Le 5 décembre. Et Après ?

La grève du 5 décembre était attendue largement. Elle est une mobilisation qui a été extrêmement suivie. Plus d’un million de personnes ont défilé en France, dont plus de 35 000 à Lyon, ville qui, pourtant, mobilise généralement peu. Nous espérons désormais qu’elle pourra déboucher sur une lutte de plus longue durée. Les premiers échos à ce sujet laissent supposer que cette possibilité existe et qu’elle est en train d’être sérieusement étudiée par les assemblées diverses et par l’intersyndicale.

A Lyon, nous avons défilé aux côtés des Jeunes Révolutionnaires et d’Eco Défense ainsi que de Youth for climate. Nous considérons que cette politique d’unité est importante au niveau local, dans la mesure ou nous souhaitons voir émerger une coordination et une concertation entre les organisations combatives, progressistes, révolutionnaires et communistes. Nous y avons diffusé notamment le tract rédigé en commun avec notre organisation sœur UPML.

Cette manifestation révèle un grand esprit combatif. Esprit qui ne s’est pas épuisé après un an de Gilets Jaunes, au contraire ! Cette journée d’action ne peut être vue que comme un premier succès.

Une grande partie de ceux qui se sont mobilisés attendent de voir comment le gouvernement réagira à la journée d’aujourd’hui. Pour le moment, les déclarations laissent entendre qu’il n’a pas l’intention de dévier dans son œuvre de destruction des conquêtes sociales. Le texte, qui sera présenté en milieu de semaine prochaine, ne sera probablement pas modifié, ou uniquement en suivant des lignes de fracture clivantes, dans le but de fragmenter le mouvement de lutte. Cette manœuvre, qui avait déjà permis a la CFDT de se placer en ennemie de la lutte, a, pour l’instant, échoué. La base de la CFDT a plutôt eu tendance à désavouer la direction.

En revanche, il est il est important, de ce point de vue là, de regarder avec objectivité le rapport de force, tant syndical que politique. Quelles sont les chances de succès de ce mouvement ?

Si cette réforme existe, c’est que la bourgeoisie compte en tirer profit.

En dépit de l’image de clique d’eborgneur, d’arracheurs de main et de corrompus qu’il peut donner au premier abord, le gouvernement n’agit pas, dans ce dossier, par sadisme. Il agit parce que son action correspond à des intérêts savamment calculés : ceux de la grande bourgeoisie. Comme c’est principalement elle qui détermine les enjeux du combat à venir (enjeux offensifs, entendons-nous!), c’est également elle qui sonne les offensives ou les replis.

Sur le dossier des retraites, il n’est absolument pas garanti que le gouvernement puisse « lâcher » quoique ce soit, ni même renoncer à sa réforme et à ses autres projets. Car derrière la réforme des retraites, il existe un immense butin : celui des retraites complémentaires, des fonds de pension. Un point d’indice trop faible, c’est l’assurance de la misère pour les uns, et l’assurance d’achats de produits financiers censés la compenser pour les autres. Tuer les retraites, c’est de l’argent.

En réduisant la part du salaire indirect, c’est également, pour la bourgeoisie, faire en sorte de s’assurer que la consommation augmente. L’hérésie du système par cotisation est qu’il n’est pas injecté directement dans le marché. Plus de salaire direct, c’est la possibilité d’augmenter la masse monétaire en circulation, les prix, la croissance, le PIB…

C’est également un des buts de la Cotisation Sociale Généralisée. En taxant les comptes en banque, il incite à ne pas épargner, mais à dépenser ou à investir (pour ceux qui en ont les moyens), encore du PIB en plus.

Ces objectifs sont importants, et forment la quasi-assurance d’une manne financière énorme. Elle est à portée de main, elle ne demande qu’à être saisie. Face à cela, quelques jours de pertes financières, dans un blocage de l’économie, peuvent-ils peser suffisamment ?

Si le gouvernement était dans une logique de réélection et du fait de conserver une base de sympathie, il pourrait chercher un moyen terme. Mais il est le missile à tête chercheuse de la bourgeoisie, servant une fois, cherchant à causer le maximum de dégâts. La retraite et l’avenir de ses agents est assuré dans tous les cas. Cela pose la question de la cohérence du camp des « marcheurs », appuyés par la droite LR.

