La nuit tombe sur la France.
Macron est un missile a usage unique, conçu pour frapper de plein fouet la protection sociale et le niveau de vie des travailleurs et des travailleuses. Pour le moment, il est impossible de nier qu’il remplit parfaitement sa mission.
Seulement, toute régression économique a un impact sur la société. Une société plus précaire, plus pauvre, écrasée de taxes et d’impôts, est une société fatalement plus explosive. La baisse du niveau de vie se traduit donc également par une attaque contre les droits politiques.
Le mouvement des Gilets Jaunes a été une explosion, un embrasement général. Il a effrayé le pouvoir politique, qui n’a pu faire autrement que choisir la voie de la répression pour le faire taire, pour lui ôter toute parole, pour l’enfermer.
La lutte ne s’éteint pas, la colère se mue en une rage profonde. Les croyances dans la démocratie bourgeoises, dans le respect des droits de l’Homme, dans le respect des libertés « inaliénables » sont balayées. La publicité présentée à l’école sur la France comme pays des Libertés s’est décomposée. La lutte des Gilets Jaunes est en train de donner naissance à une nouvelle étape ans la vie politique du pays. Elle sera marquée par la défiance envers la police, envers les institutions, envers l’Etat.
Faute de pouvoir calmer les choses, à l’heure actuelle, le gouvernement veut imposer une mise au pas de la société. Les projets se succèdent et ne peuvent que susciter l’inquiétude. Le sentiment général est que la nuit tombe, sombre et sinistre. La répression à déjà été massive. Des centaines de personnes encourent des peines de prison tandis que des milliers sont sous contrôle judiciaire. Mais cela n’est toujours pas assez !
La loi contre les manifestations.
Nous avons communiqué déjà sur la loi dite « anti-casseurs ». Nous invitons à consulter ce document ici. Ce qui est à retenir, fondamentalement, est que celle-ci poursuit une politique d’état d’urgence permanent. Elle permet d’utiliser l’administration pour réprimer, tout en contournant le judiciaire. Si la séparation des pouvoirs est nettement plus un mythe qu’une réalité, le fait que les lettres de cachet soient de retour représente néanmoins une aggravation considérable de la situation.
D’expérience, les attaques de ce type, présentées comme s’attaquant à une menace précise, deviennent rapidement des moyens opératoires contre toutes et tous. Le fichage proposé par l’article 3 de la loi sera probablement utilisé pour créer des dossiers d’opposants.
Quant à l’interdiction de se masquer, elle revient à exiger que les manifestants doivent s’exposer en toute vulnérabilité en face de tireurs qui agissent en toute impunité. Cette loi ne peut être interprétée autrement que comme une loi de terreur contre les manifestations présentes et à venir.
La loi sur la presse.
Macron souhaite également mettre au pas la presse. La presse est déjà, en France, largement sous la coupe d’immense monopoles et cartels dépendant directement de la grande bourgeoisie. Seul échappent certains journaux indépendants, dont la situation financière n’est pas toujours très brillante ou qui sont des officines réactionnaires financées par l’argent d’autres Etats.
Malgré cet étranglement, cela ne suffit pas. L’affaire Benalla, dont les rebondissements ahurissants ont été répercutés par les médias, a été particulièrement mal vécue par le gouvernement. Les révélations de Médiapart ont même déclenché une telle ire au sein des cercles du pouvoir que ceux-ci ont saisi la justice et demandé des perquisitions.
L’anonymat des sources journalistiques, une des composantes importante de sa capacité à pouvoir mener des enquêtes, est depuis longtemps dans le collimateur des gouvernements successifs. L’arguement, une nouvelle fois, est celui de la lutte anti-terroriste, mais dans les faits, celui de la dénonciation des turpitudes des dirigeants et la grande bourgeoisie est également dans le viseur.
