre les poisons patriarcaux répandus chez les hommes et chez les femmes. Une ligne politique capable de lutter contre la violence des hommes, mais aussi contre la stagnation et la passivité des femmes.
B. En quoi les comportements patriarcaux sont un poison pour la lutte révolutionnaire ?
L’éducation patriarcale de l’Homme renforce les comportements nocifs pour les autres, et donc pour la lutte révolutionnaire. Outre les violences sexistes et sexuelles, ces défauts sont : l’individualisme, l’indiscipline, la vantardise, la création d’une hiérarchie masculine basée sur la force et le charisme, etc. Le patriarcat engendre des comportements libéraux tout autant que la culture petite-bourgeoise des centres impérialistes. Ainsi, le virilisme entretient la médiocrité du mouvement communiste français, et la stagnation et la médiocrité du mouvement communiste français renforcent sa culture viriliste.
Le virilisme des hommes communistes rend leur pratique performative, et surtout esthétique. Quand le virilisme rend la pratique performative, les actions sont pensées pour montrer sa force aux autres groupes d’hommes — y compris les actions en non-mixité femme qui reprennent les mêmes codes —, la stratégie de la propagande est viriliste, esthétique et mouvementiste. Les actions de propagande ne sont pas réfléchies, elles manquent de discipline, elles manquent de réflexion vis-à-vis de la balance entre bénéfices et risques. Les tactiques de recrutement se font envers les hommes. Au final, c’est la tactique viriliste qui devient stratégie. Le virilisme entretient le manque de sens de la pratique communiste dans les centres impérialistes. Nos esprits sont parasités par un univers communiste entièrement masculin, la pratique l’est donc également. La pratique, c’est-à-dire l’application de la théorie dans le réel, ne peut pas être miraculeusement déconnectée de la manière dont nous voyons le monde — à travers un filtre patriarcal. La pratique des hommes et des femmes communistes est une pratique entachée par le virilisme — virilisme qu’il faut combattre, comme le font nos camarades du TKP-ML lorsqu’ils disent qu’il faut « tuer l’Homme en soi ».
Les comportements patriarcaux créent un antagonisme entre hommes et femmes prolétaires. La contradiction Homme-Femme possède des aspects antagoniques et non antagoniques, comme toutes les contradictions. Il ne faut pas considérer une contradiction non antagonique comme étant antagonique. Cependant, refuser de voir qu’une contradiction est antagonique ne peut que renforcer l’antagonisme de celle-ci. Pour résoudre la contradiction Homme-Femme de manière non antagonique, il faut d’abord résoudre son antagonisme de manière antagonique. Ce ne sont pas les féministes qui créent une relation antagonique entre hommes et femmes, ce sont les hommes et femmes défendant les comportements patriarcaux, refusant de combattre leur propre misogynie, qui renforcent la contradiction Homme-Femme, et la rendent antagonique. Les féministes luttent pour que les problèmes soient abordés, et que des solutions soient trouvées. C’est-à-dire qu’elles imposent que la lutte des lignes soit visible, que la critique et l’autocritique se fassent, et que des solutions concrètes soient trouvées. Ce n’est que par l’acceptation de la réalité de la lutte entre l’Homme et la Femme, de la nécessité des positions radicales en faveur de la Femme, que l’antagonisme sera réellement combattu, et que la lutte révolutionnaire sera efficace.
Ainsi, pour une lutte des lignes saine au sein de l’organisation, pour une progression collective saine, des cadres femmes féministes communistes doivent être formées.
C. La formation des cadres femmes
Les organisations communistes doivent aujourd’hui avoir pour priorité de former des cadres communistes, comme nous l’avons développé dans Notes sur la situation et la stratégie en France (2024). Pour développer ces cadres, nous transformons les individus en partant de ce qu’elles et ils sont maintenant. C’est-à-dire que nous trouvons l’étincelle révolutionnaire en elles et eux, et nous la transformons en feu. Le féminisme, la colère des femmes contre les hommes, est une étincelle à nourrir, un potentiel révolutionnaire non négligeable. Les groupes communistes ont peur que cette colère se transforme en misandrie vide de conscience politique, et qu’elle détruise leur organisation. Pourtant, c’est bien l’absence de lutte féministe au sein des organisations communistes qui est le plus souvent source de scission. C’est l’absence de cadres politiques femmes, et la détention des pouvoirs par une élite d’intellectuels hommes, qui pose problème dans les organisations. Nier l’importance de la contradiction entre l’Homme et la Femme dans la vie de tous les jours, et donc dans les organisations elles-mêmes, c’est renforcer cette contradiction, aller vers des crises, et être démuni lors du déclenchement de ces crises.