Dans l’optique d’une grève générale qui s’inscrirait dans la durée, il est quasiment sûr que la bourgeoisie, dans l’état actuel des choses, avec ses réserves, sa capacité à se reconstruire, à tenir, à briser et réprimer, serait en mesure de remporter la victoire. Si cette grève risquait de voir son rapport de force international se modifier, à cause d’un affaiblissement, elle serait, peut-être, en revanche, obligée de concéder. Mais dans un cadre de lutte interne au pays, la situation est difficile.

Cela signifie t-il que les manifestations et les grèves sont inutiles ? Non, bien au contraire. Mais cela signifie en revanche qu’elles ne sont pas le bout de tout. Pourtant cette manifestation est extrêmement positive. Déjà, si elle permet un tant soit peu de sortir de la spirale infernale dans laquelle nous sommes rentrés depuis des décennies. Une spirale ou les organisations combatives, faibles, ne peuvent réussir à mobiliser largement. Elles font alors des journées d’action sans lendemain, propres à désespérer. Cette désespérance accroît le manque de confiance dans ces organisations, notamment syndicales. Elles en ressortent donc plus faibles, moins capable de mobiliser, donc accentuant encore le sentiment d’impuissance. Dans le bilan critique du travail des syndicats, cette équation ne peut être ignorée.

Elle contribue à accentuer la domination d’une aile droitière sur une grande partie d’entre eux, ainsi que des tendances à un fonctionnement routinier et bureaucratique. Mais elles les rendent également plus vulnérables aux pressions de la part de l’appareil d’État ou de la part de la bourgeoisie. Pressions plus ou moins inamicales par ailleurs.

Les syndicats eux-mêmes, font un travail irremplaçable. Nous appelons à les soutenir, à se syndiquer, à contribuer à travailler à renforcer ces outils.

S’il existe de critiques à faire à l’activité de ces organisations, ces critiques ne doivent pas se réduire à des déclarations destructrices, de provocation ou de défiance. Ces critiques sont des critiques, avant tout, de camarades à camarades.

Or, des organisations ou groupes – formels ou non – qui rejettent les syndicats ou qui en font une critique destructrice existent. Mais en dépit de leur arrogance, elles n’ont pas, trouvé un moyen pour remplacer ce travail par quelque chose de supérieur. En dépit de leur vanité quant à l’activité et au bilan des syndicats, ces groupes en sont toujours tributaires, vivant en parasite du travail de fond des autres. Leur pratique de l’activisme confond bien souvent la radicalité de la forme et la radicalité du fond.

Nous ne pensons pas que la réponse réelle à la situation, comme le pensent certains groupes gauchistes, par le fait que les manifestations se heurtent à la police. Bien souvent, derrière cela se niche une réalité qui ne les honore pas toujours, à savoir un fond réformiste. Si le rejet atavique de la violence est souvent le corollaire du réformisme, sa fétichisation ne remplace pas la réflexion sur la question du pouvoir et l’organisation des masses populaires.

Cependant, dans les affrontements avec les forces de l’ordre, souvent provoquées, nous condamnons la violence de l’État et de la bourgeoisie. Nous ne cédons pas aux injonctions à condamner la violence issue des masses, ainsi que les « dégradations ». Nous ne mettrons jamais les deux sur le même plan, et nos critiques, aussi acerbes puissent-elles être, sont avant tout des critiques de camarades à camarades.

Nous pensons que la réponse, la porte de sortie est politique. Elle existera si la quantité se transforme en qualité, politiquement parlant.

Toute victoire est temporaire. Nous l’avons bien compris par rapport aux conquêtes sociales. Mais, par corollaire, toute défaite dans la lutte des classes est également temporaire. Gagner sur le dossier des retraites, c’est gagner du temps. Perdre sur le dossier des retraites, c’est perdre de l’espace pour vivre. Mais défaite ou victoire son le flux et le reflux des vagues. Ce qui reste c’est notre capacité à nous organiser, à progresser politiquement, à rendre les coups, et, surtout, à mettre en place les outils de la victoire.