Au sein du Grand Débat, Macron a démontré que sa conception de l’enquête et de la vérité était de coller le plus possible aux intérêts du grand patronat. En Guadeloupe, son attitude par rapport aux plaintes du fait des dégâts liés à l’usage de chlordécone est démonstrative. Il a imposé sa vérité face aux récriminations des médecins. Les Gilets Jaunes ont pu être écoutés et entendus avec un poids égal aux experts et aux ministres. Cette démocratisation de l’information et du débat répugne profondément notre président aux accents de plus en plus royalistes. Cette hérésie lui paraît si néfaste qu’il veut laver l’affront et empêcher qu’il se reproduise.
A quoi s’attendre alors avec la presse ? Certes les fake news ont pris une ampleur démesurée, capable de pouvoir semer l’intoxication dans les esprits, mais quid des « vérités » gouvernementales ? Le fait qu’il y ait un contrôle étatique sur la notion de vérité informationnelle avait déjà été dénoncée comme une menace gravissime par le passé.
Là Macron voudrait « renationaliser les journaux » selon la formulation employée par « le Point ». Cette renationalisation, qui pourrait réjouir certains réformistes démasque au contraire le caractère de classe de l’Etat. Cette prétendue nationalisation est justifiée ainsi : « Le bien public, c’est l’information. Et peut-être que c’est ce que l’État doit financer. Le bien public, ce n’est pas le caméraman de France 3. Le bien public, c’est l’information sur BFM, sur LCI, sur TF1, et partout. Il faut s’assurer qu’elle est neutre, financer des structures qui assurent la neutralité. Que pour cette part-là, la vérification de l’information, il y ait une forme de subvention publique assumée, avec des garants qui soient des journalistes. Cette rémunération doit être dénuée de tout intérêt. Mais quelque part, cela doit aussi venir de la profession. » En somme le gouvernement paierait des journalistes « mouchards » chargés de contrôler l’information pour qu’elle soit « neutre » et « vérifiée ».
« Prenant conscience de la sagesse infinie de notre infaillible Jupiter, les journaux décideront spontanément de lui confier la détermination de la vérité via un système financé par lui, et ce, pour le plus grand bonheur du peuple » ironise ainsi Le Point.
La lutte contre les fake news sert, comme dans celle contre les « casseurs » à justifier un contrôle a priori sur la société et à limiter la possibilité d’expression politique de la part des masses.
Nous dénonçons cette tentation ultra-réactionnaire !
Le référendum ?
Macron a annoncé que le Grand débat serait clôturé par un référendum qui synthétisera les positions majoritaires. Ce référendum est censé sonner le glas du mouvement des Gilets Jaunes et faire taire définitivement la contestation de son programme. Il représente une arme immense qui peut modifier jusqu’à la constitution. Ce qu’un référendum fait, seul un autre peur le défaire.
Cette proposition n’est qu’une diversion de plus. Un simple coup d’œil au contenu du Grand Débat donne le ton. Tout est mis en œuvre pour surfer sur la colère et les revendications légitimes des Gilets Jaunes pour nourrir et appuyer la politique d’anéantissement des droits sociaux de Macron.
Ainsi, les questions posées dans le Débat sont dignes de celles que poserait un démarcheur commercial, enfermant le participant ou la participante dans des faux choix qui, in fine, sont des soutiens à la politique de prise d’assaut des droits sociaux et politiques. En réalité ce Grand Débat est un choix entre peste et choléra.
Macron et la classe sociale qu’il sert, ce cartel de grands bourgeois, ne sont pas stupides. Au contraire, ils sont particulièrement retors et cyniques. Ils sont capables de prendre toute revendication progressiste et de la retourner complètement pour en faire une arme contre ceux qui souffrent.
« Vous voulez que les producteurs soient payés plus ? – Élevons les prix tout en protégeant les bénéfices des grandes surfaces ! »
« Vous voulez plus d’écologie ? – Vous paierez des taxes injustes pour que Total continue d’engraisser ses actionnaires ! »
« Vous n’êtes pas content ? Il faut savoir ce que vous voulez ! »
Qui sait quelle question tordue et perverse sera posée lors de ce référendum.Une question comme « voulez-vous une administration plus efficace ? » peut se traduire n’importe comment. « Voulez-vous réduire le nombre d’élus » peut servir de prétexte à concentrer tous les pouvoirs dans les mains d’un seul parti.
