Le temps maudit des colonies

Depuis l’assaut de la résistance palestinienne du 7 octobre, nous avons lu toutes sortes de positions incongrues, parfois complètement honteuses, de la part de franges de la gauche libertaire, syndicale et sociale-démocrate du centre impérialiste français.

Des collectifs et individus, notamment Juifs et Juives révolutionnaires (JJR) ou le Réseau d’action contre l’antisémitisme et tous les racismes (RAAR), sous couvert de l’émotion causée par les morts de civils israéliens, se fendent de communiqués et de déclarations accusatrices. Certains, créant et diffusant sur les réseaux sociaux des petites listes d’organisations aux positions soupçonnées « dangereuses », dont la présence en manifestation serait une menace, argumentant ainsi publiquement leur refus de participer aux rassemblements contre le génocide en cours à Gaza. Notre organisation y est parfois citée, aux côtés du NPA, de nos camarades du collectif Palestine vaincra, de l’Union juive française pour la paix (UJFP), ainsi que de réactionnaires indubitablement antisémites et LGBTI-phobes comme le Parti des indigènes de la république (PIR). Des listes bien pratiques pour la police, avide d’associations et d’organisations à verbaliser et à dissoudre, dans la poursuite qu’entreprend l’État contre la lutte pour le droit des Palestiniens et Palestiniennes à la simple existence.

Nous sommes plus ou moins surpris de nous retrouver sur le banc des accusés aux côtés du NPA, affreux « staliniens » que nous sommes. On pourrait dire, pour la joie de la boutade, qu’au vu de l’influence anticommuniste qu’a Georges Orwell sur la gauche française, l’établissement de petites listes policières, de la part d’une gauche aussi superficiellement radicale que réellement opportuniste, n’est pas si surprenant.

Au-delà des injonctions droit-de-l’hommistes au « respect de la vie », et des accusations d’antisémitisme ou d’apologie du terrorisme, dépassant le simple prisme de l’indécence et ignorant la réalité de la guerre et de tout ce qu’implique inévitablement et tristement une lutte de libération nationale : nous constatons l’oubli (ou l’omission) du concept même de colonialisme de peuplement dans sa réalité. Celle-ci se fait au profit d’un décolonialisme petit bourgeois, amnésique et performatif. Tout cela attire notre attention. Nous ne nous offusquons pas des accusations, qui nous semblent risibles, mais cette cécité concernant le colonialisme est assez préoccupante.

I. Est-ce si difficile de parler de colonialisme ?

Face au silence sur cette réalité, nous nous devons de faire un rappel, car ignorer les modalités insidieuses du colonialisme de peuplement amène à confondre celui-ci avec les généralités de l’impérialisme et des systèmes coloniaux.

L’impérialisme, dans son mode d’ingérence le plus « soft », est la présence étouffante du capital monopolistique dominant dans les pays dominés. La politique se fait sous influence extérieure par des jeux d’alliances, des administrations d’État compradores, des lobbies privés, des guerres par procuration, la fomentation de coups d’État, et d’autres jeux de domination plus discrets et vicieux. La Françafrique (en déclin perpétuel) suit cette logique néocoloniale, plus superficiellement « acceptable » post-Empire colonial (succédant à tous les stigmates lui étant relatifs), tout comme l’actuelle montée d’influence de la Chine en Afrique. Nous pouvons aussi bien évidemment mentionner la domination étasunienne fluctuante sur les Philippines, Haïti, l’Amérique centrale et l’Amérique du Sud.

Plus direct que l’ingérence impérialiste néocoloniale, le colonialisme de comptoirs (précédant la phase impérialiste du capitalisme), donne le pouvoir d’État à une administration coloniale, et offre l’accaparement des moyens de production à la bourgeoisie coloniale. Hong Kong (pré-rétrocession), le Congo belge, Porto Rico, l’Empire colonial français d’Afrique (exception faite à l’Algérie française), des Caraïbes, de Polynésie, de Kanaky ou d’Indochine en sont des exemples probants. Si l’arrivée de colons fait bien évidemment partie de cette modalité, elle ne compte très majoritairement que des bourgeoisies patronales (notamment minières ou de plantations) : marchands de comptoirs, maîtres d’esclaves, policiers, militaires, matons, petite bourgeoisie (médecins, juristes) et employés administratifs. La population indigène reste ultra-majoritaire mais réduite à une main-d’œuvre brutalisée, massacrée, esclavagisée et privée de toute forme de pouvoir et d’autodétermination.

Le colonialisme de peuplement (ou settler colonialism), le plus barbare de tous, suit un objectif précis et particulier : le remplacement total de la population indigène par une population coloniale. Le terme anglophone settler sera utilisé dans ce texte pour désigner les colons spécifiques à cette forme de colonialisme, par désir de clarté. Le settler n’établit pas seulement des bases de contrôle économique pour extraire ressources et main-d’œuvre (plus ou moins gratuite), mais existe pour conquérir toute la terre et détruire l’indigène (le nettoyage ethnique), par le déplacement, l’apartheid, la déshumanisation, et enfin l’extermination. Il n’y a pas d’autre moyen pour atteindre un projet final de repeuplement. Les colonies d’installation qui ont atteint cet objectif, comme les USA, l’Australie ou le Canada, démontrent l’ampleur inhumaine du désastre génocidaire que cela implique.

Le colonialisme settler, matériellement, se base sur une exacerbation à l’extrême de la contradiction entre un centre impérialiste et sa sphère de domination. Le prolétariat des centres impérialistes profite toujours de l’exploitation du reste du monde, par un confort matériel supérieur. Mais dans une société coloniale settler, le prolétariat dominant prend totalement la place du dominé, sous la promesse d’un profit exceptionnel, d’une terre nouvelle à sculpter à son image (exemple : la destinée manifeste), de la possibilité même infime de surclassement, de l’accès à la propriété (exemple : le rêve américain), et d’un privilège politique et social supérieur qui pourrait surpasser sa condition d’exploité économique.

Superstructurellement, le colonialisme de peuplement implique la création, par la propagande politique et par la culture coloniale elle-même, d’un « peuple nouveau », qui construit ainsi toute son identité sur le fait d’être un colon, et que la terre volée est une terre due prophétiquement. Cela implique que la déshumanisation de l’indigène, et in fine son extermination, sont une nécessité, allant du « tristement inévitable » pour les sociaux chauvins jusqu’au « but sacré » pour les fanatiques.

Le travailleur settler sera toujours plus concerné par sa condition privilégiée de colon que par sa condition de travailleur exploité. Les white trash Américains (les prolétaires blancs déclassés) sont ainsi plus intéressés par le fanatisme évangélique, la propriété privée et le suprémacisme blanc, que par leur propre libération de la bourgeoisie. Les travailleurs et fermiers boers d’Afrique du Sud sont plus attachés au fantasme d’un Volkstaat (état nation afrikaner) et au déplacement forcé des populations indigènes africaines dans les Bantoustans, qu’à leur libération face aux capitalistes. Les Pieds noirs sont bien plus passionnés par « leur » Algérie perdue que par toute autre problématique de classe.