Partir de la colère des femmes pour les transformer en cadres formées politiquement ne peut qu’aller dans le sens du développement d’une ligne juste, parce que la formation politique et idéologique permettra d’éviter les erreurs — la misandrie et le manque de sororité — tout en développant réellement le pouvoir concret des femmes au sein des organisations. Une absence de théorie marxiste et féministe va de pair avec une misandrie chaotique et dangereuse ; alors que le développement de la théorie marxiste et féministe, l’acceptation de la réalité du rapport de force entre l’Homme et la Femme, et la création d’une sororité forte, permettent le développement d’une camaraderie réellement saine entre hommes et femmes, et permettent une meilleure formation de cadres (hommes et femmes).
Le développement de ces cadres femmes communistes féministes se fait en même temps que la mise en place d’éléments de dictature féministe, de « discrimination positive », avec le consentement des camarades hommes, qui prennent la décision éclairée et non contrainte de lutter contre leur propre domination. Pourquoi ? Parce que les communistes se battent pour les intérêts historiques de l’humanité entière. Les hommes communistes travaillent à abandonner leurs intérêts patriarcaux de court terme afin de se battre pour les intérêts de l’humanité de long terme — dont la fin de la contradiction entre l’Homme et la Femme. Ainsi, un camarade homme qui veut se transformer afin de devenir cadre communiste doit se former au féminisme, et se soumettre à l’autorité de ses cadres communistes féministes. Les cadres femmes et hommes travaillent ensemble à la transformation collective, et en même temps luttent les unes et les uns contre les autres. Cette lutte renforce l’unité, et permet une transformation collective supérieure.
Mais que veut dire devenir cadre aujourd’hui en France ?
Devenir cadre communiste c’est faire le choix, aujourd’hui, de dédier sa vie au communisme, de tout faire pour se transformer et transformer les autres. Devenir cadre c’est se dédier à une cause supérieure, qui relie les communistes du monde entier entre eux, à travers le temps. Plus concrètement les cadres se forment constamment théoriquement et idéologiquement avec leurs camarades. La formation est collective, parce que le savoir est toujours collectif, l’évolution est toujours collective. Les camarades apprennent des expériences concrètes, des débats, des unes des autres. Être cadre c’est mettre en pratique la théorie. Nous pouvons résumer de manière schématique que la ligne juste se trouve collectivement en analysant la réalité concrète, puis les cadres trouvent comment appliquer cette ligne, passent à la pratique, avec succès et échecs, permettant au collectif d’apprendre des erreurs, et ainsi de suite. Bien évidemment, dans la situation actuelle d’absence de Parti, dans l’état sectaire du mouvement communiste, il n’existe pas de « vrais » cadres.
Dit plus vulgairement, être cadre communiste aujourd’hui c’est trouver le moyen de transformer des individus libéraux en militantes et militants communistes.
Les organisations communistes ont besoin de former le plus de cadres possible, parce que ce sont les cadres qui appliquent les lignes de l’organisation, qui agissent sur le réel. Ces cadres doivent être d’un haut niveau de qualité et doivent constamment progresser. À partir de ce constat, il est clair que l’absence de recrutement et de formation des femmes est un handicap important pour les organisations communistes — la moitié de la population n’est pas recrutable, les femmes des organisations ne sont pas formées —, alors elles passent à côté du recrutement et de la formation de cadres potentiels. Il est donc grave que les femmes communistes, particulièrement des centres impérialistes, stagnent dans des rôles organisationnels. La formation politique des femmes est une priorité.
Dans les centres impérialistes les femmes ne s’engagent que dans les luttes féministes, elles ne s’engageront pas en nombre dans les organisations communistes si ces organisations ne démontrent pas dans la théorie et dans la pratique leur volonté de s’attaquer à l’abolition de la domination de l’Homme sur la Femme.
Mais comment une femme peut-elle devenir cadre ? Comment une femme peut-elle trouver sa place dans le mouvement communiste aujourd’hui en France ?
