Le mouvement des Gilets Jaunes : S’adresser à toutes et tous – Partie 5

S’adresser à toutes et tous.

Partie 5

Vertuis

Nous devons nous adresser à toutes et tous.

Nous savons que beaucoup d’individus sont hostiles au communisme. C’est un fait logique. L’anticommunisme institutionnel nourrit les esprits de tout un bric-à-brac de thèses fausses, d’inventions, de récits horrifiants sur le communisme. Cela contribue à créer des associations dans l’esprit d’une large partie des masses.

Nous devons lutter contre ces mensonges, lutter contre les thèses fausses, lutter contre le révisionnisme, et lutter contre des idéologies anti-communistes « de gauche », promues par la bourgeoisie comme des versions « acceptables » du léninisme.

Nous devons le faire sur le fond. Nous ne devons jamais y renoncer.

Mais nous ne pouvons pas faire de cette explication de fond un préalable à tout ralliement. Nous ne devons pas attendre d’un mouvement de masse qu’il marche parfaitement dans le sentier tracé par la synthèse de l’expérience du mouvement communiste. Reprocher aux gilets jaunes de ne pas porter des revendications communistes est un reproche stupide. Sans communistes, pas de mouvement communiste.

Nous devons mener un travail de diffusion de nos idées, de nos conceptions, de notre science marxiste-léniniste. Mais nous devons fonder la base de notre ralliement sur notre ligne et nos mots d’ordre. Nous fondons le ralliement que nous opérons en premier lieu sur une base politique et non idéologique.

Il ne faut pas cacher notre engagement, il ne faut pas cacher notre drapeau. Il ne faut pas couper dans le jeu d’une certaine défiance envers l’organisation. Il nous faut l’expliquer.

Ce qui peut transformer une absence en un succès, c’est la capacité à pouvoir définir une ligne politique et des mots d’ordres qui sont adaptés. Or, des mots d’ordres intemporels, valable en tout temps et tout moments ne sont pas des bons mots d’ordres. Ce sont des maximes, des incantations, des fétiches. Aujourd’hui, le mot d’ordre de grève générale est un mot d’ordre faux. Il est lancé en l’air alors que les syndicats ne sont pas dans la lutte, alors que les directions ont freiné des quatre fers, alors -surtout- que ce mot d’ordre reste politiquement en deçà de ce qui émerge aujourd’hui dans le mouvement des Gilets Jaunes. Notamment, comme mentionné dans la partie précédente, autour de la question du RIC.

Nous considérons que le mot d’ordre qui s’applique immédiatement et qui correspond à la phase actuelle du mouvement des Gilets Jaunes est celui de « créer des assemblées » et celui de « poser la question du régime ». Peut-être, après les fêtes de fin d’année, ce mot d’ordre ne sera plus à l’ordre du jour si le mouvement s’effondre, et reflue. Alors nous devrons élaborer un autre mot d’ordre, qui serait probablement « organisons-nous pour contrer le reflux ». Cette question du reflux est abordée plus en détail à la fin de cette brochure.

Nous faisons le choix de nous adresser à tout le monde. A toutes les catégories sociales qui composent la société, y compris à celles qui nous sont hostiles. Nous nous inspirons en cela de la politique menée par le Parti Communiste dans les années 30.

L’extrême-droite tente d’instiller son poison dans les esprits en se nourrissant de peurs réelles, du vécu de la population. La peur de la violence, la peur de l’insécurité, la peur du déclassement social. Cet effroi est réel car il correspond à des menaces réelles sur l’existence des individus. La colère, le rejet des institutions, du « système », est réel dans la population. Il fait partie d’un sentiment diffus d’avoir en face de soi un Etat monstrueux, omnipotent, sur lequel il n’existe aucune prise.

Tout comme l’isolement des pèlerins dans l’hiver a mené aux procès de sorcellerie de Salem, les fascistes utilisent un argument de l’encerclement, de l’isolement. La propagande fasciste ne parle qu’à l’individu, qu’à l’atome, qu’à l’isolé, passif, devant son écran, en lui fournissant un sens à ce qu’il vit, à sa révolte. Un sens nourri par toutes les conceptions réactionnaires qui flottent dans la société.

Nous nous adressons à toutes et tous en tant que membre d’une classe. En tant que composants et composantes d’une société. Et nos réponses visent à expliquer que la réaction n’a pour objectif qu’une permutation des valets des maîtres, des oppresseurs, des exploiteurs et exploiteuses. La solution n’est pas dans l’affermissement du pouvoir bourgeois, dans le renforcement de son ordre, mais au contraire, dans sa disparition.

Bien sûr, nous nous adressons -bien que, en deux ans d’existence, notre expérience reste lacunaire- en priorité, dans nos tracts, dans nos discours, aux ouvriers et aux ouvriers agricoles, ainsi qu’a la jeunesse, particulièrement populaire. Ce n’est pas suffisant encore et il nous reste un travail immense à accomplir.

Mais nous devons parler à tous.

Thorez, en 1936, écrivait ceci dans son discours de la « main tendue ».