Alors nous demandons à tous les sociaux chauvins et autres opportunistes « décoloniaux » : par quelle magie peut-on croire une seule seconde que les prolétaires colons israéliens, en tant que classe, ont un intérêt particulier à leur libération de leur bourgeoisie et à la fin du projet colonial ? Leur intérêt, révélé qui plus est dans les sondages et dans leurs choix électoraux, est l’extermination directe et totale du Palestinien, « l’animal terroriste ». L’opposition israélienne, la même qui s’est ruée sur l’idée d’un gouvernement d’union nationale pour l’extermination des Palestiniens, n’a en aucun cas une position radicalement différente de l’extrême droite du Likoud. L’une est simplement plus lâche que l’autre. Le Parti travailliste israélien, et ses prédécesseurs Mapaï et Rafi, partis de « gauche » et « raisonnables » ont entériné l’aspect colonial et génocidaire d’Israël bien avant l’arrivée du Likoud sur le terrain politique israélien. Les criminels génocidaires notoires comme Moshe Dayan, David Ben Gourion et Golda Meir sont des piliers de cette gauche sociale-chauvine, et reconnus comme des parents de la nation israélienne. On ne peut pas décemment croire en une opposition réelle à ce qu’est Israël dans la vie politique israélienne légale. La caractéristique sociale, culturelle et économique du settler dépasse les bancs parlementaires ou les dissensions de la société civile. Elle est la contradiction principale, et la condition de l’existence même de l’État israélien. Le consensus colonial est tant transpartisan qu’interclassiste. Les oppositions réelles sont ultra-minoritaires, car bafouées, rejetées, emprisonnées. Un colon qui se bat contre le colonialisme doit abandonner tout privilège et toute sécurité personnelle pour entrer réellement dans une lutte concrète pour les Palestiniens. Ces organisations anti-coloniales sont une réalité, mais malheureusement inévitablement négligeables dans leur impact face au consensus colonial. La libération nationale est, de toute manière, nécessairement le fait du colonisé.

En résumé, le prolétaire settler est toujours d’abord un settler, puis un prolétaire, et ce tant par sa conscience subjective que par ses intérêts objectifs de colons. Le settler ne se conçoit pas comme un prolétaire, mais comme un membre de la nation coloniale, et il ne défend pas ses intérêts historiques de prolétaire, mais ses intérêts de prolétaire colon. Au-delà de l’absence de conscience de classe du prolétaire colon, ses intérêts de classe immédiats ne sont pas les mêmes que ceux des prolétaires colonisés, et il va ainsi travailler à ce que ses intérêts priment sur les leurs, à leurs dépens. À l’intérêt historique du prolétariat — l’internationalisme révolutionnaire — le prolétaire settler préfère et préférera toujours son intérêt de court et de moyen terme colonial, car ce dernier est largement suffisant pour le séduire. Le prolétaire settler n’est pas « trompé » ou victime d’une manipulation de sa bourgeoisie (qui le dévierait de ses « vrais » intérêts), car il est acheté, et complice de l’entreprise coloniale de sa bourgeoisie. À ce titre, l’internationalisme n’est pas la négation de la différence et de l’antagonisme entre les intérêts des prolétaires colons et colonisés, mais bien prendre le parti des colonisés pour leur libération, pour résoudre les contradictions au sein du prolétariat international. C’est la seule stratégie internationaliste possible dans les sociétés coloniales (que cette contradiction y soit principale ou non). Attendre que le colon se rallie au colonisé, car ils appartiendraient à la même classe, ou encore conditionner la révolte du colonisé au respect du colon ou à son approbation, c’est prendre une position de facto chauvine, motivée par une métaphysique qui n’a rien ni d’internationaliste ni de révolutionnaire.

Si une libération du prolétariat est possible en Israël, elle doit inclure sans équivoque la libération nationale des colonisés, et la fin du projet colonial : c’est la résolution de la contradiction principale et de son antagonisme, auquel est donc subordonnée toute résolution de la contradiction entre Travail et Capital, dans ce contexte.

Les arguments fallacieux pour contredire cet état de fait, c’est-à-dire le caractère indubitablement colonial d’Israël, reprenant la propagande sioniste, sont légion, de l’argument prophétique à celui du refuge.

II. Jeux de propagande

Rappelons que le sionisme, une idéologie ethno-nationaliste récente, n’a jamais été un pilier fondamental de la judéité, ne l’est pas à ce jour et ne le sera jamais. C’est une entité politique moderne fondée sur le colonialisme. L’opportunité géopolitique des impérialistes européens et américains devant l’arrivée du sionisme, de ses partis et de ses associations, sur la scène politique des communautés juives d’Europe au début du 20e siècle, n’est pas une conspiration occulte fomentée en secret. Ce n’est qu’une réaction purement opportuniste des impérialistes occidentaux, afin d’éviter une perte de contrôle complète sur le Proche-Orient après l’effondrement de l’Empire ottoman, les révoltes arabes s’étant avérées infructueuses pour l’objectif d’une domination anglaise sur le proche orient.

On ne peut pas blâmer les réfugiés juifs d’Europe partant depuis des siècles vers le levant, fuyant l’horreur absolue des pogroms et de l’antisémitisme. Un caractère essentiel de toutes les populations Homo Sapiens depuis toujours est le déplacement, les fluctuations. Une différence nette se trace entre, d’une part, les déplacements « naturels » des peuples par refuge ou par migration et les formations de diasporas, et d’autre part, les projets coloniaux de peuplement, un système complexe économique, militaire et politique, rodé dans un objectif particulier. Le caractère systémique du colonialisme d’installation israélien ne s’était pas encore formalisé avant la Palestine mandataire et l’appui britannique pour un repeuplement militarisé en Palestine, profit britannique qui s’est révélé au départ à perte avec la radicalisation des dits colons.

Les diasporas juives du monde forment des peuples à part entière, pluriels, fondamentalement attachés à leurs communautés, leurs particularités culturelles et leurs identités linguistiques. Mais l’offre de terres et d’opportunités de reconstruction est une proposition particulièrement efficace pour gagner une part non négligeable de l’opinion publique juive, peu après une campagne de brutalisation et d’extermination industrielle en Europe, aussi massive qu’inoubliablement immonde. Le sionisme n’était pas populaire avant les années 40 et les campagnes massives en faveur du peuplement (loi du retour, offre de terres, propagande de masse, opération « tapis volant », argument religieux, argument d’appel à l’auto-protection, etc.). Le sionisme a gagné son influence sur une partie des diasporas juives dans le monde de ce fait, mais surtout grâce à l’appui géopolitique et financier des puissances impérialistes occidentales. Cette idéologie rencontra de nombreuses oppositions, parfois violentes, notamment de la part du Bund, argumentant de l’importance d’une lutte pour une libération des communautés juives en tant que diasporas et non en tant que nouvel état racial.

L’argument principal du sionisme étant un retour « prophétique » sur une terre perdue (la terre de naissance des Hébreux), au-delà de tout débat théologique sur ce principe, que nous laissons aux spécialistes du judaïsme (ses courants et ses débats aussi culturellement pertinents et intéressants soient-ils), nous posons la question des problématiques politiques, sociales et économiques que le sionisme pose.

Le projet sioniste, en créant « l’homme nouveau » colon, dédié corps et âme au projet colonial, réduit à néant la diversité formidable des peuples juifs du monde : leurs complexités, leurs identités, leurs langues et coutumes, les richesses culturelles qui sont une leçon et un ciment pour des millions d’individus qui ont lutté et survécu aux crimes abominables du fascisme et des pogroms. Cette suppression peut être brutale et directe (la discrimination violente des Beta Israel éthiopiens et les inégalités imposées aux Séfarades) ou plus insidieuse et complexe (la disparition progressive du yiddish, déjà ruiné par la Shoah, peinant à exister au profit de l’Hébreu officiel, les sionistes ayant œuvré longtemps pour sa suppression totale).1 Ces problématiques d’homogénéisation ne sont pas exceptionnelles à Israël, mais s’imposent dans toutes les colonies de peuplement. Israël réduit les foisonnantes cultures juives à une monolithique culture settler, comme l’Amérique a annihilé les diverses identités originelles des colons, leurs richesses et leur diversité au profit de l’homme nouveau étasunien, dont l’âme est dédiée aux pavillons, aux parkings, aux armes à feu, au corn syrup et aux opioïdes.

