Une seule étincelle peut déclencher un incendie de commissariat (For the People – Twin Cities)
Cette déclaration a été écrite par les camarades de l’organisation For The People – Twin Cities, basé à Minneapolis, cœur des protestations aux États-Unis d’Amérique, et publié sur le journal The People’s Voice News. En voici la traduction.
Une seule étincelle peut déclencher un incendie de commissariat, sur la victoire historique des habitants de Minneapolis au 3e district
Dans la nuit du 28 mai, le peuple, les masses colonisées (en particulier les masses New Afrikan) de Minneapolis ont remporté une énorme victoire. Ils se sont soulevés, au nom de la justice pour George Floyd et tous les noirs et indigènes qui ont été assassinés par l’État colonisateur, et ont chassé les porcs de leur forteresse d’étain, ont pris leurs armes, les ont redistribuées et ont brûlé la station. Le peuple réclame ce qui lui revient de droit par un militantisme pur et dur. L’État colonial-impérialiste des soi-disant “États-Unis” s’effondre sous nos yeux. Le peuple comprend les mensonges du réformisme et de l’électoralisme, leurs fausses promesses, et il a déclaré “Plus jamais ça ! Assez, c’est assez !”. Ainsi ils ont appris leur propre pouvoir, et que lorsqu’ils sont unis, rien ne peut les arrêter.
En outre, il convient de noter que ce qui a été démontré à Minneapolis ce soir-là (et les soirées qui ont suivi) symbolise les principes de la guerre populaire prolongée en microcosme. Pendant trois jours, le peuple s’est rassemblé à l’extérieur du commissariat, jetant des bouteilles, tirant des feux d’artifice sur les cochons, éteignant les gaz lacrymogènes, pillant un magasin Target [chaîne américaine de grande distribution, NDT.] pour redistribuer les richesses, abattant les barricades… Ils étaient inébranlables. Ils sont passés d’une stratégie défensive, définie par des retraites et des regroupements tactiques occasionnels, à un équilibre stratégique dans lequel les masses avaient acquis la position nécessaire pour commencer à défier véritablement la ligne de défense du commissariat, et enfin à l’offensive stratégique, qui a culminé avec la prise d’assaut, l’expropriation et la destruction du commissariat. Rien ne pouvait les arrêter, et ils ne tardèrent pas à déclarer la victoire, les porcs détruisant leur propre barricade pour échapper à la juste colère des masses. Et avec le feu de la forteresse d’étain en arrière-plan, le peuple buvait, dansait, riait, faisait la fête. Un vestige vaincu, le peuple en liesse. Le tigre de papier était battu par le vent et la pluie.
Un nouvel avenir est possible, et, osons le dire, à notre portée. Un optimisme révolutionnaire est justifié. Le nihilisme et le défaitisme reflètent un révolutionnaire qui n’écoute pas le peuple, qui ne suit pas la ligne de masse, qui ne fait aucune enquête sociale mais s’assied et exige des autres qu’ils s’engagent dans des débats idéologiques mesquins et insipides, ou dans des projets réformistes inutiles. Ce n’est pas un allié du peuple, et le peuple le sait. Ils comprennent mieux leur propre lutte militante que quelqu’un qui s’est assis et a mémorisé toutes les œuvres de Lénine et de Mao mais n’a pas réellement appliqué ce savoir pour lutter et se battre à leurs côtés.
La situation est révélatrice de qui, parmi les masses, est le plus avancé et le plus militant, et c’est avec eux que l’avenir de l’humanité est possible. Nous devons nous unir à eux, nous devons nous battre à leurs côtés et apprendre avec eux par la lutte et par le combat.
