L’année 2020 se termine. Jusqu’au bout, elle a été une année complexe, difficile. Des problématiques inédites se sont posées, qui ont dû demander une adaptation et une transformation.
Nous souhaitons à toutes et tous d’excellentes fêtes de fin d’année. Après une année 2020 marquée par la pandémie, les menaces de guerre, les attentats, et l’avancée de la réaction, des lueurs d’espoir apparaissent.
L’année 2020 mérite un bilan.
Elle a été marquée par une pandémie inédite depuis plus d’un siècle. Nos pensées vont vers les victimes de celle-ci. 1,840,631 au moment où ces lignes sont rédigées.
Partie de Chine, la zoonose Covid-19 secoue encore le monde. Elle continue ses ravages, battant semaines après semaines les records de victimes journalières. Les USA approchent doucement d’un nombre de morts supérieur à leurs pertes durant la Seconde Guerre mondiale, tandis que le bilan d’autres États reste inconnu. Si le vaccin arrive, sa distribution sera aussi le reflet des inégalités sociales et économiques mondiales.
Le confinement est à ce jour l’expérience la plus universellement vécue par l’humanité, avec des écarts considérables dans la manière dont il a été vécu. Des écarts en fonction des caractères, mais aussi en fonction des rôles dans la société. Pour le prolétariat et pour les travailleurs et travailleuses essentielles, il n’a d’ailleurs existé que sous la forme de l’extinction de la vie sociale, celle-ci se limitant aux fonctions économiques.
Cette reconnaissance de l’essentiel a mis involontairement en exergue l’inutilité et le parasitisme d’une partie de la population : la grande bourgeoisie. Ne produisant rien, oisive, inutile, voire néfaste. Spéculant sur les évolutions boursières, pariant sur l’aggravation ou la résorption de la crise. Jouant avec les vies, et les morts.
La pandémie a bouleversé les habitudes de vie. Elle a isolé les individus. Elle a fait naître des solidarités immenses, vitales, mais a brisé également le lien social. Cet isolement, cette atomisation, a facilité l’infiltration des conceptions conspirationnistes, y compris dans les rangs des organisations se revendiquant du communisme. Ce fléau s’est greffé sur les désirs et les espoirs d’un monde plus juste. Il s’est nourri des faillites, des incompétences, des imbécilités et des mensonges des gouvernements. Mais ce conspirationnisme est aussi notre miroir, celui de notre propre faiblesse et de notre incapacité à apporter les réponses aux questions que se posent les exploités et les exploitées. Au même titre, la réaction, le conservatisme, le repli est tout autant le reflet de notre faillite à présenter les traits d’un monde meilleur, plus juste, de progrès réel.
Si la pandémie a été l’événement majeur de la période, il n’est pas possible de faire l’impasse sur le reste.
La crise écologique continue de s’approfondir. Les immenses incendies en Australie ont dévasté des centaines d’hectares de forêt, mettant en péril la survie même d’espèces. Pendant ce temps, en Antarctique, le glacier Thwaites menace de rompre. S’il se détache, à lui seul, il augmentera le niveau des océans de 65 cm. Ceux qui considèrent que les questions climatiques et écologiques sont des problèmes de demain sont des aveugles ou des naïfs.
15 millions de visons ont été abattus préventivement par le Danemark. Cette quantité astronomique démontre également la vulnérabilité de l’industrie agro-alimentaire aux épidémies. Nous ne pouvons oublier que les grandes pandémies, Ebola, SRAS, COVID, SIDA, sont avant tout des zoonoses : des maladies qui ont franchi la barrière des espèces.
La promesse creuse d’Emmanuel Macron de faire entrer l’écologie dans la Constitution est révélatrice : comme de nombreux sujets d’importance, ils ne sont que des colifichets, des jouets, des arguments électoraux. La « vague verte » qui s’est emparée de plusieurs grandes villes à la suite des élections municipales montre rapidement les limites de l’écologie inconséquente : des aménagements – positifs certes – mais extrêmement limités.
Car la réalité est là : tant qu’il n’existe pas un contrôle populaire sur la production, la plus grande partie de l’iceberg est laissée intouchée. La production détermine bien largement davantage la consommation que l’inverser. Si les actions individuelles sont louables, leur faiblesse fait que confirmer la phrase de Lénine ‘hors du pouvoir, tout n’est qu’illusion’. Il n’en demeure pas moins, non plus, que les partis verts puissent tout à fait être les chevaux sur lesquels miseront les franges les plus libérales de la bourgeoisie pour les prochaines élections.
Car l’avenir économique – et donc, de fait politique – est inquiétant. La pandémie, sans la déclencher, contribue à accélérer la crise économique et la dégradation de la situation générale, en particulier au niveau de la dette. De surcroît, l’Europe et les USA en ont proportionnellement plus souffert que les puissances montantes, particulièrement asiatiques. La pandémie jette donc de l’huile sur le feu des rapports de force internationaux. Nous avons pu le voir dès le début de l’année avec l’assassinat du général iranien Solemani, mais aussi avec les alliances criminelles entre le gouvernement de Barzani et celui d’Erdogan. Partout, se dessinent les nouvelles alliances et les nouveaux blocs. D’autres, comme l’UE, se délitent, avec la réalisation du Brexit. L’entropie, la tendance au chaos, règne.