Devenir cadre communiste est plus difficile pour les femmes que pour les hommes. Les femmes sont moins nombreuses, ont plus de tâches à accomplir dans leurs vies privée et militante, elles sont confrontées à des situations émotionnellement plus difficiles (notamment la gestion des violences sexuelles), leur autorité est constamment remise en question, et surtout elles doivent davantage se transformer que leurs camarades hommes. Pourquoi doivent-elles davantage se transformer ? Parce que les femmes, même celles qui s’engagent dans le communisme, sont généralement soumises et passives. Elles ont été conditionnées à l’être. Elles font tout pour être invisibles, pour combler les besoins des autres avant les leurs, pour transformer les autres avant elles-mêmes. Elles doivent apprendre à être là, à prendre de la place. Elles doivent apprendre à vouloir le pouvoir (sans copier les méthodes virilistes des hommes), elles doivent apprendre et transmettre le savoir, etc. En plus de se transformer, elles doivent transformer les autres femmes, et installer une base sur laquelle construire une sororité solide. Elles doivent prendre de la place pour elles et pour les autres femmes. Elles doivent combattre la volonté des autres femmes d’être des « mères » (remplir des rôles maternels dans les organisations et avec leurs camarades hommes).
Une femme peut devenir cadre communiste à la condition qu’elle décide de se battre pour elle et pour toutes les femmes dès maintenant. C’est la tâche des femmes communistes de construire le féminisme communiste, de recruter et former d’autres femmes, et ceci en étant dans une organisation communiste mixte, en grandissant et en se transformant avec les camarades hommes.
Mais comment recruter des femmes ?
Lorsqu’on est une femme en France aujourd’hui, la contradiction principale dans la vie de tous les jours est la contradiction entre l’Homme et la Femme, comme nous l’avons vu précédemment : « à des millions de moments dans la vie d’une femme, dans chacune de ses interactions avec les hommes, la contradiction principale qui détermine ces interactions hommes-femmes est la contradiction Homme-Femme ». Il semble donc logique que la plupart des femmes aient pour premier réflexe de s’engager dans des organisations féministes, et non dans des organisations communistes. Les communistes payent le prix fort de leur retard concernant le féminisme : les femmes ne s’engagent pas dans leurs organisations puisqu’elles n’y ont aucun intérêt immédiat visible. Pourquoi s’engager dans des organisations qui ne luttent pas dès maintenant pour les femmes ? Pourquoi s’engager dans des organisations qui traitent les femmes de la même manière qu’elles sont traitées dans le reste de la société ? Pourquoi s’engager dans une structure où la seule perspective est d’être ce qu’on est déjà dans la vie de tous les jours ? En posant ces questions, il devient également évident que le profil des femmes s’engageant dans les organisations féministes est atypique — ce ne sont pas nos meilleures représentantes.
Nous faisons plusieurs constats de la situation actuelle quant au recrutement de femmes dans les organisations communistes. Déjà, il est normal qu’au stade de développement sectaire les organisations soient en majorité masculines — tout comme il est normal qu’elles soient en minorité prolétaires. Nous devons donc développer le féminisme communiste avec peu de femmes, travailler à faire de la place pour des femmes qui ne sont pas encore là. Nous devons faire des efforts dans le recrutement de femmes, tout en sachant qu’elles auront moins tendance à s’engager dans nos organisations. Plusieurs solutions idéalistes nous ont déjà été proposées, comme celle de mettre en place des quotas. Ce genre de solution signifie la mort pour une secte, l’impossibilité de se développer. Les organisations communistes doivent toujours partir de leur situation concrète pour trouver des solutions concrètes. Le problème du recrutement des femmes dépend principalement de facteurs que nous ne contrôlons pas (les conditions de vie dans un centre impérialiste), mais il dépend dans une moindre mesure d’un facteur sur lequel nous avons un pouvoir : la qualité théorique. En parlant de féminisme, en travaillant la théorie féministe, en formant théoriquement des cadres communistes femmes, nous pourrons attirer des femmes déterminées.
Conclusion
« “Ce qu’ils ne peuvent et ne veulent pas voir, c’est que les soucis moraux sont une maladie au même titre que n’importe quelle affection physique.”