En plus de cette caractéristique négative du sionisme, la propagande coloniale réduisant toute cette diversité culturelle, confessionnelle et ethnique à un seul projet ethno-nationaliste, imaginant un seul peuple uniforme avec un seul objectif suprémaciste, est, en soi, une forme d’antisémitisme internalisée et déshumanisante. C’est un cadeau que fait le sionisme aux ordures antisémites, afin de sortir du bois pour argumenter leur propre projet suprémaciste, et désigner les communautés juives comme une « entité totalisante », vouée à un projet d’ensemble. Ce concept est une escroquerie autant qu’il est un crime.

Autre argument pour la colonie de peuplement israélienne, que l’on a pu entendre notamment dans un passage navrant de l’émission Backseat de Jean Massiet2, est le principe du « peuple sans terre », et donc ne pouvant pas être colonial par nature, le retour en terre de Jérusalem étant un dû. Ce n’est en aucun cas une négation du caractère colonial d’Israël.

Le Liberia est une colonie de peuplement d’Afro-Américains affranchis, envoyés en Afrique de l’Ouest avec l’appui des suprémacistes blancs de l’American Colonization Society. Toute la politique des colons afro-américains au Liberia suit exactement la même logique que celle des colons israéliens. De quel droit devrions nous absoudre le True Whig libérien de son caractère colonial et de ses exactions génocidaires, pour cause qu’il vient d’un peuple arraché à sa terre, et effectuant « un retour » ? Nous avons dans les deux cas des peuples qui se sont (re) formés en dehors de leur terre d’origine, par une histoire longue, complexe et semée de persécutions systématiques. Cela ne garantit pas qu’un « retour aux origines » ne se fasse pas aux dépens des peuples qui habitent toujours cette terre, et ce depuis des milliers d’années.

Une composante superstructurelle du colonialisme de peuplement régulièrement utilisée pour argumenter son existence politique et sociale, sauf exception, est d’avancer qu’un peuple qui a souffert (à différents degrés d’intensité) mérite un « nouveau départ », vers une prospérité due.

Le principe, en surface, est parfaitement souhaitable. Le problème étant que cet argument est utilisé pour exiger cette prospérité au prix du sang. L’arrivée massive des puritains anglais dans les colonies a suivi la persécution anglicane, le Nouveau Monde étant donc une terre donnée par la grâce de Dieu, et l’indigène n’étant qu’un « sauvage païen ». L’idéologie du Volkstaat afrikaner s’est fondée sur le traumatisme collectif des colons boer, mourant de faim dans les camps de concentration anglais (les premiers de l’histoire moderne), et devant donc « sauvegarder leur culture » face aux autres colons européens, évidemment au plus grand mépris des indigènes africains. Le True Whig Party libérien a joué de l’esclavage et de la torture des Afro-Américains, pour argumenter le retour en Afrique des esclaves affranchis comme une prophétie à réaliser, les autochtones se retrouvant privés de toute forme de pouvoir politique et économique, brutalisés et bafoués.

Si ces persécutions et violences subies sont une réalité indubitable, autant que sont les traumatismes intergénérationnels qu’ils ont pu causer, le settler colonialism l’utilise le plus indécemment du monde, pour un projet génocidaire d’extraction totale de la terre.

Rien ne différencie, dans ses modalités (ses causes, sa fin, ses moyens, ses caractéristiques), Israël de la Rhodésie, de l’Afrique du Sud de l’apartheid, du Groenland danois, de l’Algérie française, des États-Unis ou du Canada. Rien ne définit une différence idéologique radicale entre le Volkstaat afrikaner, la Manifest Destiny, l’algérianisme et le sionisme. On ne peut pas séparer fondamentalement l’apartheid en Cisjordanie et à Gaza, les Bantoustans africains ou l’Indian Act canadien. Notons que le plus grand soutien diplomatique de l’Afrique du Sud de l’apartheid et de la Rhodésie de la guerre du Bush, était de manière peu surprenante l’État d’Israël, et ce bien avant le gouvernement d’extrême droite de Netanyahou. Ironie du sort, de nombreux Afrikaners fanatisés, répugnés de voir leur propre projet colonial du Volkstaat s’essouffler, migrent en Israël depuis quelque temps.3

Devant cette évidence assumée par l’État israélien lui-même, pourquoi une lecture aussi pauvre, et parfois nauséabonde dans la gauche française de la question coloniale israélienne ? Qui plus est à l’heure où la phase d’extermination des Palestiniens est officiellement lancée ?

III. La gauche sociale-coloniale au goût du jour

Les communiqués divers et variés de certaines « organisations » ou collectifs, formés pour certains uniquement dans le but de s’exprimer sur le conflit, reflétant directement leur positionnement effectif sur la guerre d’Israël contre Palestine mais aussi, par extension, sur tout autre conflit colonial sur lequel elles jugeraient bon et utile de s’exprimer, ne sont qu’une preuve du décolonialisme performatif et creux endémique à une certaine partie de la gauche française, et, plus largement, des pays impérialistes.

Nous avons relevé à plusieurs reprises, dans ces textes, la prégnance, consciente ou inconsciente, du concept de « concerné et concernée » utilisé ici comme justification d’une légitimité absolue et inattaquable. La présence en filigrane de ce genre de vocabulaire ne sert, dans les communiqués en question, qu’à faire taire les critiques légitimes que l’on pourrait adresser aux organisations responsables. Le recours à un champ lexical de l’identité et de la légitimité inhérente à cette identité n’est pas innocent : il fait appel au folklore d’une partie non négligeable de l’extrême gauche française et même de la gauche au sens large. En faisant appel à ces concepts, la rhétorique des textes vise à permettre à leurs auteurs et autrices de se placer au-dessus de toute critique, et leur alloue même le confort de pouvoir en apporter à leurs détracteurs à peu de frais.

Parmi d’autres procédés rhétoriques utilisés dans les communiqués en question, on note une contradiction fondamentale entre l’explicite des textes (« nous avons le regret de ne pas pouvoir participer aux rassemblements en soutien à la Palestine même si nous voudrions y aller et que dans l’idée nous les soutenons ») et l’implicite (« nous revendiquons le fait de ne PAS aller aux rassemblements pro-Palestine, et communiquons sur cette revendication en sachant pertinemment qu’un nombre important de personnes et d’organisations vont utiliser notre communiqué pour saper directement le soutien à la lutte palestinienne »).

Si nous pouvons entendre la réticence de certaines personnes à se rendre à certains rassemblements au sein desquels elles pourraient, sur le plan individuel, se sentir mal à l’aise (pour des raisons de répression policière par exemple, ou à cause des quelques agressions à caractère antisémite relevées par certaines sources), il est cependant intolérable que la non-présence à ces rassemblements fasse l’objet d’une revendication, aussi implicite soit-elle.

Pourquoi se pencher sur ces textes, que l’on pourrait simplement considérer comme un symptôme des positions sociales impérialistes que n’importe quelle personne de gauche au sens large en France en 2023 pourrait avoir ?

La réponse est simple : parce qu’ils émanent du camp politique qui se revendique le plus d’un décolonialisme sans concession, d’un antiracisme politique, et, au final, d’une pureté militante. Le danger de la normalisation des positions « ni ni » au sein de la gauche est d’autant plus présent lorsqu’elle vient d’une frange qui se place volontairement, en temps normal, à la pointe d’une radicalité supposée révolutionnaire.