« Nous avons œuvré à l’unité entre les travailleurs des villes et des champs, entre les travailleurs manuels et intellectuels. Nous sommes heureux d’avoir propagé l’idée du Front populaire du travail de la liberté et de la paix, et de collaborer loyalement à une action commune avec les radicaux, les républicains et les démocrates. Nous avons travaillé à l’union de la jeunesse de France.

Et maintenant, nous travaillons à l’union de la nation française contre les 200 familles et leurs mercenaires. Nous travaillons à la véritable réconciliation du peuple de France.

Nous te tendons la main, catholique, ouvrier, employé, artisan, paysan, nous qui sommes des laïques, parce que tu es notre frère et que tu es comme nous, accablé par les mêmes soucis.

Nous te tendons la main, volontaire national, ancien combattant devenu Croix-de-Feu, parce que tu es un fils de notre peuple que tu souffres comme nous du désordre et de la corruption, parce que tu veux comme nous éviter que le pays ne glisse à la ruine et à la catastrophe.

Nous sommes le grand Parti communiste, aux militants dévoués et pauvres, dont les noms n’ont jamais été mêlés à aucun scandale et que la corruption ne peut atteindre.

Nous sommes les partisans du plus pur et du plus noble idéal que puissent se proposer les hommes. »

Même si le PC puis le PCF ont commis un grand nombre d’erreurs de droite par la suite, jusqu’à franchir la ligne rouge qui sépare le révolutionnaire du réformiste, nous ne pouvons que considérer ce discours comme juste.

Nous considérons que notre organisation ne doit pas être qu’une organisation de communistes parlant aux communistes, prêchant les convaincus. Elle doit travailler à être une organisation dont la ligne soit un point de référence pour les communistes et pour la très large masse de sans-partis.

La présence de fractions de la petite-bourgeoisie au sein du mouvement des Gilets Jaunes ainsi, pose des questions. Cela a été utilisé à plusieurs reprises comme alibi pour justifier une non-participation. Dans l’esprit de ceux et ce celles qui ont employé cette justification, le mouvement devait être 100% prolétarien ou ne pas être.

Autant dire que ceux et celles qui s’accrochent à cette thèse ne sont pas près de participer à quoique ce soit. Or, la petite bourgeoisie, bien que ne formant pas le nœud focal, est-elle à rallier ou est-elle à combattre ? Doit-on la laisser se jeter dans les mains de la réaction ?

Lorsque la propagande bourgeoise met en avant les souffrances d’une partie de la petite-bourgeoisie, elle se base, elle aussi sur des faits et sur une certaine réalité. Oui, il existe une réalité des souffrances de la petite bourgeoisie, qu’elle soit intellectuelle, qu’elle soit commerçante ou industrielle par ailleurs.

Les difficultés des enseignants et enseignantes sont bien connues, tout comme celles, en général, d’une petite bourgeoisie employée par l’Etat. Mais celle que peuvent connaître d’autres secteurs de cette couche sociale petite-bourgeoise le sont moins.

Les horaires infernaux, les difficultés financières, l’étranglement par les dettes concourent à mettre la petite bourgeoisie en difficulté. La rhétorique avancée par les bourgeois est celle de dire que cela provient du coût du travail trop élevé, qu’il faut baisser les salaires.

Dans cette ère de concentration massive du capital et des richesses en un très faible nombre de mains, la petite bourgeoisie elle-même est prise dans un étau. Et pour cause ! Le petit commerce, le petit patronat, le petit artisanat ne peut s’implanter que dans des espaces qui ne dégagent pas un taux de profit suffisant pour intéresser les grands capitalistes. Cette petite-bourgeoisie croit sincèrement être indépendante et libre, alors qu’elle n’est qu’en sursis constant. Si leur segment de marché devient invivable, dès la moindre crise, ses membres se retrouvent prisonniers des dettes envers les banques.

Et si le segment de marché sur lequel elle travaille devient, au contraire, florissant, si les taux de profits décollent, des rapaces autrement plus grands et plus puissants s’empresseront de le prendre, notamment par la guerre commerciale.

Elle se tourne alors vers la variable sur laquelle elle peut agir : le capital variable. Muriel Pénicaud, ministre du travail, s’était exprimée sur le sujet en indiquant que le SMIC et les charges sociales étaient trop élevé pour permettre aux petits patrons et aux petites patronnes d’embaucher. Si la mobilisation réactionnaire autour de cette question triomphe, elle ne réglera rien pour la petite bourgeoisie, au contraire.

Elle favorisera encore davantage les taux de profit des plus grands capitalistes et leur permettra de rendre intéressants à leurs yeux des segments de marché détenus par la petite bourgeoisie.

Les fascistes et une certaine partie de la gauche réformiste sont porteurs d’une thèse réactionnaire et rétrograde. Dans leurs explications, ce serait une déviation du capitalisme, désormais financier et non plus industriel. Pour les uns comme pour les autres, il faudrait « contrôler » le capitalisme, le « moraliser ». Les uns et les autres veulent bien concéder l’existence d’une oligarchie, supposée néfaste, mais sans jamais poser la question de classe.

