Kurdistan: Choisir son camp ; celui du peuple ! Lettre ouverte à nos camarades.

Lettre ouverte aux organisations progressistes, révolutionnaires, ainsi qu'aux médias alternatifs et militants.

Il n'est pas possible de soutenir à la fois les opprimés et leurs oppresseurs.

Dernièrement, le siège et la chute de la ville d'Alep a causé de violents remous dans l'opinion publique au sein de l’État Français. Les images de morts, de blessés, de destruction, de bombardements ont marqué les esprits. Il est logique, il est sain d'être horrifié par ce genre de scènes.

Pourtant, l'empathie légitime qu'il est possible de ressentir pour les victimes de ces opérations militaires, des exactions qui ont suivi la reprise de la ville, ne doit pas oblitérer tout jugement politique. Cela ne doit pas occulter la véritable nature politique de l'opposition armée connue sous le nom de « Armée Syrienne Libre » et les intérêts qu'elle sert, entre les mains de ses maîtres.

Que des individus soient mortifiés et réagissent avec leur cœur, comment le-leur reprocherions-nous ? Si ils sont dans l'ignorance des ramifications et des implications politiques, nous ne saurions les blâmer, c'est à nous, militants, de les en informer.

Mais qu'une organisation politique ou un média militant prenne position pour soutenir l'appel de la "mairie d'Alep-est", c'est une toute autre chose.

L'erreur existe, et l'ignorance également. C'est pour cela que nous rédigeons cette lettre. Nous les invitons à repenser leur position, à comprendre qu'on ne peut pas être équidistant entre les progressistes et les réactionnaires sans prendre fait et cause pour eux.

Beaucoup d'organisations politiques et de médias militants progressistes affirment soutenir la lutte du peuple kurde contre ses oppresseurs en Turquie et en Syrie. Ces organisations et médias retransmettent les informations transmises par la coalition formée autour du PKK, du TKP M/L, de leurs organisations militaires YPG – YPJ – TIKKO, et affirment également soutenir la politique du HDP en Turquie, qui combat contre l'ogre Erdogan et son régime.

La coalition que forment les organisations de combat kurdes est la seule à œuvrer à une lutte résolue pour le progrès, l'égalité, et pour chasser les impérialistes. Et ce, que ce soit au Rojava (Kurdistan Syrien) au Bakur (Kurdistan de Turquie), sur leur terre, tout comme pour l'émancipation générale des peuples de Syrie et de Turquie.

Le Parti HDP, dans l’État Turc, mène une lutte exemplaire pour le maintien des droits démocratiques dans un État qui sombre dans le fascisme.

Que veulent ces forces ?

Les forces combattantes du Kurdistan Turc et Syrien veulent l'indépendance. Elles veulent la constitution non pas d'un état bourgeois de plus, mais bien d'un État libre de démocratie populaire. Elles combattent, dans un front uni avec leurs alliés, contre l'impérialisme, le capitalisme, l'obscurantisme, le sexisme et la destruction de l'environnement.

Les forces Kurdes mènent la lutte depuis 1978 dans l’État Turc, date à laquelle a été fondé le Parti des Travailleurs du Kurdistan, sous l'impulsion de Abdullah Öcalan. Depuis le commencement de la guérilla, les forces Kurdes n'ont jamais renoncé à obtenir un état indépendant.

La coalition des Forces Démocratiques Syriennes est un front dans lequel luttent les Kurdes, contre le régime dictatorial et clientéliste de Bachar Al-Assad, laquais des Russes, et contre les pions de Erdogan et des réactionnaires, la clique de l'Armée Libre Syrienne. Ces forces combattent également les réactionnaires fascistes de Daesh. Pourtant cette alliance n'est pas toujours fiable et connaît des fractures. De nombreuses forces combattent aux côtés des Kurdes contre Daesh, l'ASL ou le régime, mais il est arrivé que les alliés de la veille se retournent contre les combattants kurdes dès que l'ennemi commun prend la fuite. Très peu de forces syriennes acceptent l'idée d'un Rojava indépendant. C'est pour cela que nous devons soutenir nos camarades au front. L'anti-impérialisme et l'internationalisme sont les meilleurs alliés des Kurdes.

