Le 21 janvier 1924, Lénine mourrait des suites d’une hémorragie cérébrale.
96 ans après sa mort, son nom est toujours synonyme de combat révolutionnaire. Son nom est toujours synonyme de victoire.
Comment pourrait-il en être autrement, tant son rôle a été important dans l’histoire du mouvement communiste, tant il a pu l’être aussi dans l’histoire de la révolution russe. Aucun autre bolchevique n’aura pesé tant de poids dans les décisions du Parti, dans les décisions de la révolution.
Lénine a enrichi le marxisme de ses apports. Ses travaux ont permis d’intégrer le développement d’une nouvelle ère, celle de l’impérialisme, dans l’analyse économique marxiste. Ils ont permis aussi que décante définitivement la séparation entre le marxisme révisé, réformiste, chauvin, et le marxisme révolutionnaire, bolchevique.
Lénine a consolidé le marxisme, et en a défendu les aspects les plus importants. La question de l’internationalisme, dans l’anti-impérialisme, mais aussi la question de l’État et de la dictature du prolétariat.
Son rôle, aux côtés d’autres acteurs, dans le développement d’un nouveau type de parti, d’un parti révolutionnaire, est encore, aujourd’hui, une source d’enrichissement. Lire Lénine est d’une importance considérable. Comprendre le lent travail d’agrégation des forces, le lent travail de coordination, de décantation, permet de voir l’immensité des tâches que nous avons devant nous.
Lénine s’est montré à plusieurs reprises d’une dureté de fer dans son rôle de dirigeant du Parti. Et pour cause, au-dessus de tous les principes, il a toujours placé l’impératif d’efficacité, la nécessité de la prise de décision. Le Parti étant là nous pour être un fétiche, une contre-culture ou une contre-société, mais comme un moyen pour emporter la décision. Ce que Lénine avait mieux compris que quiconque à sa période, était la primauté de l’efficacité. Il ne suffisait pas d’avoir raison sur le fond, théoriquement et idéologiquement, il fallait encore avoir raison sur la forme et sur l’opératique.
En bon lecteur de Clausewitz, Lénine a contribué donc à organiser le Parti sur un modèle militaire : capable de débattre, de discuter, d’avoir des échanges théorique très poussés, comprenant d’ailleurs un panel de positions important, mais capable d’agir d’un seul bloc. Là résidait l’essence du centralisme démocratique : dans le fait d’être capable de répondre aux exigences de la lutte réelle.
Paradoxalement, Lénine n’a pas toujours été le meilleur élève de ce principe. Au nom du principe premier d’efficacité, il n’hésitait pas à entrer en conflit très violent avec le Politburo, notamment sur la question du déclenchement de l’insurrection ou de la paix de Brest-Litovsk. Quitte, pour cela, à mettre sa démission dans la balance. De ce point de vue-là, Lénine a toujours agi comme un élève de Clausewitz, considérant qu’il fallait saisir les opportunités, même si cela demandait de naviguer à vue.
Même Staline, dont ont surestime constamment le rôle individuel, n’a eu une telle autorité sur l’appareil du Parti.1
Dans le fond, lorsque l’on sort du récit romancé de la construction de l’URSS, ce qui saute aux yeux est l’absence de plan préétabli. Les bolcheviques, notamment grâce à une direction efficace, sont parvenus à l’emporter bien au de leurs espoirs. Mais la victoire posait de nouvelles problématiques, dont la construction du socialisme.
Les bolcheviques avaient gagné, mais la révolution mondiale s’était enrayée. Ils étaient seuls. Sans miracle. La révolution allemande avait fait long feu. La Hongrie était écrasée dans le sang. Le prolétariat occidental pansait les plaies de la guerre. Celui d’Orient était encore dans la nuit du colonialisme.
Il leur fallait donc « faire avec » ou abandonner. Lénine, encore, avait été capable d’une clairvoyance impressionante. Maintenir et renforcer l’alliance entre la paysannerie et le prolétariat. Faire une paix, un compromis, dur, aigre, mais nécessaire pour que demain soit une victoire. Dans la lutte contre les défaitistes, contre ceux qui ne voyaient comme issue que l’échec ou la fuite éperdue en avant, Lénine s’est montré d’une fermeté implacable.