C’est dans une période clivante et éprouvante comme celle que nous traversons que les lignes implicites des organisations se révèlent, en dépit de tout le travail de rhétorique militante et de positionnements virtuels confortablement radicaux et pseudo-révolutionnaires que ces organisations s’affairent à élaborer en des temps plus apaisés. Ces lignes en apparence décoloniales et antiracistes se transforment en temps de crise et se révèlent rétrospectivement d’un intellectualisme ronflant, opportuniste et sans aucune analyse concrète et scientifique de la réalité. Que penser d’une position qui se revendique « radicalement décolonialiste » lorsque, confrontée à une situation objectivement coloniale et génocidaire, elle rétropédale et se retire dans un appel à l’émotion, dans une mise au même niveau des violences des colonisateurs et de celles des colonisés, et dans une imploration du respect des résolutions de l’ONU ? On peut alors légitimement penser que les positions soutenues en temps de paix relative ne sont que l’expression d’une bonne conscience propre à une partie de la gauche des pays impérialistes, afin de se construire une légitimité et une assise militante sans faire le travail intellectuel et scientifique requis à l’élaboration d’une ligne juste et cohérente, aussi inconfortable et contre-intuitive en surface celle-ci puisse être.

Ce manque de cohérence mène non seulement à une lecture très dangereuse des événements en Palestine, mais aussi une lecture superficielle et in fine impuissante du système impérialiste en général. Nous voyons par exemple régulièrement la confusion entretenue à gauche, entre les caractéristiques infrastructurelles de l’impérialisme français et celui du colonialisme américain, et leurs superstructures relatives. Les superstructures présentes en France, comme le racisme et autres formes de domination économico-politiques, prennent des modalités variables distinctes de la structure américaine, cette dernière baignée dans le settler colonialism, et donc dans une forme bien particulière de modèle social, de violence et de ségrégation. Si les symptômes ont des similarités, des inégalités aux violences policières racistes, il faut se permettre de disséquer les formes pour mieux les combattre, et éviter de se retrouver aux prises avec des chimères. Il est navrant de voir la lutte contre le colonialisme réduite par ces franges à de simples luttes de surface sur la représentativité culturelle dans les films américains, ou à des jeux intellectuels complètement abstraits, jonglant de sémantique et de principes métaphysiques pour masquer la déconnexion complète du réel, calquant les réalités sociales américaines des race relations sur le système raciste français (bien distinct dans ses configurations et ses sources matérielles). Cela amène à une vue abstraite et tronquée de l’impérialisme et des colonialismes, de leurs fonctionnements matériels variés, et dans le cas de la Palestine, à nier la réalité de la lutte contre ceux-ci au moment où elle se fait inévitablement dans le sang et les larmes. Le concret les terrifie, mais seul dans le concret réside le nerf de la guerre. De manière compréhensible, le concret est essentiellement bien plus révoltant que tout mot et toute abstraction, et l’oublier est agréable.

En ayant une lecture aussi pauvre de l’impérialisme et du colonialisme, les décoloniaux de papier les plus indécents pensent et agissent comme si Israël était un objet séparé du monde, dont les enjeux seraient exceptionnels par rapport au système impérialiste, dont l’existence serait spéciale, contrairement à tout autre système colonial : « seul le gouvernement actuel est colonialiste », « il ne faut pas confondre l’état israélien et sa société civile » ou « les colonies illégales ne sont peuplées que par des extrémistes ». Israël ne serait donc colonial que par « tranches », c’est-à-dire partiellement, mais certainement pas dans sa totalité. Une vision bien imbécile de ce qu’est une colonie de peuplement ! Cette pirouette, peu importe l’intention, n’aboutit qu’à nier l’évidence et se plie à l’idéologie sioniste. S’opposer au colonialisme israélien, voire simplement critiquer Israël, reviendrait à « dénier l’auto-détermination des Juifs », le combattre reviendrait à « vouloir supprimer les Juifs du levant ». Nous répondons que dans l’état des faits, cette attitude est un négationnisme de ce qu’est le colonialisme, un négationnisme de génocide, et un recours au « et si ? » complètement métaphysique. Nous l’avons déjà écrit, ces contorsions et ces déplorations ne sont que celles de la lâcheté sociale-chauvine, se réfugiant dans l’abstrait.

Une autre frange de cette gauche impérialiste a pu entreprendre des gymnastiques mentales encore plus pathétiques, qui nient le caractère colonial d’Israël. Des sections vieillissantes de la CNT et de la FA nous ont gratinés de communiqués et publications absurdes, confinant le problème aux « États, nations et religions », mettant sur le même pied « les musulmans extrémistes et les juifs extrémistes », appelant aux « athées et laïques » d’Israël et de Palestine à marcher main dans la main contre l’oppression cléricale, nationaliste et étatiste. Cet argument est une forme de trépanation complète, gavée à la propagande coloniale et au libéralisme. C’est mettre dos à dos la violence coloniale et la résistance des colonisés, ses victoires comme ses débordements inévitables. Nous persistons que jamais nous ne devrions soumettre les colonisés aux hauts jugements moraux d’une déontologie paternaliste ressuscitant le « devoir civilisationnel de l’homme blanc », déclamant des élucubrations grotesques sur « les États », « le cléricalisme » et « les nationalismes », assise confortablement dans un fauteuil doré. Et ce d’autant plus quand le colonialisme déchaîne sa barbarie génocidaire sous les applaudissements des gouvernements bourgeois occidentaux, peut importe si X ou Y organisation de résistance est véritablement réactionnaire et théocratique, ou socialiste et progressiste.

Au sujet de cette lecture anémique de la résistance dans une lutte de libération nationale, nous avons pu lire des sociaux colonialistes se révolter de voir « la gauche essayer de rejouer la guerre d’Algérie », où le Hamas remplacerait le FLN. Cet argument cherche à « absoudre » le FLN en l’idéalisant et en le reléguant à un passé distant et pur, alors même qu’il a été, en fréquence comme en intensité, tout autant responsable de violence sur les colons français que le Hamas sur les colons des Kibboutz. Cette affirmation montre toute la bêtise performative des décoloniaux de papier, alors qu’il y a en tout et pour tout un rapport immédiat entre ces deux entités coloniales : son aspect purement exterminateur, ségrégationniste, et le caractère settler des colons, Israéliens comme Pieds noirs. Ces arguments jouent encore une fois sur une image exceptionnaliste du colonialisme israélien.

Le colonialisme n’est pas seulement une affaire analogique, en noir et blanc, ancienne et révolue, désormais abstraite et n’étant plus faite que de liens sociaux insidieux entre « blancs » et « non blancs ». C’est aussi une réalité matérielle tangible, dont nous voyons les crimes au présent comme au passé. Le colonialisme, et la lutte contre celui-ci, ne sont pas qu’un jouet sociologique pour publier des livres hors de prix chez La Fabrique et Libertalia, brossant dans le sens du poil la bonne conscience des gauchistes impérialistes. Or, le décolonialisme, pour ces individus et collectifs, devrait se faire après le nettoyage ethnique, par la lutte vaguement sémantique et strictement « sociétale » : c’est plus simple que d’assister à une guerre de libération, une guerre étant une guerre.

Posons-nous la question : s’ils s’offusquent (à raison) de voir le silence relatif de l’État français au sujet des massacres de Sétif, Guelma et Kherrata, ou du génocide contre les Algériens pendant l’invasion de 1830, alors de quel droit jouent ils autant au « ni ni » et à la querelle sémantique sur les événements actuels en Palestine ? On ne devrait pas parler de génocide, de colonialisme, d’apartheid, ou de torture collective, mais tronquer, détourner, se voiler la face, pour accepter que ce serait une situation regrettable due uniquement à « un gouvernement de droite », et que la seule et unique position valable serait celle du cessez-le-feu (le minimum syndical).