L’hystérie des femmes, c’est le résultat de cette impasse qui rend folle, la volonté et l’impossibilité d’en sortir :
“Je n’arrive pas à étouffer mon désir de tenter quelque chose”.
Elles disent l’attente éternelle des femmes — “attendre indéfiniment”, gémit Eleanor — qui ne disposent ni de leur temps ni de leur vie. Le socialisme les invite à la lutte des classes… mais à la patience dans leurs revendications féministes. Nouvelles Pénélopes dont I’Ulysse est la Révolution qui jamais ne vient. »18
La moitié de l’humanité est engagée dans une lutte contre l’autre moitié. Cette lutte nous unit toutes à travers les mêmes émotions, la plus intense étant la colère. La colère de ne rien pouvoir avoir, d’être confrontées aux mêmes murs, d’être invisibles dans un monde d’hommes. Cette colère ne doit pas rester isolée, sans but, sauvage. Elle doit être canalisée dans l’organisation et la lutte communiste, dans la transformation du monde.
Les organisations et Partis communistes évoluent lentement, mais nous sommes persuadés que lorsque le mouvement communiste sera de nouveau plus avancé sur la voie de son développement, le féminisme communiste le sera également.
Aujourd’hui, les communistes sont majoritairement des hommes, qui fantasment sur une histoire prolétarienne viriliste. Les femmes ne sont pas représentées, elles ne sont de toute façon pas la cible des recrutements. Pourtant, les femmes comme Eleanor Marx ont posé les premières pierres qui nous permettent aujourd’hui d’aller plus loin, d’avoir comme objectif la prise du pouvoir. Les fantômes invisibles de notre passé nous ont appris ce qui nous attend si nous ne comprenons pas la nécessité de ce combat, si nous demandons moins que la dictature féministe.
Devant ces sacrifices, ceux d’hier comme ceux d’aujourd’hui, que font toutes les camarades femmes, nous ne pouvons pas reculer. Nous ne cesserons jamais de demander plus, nous ne cesserons jamais d’avancer, parce que nous n’arriverons pas à « étouffer [notre] désir de tenter quelque chose ».
En tant que communistes notre objectif est de changer le monde. De changer l’humanité entière. Notre ambition est colossale. Elle ne peut que l’être tout autant vis-à-vis du féminisme. À la guerre de l’Homme contre la Femme, nous répondons par la guerre de la Femme contre l’Homme.
1 Pour plus de développement sur cette question, voir « Pourquoi défendre la libération nationale ? », Unité communiste, 4 juillet 2024.
2 Unité communiste, Sur Unité communiste, 2023.
3 K. Marx et F. Engels, L’idéologie allemande, 1846.
4 F. Engels, L’origine de la famille, de la propriété privée et de l’État, 1884.
5 Nous parlons ici de la contradiction précédent le patriarcat, entre mâle et femelle. La contradiction Homme-Femme est ce qu’Engels appelle la famille, ou ce que l’on peut appeler le patriarcat.
6 Ibidem.
7 Ibidem.
8 K. Ghodsee, Pourquoi les femmes ont une meilleure vie sexuelle sous le socialisme, 2018.
9 Ibidem.
10 Ibidem.
11 Ibidem.
12 Ibidem.
13 Ibidem.
14 Nous nous basons sur le témoignage de nos camarades féministes de l’Union maoïste de l’Oural.
15 La création de notre organisation est directement liée à une attaque misogyne contre l’une de nos camarades, d’un viol, et de la défense du violeur par le Parti communiste maoïste. Bien qu’une autocritique ait été effectuée par cette organisation, notre ligne féministe en fut marquée de manière indélébile. Nous avons vécu de près ce qui arrive dans la majorité des organisations : des femmes détruites par des hommes.
16 Par exemple, lors de la scission (déclenchée par une affaire de viol) des Jeunes révolutionnaires, et donc de la création de la Ligue de la jeunesse révolutionnaire, l’un des premiers textes écrits par ces derniers était antiféministe. Les mêmes femmes qui avaient défendu le violeur se sont concentrées sur le lancement d’un groupe défendant la « lutte des femmes », ne revendiquant que des droits économiques.
17 « Vraie nature » au sens de l’Homme comme socialement construit, non l’humain mâle.
18 M. Perrot, « Introduction », Les filles de Karl Marx, 1979.