La Sainte-Alliance policière.

La police manifeste. C’est devenu un rituel d’avant-période électorale. Plusieurs décès récents de policiers en fonction ont poussé ces derniers à manifester. Ouvertement, c’est une marche citoyenne pour le peuple. Mais comme souvent, le vernis craquelle et laisse entrevoir une autre réalité. Si nous ne réjouissons d’aucune mort, d’aucune souffrance, ce que nous avons entendu aujourd’hui dans la rue est inquiétant.

Certains discours sont digne d’être tirés de l’Inspecteur Harry : des policiers qui regrettent l’obstacle que forme la loi, l’obstacle de la Constitution, qui réclament des peines minimales, en contradiction flagrante avec la notion d’indépendance de la justice et d’individualisation des peines. En somme, la police souhaite la fin de l’État de droit et le passage à une répression réalisée directement par les policiers eux-mêmes, en se fiant à leur jugement. D’autres se plaignent que la police « ne fasse plus peur » aux gens. C’est une façon de concevoir le métier.

Du RN au PCF : la Sainte-Alliance atour de la matraque.

Ce qui est nouveau, cependant, c’est la Sainte-Alliance qui a défilé autour d’elle. Gouvernement, extrême-droite, droite, gauche parlementaire. Les élections arrivent.

Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, est venu dans la manifestation de police. Il s’agit d’une originalité peu commune : un ministre qui manifeste contre sa propre politique. Même la police a trouvé la farce un peu trop grosse et l’a éconduit sans ménagement. Cela montre tant l’absence quasiment proverbiale de vergogne de ce personnage politique tout comme une acceptation qu’une gradation dans la répression est à l’ordre du jour. Il n’est d’ailleurs pas étonnant que la Police (et même le gouvernement) soient irrités par la Justice et par la constitution.

Le Conseil Constitutionnel bien en effet (le 20 mai) de retoquer le fameux article 24 de la Loi de Securité Globale, tant exigé par la police. Cet article devait censurer la publication de photos et des vidéos de la Police « dans un but malveillant ». C’est un revers cinglant, lancé sur un ton acerbe. Le CS déclare que le législateur ; “méconnaît le principe de la légalité des délits et des peines”. En somme qu’il a travaillé n’importe comment, laissant à la libre appréciation que la photo soit à l’intention de nuire ou d’informer. D’autres dispositions, telles que l’usage des drones ont également été censurées par les Sages.

C’est certes un revers, mais cela montre aussi que l’intention d’origine était de transgresser la Constitution et d’imposer un système répressif basé sur le soupçon et la méfiance envers la population.

Que l’extrême-droite soit présente, rien de surprenant. Elle s’y trouve à son aise. Nous avons pu y voir, bras dessus, bras dessous, Bigard, Lassalle,

Eric Zemmour, interviewé par le site du “philosophe” Onfray.

Zemmour, Messiah… Mais cela présente un grand avantage. Cela clarifie les choses : elle avait fait mine d’être du côté du peuple pendant les Gilets Jaunes, et maintenant demande plus de moyens pour éborgner. Finalement, elle est toujours la même extrême-droite, héritière du Parti de l’Ordre.

Les discours tenus par une certaine gauche ont de quoi laisser pantois. PS, EELV, PCF ont défilé avec la Police. C’est honteux. Elle a renoncé intégralement à aller à contre courant des discours démagogiques. Olivier Faure, secrétaire du PS, avait lancé à la volée que les policiers devraient « avoir un droit de regard sur la justice ». Il s’agit d’une déclaration dont nous pensons qu’il faut peser la dangerosité. Même le PCF – là, c’est un naufrage ! – est allé

Peut être une image de texte qui dit ’Le communiste Fabien Roussel, le socialiste Olivier Faure, l'écologiste Yannick Jadot y seront Le candidat communiste à l'élection présidentielle Fabien Roussel sera aussi là. । de la sécurité son principal thème de campagne. en effet fait Fabien Roussel @Fabien_Roussel _Roussel Les 10 000 postes de policiers prevus vont à peine permettre de retrouver ce que Sarkozy avait supprimé. Nous n'arriverons même pas au niveau de 2007. Je veux creer 30 000 postes supplémentaires et les former. @franceinfo 8:50 AM 13 mai 2021 356 262 Partager ce Tweet’

dans la surenchère : demander plus d’emplois policiers, sans jamais expliquer à quel tâche ils sont voués. C’est pourtant l’un des points fondateurs du marxisme : s’intéresser à la nature de l’Etat et comprendre qu’il est l’expression de la dictature d’une classe sur une autre.