Cet anti-matérialisme, confinant tout à l’abstraction sociale, est une bataille idéelle contre des formes de l’esprit. Or on ne peut espérer le moindre progrès sans lutter contre la source bien matérielle et concrète du problème.

Cet exceptionnalisme prend également sa source dans la confusion maladive de la lutte contre le sionisme avec de l’antisémitisme, que promeut la propagande sioniste, et qui est d’un ridicule cauchemardesque. Cette comparaison douteuse fait la joie des colonialistes, heureux de pouvoir condamner par argument massue toute opposition au génocide des Palestiniens. Mais elle ravit aussi les fascistes antisémites, contents de pouvoir entretenir un flou sur deux principes opposés, pour mieux avancer masqué et répandre leurs tumeurs de l’esprit. Il est donc particulièrement navrant de voir des collectifs et individus « révolutionnaires » poursuivre cette logique à l’heure où Gaza est en phase d’extermination complète, au prétexte de l’émotion causée par le 7 octobre. Ramener les événements à une seule crainte, celle d’une « gauche probablement antisémite », « probablement crypto-islamiste », « probablement terroriste » — le tout en jonglant, consciemment ou non, sur une rhétorique qui ravit les fanatiques du sionisme — est d’une indécence lamentable. Les voir porter comme principale revendication la négociation et la libération des otages israéliens, sans piper mot sur les otages palestiniens enfermés depuis des décennies par des tribunaux militaires sans le moindre fondement, est honteux. C’est une négation du système colonial d’installation israélien, ses causes et conséquences, ergo une tolérance implicite de ce système.

Contrairement à ces collectifs paradant comme organisations révolutionnaires, anti-racistes et anti-coloniales, s’étant révélés réellement platement opportunistes, nous saluons les camarades en France de l’UJFP et de Tsedek, les réseaux organisationnels de Jewish Voice for Peace (JVP) et de If Not Now, les militants israéliens de tous bord sur le terrain qui ont rejeté leurs privilèges de colon et se battent contre leur propre système colonial, ainsi que tous les autres réseaux des communautés juives d’Occident qui se sont mis en première ligne pour la Palestine et contre la propagande sioniste. En France, aux États-Unis, en Israël/Palestine et ailleurs, ils combattent face à la répression policière et au venin des colonialistes, pour la Palestine et avec les Palestiniens et Palestiniennes. Les arrestations, les brutalités policières, les insultes, les diffamations et le harcèlement qu’ils et elles subissent de la part des polices impérialistes et des sionistes sont une épouvantable honte. Ils et elles refusent à tout prix qu’un génocide soit commis en leur nom, que la mémoire de leur peuple et leurs identités soient souillées par un projet colonial répugnant, hypocrite et mortifère. Nous leur adressons toute notre solidarité.

Face à l’intégrité politique et au militantisme combatif des organisations juives susmentionnées, argumenter que ce n’est « pas safe » de venir à un rassemblement par peur d’une gauche « antisioniste et donc essentiellement à haut potentiel antisémite » semble dérisoire, pour ne pas dire pleinement ridicule. Les agressions commises envers l’UJFP et la JVP en manifestation sont majoritairement le fait de la police, et le harcèlement celui des organisations sionistes ou gouvernementales. Certains individus sociaux colonialistes argumentent qu’ils « ne sont pas de vrais juifs », « ne sont pas représentatifs et donc hors jeu », ou qu’ils « sont des extrémistes fous ». Ainsi, ils retournent contre les anti-colonialistes leur propre argument selon lequel poser aux organisations juives la question palestinienne est un jugement antisémite en ce qu’elle chercherait « le bon juif et le mauvais juif », ironie navrante. Nous reconnaissons le rôle que ces collectifs jouent pour lutter contre les dérives réelles antisémites à gauche, qui ne sont pas à négliger. Nous ne demandons pas à ces collectifs et individus de prendre et de clamer telle ou telle position sur tous les sujets : personne ne peut revendiquer ce rôle. Et, par décence, on ne peut pas demander de ressentir X ou Y émotion face à l’actualité, en particulier une actualité aussi sordide, qui peut impliquer des proches. Cependant, nous nous réservons le droit de critiquer toutes les positions qui tolèrent et minimisent le colonialisme israélien, peu importe qui l’écrit et quelle est l’intention dernière, aussi innocente soit elle.

Face à toutes accusations ridicules à notre encontre et à l’encontre de nos camarades, nous répondons simplement que nous n’avons aucune ambiguïté. Il faut détruire toutes les dérives et tous les crimes antisémites qui ont lieu, tous les saccages de synagogues, toutes les tentatives de pogroms, tous les tags fascistes, toutes les agressions, qui sont unilatéralement un poison absolu, à droite comme à gauche. Poison qui lie faussement judéité et sionisme, théories de la conspiration moribonde, l’imaginaire d’un Israël « tentaculaire et surpuissant », « contrôlant les médias français et la finance » et autres bêtises propagées par des petits clowns boutiquiers pathétiques, nervis salafistes et autres tondus consanguins biberonnés à l’hitlérisme. Cet imaginaire, héritier direct du Protocole des sages de Sion (document forgé par l’Okhrana et attribué à un complot juif mondial), doit être anéanti. Il n’y a pas de complot, de puissances occultes ou d’organisations secrètes, seulement un système colonial clair, assumé et parfaitement limpide. Israël n’a jamais été et ne sera jamais mortifère parce que juif, mais parce qu’il est, de ses propres mots et de sa propre condition, une colonie de peuplement. Toute sa politique, sa propagande, son économie et sa société civile reposent sur le colonialisme et l’apartheid.

Remettons les réalités en place, le rôle géopolitique d’Israël n’est pas d’une puissance inégalée : il est celui de « simple » allié clé de l’Occident dans une lutte inter-impérialiste, au même titre que les monarchies obscurantistes pétrolières pourrissantes du Golfe. Monarchies dont les crimes sont également classés au titre de « drames terribles et inexplicables » comme le génocide au Yémen ou l’esclavagisme qatari, car pour notre État impérialiste français, le soutien géopolitique et l’opportunité des gains de capitaux sont plus importants que la vie et la dignité humaine. Si les États occidentaux sont aussi maladivement attachés à Israël, au point d’accepter et de soutenir toutes ses dérives les plus immondes, c’est simplement qu’il est un outil pragmatique primordial dans une lutte inter-impérialiste contre le bloc adverse Iran Russie Chine (la domination du levant par un bloc sous influence iranienne étant une catastrophe annoncée pour les impérialistes d’occident). La perspective d’une perte monumentale de contrôle sur les gisements de pétrole, et le risque de l’accès facilité de la Russie et de la Chine à l’océan international seraient le dernier clou dans le cercueil de la domination occidentale sur le monde. En retour, le seul et unique objectif individuel d’Israël est le repeuplement de la Palestine et son maintien par l’extermination des Palestiniens, rien d’autre.