Début 2016, les forces combattantes révolutionnaires Turques et Kurdes se sont unifiées autour d'un front commun nommé “Halkların Birleşik Devrim Hareketi” (Mouvement Révolutionnaire Unis des Peuples) rassemblant une dizaine d'organisations révolutionnaires Kurdes et Turques.
Voici quelles sont ces organisations:

  • Devrimci Karargâh (QG Révolutionnaire)
  • DKP (Parti de communards révolutionnaires)
  • MKP (Parti communiste maoiste)
  • MLKP (Parti communiste marxiste léniniste) pour combattre le fascisme turc au Kurdistan.)
  • THKP-C/MLSPB ( Parti/Front communiste de Turquie/marxiste-léniniste, brigades armées de propagande)
  • PKK (Le Parti des travailleurs du Kurdistan)
  • TİKB (L’union des communistes Révolutionnaires de Turquie)
  • TKEP-L (Parti communiste de Travail, léniniste)

D'autres combattent également de manière indépendante ou côte-à-côte avec les forces progressistes Kurdes et Turques. Nous mentionnons leurs noms en annexe
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Leur communiqué résume leurs objectifs:

  • "Notre mouvement a pour objectif d’obtenir un avenir libre, démocratique pour nos peuples, contre l’impérialisme, le capitalisme, le chauvinisme, le fascisme et le racisme. Il considère incontournable la destruction de l’AKP fasciste, avec tous ses soutiens sociaux et par la force révolutionnaire du peuple.
  • Le gouvernement AKP, est en train de détruire la nature, en même temps que la société. Il intensifie l’exploitation de la classe ouvrière et de tous les travailleur/ses, et impose les conditions d’esclavage. Sur toutes les masses de population, il est répressif et meurtrier.
  • Le Mouvement révolutionnaire uni des peuples, adopte le principe de réunir et d’organiser toutes ces forces sous les attaques de l’Etat bourgeois de la République Turque et du gouvernement AKP, et de les mobiliser pour la lutte.
  • Le Mouvement révolutionnaire uni des peuples, lutte pour l’écologie, pour la libération de la femme, pour la classe ouvrière, les droits et les libertés des travailleurs, ainsi que pour installer le pouvoir du peuple pour la Turquie, et l’autonomie au Kurdistan afin de permettre un avenir libre pour nos peuples.
  • Le Mouvement révolutionnaire uni des peuples, appelle toutes les masses populaires meurtries par le fascisme et l’intégrisme, en commençant par les femmes, les jeunes, les ouvriers et les travailleurs, à s’organiser, s’unir et lutter pour la liberté, la démocratie et la fraternité des peuples."

Certes la guerre force à des compromis. Le mouvement de libération kurde a dû en faire et en fera certainement d'autres. Mais ces compromis n'ont jamais détourné ces forces combattantes de leur but ; contrairement à une ALS qui est directement une marionnette entre les mains de ses maîtres. Ériger ces compromis en obstacles insurmontables est le paravent de la lâcheté et du sectarisme. Pendant que, bien au chaud, des militants s'échinent à trouver des groupes qui soient l'incarnation de la perfection, mais dont l'impact réel est nul, ceux qui combattent réellement meurent au front sans soutien. Dans notre calme État impérialiste, s'offusquer qu'il soit possible de chercher des alliés tactiques lorsque les bombes pleuvent est un luxe que ne peuvent connaître ceux qui subissent la guerre.

Il est possible, et il est d'ailleurs sain d'être critique. Mais il est nécessaire de savoir choisir également son camp.

Il est impossible de jouer sur deux tableaux.                

L'occident, et au premier rang la France, condamne le régime de Bachar Al-Assad pour des motifs hypocrites, camouflant une opposition géopolitique avec la Russie. Lorsque la famille Assad était une bonne cliente de la France, celle-ci ne tarissait pas d'éloge au sujet du régime.
Certains groupes militants pensent qu'il faut appliquer alors, mécaniquement, le fait que l'ennemi de notre ennemi est notre allié. Ils soutiennent alors Bachar Al-Assad comme un rempart contre l’obscurantisme, comme un chef de file de l'anti-impérialisme. En somme, ils nient que Bachar Al-Assad est un simple agent de la Russie au Moyen-Orient, une marionnette des ambitions Irano-Russes dans l'orient de la Méditerranée.

Ces organisations peignent en rouge le régime, et peignent en rouge Poutine, ce qui est faux. Elles mettent en avant -tout aussi hypocritement- le fait que le régime serait l'allié des Kurdes, et qu'il est possible de concilier les deux. C'est escamoter le fait que, si des trêves existent lorsque Daech et l'ALS sont présentes, le régime n'a de cesse de tenter d'exterminer les Kurdes dès qu'ils sont seuls à seuls.