Chez les fascistes, cela passe par l’organisation dans des corporations, qui doivent subordonner les intérêts des capitalistes à un hypothétique et hypocrite « intérêt suprême de la nation ». Ils s’appuient en cela sur les « bons capitalistes », les « bons patrons », le patriotisme économique.

Chez les réformistes, cela passerait par le fait de faire passer des lois et des règlements stricts que les capitalistes seraient enclins à suivre sans mot dire.

Dans un cas comme dans l’autre, cela revient à bien mal connaître la nature du capitalisme. De comprendre sa génétique interne. De comprendre le fait que les capitalistes tendent vers la recherche de profits toujours plus grands, toujours plus importants. Croire que les profits de l’industrie puissent suffir aux capitalistes, alors que leur tendent les bras ceux de -encore plus énormes- de la spéculation, revient à ne pas comprendre le fonctionnement basique de l’économie capitaliste.

Croire que la bourgeoisie ne cherchera pas à imposer son ordre -par tous les moyens- et à s’affranchir à tout prix des règlements et des entraves, revient à agir en naïf et à ne pas retenir les leçons de l’histoire. C’est croire que la bourgeoisie accepte de se laisser dicter sa loi, alors qu’elle ne reconnaît que celle du profit. C’est croire qu’elle renoncera à ses prétentions sur le marché international, à la possibilité de se goinfrer démesurément des richesses du monde. Qui plus est, et c’est intolérable à ses yeux, cela reviendrait à laisser la place aux autres bourgeoisies.

Mais la bourgeoisie n’a d’autre choix : grandir ou être constamment sous la menace d’être broyée. Décapiter une « oligarchie », si tant est que cela soit possible sans révolution socialiste, cela ne signifierait qu’ouvrir la possibilité pour d’autres d’occuper la place au soleil.

La petite bourgeoisie est entre le marteau et l’enclume. Et si elle veut ne plus être constamment menacée par la pauvreté, par les dettes, par le déclassement, son intérêt objectif est celui de la victoire du camp du peuple. Même si elle n’en a pas conscience,il s’agit là d’un fait. Elle ne forme pas un contingent fiable, par sa nature de classe, vacillante, mais il est très important de la neutraliser. 

Lénine écrivait : « Supprimer les classes, ce n’est pas seulement chasser les grands propriétaires fonciers et les capitalistes, – ce qui nous a été relativement facile, – c’est aussi supprimer les petits producteurs de marchandises ; or, ceux-ci on ne peut pas les chasser, on ne peut pas les écraser, il faut faire bon ménage avec eux. »

Nous ne sommes pas encore dans une situation de construction du socialisme, où les résidus de la petite bourgeoisie, menacés dans leurs intérêts de classe, se dresse contre la transformation de la société. A l’heure actuelle, elle aussi subit des formes d’exploitation et s’exploite également elle-même.

Notre conception n’est pas de brider la roue de l’histoire, ni de la faire tourner à l’envers. Ce n’est pas de revenir à la petite production, qui créé d’ailleurs les bases du capitalisme, mais au contraire de nous tourner vers le socialisme, qui implique la socialisation de la production mais également de la propriété réelle de ceux-ci. De dépasser le capitalisme en faisant mieux, en produisant mieux, en répondant mieux aux besoins des masses, non se réfugiant dans une petite production, inefficace et génératrice de gaspillage.

Une grande partie du prolétariat est nourri à l’idée qu’il pourra également, un jour, devenir petit bourgeois. C’est une des victoires de l’idéologie bourgeoise. Nous devons être capables de répondre à cela.

Nous devons être capables d’expliquer pourquoi les inquiétudes, les angoisses, les peurs qui touchent autant les prolétaires que la petite bourgeoisie trouvent leur résolution dans la victoire du socialisme. Nous devons être capables de répondre aux accusations des idéologues anti-communistes quant à notre programme, que ce soit au niveau de l’organisation économique de la société, de la politique fiscale, de la politique intérieure, de la démocratie ou de l’accès aux biens de consommation.

Nous devons même être capable de nous adresser à nos ennemis, aux forces de répression, appuyer les sentiments qui peuvent exister chez eux de doute ou d’abattement. Non pas pour, comme certains syndicats, organiser leurs luttes pour plus de moyens de réprimer, comme l’a fait FO-Police. Notre objectif n’est pas de flatter le corporatisme des forces de répression, mais bien pour pousser ceux qui mettent en doute le bien fondé de leurs ordres à prendre leurs dispositions et à refuser de les mettre en action, d’entraver et de dénoncer leur application, mais également de quitter leurs fonctions.

C’est un tâche complexe, d’autant plus dans un Etat impérialiste, qui tire des subsides immenses de l’assujettissement de colonies et de néo-colonies, mais qu’il nous faut être capable de faire.

Nous ne pensons pas que nous puissions le faire seuls, que notre organisation ne suffit pas. Nous pensons qu’il nous faut travailler à un meilleur outil.

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