La défaite de Donald Trump marque, à l’inverse, un « retour à la normale », à une direction plus rationnelle de l’impérialisme américain. Mais les USA eux-mêmes sont divisés, marqués par une hostilité profonde, par des clivages immenses. Leur situation est celle d’un empire approchant du déclin. Et, comme le mentionnait déjà Gramsci, c’est dans ce clair-obscur, d’un nouveau monde qui ne demande qu’à naître, que surgissent les monstres.
La poursuite de l’offensive.
La pandémie n’a pas stoppé les projets du gouvernement. Au contraire. Les réformes se sont poursuivies avec un rythme effréné. Le KO technique des organisations de lutte, l’isolement, la torpeur du confinement, ont laissé un boulevard. Il aurait été sot de ne pas en profiter ! Et le gouvernement le sait bien. Il avance sur le terrain économique, sur les droits sociaux, mais également porte ses coups sur le cœur de la démocratie et sur les droits fondamentaux.
Allié d’occasion de celui-ci, le terrorisme a endeuillé l’Europe à nouveau. Tandis que la crise et la détresse radicalisent une partie de la population vers le fascisme suprémaciste, le chauvinisme, d’autres, ceux et celles qui ne trouvent pas leur place ici, sont happés par l’autre branche de la réaction. L’islamisme réactionnaire, qui n’est qu’une variante de la rengaine fasciste, a frappé à plusieurs reprises. Dans la foulée, les gouvernements en ont profité pour enserrer encore davantage la société. Les lois se multiplient, vexatoires, méprisantes, mais dangereuses. Dangereuses car elles étranglent toujours plus les libertés démocratiques. La police, rempart ultime, voit aussi son rôle gradir, son impunité s’affirmer.
La question de la fascisation mérite d’être posée. Elle demande une analyse sérieuse, profonde, qui ne peut pas uniquement se nourrir de caricatures ou de fantasmes. Il n’est pas évident pour nous, en France, pays impérialiste puissant, de savoir même à quoi ressemble la dictature brutale de la bourgeoisie.
Il est possible cependant de voir que l’arc narratif formé par les compromis de 1945 se clôture. Les vestiges de la période des trente glorieuses, les vestiges des concessions accordées ou arrachées pendant la guerre froide, sont progressivement balayés. Les exploiteurs n’en ont plus besoin. Pourquoi s’en encombrer ? Les syndicats, les partis politiques populaires et combatifs, ont été pour la plupart broyés ou intégrés dans le « jeu démocratique ». Le miroir aux alouettes de la transition pacifique du capitalisme au socialisme les ont trompés. Aujourd’hui, ce miroir se fracture. Ne voyons-nous pas, par facilité, du fascisme là où réside simplement la dictature normale de nos exploiteurs ?
Une nouvelle étape ?
Des éléments semblent pourtant indiquer une nouvelle étape. Les exploiteurs possédaient des moyens répressifs pour détruire toute opposition sérieuse. Ils n’hésitaient pas, non plus, à transgresser leurs propres lois pour liquider les obstacles les plus gênants. Cependant, aujourd’hui, grâce notamment à l’emploi cynique de la stupéfaction des attentats, une nouvelle dimension est apparue. D’une part, le recours à l’enfermement et à la sanction administrative, court-circuitant l’échelon judiciaire. D’autre part celui du traitement « préventif », autorisant de prendre en compte l’intention. Ces éléments préfigurent l’usage massif – et légal, de la rétention de sûreté, empruntée au droit Allemand. Cette Sicherungsverwahrung a été adoptée en Allemagne en 1933 et est toujours en vigueur, tandis que son pendant français est mis en place en 20111.
A cela s’adjoint l’intense propagande raciste et xénophobe, axée autour de l’islamophobie. Cette campagne rejoint désormais la lutte contre les courants politiques, donnant naissance au répugnant concept d’islamophobie. A travers ce concept, amorphe, inepte, les exploiteurs et les fascistes détiennent une arme redoutable. Nul doute qu’elle sera utilisée pour tenter de conjurer l’inévitable crise de régime qui se profile prochainement.
Certes le capitalisme et l’impérialisme renoncent progressivement aux interfaces démocratiques. Certes, les droits sociaux et politiques sont attaqués. Mais ce n’est pas par choix, mais par obligation. Le capitalisme est affaibli. Affaibli économiquement. Affaibli politiquement. Sa dureté n’est que le miroir de cette fragilité.
L’adhésion au système capitaliste, l’adhésion à une démocratie pourrie, fausse, s’effrite. L’adhésion au système d’exploitation est progressivement remise en cause. Les luttes sont plus fortes et plus radicales que jamais, tandis que les exploités et exploitées cherchent des voies politiques pour changer le monde. Pour le moment, les issues politiques sont dominées par le conspirationnisme, par la réaction ou par des voies insuffisantes. Nul n’est à blâmer si ce n’est nous même de ne pas être à la hauteur des attentes des masses.
