200e anniversaire de la mort de Napoléon.


Pourquoi, dès lors qu’il s’est paré d’un manteau monarchique, est-il si difficile de parler de Napoléon comme d’un dictateur ?
Nous avons toujours du mal à regarder notre propre histoire en face, tandis que nous jugeons avec facilité, en bloc, celle des autres. Nous espérons toujours trouver une manière de nous défausser des torts commis et de correspondre à notre autoproclamée place de pays des droits de l’homme. Pourtant, prenons le temps de juger les choses de manière factuelle avant de parler du ressenti.

La structure de l’Empire, pourtant, est exactement celle d’une dictature avec quelques menues formes démocratiques : deux assemblées, les “manchots” et les “aveugles” sont supposées faire les lois. Mais l’une les discute sans les voter, l’autre les vote sans les discuter. Mais la réalité du pouvoir est dans les mains de l’empereur. Il construit d’ailleurs une techno-structure : une administration centralisée, les préfets, dont on hérite aujourd’hui et qui poursuit la même mission.

Ses réalisations, ces fameuses « masses de granit » chargées d’en terminer avec les révolutions, de figer le fonctionnement de l’État, sont souvent mises en avant comme des aspects positifs. Mais il faut les comprendre pour ce qu’elles sont : elles étaient des manières de mettre en ordre un pays qui sort de 10 ans de révolutions et de 100 ans de décomposition du féodalisme. Elles n’ont pas vocation à rendre service, mais bien à être fonctionnelles : c’est à dire à permettre aux projets impériaux, ainsi que de la classe des richissimes exploiteurs qui les soutiennent, d’être exaucés. Ils ne sont ni bons, ni mauvais, ils sont simplement des faits bruts.

Ainsi, nous parvenons à mettre sur le même plan la structuration d’un État, réalisée d’une main de fer, avec les autres aspects de son règne.

Le règne de Napoléon, c’est 6 millions de morts sur le continent Européen. Ce sont des territoires germaniques ravagés, c’est une Russie dévorée par la guerre. Son pouvoir est aussi celui du retour de l’esclavage par la guerre, et de l’assimilation forcée des juifs et des juives. C’est l’étranglement du droit des femmes, devenues mineures perpétuelles. C’est l’imposition d’un régime de terreur dans des territoires occupés. C’est la dictature ouverte et terroriste au profit des couches les plus embourgeoisées de la population. Celles qui bénéficient de la guerre tandis qu’un million et demi de français meurent “pour la gloire”.

Cette grandeur de la France à cette époque est mise en avant par les admirateurs de Bonaparte. Mais qu’est ce que la grandeur lorsqu’elle profite à une poignée de richissime exploiteurs ? Ces immenses cartes montrant l’étendue de l’Empire fascinent, certes. La fierté nationale en sort ragaillardie. Mais, là aussi, cette grandeur, ce lustre, est réservé à une élite : ceux qui s’enrichissent. Pour le reste, en dehors du sentiment, il n’y a guerre de retombées.

La Grandeur de notre peuple, nous la préférons dans ses réalisations positives, dans ses luttes, dans sa solidarité, dans sa capacité à avancer vers un monde meilleur, plus juste. Que les frontières de la France s’arrêtent au Rhin où à la Volga ne nous importe que peu. Ce sont déjà nos frères et nos sœurs de classe qui vivent de l’autre côté.

Et l’homme, parlons-en. Ou plutôt laissons parler Henri Guillemin à son sujet.


Il initie aussi un cycle de rancœurs, notamment entre Prusse et France, dont l’aboutissement, cent ans après, dans la boue de Verdun, n’est qu’un exemple.

Napoléon a été un catalyseur de l’histoire. Il a contribué, par l’onde de choc traumatique qu’il a laissé, à redessiner l’Europe et ses destinées. Sur les talons de la Grande Armée en déroute sont nés les prémices Nations modernes de l’Europe. Faut-il lui rendre hommage pour cela ? Il est douteux que, Napoléon ou non, elles ne soient apparues et n’aient affirmé leurs existences. Fallait-il arroser d’autant de sang les sols pour cette récolte ?

Napoléon, sans le comparer pour autant à d’autres régimes, illustre une chose : il illustre le fait que les grandes bourgeoisies, pour asseoir leur domination sur les autres, sont prêtes à toutes les guerres et tous les crimes. D’autres successeurs suivront le même projet : celui d’unir l’Europe par la guerre et le sang, sous l’ordre d’une capitale. Qu’importe que celle-ci fût Berlin ou Paris.

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