Nous saluons l’attitude de LFI, parmi les organisations de la gauche parlementaire, dans le fait de refuser de se prêter à cette mascarade. De même, nous ne pouvons que saluer aussi l’évolution du positionnement de Lutte Ouvrière, qui avait soutenu en 2016 les manifestations de police, et qui aujourd’hui les dénonce. Dans l’ensemble, la gauche extra-parlementaire n’a pas mordu à l’hameçon, hormis certains ovnis qui se sont évertués à défendre l’État tel qu’il est : bourgeois, réactionnaire, répressif.

Le fait que des confédérations syndicales nombreuses aient participé et soutenu cette manifestation pose question : si le syndicalisme est une nécessité pour les travailleurs et les travailleuses, doit-il défendre les intérêts de ceux qui sont payés pour l’écraser ? L’ambiguïté de cette question montre une chose importante : les limites de l’action économique et le besoin d’une action politique, qui soit “au dessus de l’horizon professionnel”.

Il est indéniable que le gouvernement cherche aussi à fragmenter le camp de la lutte. Nous voyons qu’une pression forte est exercée, comme au premier mai, pour essayer de pousser les uns à valider l’intervention de la police contre les autres. Et cette pression marche.

La réalité est là : le nombre de policiers tués en service n’est pas forcément plus fort qu’avant. Le nombre de délits et de crimes n’est pas plus élevé. Les statistiques de l’INSEE le prouvent. Ce qui augmente, c’est le sentiment. Et ce sentiment est un enjeu politique et sociétal important. Il nourrit les campagnes des réactionnaires tandis qu’il anesthésie les esprits des exploités et des exploitées en les laissant dans la peur. C’est pour cela que Darmanin s’est fendu d’une déclaration disant qu’il préférait le « bon sens du boucher-charcutier de Tourcoing ». En somme, une réalité alternative.

Notre voix : celle de la lutte.

Nous le disons toujours : oui, la société est violente et il faut effectivement des moyens pour avoir accès à la justice et vivre en sécurité. C’est un fait. Mais la question de la gestion de ces violences et de leur résolution est ce qui nous différenciera. Certains voient cela au travers d’une gestion quasiment coloniale, par l’expédition punitive et l’écrasement des « classes dangereuses », par des forces spéciales. Elle est construite pour cette fonction, et elle a constamment été améliorée pour y parvenir. Elle n’est pas « dévoyée » ou « détournée de sa fonction », au contraire : nous reconnaissons qu’elle l’exerce efficacement.

Nous, nous croyons à l’expérience des révolutions, de la Commune et de la construction du socialisme : le fait que le maintien de l’ordre soit le fait du peuple directement, comme l’était le Garde de la Commune, tandis que les crimes sur du ressort d’enquêteurs professionnels. Surtout, nous pensons que la très écrasante majorité des délits et des crimes naissent d’un contexte : celui d’une société de classe, oppressive, écrasante, broyant les individus et les maintenant dans les ténèbres.

Un vent mauvais souffle, et gonfle les voiles de ceux et de celles qui rêvent d’un État policier, d’un Etat dans lequel la justice est dirigée par la Police et l’administration. D’un État carcéral, qui maintient son ordre par la force, puis qu’il ne peut plus le faire accepter.

Nous ne savons pas de quoi demain sera fait. Mais nous devons envisager les pires scénarios et être prêts et prêtes. Cela signifie constituer un camp du peuple, uni unitaire, fort, capable de se protéger, de défendre, de remporter des victoires. Nous ne pouvons laisser le sectarisme et les vaines querelles diriger la gauche extra-parlementaire, tandis que nos ennemis de classe, eux, s’allient et se préparent.

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