Construire l’unité pour construire la victoire.

En réalité, la véritable victoire est un passage de l’action revendicative économiste à l’action politique. L’élévation du niveau de conscience politique général, de la fin des illusions sur le parlementarisme, et son corollaire, l’organisation.

Dans la lutte économiste, syndicale, il est peut-être possible de gagner du temps. De réussir à repousser l’application de cette réforme. Nous l’espérons, et c’est avec cet espoir que nous nous lançons dans la bataille. Mais la victoire, la vraie, la stratégique, est ailleurs.

Une vraie victoire de cette épreuve de force serait, en dépit de tout, que le camp du peuple ressorte renforcé. Un camp du peuple, qui réunisse les organisations, les groupes, les associations, les nébuleuses combatives. Un camp qui a montré qu’il pouvait exister dans les Assemblées Populaires et dans les Assemblées des Assemblées. Un camp dont la construction doit être au centre de nos préoccupations, dans l’état actuel des choses. Mais le mouvement spontané ne peut suffire, il a besoin de plus.

Nous travaillons à cela. Nous ne sommes pas seuls à le faire. Mais nous sommes peu, faibles, dispersés. Et nous n’arrivons pas nous même à nous mettre en ordre de bataille pour que la lutte progresse sur le fond.

Le mouvement ouvrier en France, tout comme le mouvement de revendication populaires et de lutte sociale, manque cruellement d’outils stratégiques, politiques, pour gagner en force. Le mouvement communiste français, dans toutes ses variantes, est toujours aussi faible et dispersé. En dépit de succès locaux, le chauvinisme d’organisation, la défiance, est plus la règle que la volonté de collaborer. Dans notre expérience des tentatives de travail unitaire, nous avons pu constater que le sectarisme est une vertu savamment couvée.

Plus le temps passe, plus la situation se dégrade, plus nous regardons avec effroi ce sectarisme-parasitisme, qui pousse à créer systématique des initiatives séparées, d’ignorer les existences des uns et des autres, de chercher à se couper l’herbe sous le pied. Ces travers, nous les avons également, et nous désirons les combattre chez nous aussi, dans nos pratiques et dans nos rapports de travail. À nos yeux, le travail unitaire et le développement d’une politique d’unité ne peut être un slogan publicitaire. Il doit être une réalité.

Pourquoi ? Parce que l’importance de la lutte que nous menons transcende les conflits absurdes entre sectes recroquevillées sur une vérité autoproclamée. Son importance la dépasse. Importance par rapport à la lutte, ici, en France. Importance par rapport à la lutte dans les pays et territoires sous la domination de notre impérialisme. Importance dans la solidarité internationale et dans les liens que nous devons nouer avec nos camarades d’ailleurs.

Nous, et nos camarades UPML avec nous, maintenons la nécessité impérieuse d’une rencontre générale entre tous ceux qui partagent cet objectif. Quels que soient leurs noms, leurs titres et leurs chapelles, nous considérons que, à ce stade de la lutte sociale, maintenir l’ignorance les uns des autres est un acte grave, qui contribue à entraver le développement des outils de la victoire des exploités et des exploitées contre leurs exploiteurs et leurs exploiteuses.

Nous ne pensons pas que ce soit en ignorant l’existence des autres organisations, que ce soit des organisations idéologiquement proches ou plus éloignées, que nous grandirons. Au contraire, chacun de nous participe à reconstruire et à donner vie au mouvement communiste. Reste à franchir l’étape de lui donner corps, ce dont nous avons un besoin impérieux.

Les suites du mouvement se discutent à l’heure actuelle. Quelles qu’elles soient, nous devons jouer tous et toutes notre rôle !

Nous avons besoin de mettre en cause la dictature de la bourgeoisie.

Nous avons besoin de faire vivre l’opposition extra-parlementaire des Assemblées Générales, embryon de démocratie populaire.

Nous avons besoin de nous réunir, militants et militantes politiques révolutionnaires et communistes.

Nous avons besoin de construire un Parti révolutionnaire !

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