Et si l’optimisme révolutionnaire est justifié, nous devons aussi reconnaître que ces soulèvements sont spontanés. Ils manquent de direction et d’organisation claire, même avec leur succès profond, et à mesure que les succès des soulèvements spontanés s’accumulent, nous voyons la nécessité d’élaborer un plan de longévité avec le peuple. Notre tâche principale en tant que communistes est de travailler sans relâche pour transformer le caractère de ce soulèvement de celui de rébellion spontanée à celui de révolution organisée et soutenue, et nous savons qu’en ce qui concerne l’apprentissage de la réalisation de cette tâche, il n’y a pas de meilleur enseignant que l’expérience dans le creuset de la lutte elle-même. Les porcs se fatigueront et s’affaibliront, et nous raffermirons nos forces et notre pouvoir. Laissons le peuple porter cette première victoire parmi tant d’autres à venir. C’est le début d’un mouvement qui ne peut être arrêté ; pas quand le peuple est conscient du pouvoir qu’il a entre les mains, des centaines de mains qui ont pris d’assaut le commissariat. C’est la juste rage du peuple qui brûle, un feu et qui ne sera étouffée par aucun porc et aucun État colonisateur. Maintenant plus que jamais, nous voyons par notre propre expérience ce que Mao voulait vraiment dire quand il disait “une seule étincelle peut allumer un feu de prairie”… Ou dans ce cas, un feu de commissariat.
Ensemble et en avant !
For the People – Twin Cities
Traduction : E. Deka
D’accord, mais je suis réservé quant aux références décoloniales genre PIR, etc … En quoi les EUA sont des colonisateurs (quelles sont leurs colonies ?) ? Esclavagistes oui, mais colonisateurs ?? J’ai l’impression de lire le plus mauvais de nos indigéno-communautaristes. Si les EUA sont colonisateurs c’est vis à vis des peuples autochtones. Les afro-amériacins font parti de la colonisation en tant que main d’œuvre forcée (idem pour les noirs des Antilles qui sont venus avec les colons européens). L’histoire est dure mais ces africains des Amériques ne sont pas colonisés en ces lieux, même s’ils viennent d’anciennes colonies. Fausser l’histoire n’a rien de bon quand nous sommes révolutionnaires, pas plus que de prendre des raccourcis de pensée (nb : je vois bien ce que veulent transmettre les camarades mais, ce n’est pas crédible, écrit comme ça).
Bonjour, ici M. de UCL, je me permet de répondre en mon propre nom. La communauté afro-américaine, avec l’entité territoriale que représente la black belt, constitue matériellement une nation, une nation récente certes, et crée de force lors du processus de main d’œuvre forcée, mais une nation qui ne dispose pas d’elle-même, de même que les nombreuses nations natives existent encore avec des revendications territoriales, et des entités géographiques délimitées par l’état Américain lors du processus d’invasion. Il ne faut pas mélanger la manière dont se présente la question en France et aux États Unis. Les Etats-Unis sont en soi une colonie d’installation, ce qui différencie très largement les deux situations, tout comme l’Algérie française, Israël, l’Afrique du Sud ou l’Australie. Dans cette optique, les camarades se réfèrent à la ligne du Black Panther Party, et à une lecture strictement marxiste de la question nationale, pas aux élucubrations postmodernes essentialistes ou au PIR. Je vous recommande de vous attarder sur d’autres textes à disposition sur leur site, ainsi qu’à leurs documents de référence pour une discussion plus approfondie sur la ligne de nos camarades!
Et je me permet d’ajouter que les états unis, en plus d’être en soi une colonie, possèdent des colonies, actuellement porto rico et hawaii, entre autres.
Sans vouloir faire dans l’argument d’autorité, Mao déclarait en 1968:
“Cette lutte n’est pas seulement une lutte pour la liberté et l’émancipation menée par les Afro-américains exploités et opprimés ; elle est aussi un nouvel appel de clairon dans la lutte de tous les Américains exploités et opprimés contre la féroce domination de la bourgeoisie monopoliste. Elle constitue pour tous les peuples du monde comme pour le peuple vietnamien un puissant soutien et un immense encouragement dans leur lutte contre l’impérialisme américain. Au nom du peuple chinois, j’exprime mon ferme soutien à la juste lutte des Afro-américains.