Si Israël atteint son objectif colonial, nous ne pourrons plus revenir en arrière, nous ne pourrons pas exiger une plus grande justice ou une libération, deux États ou des négociations de paix, nous ne pourrons pas ressusciter un peuple entier. Nous voyons bien à quel point le génocide des indigènes d’Amérique du Nord émeut à gauche, à quel point on ne peut accepter qu’une telle chose puisse arriver de nos jours, nous voyons la souffrance extrême des survivants de cette extermination, parqués dans les ghettos que sont les « réserves indiennes », abandonnées et méprisées. Maintenant que cela arrive dans l’immédiat, en direct, à quelques heures d’avion de Paris, amis de « gauche » et « révolutionnaires », où êtes vous et que faites-vous ? Visiblement pas grand-chose, si ce n’est des polémiques minables et une plongée au fin fond de l’opportunisme.

IV. L’extermination sera télévisée

Si l’on tire le bilan de 75 ans de colonialisme israélien et de résistance palestinienne, que reste-t-il comme issue, à part d’un côté l’extermination et de l’autre l’affrontement armé ? Affrontement, au risque des ripostes, au risque de l’intensification du conflit, au risque de tuer des civils, au risque de débordements sordides, etc. Toutes les stratégies, toutes les négociations ont été consumées. Les accords d’Oslo ont été révélés comme une vaste supercherie, la solution à deux états comme un fantasme droit-de-l’hommiste impraticable, dont les négociations ont mené à la fragmentation des territoires de l’Autorité palestinienne. Fragmentation en cours d’intensification, par l’action stratégique des colonies de Cisjordanie, placée dans les interstices des territoires palestiniens pour rendre impossible le moindre territoire contigu, pratiquant le vol de terre et le meurtre quotidiennement, de la part des colons et d’une armée fanatisée. La solution à deux États n’est qu’une forme plus lente et patiente de cette campagne d’extermination, car elle n’annule aucunement le colonialisme settler et le grignotage continu qu’Israël entreprend sur l’Autorité palestinienne. Le Fatah, pacifié et prêt à la négociation, s’est révélé politiquement impuissant. La désobéissance civile, n’est elle qu’une voie directe et inutile vers la prison et le mépris. Il ne reste que la guerre ou la mort, le dernier cri d’un peuple qui s’éteint.

La gauche sociale-colonialiste verse ses larmes, appelle à l’humanité, au bon sens, et à tous les sophismes possibles pour mettre au centre le nombrilisme émotionnel ou personnel, mais jamais le sens concret des événements dans le monde, et leurs implications dépassant l’échelle individuelle. Toutes les larmes du monde ne nettoient pas ce qui est en jeu actuellement : ce qui se joue n’est pas simplement un attentat terroriste suivi d’une riposte « excessive », c’est un génocide en cours depuis 70 ans. Ce n’est pas qu’une guerre parmi tant d’autres et ses victimes civiles dramatiques, c’est un système rodé construit par les colons pour l’extermination. L’assaut du 7 octobre, ses débordements tragiques comme ses avancées objectives pour la résistance, est un soupir dans la lutte contre la mort que mènent les Palestiniens. Le choc émotionnel, parfaitement compréhensible, n’est qu’un prétexte pour accélérer cette extermination colonialiste, et les vociférations des gauchistes impérialistes, un prétexte pour se voiler la face et retourner leurs vestes. C’est bien normal d’être ému face à la perte de la vie, mais l’émotion est ici à la fois bien sélective, et bien aveugle sur ce qu’est un système colonial. Pleurer sur les conséquences du présent ne devrait pas faire oublier l’ensemble du problème qu’Israël, peut importe le caractère politique de ses gouvernements, a imposé, car son existence même nécessite cette lutte entre colonisé et colon, l’un pour sa survie, l’autre pour le maintien du système colonial et de son but exterminatoire.

Nous parlons d’un génocide, sans ambiguïtés, sans jeu rhétorique, sans approximation, et sans hyperboles, car c’est la réalité. Aucun argument n’est convaincant contre la définition, aux yeux de la définition du droit international (juridiction qu’Israël refuse de reconnaître) et de l’ONU, du caractère génocidaire de la guerre et de l’apartheid contre les Palestiniens. Les gauchistes colonialistes pourront vociférer et verser autant de larmes de crocodile qu’ils veulent, ils resteront en tort quant à l’emploi pleinement justifié de ce mot (devenu impossible à utiliser sans branle-bas de combat). Nous observons toutes les étapes d’un génocide et l’arrivée actuelle de sa phase finale.

Nous l’avons déjà démontré, et nous le répétons : la résistance nationale palestinienne à Gaza combat un crime de génocide. Cette conclusion, nous la partageons avec Craig Mokhiber, un avocat spécialisé dans le droit international des Droits de l’Homme, et jusqu’à récemment directeur du bureau de New York du haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, qui parle « d’un cas d’école de génocide » :

« Le massacre actuel du peuple palestinien, ancré dans une idéologie coloniale ethno-nationaliste, dans le prolongement de décennies de persécution et de purge systématiques, entièrement fondées sur leur statut d’Arabes… ne laisse aucune place au doute. Il s’agit d’un cas d’école de génocide. »4

Cette conclusion est également celle de Raz Segal, professeur agrégé d’études sur l’Holocauste et les génocides à l’université de Stockton, où il est également titulaire d’une chaire sur l’étude des génocides modernes, qui parle lui aussi « d’un cas d’école de génocide » :

« La campagne israélienne visant à déplacer les habitants de Gaza, voire à les expulser vers l’Égypte, constitue un nouveau chapitre de la Nakba, au cours de laquelle quelque 750 000 Palestiniens ont été chassés de chez eux pendant la guerre de 1948 qui a conduit à la création de l’État d’Israël. Mais l’assaut sur Gaza peut également être compris en d’autres termes : comme un cas d’école de génocide se déroulant sous nos yeux. Je dis cela en tant que spécialiste des génocides, qui a passé de nombreuses années à écrire sur la violence de masse israélienne contre les Palestiniens. J’ai écrit sur le colonialisme de peuplement et la suprématie juive en Israël, sur la déformation de l’Holocauste pour stimuler l’industrie israélienne de l’armement, sur la militarisation des accusations d’antisémitisme pour justifier la violence israélienne contre les Palestiniens, et sur le régime raciste de l’apartheid israélien. Aujourd’hui, après l’attaque du Hamas samedi et le meurtre de masse de plus de 1 000 civils israéliens, le pire du pire est en train de se produire.

En droit international, le crime de génocide est défini par “l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel”, comme l’indique la Convention des Nations unies pour la prévention et la répression du crime de génocide de décembre 1948. Dans son attaque meurtrière contre Gaza, Israël a proclamé haut et fort cette intention. Le ministre israélien de la Défense, Yoav Gallant, l’a déclaré sans ambages le 9 octobre : “Nous imposons un siège complet à Gaza. Pas d’électricité, pas de nourriture, pas d’eau, pas de carburant. Tout est fermé. Nous combattons des animaux humains et nous agirons en conséquence”. Les dirigeants occidentaux ont renforcé cette rhétorique raciste en décrivant le meurtre massif de civils israéliens par le Hamas — un crime de guerre au regard du droit international qui a provoqué à juste titre l’horreur et le choc en Israël et dans le monde entier — comme “un acte purement diabolique”, selon les termes du président américain Joe Biden, ou comme une action reflétant un “mal ancien”, selon la terminologie de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen. Ce langage déshumanisant est clairement calculé pour justifier la destruction à grande échelle de vies palestiniennes ; l’affirmation du “mal”, dans son absolutisme, élude les distinctions entre les militants du Hamas et les civils de Gaza, et occulte le contexte plus large de la colonisation et de l’occupation.

