Lettre ouverte aux militants et militantes de la France Insoumise.

Lettre ouverte aux militants et militantes de la France Insoumise.

E. Vertuis.

Camarades,
Nous vous appelons ainsi, car nous pensons que c’est ce que nous sommes, malgré les fossés qui nous séparent. Nous pensons que, chacun dans notre voie, nous voulons œuvrer à un monde plus juste, égalitaire, où l’exploitation et les oppressions feront partie du passé.

Nous ne doutons pas, pour la très large majorité d’entre vous -n’y a t’il pas toujours des opportunistes ?- de la sincérité de votre engagement, de votre volonté, de votre dévouement aux causes et aux luttes. C’est pour cette raison que nous nous adressons à vous.

Parce que nous connaissons certains et certaines d’entre vous, parce que nous savons ce qu’ils et elles pensent. Parce que nous voulons faire ceci avant qu’il ne soit trop tard.

Vous sentez-vous en accord avec la position que prend la France Insoumise quant au refus de signer l’appel à accueillir les réfugiés et réfugiées ? Vous sentez vous en accord avec les déclarations de Djorje Kuzmanovic à l’Obs ? Avec celles de Raquel Garrido ? Avec celles d’Adrien Quattenens ? Avec celles de Jean-Luc Mélenchon ?

Vous retrouvez-vous dans le fait de ne pas signer l’appel des 150 personnes ? Vous souvenez-vous du moment où vous avez été consultés sur le fait d’être contre la liberté d’installation ? Nous disons bien contre, pas de ne pas avoir de position, mais bien d’être contre.

Quand cela a-t-il eu lieu ? 

Nous, extérieurement, avons le sentiment que vous avez été trahis par les dirigeants de ce mouvement, qui n’ont pas de considération pour vos opinions et vos avis. Que l’absence de congrès, l’absence de centralisme démocratique, que même l’absence de démocratie tout court, règne. Nous avons le sentiment que vous êtes prisonniers des éléments.

Certes, il existe un syndrome de Stockholm dans ce cas de figure. On se persuade que les positions qui sont déclarées ne sont pas « bien dites », qu’il y a des « ambiguïtés », que les choses sont extrapolées et sorties de leur contexte.

Nous comprenons cela. Mais nous vous demandons d’ouvrir les yeux.

Et si vous êtes d’accord avec cette position, nous vous disons ceci :
nous sommes dans une période ou effectivement les tensions internationales sont à leur comble et où le risque d’un conflit majeur se profile. Or, dans cette multitude de foyers qui brûlent déjà, la France possède une part de responsabilité directe. Son impérialisme, que certains s’échinent à nier, sur lesquels il n’existe pas une ligne dans l’Ere du peuple, est un incendiaire forcené, un criminel en puissance, un génocidaire assoupi d’un court sommeil.

Parler de tarir les sources des départs sans pointer du doigt la responsabilité des monopoles, de Total, d’Areva, de Dassault, de Thalès, d’Alstom ou d’autres, cela revient à lancer des prière, des incantations. Oui, il faut les tarir. Mais quand ? Comment ?

Pour le moment, il n’est pas possible de le faire. Or, les corps flottants dans la mer sont là, maintenant. Ils ne sont pas des hypothèses de demain, ils sont des morts d’aujourd’hui. Dire : « Nous refusons les accueillir pour ne pas encourager les départs » revient à dire « nous passons ceux qui traversent la mer en pertes et profits politiques ».

Peut-être, si jamais un jour les dirigeants de votre mouvement sont élus, peut-être, par des incantations magiques, ils pourront mettre fin aux départs. Peut-être. Mais ils n’ont pas le pouvoir. Et la question de l’immédiateté se pose. L’Aquarius n’a pas besoin d’aide dans 4 ans. Il en a besoin maintenant.
Il est dit que les migrants pourraient faire baisser les salaires en France en créant un dumping. Comment arrivez-vous à croire à ces sornettes ? Avec 3 454 000 chômeurs déclarés en France aujourd’hui, croire que les quelques milliers de réfugiés et de migrants vont bouleverser la situation, c’est se moquer du monde. Le travail au noir ne porte pas ce nom à cause de la couleur de la peau de ceux qui y ont recours.
Ce sont les lois antisociales qui baissent les salaires, ce sont les plans de la grande bourgeoisie française. Ce sont ces coups de poignard qui brisent le niveau de vie des ménages, qui font réduire l’espérance de vie, qui dessinent un bien sombre avenir pour les masses. Les réfugiés, les migrants et les migrantes n’ont aucun impact là-dessus. Même au contraire !

