Lyon : Anti-masques et antivaccins défilent.

Hier, près de 500 militants et militantes « anti-masque » et « antivaccins » se sont rassemblés place Lyautey, dans le très cossu sixième arrondissement de Lyon. A l’appel d’organisations telles que  «Pour les libertés » ; «Révolution des sourires » ; «Bon sens »…etc. Cette manifestation réclamait la fin de l’état d’urgence sanitaire, la suppression du port du masque et la fin de la campagne de vaccination.

Dans les rangs des manifestants et manifestantes, nous avons pu retrouver un certain nombre de « stars ». L’humoriste Jean-Marie Bigard et le collectionneur Pierre-Jean Chalençon étaient de la partie. A cela s’adjoint Francis Lalanne, le chanteur ex-gilet jaune ou Frigide Barjot, l’égérie de la Manif pour Tous. Enfin, la généticienne très controversée Alexandra Henrion-Caude a également pris la parole pour réclamer l’arrêt des vaccinations.

Nous comprenons bien sûr l’usure de plus d’un an de pandémie. Nous comprenons le fait que pour beaucoup, le poids des restrictions et des mesures de sécurité paraisse lourd. Il l’est d’autant plus que le gouvernement a opté pour une politique qui a fait peser la quasi-intégralité de celles-ci sur les loisirs et les services. Tout cela pour un résultat par ailleurs contestable : il y a eu largement plus de morts dans les 6 derniers mois que dans les 6 premiers.

La méfiance envers les institutions et le gouvernement est tout aussi légitime : après tout, le gouvernement est l’instance qui sert les intérêts des classes dominantes et des exploiteurs. Il est son conseil d’administration, chargé d’assurer un contrat social qui soit à la fois tolérable pour les exploités et profitable pour les exploiteurs. Et il est légitime de se révolter contre cet ordre.

La colère : une mauvaise conseillère.

Cependant, la colère, le ressentiment, le dépit, la frustration, sont des énergies qui peuvent aussi se retrouver canalisées dans la mauvaise direction. Cette alliance sinistre présente à Lyon ce samedi, à défaut d’être étonnante, est révélatrice. Elle rassemble populisme apolitique et extrême-droite complotiste dans un même marécage. Elle ne défend pas un autre monde, une autre organisation sociale, elle ne défend pas les intérêts des exploités et des exploitées. Elle défend simplement la liberté d’exploiter, au prix de la santé.

In fine, leurs revendications sont les mêmes que celles des ultra-libéraux : il faut accepter les morts, la maladie, la misère, tant que la liberté est protégée. Et cette liberté se résume ainsi : celle d’exploiter, d’être exploité, et de consommer.

C’est une colère qui conforte les exploiteurs, qui les renforce, qui les réjouit même : imaginez ce monde où les choix politiques sont ainsi faits : maintenir l’exploitation actuelle ou choisir de l’accroître au nom de la Liberté. Cette grande tolérance pour ces conceptions politiques se voit aisément : En dépit des infractions constantes aux règles sanitaires, la police semblait bien plus préoccupée par la manifestation de solidarité à la Palestine que par ce cluster ambulant.

Naufrage de l’anti-totalitarisme.

Nous ne pouvons pas non plus nous empêcher de tancer un peu ceux qui, de notre côté de la barricade, se crispent autour d’une analyse similaire. Croire qu’il est intéressant pour les exploiteurs d’aller vers une hypothétique société totalitaire, invention datant de la Guerre Froide, est une erreur. Les interfaces démocratiques (vote, élections, libertés formelles) permettent une domination nettement plus souple, et moins coûteuse !, que la dictature terroriste et la surveillance constante. Elles sont des armes de crise. Tant que l’adhésion à la démocratie bourgeoise n’est pas menacée profondément, tant que l’État peut diriger la société, pourquoi se priver de ce moyen qui, finalement, fonctionne bien ?

Aujourd’hui, nous observons un durcissement de l’appareil d’État, ainsi qu’un développement de plusieurs pratiques répressives importantes. Mais ces pratiques ne sont pas nouvelles : elles existaient sous la IIe, sous la IIIe et sous la IVe République aussi. Elles sont des armes de sécurité permettant d’écraser les menaces, mais sont-elles le prélude au fascisme ? En dehors du transfert d’une partie des pouvoirs répressifs à l’échelon administratif, ce qui est extrêmement inquiétant, la limite entre fascisme et démocratie est loin d’être franchie.

A force de voir du fascisme et du totalitarisme partout, certains finissent par défendre des thèses invraisemblables, et à rejoindre des « défenseurs de la liberté » aussi glorieux de Barjot, Bigard ou Lalanne. Pourtant la réalité démontre bien que cette « dictature sanitaire » n’est pas tant appréciée que cela par la bourgeoisie : et pour cause, elle réclame à cor et à cri la réouverture la plus rapide des commerces, des bureaux, des lieux de loisirs. Nous nous demandons comment ceux qui crient à la conspiration totalitaire sont capable d’expliquer ce revirement.

La réalité, est, que, une nouvelle fois, il faut que nous fassions aussi attention à quelle vision du monde nous avons. Savoir choisir entre deux visions :

Celle d’Orwell, et son 1984, qui, par antitotalitarisme, avait fini par se faire auxiliaire de police du Royaume-Uni. Il avait préféré défendre la démocratie bourgeoise et lutter contre toute tentative révolutionnaire, persuadée que celle-ci étranglerait les libertés. Celle d’un monde aseptisé, censuré, sous la botte tyrannique de « Big Brother » et du silence. Celle du Léviathan de Hobbes.

Ou celle d’Aldous Huxley, qui, dans Le meilleur des mondes, considérait que la société tyrannique était celle du plaisir, de la jouissance, de la consommation, de la liberté de façade, anesthésiante. Celle de la prison dorée, où nous vivons dans une bulle privilégiée. Une société dans laquelle la contestation politique est noyée dans le flux constant de données, d’informations non hiérarchisées, de bruit.

Même si la réponse se trouve variable en fonction des contextes et des situations, nous pouvons dire que, dans l’absolu, Huxley avait raison. Et les anti-masques participent aussi à faire vivre cette illusion, en plus de perpétuer un danger médical infernal.

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