La discrimination raciale qui sévit aux Etats-Unis est un produit du système colonialiste et impérialiste. La contradiction entre les masses afro-américaines et la clique dominante de ce pays est une contradiction de classes. Ce n’est que par le renversement de la domination réactionnaire de la bourgeoisie monopoliste américaine et la destruction du système colonialiste et impérialiste que les Afro-américains parviendront à une émancipation totale.
Les masses afro-américaines et les travailleurs blancs des Etats-Unis ont des intérêts et des objectifs de lutte communs. Aussi la lutte des Afro-américains bénéficie-t-elle de la sympathie et du soutien d’un nombre toujours croissant de travailleurs et de progressistes blancs du pays. Cette lutte s’unira nécessairement avec le mouvement ouvrier américain : ainsi sera-t-il mis fin, une fois pour toutes, à la domination criminelle de la bourgeoisie monopoliste des Etats-Unis.
Je soulignais, en 1963, dans ma « Déclaration pour soutenir les Afro-américains dans leur juste lutte contre la discrimination raciale pratiquée par l’impérialisme américain », que « l’exécrable système colonialiste et impérialiste, dont la prospérité a débuté avec l’asservissement et la traite des Noirs, disparaîtra avec l’émancipation complète des Noirs ». Je maintiens toujours ce point de vue.
A l’heure actuelle, la révolution mondiale est entrée dans une nouvelle et grande époque. La lutte des Afro-américains pour l’émancipation est une composante de la lutte générale des peuples du monde contre l’impérialisme américain, une composante de la révolution mondiale de notre temps. J’appelle les ouvriers, les paysans et les intellectuels révolutionnaires de tous les pays ainsi que tous ceux qui veulent combattre l’impérialisme américain à passer à l’action et à manifester une puissante solidarité aux Afro-américains en lutte.
Peuples du monde, unissez-vous plus étroitement encore, lancez des attaques violentes et soutenues contre notre ennemi commun, l’impérialisme américain, et contre ses complices ! On peut affirmer que le jour n’est plus éloigné qui verra l’effondrement total du colonialisme, de l’impérialisme et de tous les systèmes d’exploitation, ainsi que l’émancipation complète des peuples et des nations opprimés du monde entier.”
“Les masses afro-américaines et les travailleurs blancs des Etats-Unis ont des intérêts et des objectifs de lutte communs ….. ainsi sera-t-il mis fin, une fois pour toutes, à la domination criminelle de la bourgeoisie monopoliste des Etats-Unis”
C’est vrai, dans l’idéal révolutionnaire. Mais dans la réalité des EUA d’aujourd’hui, c’est plus complexe. Le mouvement antiraciste aux EUA qui domine la vie politique est dominé (comme en France) par la tendance communautaro-indigéniste. C’est à dire que l’aspect unité de classe des prolétaires, quelque soit leur origine, est exclu de l’action. A tel point que les prolétaires pauvres “blancs” (si, si, il y en a), sont, de fait, ignorés. Car ce mouvement, dans son expression majoritaire (y compris de la part de leurs membres “blancs”), ne place pas la lutte contre l’état dans le cadre de la lutte des classes. C’est un peu ce qui se passe en France, quand une partie de l’extrême-gauche (sensée avoir une lecture et donc une pratique de classe des mouvements sociaux et sociétaux) se met à la remorque des indigénistes pour compenser une absence totale de pratique communiste sur le terrain.
Le candidat qui avait compris cela aux EUA était B Sanders. Il en a même été critiqué de façon virulente lors d’une intervention dans une université (universitaires petits-bourgeois de gauche = base sociale de ce mouvement communautariste). A un moment, B Obama, alors président, avait orienté aussi son intérêt et son discours vers ces prolétaires “blancs” pauvres ; sous quelle pression a-t-il changé d’avis ?
Bref, tout ça pour dire que nous communistes, devons nous décaler un peu et ne pas céder aux mouvements affectifs et médiatiques qui risque de finir en division artificiellement entretenue au sein du prolétariat (pour les besoins de qui ?). Nous avons la boussole L et la pratique de camarades pour réagir et agir.
Merci de ce débat.