La convention des Nations unies sur le génocide énumère cinq actes qui entrent dans sa définition. Israël en commet actuellement trois à Gaza : “1. tuer des membres du groupe 2. Atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale des membres du groupe. 3. Infliger délibérément au groupe des conditions de vie calculées pour entraîner sa destruction physique totale ou partielle”. L’armée de l’air israélienne, selon ses propres dires, a jusqu’à présent largué plus de 6 000 bombes sur Gaza, qui est l’une des zones les plus densément peuplées au monde — presque autant de bombes que les États-Unis en ont largué sur l’ensemble de l’Afghanistan pendant les années record de leur guerre dans ce pays. Human Rights Watch a confirmé que les armes utilisées comprenaient des bombes au phosphore, qui mettent le feu aux corps et aux bâtiments, créant des flammes qui ne s’éteignent pas au contact de l’eau. Cela montre clairement ce que Gallant entend par “agir en conséquence” : il ne s’agit pas de cibler des militants individuels du Hamas, comme le prétend Israël, mais de déchaîner une violence meurtrière contre les Palestiniens de Gaza “en tant que tels”, dans le langage de la Convention des Nations unies sur le génocide. Israël a également intensifié son siège de Gaza, qui dure depuis 16 ans, le plus long de l’histoire moderne, en violation flagrante du droit humanitaire international, pour en faire un “siège complet”, selon les termes de M. Gallant.

Cette tournure de phrase indique explicitement un plan visant à mener le siège à sa destination finale, à savoir la destruction systématique des Palestiniens et de la société palestinienne à Gaza, en les tuant, en les affamant, en coupant leur approvisionnement en eau et en bombardant leurs hôpitaux.

Les dirigeants israéliens ne sont pas les seuls à tenir de tels propos. Une personne interrogée sur la chaîne 14, pro-Netanyahou, a demandé à Israël de “transformer Gaza en Dresde”. Channel 12, la chaîne d’information la plus regardée d’Israël, a publié un reportage sur des Israéliens de gauche appelant à “danser sur ce qui était Gaza”. Pendant ce temps, les verbes génocidaires — appels à “effacer” et à “aplatir” Gaza — sont devenus omniprésents sur les médias sociaux israéliens. À Tel-Aviv, une bannière portant l’inscription “Zéro Gazaoui” a été vue suspendue à un pont.

En effet, l’assaut génocidaire d’Israël contre Gaza est tout à fait explicite, ouvert et sans honte. Les auteurs de génocides n’expriment généralement pas leurs intentions aussi clairement, bien qu’il y ait des exceptions. Au début du XXe siècle, par exemple, les occupants coloniaux allemands ont perpétré un génocide en réponse à un soulèvement des populations indigènes Herero et Nama dans le sud-ouest de l’Afrique. En 1904, le général Lothar von Trotha, commandant militaire allemand, a émis un “ordre d’extermination”, justifié par une “guerre raciale”. En 1908, les autorités allemandes avaient assassiné 10 000 Nama et avaient atteint leur objectif déclaré de “détruire les Herero” en tuant 65 000 Herero, soit 80 % de la population. Les ordres donnés par Gallant le 9 octobre ne sont pas moins explicites. L’objectif d’Israël est de détruire les Palestiniens de Gaza. Et ceux d’entre nous qui observent dans le monde entier manquent à leur responsabilité en les empêchant de le faire. »5

Dans les projets coloniaux, spécifiquement d’installation, le génocide n’est qu’un moyen comme un autre à une fin. Dans la réalisation du projet colonial israélien, l’avenir de la nation palestinienne et des Palestiniens et Palestiniennes n’est qu’une contingence. La lutte démocratique anti-coloniale du peuple palestinien, pour le droit à l’autonomie de la nation palestinienne, est à Gaza également une lutte pour le droit à l’existence — physique — des Palestiniens et Palestiniennes.

Gaza n’est ni une poche islamiste, ni une curiosité, ni une anomalie, c’est un camp de concentration massif. Les enclaves palestiniennes des zones A et B ne sont pas un proto-État offert au Fatah par la bonté sainte d’Israël, mais des Bantoustans destinés à faciliter l’éradication progressive. Le siège de Gaza est, des mots du gouvernement israélien, le début de la phase finale. Un document6 récemment révélé par Wikileaks révèle que seules trois solutions sont proposées par les services du renseignement israélien : le déplacement au Sinaï de tout les Gazaouis, l’occupation militaire complète ou l’extermination finale suivie du repeuplement. Ces trois solutions impliquent le génocide, la seule différence est l’intensité et la durée de ce processus. L’évacuation vers le sud de Gaza est un joli terme pour ce qui est nominativement un déplacement de masse, c’est-à-dire une forme préliminaire de nettoyage ethnique. Le fait qu’Israël bombarde également le sud, déterminé comme « sûr », est plutôt parlant.

Pour alléger le poids de cette réalité, difficile à assumer, la campagne de déshumanisation bat donc son plein dans le monde occidental. Rien de plus ironique que de voir le cortège de médias occidentaux matraquant le public à coup de leçons paternalistes sur la propagande et la désinformation. Ses task force anti fake news, particulièrement aux aguets au cours du conflit russo-ukrainien face aux médias poutiniens, ne sont plus là que pour servir de la pure propagande mensongère, remplie de sophisme et de sémantique sélective, pour effacer la responsabilité collective de l’Occident dans le génocide commis par Israël. La récente affaire de l’hôpital bombardé à Gaza en est un exemple particulièrement grotesque, rappelant les fioles d’anthrax de Colin Powell, les « attaques sonores » cubaines, les « armes de destruction massive irakienne » et autres insanités collectives diffusées par les impérialistes.

Le double standard est une arme de choix. À la lecture des médias occidentaux, le régiment néo-nazi ukrainien Azov est « une milice prétendument fasciste mais œuvrant pour la liberté de l’Ukraine, donc pardonnable », le Hamas des « terroristes barbares avides de sang et de bébés morts », la Russie un « monstre absolu envahisseur », Israël un « état démocratique œuvrant pour son auto défense ». La propagande d’État russe est « le démon totalitaire de l’ère de l’information », la soupe que servent Tsahal et Netanyahou une « simple position d’état parmi d’autres, raisonnable, démocratique et logique ».

Nous exprimons ici une fatigue grandissante devant les journalistes, imbus d’une pseudo-mission sacrée appelant à leur vocation quasi christique, et se détachant complètement de leur rôle clé dans un système politique impérialiste, qui manifestement dépasse complètement leurs esprits, à l’heure même où leurs confrères alertent le monde inlassablement du cauchemar en cours et meurent par dizaines dans Gaza sous les bombes israéliennes. Dans le langage médiatique occidental, les Palestiniens « meurent », les Israéliens sont « assassinés », les otages palestiniens retenus sans fondement sont des « prisonniers terroristes », les otages israéliens du Hamas restent des otages. Le Hamas sont des bouchers armés de couteaux et de fusils soviétiques rouillés, Tsahal une armée régulière utilisant le phosphore et autres (gadgets high tech sordides) comme « riposte ». La rhétorique de la violence est, disons-le, particulière. Une rhétorique jugeant l’Arabe paré d’armes rudimentaires comme un barbare sauvage, mais la grande armée équipée de drones, de missiles dernier cri et de Glocks comme moderne et civilisée. Entre un Israélien des kibboutz fusillé et égorgé, et un Palestinien écrasé par le béton et brûlé par le phosphore, quelle différence fondamentale en termes d’effet, de traumatisme et de souffrances ? Nous pourrions jouer à rappeler la longue liste de crimes de guerres, tortures, massacres, viols et autres barbaries commises par Tsahal, de la Nakba à aujourd’hui, qui n’ont rien à envier en termes de violence pure aux exactions commises contre des civils israéliens le 7 octobre.

