Dans un précédent article, nous évoquions l’anniversaire du 14 juillet, date retenue pour la Fête de la Fédération, grande séance d’auto-satisfaction pour la bourgeoisie, affirmant que le pouvoir est son affaire.
Le 17 juillet est l’anniversaire d’une autre date de la période révolutionnaire, un jour sanglant, où cette bourgeoisie, ces nouveaux notables, ont montré au peuple que leurs armes leur donnaient le pouvoir.
L’année 1791 voit la contestation se radicaliser. La confiscation de la révolution par une classe bourgeoise qui compte ne diriger que dans l’intérêt des plus riches apparaît de plus en plus comme une évidence. A de nombreuses reprises, Robespierre, alors député de l’Assemblée constituante, montera à la tribune pour dénoncer l’hypocrisie de cette classe dirigeante. Les principes de liberté et d’égalité ont été décrétés. Mais si liberté il y a, pourquoi l’esclavage n’a-t-il pas été aboli ? Une question qui dérange le puissant lobby colonial, dont le numéro un est Lafayette. Si tous les citoyens sont égaux en droits, pourquoi la nation est-elle divisée en citoyens actifs, pouvant voter, et citoyens passifs, ne le pouvant pas ? L’appartenance à l’une ou à l’autre catégorie étant déterminée par le niveau d’impôt qui est payé. Il en va de même pour la Garde nationale, où seuls les citoyens actifs peuvent entrer. Intolérable pour Robespierre qui, dans ses discours, affirme que la Garde nationale doit être la nation entière armée pour défendre les droits de tous ; autrement ils sont les prétoriens de la classe au pouvoir. Une affirmation qui prendra tout son sens le 17 juillet 1791.
Après le célèbre épisode de la fuite de Louis XVI à Varennes en juin 1791, les dirigeants sont divisés : rétablir le roi, ou lui substituer un régent ? L’Assemblée finira par rétablir Louis XVI, prétendant à un enlèvement par des émigrés, un mensonge auquel personne ne croit.
La France d’alors voit fleurir les sociétés populaires, et les clubs politiques, de véritables espace de débats, de discussions, beaucoup plus ouverts que les assemblées élues. L’un des plus radicaux s’avère être le club des Cordeliers, qui verra passer de grands noms de la révolution, tel que Jean-Paul Marat. Entre rétablissement ou destitution de Louis XVI, les cordeliers souhaitent proposer à l’ensemble des citoyens de Paris une troisième solution: la fin de la monarchie. Le mot « république » fait alors trembler les constituants. Si, à notre époque, la bourgeoisie exploitante s’est parfaitement accommodée à cette forme de gouvernement, en parler en 1791 revenait à remettre en cause toute l’organisation sociale d’alors.
Mais les cordeliers n’ont pas d’élus, et les citoyens passifs, très majoritaires, ne peuvent prendre la parole devant l’Assemblée pour exposer leur vision. Alors, un autre moyen sera trouvé, bien pire, aux yeux des nantis, qu’une intervention contestatrice à la tribune. Les cordeliers vont appeler, ce 17 juillet, à un rassemblement sur le Champ de Mars. Tous ceux et toutes celles qui s’y rendront pourront alors signer une pétition exigeant la déchéance du roi, et l’établissement d’une république. Quelle idée répugnante pour les dirigeants de la constituante, qu’une ligne politique puisse être portée et débattue par le peuple, sortant du cadre hermétique de l’Assemblée, où l’on se retrouve entre bonnes gens.
La réponse ne se fait pas attendre : la loi martiale est votée, et la Garde nationale, commandée par Lafayette, tirera sans sommation sur les Parisiens rassemblés au Champ de Mars. Impossible de savoir combien de personnes ont réellement été tuées, peut être plusieurs centaines, peut être plusieurs milliers.
C’est de ce massacre qu’émerge finalement la première monarchie constitutionnelle que connait la France, donnant le pouvoir uniquement aux plus riches, et tenant les prolétaires à bonne distance des affaires.
Une simple pétition a valu au peuple un massacre ; désormais les choses sont claires, le pouvoir ne peut être pris que par les armes. Une leçon chèrement payée, mais mise en pratique un an plus tard, quand le peuple de Paris mettra fin par les armes à la monarchie, prenant la place qui lui était jusque là refusée.