Andréa Kotarac ; Comme un coup de tonnerre dans un ciel d’été.

L’annonce, par voie de presse, du ralliement de l’élu régional LFI du Rhône, Andréa Kotarac, au Rassemblement National, en a choqué plus d’un. À commencer par sa propre organisation, le Parti de Gauche 69. Celui-ci, de son propre aveu, s’est déclaré « consterné » par le fait d’apprendre du jour au lendemain cette trahison. 

« Une trahison préméditée, destinée à être annoncée au moment où elle nous ferait le plus de mal pour les élections européennes et concertée avec les cadres du RN, au vue de la promptitude avec laquelle le RN l’a relayée. »

Étant donné que, quelques jours auparavant, il répercutait toujours les publications de LFI, de Mélenchon, ou des soutiens de la campagne de Mme. Aubry, candidate aux élections européennes. 

Kotarac a ainsi déclaré à la presse et sur son compte tweeter que « La pensée mélenchoniste indépendante à laquelle j’ai adhéré est en ce moment minoritaire au sein de La France insoumise, voire ultra-minoritaire au sein de la gauche » et que, par voie de conséquence « J’appelle à voter pour la seule liste souverainiste, qui met en avant l’indépendance de la France et qui est la mieux à même de faire barrage à Emmanuel Macron. » Ce qui signifie, dans son esprit, voter pour le Rassemblement National. 

Il a cependant précisé qu’il n’adhérait pas à l’organisation d’extrême-droite. Le lendemain, Marine le Pen a, ainsi, déjeuné avec lui. Elle a déclaré : « J’ai déjeuné avec lui. Il m’a paru être un garçon extrêmement réfléchi et d’une grande honnêteté intellectuelle. D’après ce qu’il m’a dit, il fait partie de cette sensibilité qui a été mise à l’écart et qui ne se reconnaît plus dans La France insoumise aujourd’hui. » Ironie de la chose, il s’agissait d’une personne qui s’était investie « contre l’extrême-droite », particulièrement présente à Lyon.

Mais, à quelle sensibilité Marine Le Pen fait-elle allusion si ce n’est celle de Djordje Kuzmanovic ? Dans le fond, c’est aussi à lui, et aux individus qui partagent ses positions souvernainistes-réactionnaires, populistes et chauvines qu’elle s’adresse. 

Un certain nombre de militants et militantes de LFI ont pu être décontenancés par la posture de leur mouvement et de sa direction. En effet, les appels du pied à une candidature unique de gauche, ou du moins à un rassemblement, ont sonné comme un retour de Mélenchon à sa vieille famille politique, le PS, à une modération des positionnements sur l’Europe, à une liquidation de ce qui apparaissait comme le patrimoine génétique de LFI.

C’est une réaction logique et sincère. Effectivement, les élections et la pression qu’elles font peser sur les organisations politiques, fait que resurgissent les tambouilles, les arrangements, les accords. Il y a de quoi, en effet, être déçu.

Un grand nombre de ceux qui sont partis ont ciblé des procédés peu démocratiques au sein de LFI. Et nous souscrivons à certaines critiques. Cependant, il existe aussi une question idéologique de fond dans le départ d’individus comme Kuzmanovic ou Kotarac, et cette question de fond ne peut être éludée.

Indépendamment des critiques sur la démocratie interne ou les positions politiques de LFI, il existe une tendance réactionnaire puissante, qui s’est, ou s’était, organisée autour de la personne de Kuzmanovic. 
Kuzmanovic a eu régulièrement l’honneur de nos tribunes. Dans plusieurs articles, nous avions évoqué la tendance réactionnaire qu’il représentait au sein de LFI. 

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Nous avions caractérisé ses positions, qui alors semblaient majoritaires au sein de LFI, comme prêtant le flanc au social-chauvinisme et à la dérive réactionnaire. Ainsi, Kuzmanovic est rentré en pâmoison devant le développement d‘Aufstehen ! sous l’égide de Sarah Wagenknecht et d’Oskar Lafontaine. 

L’idée de base de la scission de Die Linke était de chasser sur les terres de l’extrême-droite Allemande, force montante au travers de Alternativ fur Deutschland. En reprenant un discours anti-immigration mâtiné de social, cette organisation pensait tirer profit de la grogne des masses populaires d’Allemagne pour engranger leurs voix. Dans les faits, chaque fois que des organisations ont fait ce choix, non seulement elles n’ont rien gagné, mais elles ont contribué à avaliser les thèses de l’extrême-droite.

Si La France Insoumise semble avoir été tentée un moment par l’aventure, elle semble s’être ravisée. Une des causes apparaît comme étant son hétérogénéité, qui rendait un virage aussi virulent impossible. Même si plusieurs thèses résolument sociale-chauvines sont présentes dans la littérature écrite par Mélenchon, celui-ci a disgracié Kuzmanovic, lequel, pour ne pas être exclu, a claqué la porte.

Kuzmanovic, lancé seul, a fondé République Souveraine. Dans les annonces de son départ et dans les corpus de textes de son organisation, il laisse libre cours, cette fois, à ses conceptions.