Soutenir le régime de Bachar Al-Assad, c'est célébrer l'impérialisme Russe, c'est célébrer faussement les BRICS [Les états émergents, Brazil, Russia, India, China, South Africa] comme étant la révolution mondiale, c'est se mettre à la solde d'une réaction contre une autre. Pire encore, certains souhaitent l'union de la France et de la Russie dans cette affaire, niant par là même le caractère criminel de l'impérialisme français, et souhaitant simplement qu'ils s'alignent sur un autre camp.

Qu'est ce que l'Armée Syrienne Libre et que veut cette coalition ?

L'Armée Syrienne Libre n'est pas unie idéologiquement, elle est une ligue de diverses organisations allant de démocrates sincères jusqu'à des obscurantistes virulents.

Ces forces sont principalement divisées en deux groupes, ou chambres d'opérations qui sont des alliances temporaires et non-exclusives autour d'objectifs ponctuels ou autour du soutien d'une puissance étrangère. La première Fatah Halab -conquête d'Alep- rassemble les agents d'Erdogan et des occidentaux. Elle est la force qui a été utilisée par la Turquie pour faire barrage à l'unification des zones contrôlées par les Kurdes au Rojava. Elle rassemble grossièrement 50% des forces armées de la nébuleuse de l'Armée Libre Syrienne. Ce sont les fameux "modérés" soutenus par l'occident. Issus des frères musulmans et des organisations réactionnaires locales, ils ne sont considérés comme modérés uniquement parce qu'ils ne menacent pas les intérêts occidentaux.

Jaish Al Fatah, -l'armée de la conquête- est construite autour des différentes cellules d'Al-Qaïda ayant survécus à la concurrence de Daesh. Cette chambre d'opération se démarque de la première par le fait qu'elle considère celle-ci comme "trop modérée." Egalement, Jaish Al Fatah est principalement le pion de l'Arabie Saoudite et du Qatar, avant d'être celui d'Erdogan.
Hors de ces chambres d'opération, des poussières qui s'agglutinent parfois dans des configurations différentes, mais toujours à la remorque, dans l'ombre, des deux chambres d'opération principales. C'est dans cette poussière que certaines organisations de l'Etat Français pensent trouver des joyaux d'une pureté révolutionnaire parfaite.

Le fait est qu'il existe des lignes progressistes au sein de l'Armée Syrienne Libre, c'est indéniable. Mais elles ont fait le choix de se mettre à la remorque des agents les plus réactionnaires de la coalition. Elles ont jeté par dessus bord leur indépendance politique pour se mettre eu ligne aux cotés d'Al-Qaïda et des obscurantistes. Elles ont abandonné toute stratégie en devenant des mercenaires de la Turquie, des USA et de la France. Ces forces, pendant la bataille d'Alep, n'ont servi qu'à assouvir les ambitions expansionnistes de la Turquie, et à être une des branches de la tenaille pour écraser les forces combattantes Kurdes, au lieu de combattre le régime de Bachar Al-Assad. Cette clique est plus une armée de mercenaires au service d'un maître qu'une force politique cohérente.

Plusieurs organisations politiques au sein de l’État français, mais également en occident en général, trouvent conciliable de marcher et de défiler à l'appel du "maire d'Alep-est" et de soutenir la cause du peuple Kurde. Nous affirmons que cela n'est pas possible. Il n'est pas possible de soutenir ceux qui s'allient avec la France et la Turquie, qui en sont les mercenaires, sans devenir soi-même un renégat.

Nous affirmons qu'il est impossible de pouvoir jouer sur les deux tableaux et de pouvoir défiler sous le pavillon d'une clique de bandits au service des intérêts de la Turquie. Qu'il est impossible de pouvoir saluer la lutte des YPG – YPJ – TIKKO et de marcher avec leurs bourreaux. Qu'il est impossible de prétendre combattre l'impérialisme et ses ramifications tout en soutenant ses agents.

Quelques soient les raisons invoquées, quelque soit la faction obscure soutenue par les groupes soi-disant révolutionnaires, soutenir toute branche de l'ASL, marcher avec Free Syria, c'est marcher avec l'AKP et ses sbires. C'est marcher avec les bourreaux du peuple kurde.

C'est également marcher main dans la main avec les laquais des impérialistes occidentaux dans la région. C'est marcher avec l'impérialisme français et embrasser son drapeau. Il n'est pas possible de tenir ce discours et d'ensuite "compenser" en agitant le drapeau du Kurdistan libre, le salissant par la même occasion.

Cela n'est pas conciliable.

Que le régime de Bachar Al-Assad soit un régime d'oppression à la solde des intérêts de la Russie est une vérité. Il est juste de le pointer du doigt et cela doit être fait, il n'est pas conciliable de se dire révolutionnaire tout en le saluant. Mais il est aisé de dénoncer les ennemis de son propre impérialisme.

