Par le professeur Jose Maria Sison
Président de l’International League of People Struggle.
Le 19 mars 2019
Le professeur José Maria Sison, président de la Ligue internationale de la lutte des peuples (ILPS), compare favorablement le mouvement français des Gilets Jaunes » aux manifestations de masse de mai 1968 en France, notamment en ce qui concerne le militantisme et l’opposition à l’establishment capitaliste « . Il explique que les manifestants en gilet jaune » bénéficient du soutien des larges masses populaires » qui condamnent le banquier néolibéral français devenu président, Emmanuel Macron. Alors que le mouvement « souffre du même caractère populiste excessivement horizontaliste » et de l’absence de direction prolétarienne révolutionnaire, Sison souligne que « le mouvement des Gilets Jaunes est le bienvenu et digne d’éloges, pour avoir accepté les revendications justes de la classe ouvrière et de la classe moyenne, et exposé les graves maux du système capitaliste oppresseur et exploiteur au pouvoir« . Le texte intégral de la déclaration du président de l’ILPS suit.
Le 17 novembre 2018, 300 000 personnes de la classe ouvrière et de la classe moyenne, principalement des banlieues et des zones rurales de France, se sont mobilisées lors de manifestations de masse. Leur but était de protester contre la hausse des taxes sur les carburants et la hausse des prix des carburants. Comme symbole de ralliement, ils portaient la veste jaune pour signaler leur détresse économique et sociale. Ils avaient été inspirés par une pétition en ligne signée par près d’un million de personnes.
Dix-huit
manifestations de masse, centrées à Paris et organisées dans tout
le pays, ont éclaté jusqu’à la dernière du 16 mars 2019 surnommée
« L’Ultimatum ». Les justes revendications du mouvement des
Gilets Jaunes se sont étendues de la baisse des taxes sur les
carburants à la réintroduction de l’impôt de solidarité sur la
fortune, l’augmentation du salaire minimum, l’expansion des services
sociaux, la mise en place de référendums d’initiative citoyenne et
la démission du président Macron et [la fin de] son régime.
Le régime Macron a réagi d’une main de fer en lançant des attaques physiques, réalisées par la police, contre les manifestants. Ces attaques ont été faites à l’aide de canons à eau, de grenades lacrymogènes, de flashball et de charges à la matraque. Il est juste que les manifestants aient riposté en utilisant des bâtons, des pavés, des barrages de voitures, par le contrôle des routes et des ronds-points, par la destruction des caméras de surveillance de la circulation, par l’incendie des voitures chères des grands bourgeois et par des invasions de restaurants et de magasins de la classe supérieure.
Les manifestants en gilet jaune bénéficient du soutien des larges masses, qui condamnent Macron. Macron, le banquier d’affaires devenu président, promoteur et exécutant de la politique néolibérale qui favorise la grande bourgeoisie et ses cadres les mieux payés au détriment des travailleurs et des populations rurales. Ils sont enragés par le recours à la violence policière lors des actions de masse et par les fausses promesses faites par Macron avant et après chaque action de masse.
Le mouvement des gilets jaunes a influencé des mouvements de masse similaires en Europe et ailleurs dans le monde, dont les participants portent le gilet jaune et soulèvent des revendications contre les politiques fiscales et d’exploitation du gouvernement grand-bourgeois. La plupart des mouvements influencés par les Gilets Jaunes ont un caractère positif [le terme employé était intraduisible, NdT] et progressiste dirigé contre les politiques d’exploitation des gouvernements bourgeois. Mais quelques-uns se sont dirigés contre les travailleurs migrants et d’autres qui ne sont pas liés à la bourgeoisie monopoliste.
Le mouvement des Gilets Jaunes peut être favorablement comparé aux manifestations de masse de mai 1968 en France, notamment en ce qui concerne le militantisme et l’opposition à l’establishment capitaliste. Mais elle souffre du même caractère populiste excessivement horizontaliste et du manque de leadership d’un parti révolutionnaire du prolétariat. Il peut également être comparé à l’Occupy movement de mémoire récente, qui a bénéficié d’un soutien populaire pendant un certain temps. Mais cela s’est évanoui par manque de leadership de la part d’un parti révolutionnaire du prolétariat.
Quoi qu’il en soit, un phénomène tel que le mouvement des Gilets Jaunes est le bienvenu et digne d’éloges pour avoir accepté les justes revendications de la classe ouvrière et de la classe moyenne et exposé les graves maux du système capitaliste oppressif et exploiteur au pouvoir. Elle montre qu’il existe une large et profonde base de mécontentement social et de résistance que le parti révolutionnaire marxiste-léniniste du prolétariat peut utiliser pour gagner la bataille pour la démocratie et viser à la révolution socialiste.
[NdT : L’ILPS est une ligue internationale d’organisations issues principalement de pays dominés par l’impérialisme. Elle est centré notamment autour du Parti Communiste des Philippines (CPP) qui mène depuis 50 ans maintenant la guerre populaire prolongée pour lutter contre la domination des Philippines et contre les pouvoirs réactionnaires qui se sont succédés.
L’ILPS et l’ICOR ont participé à plusieurs initiatives conjointes par le passé, et contribuent, l’une et l’autre, à ce qu’une reconfiguration majeure des relations entre organisations – et entre ligues d’organisations – naisse.
Le texte suivant illustre l’intérêt qui est porté, y compris depuis l’autre côté de la planète, pour les luttes menées par les prolétaires dans les pays impérialistes. Nous remercions le Pr. José Maria Sison de sa contribution au débat sur le mouvement social en France.
Les regards extérieurs sur notre situation nationale nous mettent également en face de nos responsabilités, en tant que communistes. Ils contribuent à nous faire prendre conscience de la nécessité du Parti non comme un fétiche, comme un luxe, mais comme une étape fondamentale vers la possibilité de mettre fin à l’exploitation et à l’oppression.
Les situations de lutte extrêmement difficiles dans lesquelles doivent travailler certaines organisations doivent également être un memento mori qui nous rappelle constamment qu’il n’existe aucune barrière étanche dans la manière dont la répression se déroule dans les Etats ultra-réactionnaires et ici. La répression bourgeoise est aussi le fruit d’un processus dialectique, et rien ne fait obstacle de manière infranchissable au développement, dans le cadre d’une aggravation de la situation, d’une répression de type fasciste-terroriste en France. ]