La réponse est claire, l’Occident se refuse à voir le monde arabe autrement que par le prisme de la mort, du danger, de l’autoritarisme et de la misère, comme une grande masse grouillante inhumaine. Voir de jeunes gens branchés aux traits caucasiens brutalement assassinés lors d’une rave party terrifie, à juste titre, mais l’essence de l’Arabe, pour l’Occident, c’est d’être habillé de vêtements laids et sales, d’être décoiffé, d’être recouvert de poussière, de tripes et de sang. C’est le « drame inexplicable » de la condition du colonisé, il doit inspirer soit la sympathie détachée (comme on s’émeut d’un chien battu), soit la peur horrifiée quand on imagine son éventuelle réponse. Sa mort et sa misère n’ont pas de responsables car cela serait sa « nature ». Après tout, selon l’État d’Israël et ses alliés, les enfants palestiniens ne sont que des terroristes à venir, dont le cerveau est forcément lavé, et dont le seul destin est l’euthanasie. Cette déshumanisation est évidemment l’un des piliers du génocide. Les colonies d’installation et les centres impérialistes qui en sont complices sont des sociétés sociopathiques qui plongent la tête première dedans.

Nous ne sommes pas surpris de voir les idiots sortir du bois pour exprimer les pires apologies de massacre. L’imbécile professionnel Pascal Praud parle de « simple riposte » face à la mort massive de civils palestiniens et bégaye à la moindre contradiction ; le comédien has been Tomer Sisley accuse toute protestation pour le droit à la vie des Palestiniens d’antisémitisme ; Raphael Enthoven juge de toute son exceptionnelle puissance de l’esprit quelle vie — entre le Palestinien et l’Israélien — vaut le plus (nous le remercions pour sa clairvoyance et son divin jugement) ; Alain Jacubowicz, président d’honneur de la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra), se permet de partager une citation génocidaire de la bouchère Golda Meir, argumentant que « les Arabes sont responsables de la nécessité de tuer leurs enfants », sur les réseaux sociaux (à un point que la Licra elle-même, pourtant habituée des positions nauséabondes et hypocrites, a dû désavouer publiquement).

Toutes ces déclarations, plus psychopathiques les unes que les autres, ne soulèvent pourtant aucun branle-bas de combat dans le champ politico-médiatique. Est-ce encore la peine d’imaginer ce qu’il se serait passé si un argument antisémite au même contenu était avancé par un boutiquier du fascisme comme Dieudonné ? Nous sommes ravis de voir ce dernier être poussé vers la sortie de la place publique dans la marginalité, mais pourquoi laisserions-nous les imbéciles susnommés cavaler librement pour cracher un tel venin ? En revanche, ce même monde politico-médiatique français a passé des semaines à décortiquer les petites phrases des représentants de La France insoumise ou de Karim Benzema, atome par atome, pour y déceler le moindre signe de terrorisme islamiste, phrases qui étaient d’une neutralité notoire ou d’un pacifisme plutôt limpide. On voit bien la dégénérescence de notre pays quand on s’intéresse plus aux déclarations pacifiques d’un footballeur qu’aux milliers d’enfants palestiniens écrasés sous les décombres, le tout pour que le chef du ministère de l’Intérieur l’accuse d’être un agent secret de l’islamisme. Notre soldat national contre « l’antisémitisme et l’apologie du terrorisme », paré de sa plus belle petite loupe de détective, a la mémoire courte. Rappelons quand il paradait, dans la jeunesse de sa carrière politicienne, aux côtés de l’Action Française, pionnière de l’antisémitisme le plus rance et extrême en France. Quand un système politique et médiatique entier prend son peuple pour des abrutis, à ce point, il devient de plus en plus difficile de ne pas perdre complètement la raison.

L’État français et notre cher président nous proposent deux solutions dissonantes selon ses interlocuteurs, l’une de parler de paix et de deux États (quand il rencontre le monde arabe et musulman), l’autre d’envoyer la coalition militaire contre Daech pour poursuivre l’extermination des Gazaouis (quand il est devant son allié colonialiste). On ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre. Les Britanniques et les Américains ont déjà déplacé leur marine aux abords du levant. L’Iran, la Syrie et le Hezbollah hésitent à riposter et ouvrir des fronts au nord et sur le plateau du Golan, illégalement occupé par Israël. La solution de l’Occident et de son allié colonial est l’extermination à court ou long terme, la réponse hésitante des alliés diplomatiques et militaires de la résistance palestinienne avance à pas de loup dans l’inévitabilité de la guerre. Les pions sont posés et nous ne sommes pas à l’abri d’un conflit encore plus grand.

Pour le siège de Gaza, nous ne pouvons qu’espérer un enlisement probable de Tsahal dans ses opérations terrestres, que cet assaut se transforme en bourbier impossible à régler, menant à la déroute et à la défaite, l’humiliation des Français et des Américains au Vietnam rendant cette option possible.7 Car ce que nous apprend l’histoire des guerres de libération nationale, c’est qu’une armée aussi militairement puissante que celles d’Israël et de ses alliés reste un tigre de papier.

Le seul objectif souhaitable est la libération de la Palestine et la fin totale d’Israël, pour un état constitutionnellement plurinational (Juifs et Arabes), laïque, socialiste, respectant la diversité ethnique et confessionnelle. De la mer au Jourdain, la Palestine sera libre.

1 Abraham Brumberg, « Anniversaries in Conflict: On the Centenary of the Jewish Socialist Labor Bund », Jewish Social Studies, Indiana University Press, Volume 5, Number 3, Spring/Summer 1999 (New Series), pp. 196 217, à l’adresse :

https://muse.jhu.edu/article/18207

2 « BACKSEAT – S03E05 – Spéciale guerre Hamas — Israël », chaîne YouTube Backseat, publié le 15 octobre 2023, à l’adresse :

https://youtu.be/BkPpemu0JjI

3 « Cleansed by the Torah, why these Afrikaners became Jews and moved to Israel », Haaretz, publié le 30 septembre 2021, à l’adresse :

https://www.haaretz.com/israel-news/2021-09-30/ty-article/.highlight/cleansed-by-the-torah-why-these-afrikaners-became-jews-and-moved-to-israel/

4 Ed Pilkington, « Top UN official in New York steps down citing ‘genocide’ of Palestinian civilians », The Guardian, publié le 31 octobre 2023, à l’adresse :

https://www.theguardian.com/world/2023/oct/31/un-official-resigns-israel-hamas-war-palestine-new-york

5 Raz Segal, « A Textbook Case of Genocide », Jewish Currents, publié le 13 octobre 2023, à l’adresse :

https://jewishcurrents.org/a textbook case of genocide

6 Jacques Pezet, « Que contient le document partagé par WikiLeaks, selon lequel Israël prévoit de déplacer les habitants de Gaza vers le Sinaï ? », CheckNews, Libération, publié le 31 octobre 2023, à l’adresse :

https://www.liberation.fr/checknews/que-contient-le-document-partage-par-wikileaks-selon-lequel-israel-prevoit-de-deplacer-les-habitants-de-gaza-vers-le-sinai-20231031_7EHNI245HJBVXCMZV5LN5F3LTU/

7 Thibault Lefèvre, « “C’est une base militaire sous une population civile” : pourquoi les tunnels de Gaza sont un problème stratégique majeur pour Israël », Franceinfo, publié le 2 novembre 2023, à l’adresse :

https://www.francetvinfo.fr/monde/proche-orient/israel-palestine/temoignage-c-est-une-base-militaire-sous-une-population-civile-pourquoi-les-tunnels-de-gaza-sont-un-probleme-strategique-majeur-pour-israel_6158031.html

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