Transformer un parti conçu pour la lutte clandestine en parti capable de diriger un pays a été un tour de force immense. Développer un pays arriéré, ravagé, épuisé, était une tâche incroyable. Pourtant, Lénine, systématiquement, en cherchant les points de passage, en essayant de dessiner les étapes, est parvenu à faire passer le petit espace tenu par les rouges à une Union soviétique que nul ne pouvait plus impunément menacer. Les travailleurs et les travailleuses ont été, pour la première fois, maîtres chez eux.
Au moment de son décès, affaibli par la tentative d’assassinat faite par Fanny Kaplan, l’existence de l’Union soviétique est devenue un fait établi. Bien que encore jeune et fragile, l’URSS va de l’avant. Le monde capitaliste sait qu’il ne peut compter sur son effondrement. Il ne lésina pas sur les moyens de le faire, cependant.
En 2017, pour lui rendre hommage, nous ajoutions ceci :
« La mise en œuvre des plans quinquennaux, de l’étatisation de l’industrie, mais aussi de la collectivisation des terres ont permis d’éradiquer la pauvreté, la misère noire, endémique à la Russie Tsariste. Une économie planifiée, faisant la chasse au gaspillage, imperméable aux crises, a été mise en œuvre, faisant franchir les étapes du développement économique en étant chaussé de bottes de sept lieues. Cela, sans renoncer à la lutte des classes, qui chaque fois s’est faite plus aigüe plus profonde, rejetant, dans les oubliettes de l’histoire, les classes sociales parasitaires. Le bilan de Lénine lui confère une aura d’invincibilité.Pourtant, chez Lénine et ses continuateurs, des y eut des manques, des failles, des erreurs. Tout était expérimental, tout était à découvrir. Ces failles, les chercheurs du marxisme tentent de les trouver pour les élucider et les corriger, pour renforcer l’idéologie léniniste. Si nous reconnaissons des erreurs, nous les formulons ouvertement, car la critique doit être constructive. Mais d’autres l’ont fait et le font en sous main, non pour améliorer le léninisme, mais pour en saper les bases.»
Nous maintenons ce bilan. L’histoire de l’Union soviétique ne s’est pas écrite comme un scénario de film. Elle a été une aventure immense, dans laquelle, contrairement aux idées reçues, les masses populaires ont joué un rôle de premier plan. L’œuvre de Lénine, prolongée par ceux qui lui succédèrent, a été un travail long, difficile, inédit et expérimental.
Indépendamment des avis et des opinions sur les individus qui ont fait l’histoire de l’Union soviétique, ce bilan doit être scientifiquement fait pour être utile. L’histoire romancée, si belle soit-elle, n’est que propagande. Ce dont ont besoin les masses populaires, aujourd’hui, ce n’est pas de récits, mais d’un outil pour combattre. L’expérience socialiste, l’expérience de Lénine, doivent servir à construire ces outils.
Si Lénine était là, aujourd’hui, il est certain qu’il se montrerait très critique envers l’état du mouvement communiste français. Il ne ferait certainement pas de louanges. Nul doute qu’il nous rappellerait, sans le moindre ménagement, à nos tâches : construire le Parti qui manque au prolétariat, en mettant en avant les principes qu’il a toujours défendus : réussir à forme un noyau dur, un centre de gravité, pour que puisse naître cette organisation vitale.
Rendons hommage à Lénine en travaillant à unifier les forces combatives.
Rendons-lui hommage en travaillant à réunir les communistes sous une même bannière.
Avançons vers la lutte victorieuse !
1« Il faut rappeler, tout d’abord, que les positions de Lénine et de Staline concernant les problèmes de lutte idéologique au sein du parti étaient très différentes. En règle générale, Lénine a toujours placé cette lutte au premier plan. Il n’a jamais hésité à aller « contre le courant », si bien qu’il a été mis plus d’une fois en minorité au sein du Comité central, y compris sur des questions essentielles […] Staline a conçu son rôle dirigeant autrement : sur les problèmes essentiels, a cherché avant tout […] à exprimer les tendances profondes du parti, dont il était ainsi le porte-parole. À cet égard, les attaques polémiques contre Staline – qui est supposé, par sa « personnalité », avoir imposé au parti des conceptions qui lui auraient été étrangères – sont dénuées de fondement. » (Bettelheim, La lutte des classes en URSS , Tome I, 1974, p. 36)