Dans cette version de l’histoire de France que nous, communistes, aimons, l’histoire de ses luttes et de sa classe ouvrière, les migrants, les réfugiés, les étrangers ont toujours lutté côtes-à-côtes avec les autres travailleurs. Les briseurs de grève, les syndicats jaunes, les chiens du capital, ce n’étaient pas eux, ce n’était pas elles. Même dans les heures les plus graves, derrière les fusils de la résistance, ce fut bien souvent des Espagnols, des arméniens, des italiens ou d’autres encore. .

Nous serions des libéraux, nous, communistes, que de vouloir ouvrir les frontières aux hommes et aux femmes qui souffrent et meurent ? Mais les frontières sont déjà ouvertes pour les capitaux, les marchandises, pour les tentacules de l’impérialisme. Pour les expatriés qui quittent la France, et qui, eux, ne sont jamais vus comme des voleurs de travail. Seuls les laissés-pour-compte restent au pied de la forteresse Europe.

Et voilà que l’UE, que ses directives, sont invoquées. Essayez, camarades, de lire le Hareng de Bismarck sans rire, sans pleurer. La France rabougrie, la France brisée et dominée par l’Allemagne… que de faussetés.

Par une ironie des choses, nous qui haïssons le chauvinisme, traçons un portrait beaucoup plus glorieux de l’état de notre économie et de la force de notre pays que les nationalistes les plus virulents. Non, les discours pleurnicheurs n’ont pas leur place. La France, sa bourgeoisie monopolistique, son impérialisme, est forte. Elle n’est ni brisée, ni dominée par l’Allemagne, ni par l’UE, ni par les USA ou l’OTAN. Elle est une puissance militaire, économique et diplomatique. Si jamais, un jour, les traités européens brimeraient les interêts de ses classes dominantes, elles les écarteraient d’un revers de la main.

Non, la France n’est pas menacée. Elle écrase. Elle domine. Elle dicte sa loi par le Franc CFA, par son armée qui occupe et pille l’Afrique.

Non, il n’existe pas de raisons pour justifier de laisser les réfugiés mourir dehors. Pour ne pas les accueillir, pour ne pas qu’ils s’installent pleinement, jusqu’à ce qu’ils aient envie, s’ils le désirent, de rentrer chez eux, une fois la tempête passée.

Il n’existe pas de raisons objectives, juste des excuses. Juste l’idée que le rejet de l’accueil des migrants est un vox populi qu’il faut écouter, qu’il faut intégrer dans le programme, pour refléter les désirs de celui-ci.

Or, c’est le moment où cette intégration des idées fausses se met à primer sur le contenu idéologique, sur la solidarité entre les opprimés et les exploités, c’est ce moment où l’opportunisme devient le maître absolu que la ligne rouge est franchie.

Et, en voulant coller aux désirs réactionnaires qui peuvent exister dans les masses, parce qu’elles sont intoxiquées par la propagande bourgeoise, en ne portant plus la lance de lutte idéologique, vous perdrez tout.

Vous perdrez tout, car, en chassant sur les terres de l’extrême-droite, vous ne serez jamais qu’une version light. Qu’un ersatz. Vous ne gagnerez pas de suffrages. Pire, en légitimant les pensées réactionnaires, en ouvrant les vannes du barrage aux idées nauséabondes, vous les avalisez, vous les adoubez. Vous adoubez la divison dans le camp du peuple. Vous ouvrez la voie aux thèses pogromistes.

Vous perdrez tout, parce que ceux qui sont sincères vous fuiront. Ils vous isoleront, vous jetteront aux poubelles de l’histoire. Vous serez seuls, méprisés et haïs.

Il n’est pas encore trop tard. Il est possible de dénoncer cette ligne, de dénoncer le coup d’état que la direction de LFI a opéré sur des militants et des militantes honnêtes et sincères. Il n’est pas trop tard pour serrer les rangs contre l’extrême-droite et soutenir nos frères et nos sœurs, qui meurent en fuyant les guerres que notre bourgeoisie allume.

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