Même répondre « non » est une arme. « Vous ne voulez plus de cette revendication ? De quoi vous plaignez-vous alors ? »
Mais quand bien même quelque chose de positif pourrait sortir de cela, la décision serait enterrée, tout comme l’a été le « non » à la Constitution Européenne en 2005. Voilà à quoi ressemble leur conception de la démocratie !
Ce référendum tomberait le même jour que les élections européennes.
Ce choix est étrange. Il est fort possible que, malgré les sondages, LREM subisse une cinglante défaite lors de ce scrutin, étant donné le désaveu de la politique menée par Macron – Philippe – Castaner. Mais le référendum éclipserait tout. Si Macron pose sa question d’une manière intelligente, non seulement il pourrait laver l’affront de la défaite de son organisation, mais également il pourrait transformer cela en véritable victoire structurelle.
Etant donné la conjoncture actuelle, nous pensons qu’il nous faut agir avec la plus grande méfiance vis-à-vis de cette manœuvre. En temps normal nous considérerions qu’il faudrait boycotter ce scrutin et le dénoncer comme étant une manœuvre infâme, mais les risques sont élevés. Nous pensons qu’il faut faire obstacle de toutes nos forces face à cette tentative d’adouber la liquidation de nos droits sociaux ou politiques. En dernière analyse, nous ne pouvons comprendre la présence de l’extrême-droite chez les Gilets Jaunes : après tout, leur programme social et économique est d’ores et déjà en train d’être mis en place. Ces lois rappellent ce que pouvait écrire Dimitrov : Camarades, on ne saurait se faire de l’arrivée du fascisme au pouvoir l’idée simpliste et unie qu’un comité quelconque du capital financier déciderait d’instaurer à telle date la dictature fasciste. En réalité, le fascisme arrive ordinairement au pouvoir dans une lutte réciproque, parfois aiguë, avec les vieux partis bourgeois ou une portion déterminée d’entre eux, dans une lutte qui se mène même à l’intérieur du camp fasciste et qui en arrive parfois à des collisions armées, comme nous l’avons vu en Allemagne, en Autriche, et dans d’autres pays.
Tout cela sans affaiblir cependant l’importance du fait qu’avant l’instauration de la dictature fasciste, les gouvernements bourgeois passent ordinairement par une série d’étapes préparatoires et prennent une série de mesures réactionnaires contribuant à l’avènement direct du fascisme. Quiconque ne lutte pas, au cours de ces étapes préparatoires, contre les mesures réactionnaires de la bourgeoisie et le fascisme grandissant, n’est pas en état d’entraver la victoire du fascisme, mais au contraire la facilite.
Au moment de l’élection de Macron, nous avions émis la thèse selon laquelle sa politique détruirait le centre de l’échiquier politique et créerait une situation particulièrement dangereuse pour les prochaines élections présidentielles. En dernière instance, c’est le cartel des grands bourgeois qui détermine qui sera élu, en appuyant sa campagne de toutes ses forces.
Ni RN ni les groupuscules fascistes, si gênants dans les manifestations, ne sont des forces capables en tant que tel de recevoir un soutien de la part de cette clique de grands bandits. Cependant, les thèses de la Droite Nouvelle ou de la Droite Elargie, autour du fond de LR ou même de Debout la France font leur chemin. Dans une hypothèse d’un face à face avec les organisations autour de LFI, même réunies autour d’une candidature commune, il faut s’attendre à ce que la grande bourgeoisie appuie de toutes ses forces pour une victoire de la Droite Dure.
Ce qui est à redouter, fondamentalement, c’est qu’après le gouvernement liquidateur des droits sociaux -que nous n’aurons plus d’ici 2022- nous fassions face à celui qui liquiderait nos droits politiques.
L’Unité Communiste de Lyon considère que les organisations communistes doivent impérativement ressortir renforcées et plus soudées de l’épreuve de force actuelle. Ce qui déterminera in fine si le mouvement des Gilets Jaunes est une victoire ou une défaite, c’est de savoir quel camp ressortira agrandi de cette lutte : celui de la bourgeoisie ou celui du peuple.