« Si la campagne présidentielle, pendant laquelle Jean-Luc Mélenchon a théorisé la rupture avec le clivage gauche-droite, a été portée par la stratégie populiste, les nouveaux cadres de la FI, arrivés avec la marée du succès et majoritairement issus du militantisme gauchiste, sont vite revenus à leurs vieux réflexes, éloignant le mouvement de la majorité du peuple français. (…) La complaisance des segments gauchistes de la FI à l’égard des thèses indigénistes, le mépris affiché pour les forces de l’ordre, la négation du problème posé par l’islamisme et le refus de regarder en face les défis posés par l’immigration ont produit des ravages dans notre électorat potentiel, faisant apparaître la FI comme la vieille gauche à peine repeinte, coupable du même angélisme, incapable de réalisme et de fermeté. »

Nous retrouvons là plusieurs conceptions ouvertement réactionnaires : une qui appelle de manière volontaire au développement d’une ligne « populiste » qui puisse « dépasser le clivage-gauche droite ». Seulement, Kuzmanovic ne prend guère le temps de nous expliquer ce qui constitue ce clivage, ni comment il comptait le dépasser. Tout au plus, en sommes-nous réduits à observer par la négative le contenu de sa position. « Le mépris affiché pour les forces de l’ordre, la négation du problème posé par l’islamisme et le refus de regarder en face les défis posés par l’immigration ont produit des ravages dans notre électorat potentiel. » Voilà qui nous éclaire partiellement. D’une part sur le fait qu’il aurait donc fallu soutenir les forces de l’ordre, dénoncer le « problème posé par l’islamisme » et regarder en face « les défis posés par l’immigration. ».

Voilà donc à quoi se référence Andréa Kotarac. 

Andréa Kotarac défend une vision assez particulière des choses : à ses yeux, il incarne, ainsi que Djorje Kuzmanovic, la vraie ligne Mélenchon, lequel serait pris en otage par son statut minoritaire au sein même du mouvement qu’il anime. Cette manière de voir les choses est probablement beaucoup plus tactique que mû par la sincérité. 

En se réclamant du vrai Mélenchon, Andréa Kotarac essaie de drainer ceux qui sont mécontents de la ligne de LFI mais qui maintiennent leur confiance dans sa direction. Il a ainsi tweeté : « On ne défend plus les intérêts du peuple mais ceux de la gauche (…) J’ai décidé de quitter @FranceInsoumise (…) Mélenchon n’est pas un dictateur ou Dracula (…) mais sa pensée est minoritaire au sein de LFI. »
Kuzmanovic, au moins, avait eu l’honnêteté de cracher son venin jusqu’au bout. 

Sur le fond, qu’en est il ? Kotarac a été qualifié à plusieurs reprises d’opportuniste. Il semble qu’il ne soit pas à son premier revirement. 

La question demeure. Est-ce par opportunisme ou par pensée idéologique que Andréa Kotarac a agi ? Difficile à dire. La vérité se situe probablement entre les deux. 

Il n’est absolument pas impossible qu’Alexandre Kotarac ait de grandes sympathies pour la ligne sociale-chauvine -certains diraient sociale-fasciste- défendue par Djordje Kuzmanovic et ses fidèles. Il est tout à fait plausible que lorsqu’il tient des propos ambigus sur l’immigration ( « Sur l’immigration, @JLMelenchon a un bon constat, il a dit que l’immigration était une souffrance. (…) puisque c’est une souffrance, il faut l’arrêter. (…) Je préfère que les gens vivent dignement, fièrement, chez eux. ») il dise fondamentalement ce qu’il pense. 

Il est tout à fait plausible que lorsqu’il est parti à Yalta, dans l’Ukraine occupée par l’Armée russe, ce soit réellement par sympathie pour Poutine.

Étant donné le fait qu’il répercutait les publications d’auteurs réactionnaires, à l’image de Natacha Polony, il est, effectivement, fort possible qu’Andréa Kotarac vive son passage d’une rive à l’autre comme une libération, lui permettant de vivre en plein jour sa vraie nature politique. 

Mais malgré tout cela, s’il s’agissait d’une position idéologique, pourquoi ne pas avoir suivi Kuzmanovic, ou pourquoi attendre maintenant ? Probablement parce que, en plus de ce positionnement idéologique, même au-delà de celui-ci, se trouve également un appétit de carrière. Il pouvait tout à fait garder ses pensées pour lui tant qu’une opportunité de trouver une place dans l’autre camp ne se manifestait pas. Mais des appels de l’œil ou du pied et l’espoir de trouver une place dans un nouvel appareil lui ont fait sauter le pas. 

Nous ne partageons pas la stratégie de LFI, ni un grand nombre de ses positions. Cependant, le fait qu’une cinquième colonne, du type de Kuzmanovic ou Kotarac passe à l’ennemi, ou plutôt se démasque, est un mal pour un bien.

Nous pensons que ceux qui décident de flirter avec l’extrême-droite, de reprendre ses thèses, de défendre des positions in fine similaires seront nombreux de plus en plus nombreux à sauter le pas. Faut-il les regretter ou se réjouir qu’ils se démasquent maintenant ?

Nous pensons que la décantation réactionnaire touche toutes les organisations, qu’elles soient de gauche ou de droite traditionnelle. Cette décantation se produit du fait de l’approfondissement toujours plus intense de la crise économique, des attaques brutales sur le niveau de vie, mais également du durcissement des relations internationales. 

Face à l’hégémonie de thèses ultra-réactionnaires, la réponse n’est pas de parler sur le même terrain que ceux qui les défendent. Elle est, au contraire, de les combattre pied à pied, de les détruire, de forger l’unité populaire. Dans la lutte des Gilets Jaunes, un creuset commun, unissant par-delà les origines et les croyances, s’est construit. Il a montré que l’unité n’était pas nationale, mais populaire. C’est là l’exemple à suivre !

Chassons les Andréa Kotarac de nos organisations ! Aucune places, aucun poste, aucune sinécure pour les transfuges du fascisme !

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