Nous devons impérativement reconnaître que les failles ne raisonnement ne nous ont pas épargnés. Certains, y compris dans ceux qui se revendiquent du même héritage historique et idéologique que nous, ont été happé par les logiques conspirationnistes. L’isolement, la méfiance, le sectarisme, la surestimation constante des difficultés en sont le terreau. Nous devons en finir !
Luttons ensemble !
Nous adressons également tous nos vœux aux organisations révolutionnaires et particulièrement aux organisations communistes présentes en France et ailleurs.
Nous saluons l’ensemble des organisations membres de l’ICOR ainsi que l’ILPS. Nous saluons le travail réalisé pour la création du Front International Anti-Impérialiste et Anti-fasciste. En dépit des conditions terribles, l’ensemble du travail avance. Nous sommes fiers et fières de pouvoir les revoir à nouveau et travailler conjointement sur l’anniversaire de la Commune de Paris, pour en faire un succès.
Notre appartenance à cette coordination internationale ne fait pas de nous des aveugles, nous saluons le travail immense réalisé par les organisations, ici, en France.
Nous saluons les luttes syndicales, les luttes indépendantistes, les luttes anti-impérialistes. Nous saluons ceux et celles qui portent le drapeau rouge, le drapeau noir, le Gilet Jaune, la Chasuble Rouge, la blouse blanche, ou celui de leur terre, qu’ils et elles veulent libre.
Nous saluons les organisations communistes. Nous serions des imbéciles de clamer posséder le monopole de la légitimité.
Nous pensons qu’il faut saluer les travaux qui ont été réalisés, les luttes menées, dans des conditions extrêmement difficiles. Nous voulons reconnaître ce travail et sa valeur. Notre seul souhait étant que l’ensemble des efforts, séparés, que nous menons vers des buts similaires, puissent se mutualiser. Que tombent les barrières qui nous séparent, et que nous pussions faire pas après pas un travail commun pour que naisse la synthèse dont nous avons besoin : celle qui nous permette d’avancer vers la fondation des outils de la révolution.
Le centenaire du PCF est un anniversaire important. Nous en parlerons bientôt pour apporter notre position. Mais nous pensons qu’elle peut se résumer ainsi : il existe deux héritages de ce centenaire de combat. Un héritage organisationnel, que nous critiquons fermement, en dépit des qualités immenses de celles et ceux qui le composent. Un héritage organisationnel qui, hélas, a emmené la structure PCF vers un renoncement progressif et, nous le pensons, définitif.
Mais aussi un héritage d’expérience, de lutte, de combats, un héritage qui reste à défricher tant sa dimension est importante. Un héritage vivant, constant, qui s’incarne aujourd’hui dans ceux et celles qui veulent poursuivre jusqu’au bout la lutte révolutionnaire. Un héritage dont nous osons réclamer une parcelle, car nous sommes tous et toutes, que nous le voulions ou non, fils et filles du congrès de Tours.
Nous saluons cependant le PCF pour ce qu’il a été et pour ce que ses membres voudraient qu’ils soient : l’outil de l’avenir, l’outil de la victoire.
A ce titre, nous proposons que, en cette année d’anniversaire de la Commune de Paris, il soit possible d’entamer un travail, autant que possible, pour que cette unité, unité dont nous avons toutes et tous besoin, puisse s’initier. Nous en avons besoin pour que notre activité grandisse en importance et en influence, pour que nous puissions franchir cette « accumulation quantitative » qui permette le bond qualitatif vers un parti communiste puissant et efficace, mais également pour que nous puissions atteindre notre but premier : servir le peuple et mettre fin au règne des exploiteurs.
Il est clair, quoiqu’on puisse penser, qu’une nouvelle ère commence. Plus dure. Plus complexe. Elle nous obligera à intensifier nos efforts et à conjuguer nos forces. Nous ne pouvons plus traiter les questions politiques comme avant. Nous appelons à ce que la mentalité sectaire du ‘temps de paix ‘ s’efface. Construire les outils de défense et de lutte n’est pas un luxe. C’est une nécessité vitale. Si nous ne le faisons pas, nous serons balayés.
L’année 2021 n’est pas écrite. Ce qu’elle sera dépend de nous, un nous au sens large, qui inclut tous ceux et toutes celles qui veulent qu’un monde nouveau naisse : Un monde de justice, un monde d’égalité, un monde de liberté réelle. Un monde communiste !
1https://blogs.parisnanterre.fr/content/la-r%C3%A9tention-de-s%C3%BBret%C3%A9-quand-le-droit-fran%C3%A7ais-adopte-une-institution-allemande#:~:text=Depuis%20son%20introduction%20en%201933,mesure%20p%C3%A9nale%20la%20plus%20controvers%C3%A9e.&text=La%20r%C3%A9tention%20de%20s%C3%BBret%C3%A9%20est%20une%20mesure%20p%C3%A9nale%20permettant%20d,%C3%A9viter%20la%20commission%20de%20r%C3%A9cidives.