Ceux qui, dans l’État français, se réjouissent des victoires de l'ASL, pleurent ses défaites, chantent leurs louanges ne sont pas seulement en contradiction avec le fait de soutenir les kurdes et les Forces Démocratiques Syriennes, ils se déclarent même ennemis de leur cause de libération nationale et de libération de la Syrie de la présence des impérialistes.

Une ligne de démarcation se trace, elle doit être franchie, que cela soit d'un coté ou de l'autre, par toutes les organisations ayant une position sur la question de la guerre en Syrie.

Certains prônent l'éclectisme et soutiennent tout ce qui lutte contre le régime de Bachar Al-Assad. Il n'est pas possible de l'être dans une lutte à mort.

Certains prennent ceci par dessus la jambe, le traitent avec légèreté. Ils se démasquent comme étant des opportunistes qui ne voient le fait de soutenir les kurdes que comme étant "de bon ton". Nous devons dénoncer cet opportunisme.

Lorsque, rien qu'à Lyon, la mairie Front de Gauche du premier arrondissement de Lyon accepte de relayer l'appel réactionnaire du maire d'Alep-Est, nous devons les dénoncer et dénoncer leur attitude de renégat.

Lorsque Europe Ecologie / Les Verts signe également cet appel, nous devons dénoncer l'attitude de laquais de l'impérialisme de cette organisation.

Lorsque "Ensemble" signe ceci aux côtés des agents fascistes d'AKP, c'est qu'ils prennent position en faveur de la répression du peuple Kurde.

Ceux qui parlent de "soutien critique" lorsqu'ils se rassemblent sous le drapeau de l'ASL de la France et de la Turquie se démasquent donc comme des soutiens de fait à ces forces.

Nous appelons toutes les organisations progressistes et révolutionnaires de l’État Français ou francophones à relayer cet appel, à prendre position sur le fond de celui-ci et à démasquer les mercenaires de l'impérialisme.

Nous devons dénoncer les appels hypocrites de la France et des organisations qui sont ses valets. Sous couvert d'humanitaire, ces cris servent à implanter les avant-postes de son impérialisme.

Nous appelons ces organisations et ces médias à rejeter les positions et la propagande des agents de l'impérialisme, au premier chef duquel l'impérialisme français, notre ennemi premier. Nous souhaitons la défaite de notre propre impérialisme, que ses griffes soient arrachées et ses armes brisées !

Nous appelons à la constitutions d'initiatives, militantes, politiques, financières pour soutenir depuis l'Etat Français la lutte du peuple Kurde et de ses alliés pour sa libération du Kurdistan et de la Syrie.

Vive la lutte du peuple Kurde et de ses alliés pour la liberté ! A bas le régime fasciste d'Erdogan et les laquais des impérialistes !

 Vivent les volontaires internationaux qui combattent aux côtés des Kurdes !

 

Premiers signataires : Maison de la Mésopotamie ; Unité Communiste – Lyon; OCML Voie Prolétarienne ; Organisation Communiste – Futur Rouge ; Jeunes Communistes Lyon ; Union Prolétarienne Marxiste-Léniniste (Paris) ​; YDG – Nouvelle Jeunesse Démocratique

Pour être cosignataire: Solidarite.kurdistan@gmail.com

Annexe:
Les forces des Kurdes et leurs alliés:

 

HPG : Force de Défense du Peuple.
YJA-Star : Unités des Femmes Libres.
PAJK : Parti des Femmes Libres du Kurdistan.
YPS : Unités de Protection Civile.
YDG-H : Mouvement de la Jeunesse Révolutionnaire Patriotique.
HDP : Parti Démocratique des Peuples.
DBP : Parti Démocratique des Régions.
HDK : Congrès Démocratique des Peuples.
PKK: Parti des Travailleurs du Kurdistan.
YPG: Unités de Défense du Peuple.
YPJ: Unités de Défense Féminines.
PYD: Parti de l'Union Démocratique Kurde (en Syrie).

Organisations turques combattant aux côtés des forces combattantes Kurdes.

MLKP : Parti Communiste Marxiste-léniniste.
DHKP-C : Parti-Front Révolutionnaire pour la Libération du Peuple.
TKP-ML : Parti Communiste Turc – Marxiste-léniniste. Sa branche armée est le Tikko.
MKP : Parti Communiste Maoïste.
MLSPB : Union Marxiste-léniniste pour la Propagande Armée.
DAF : Action Révolutionnaire Anarchiste.

Organisations de volontaires étrangers:
Bataillon International de la Libération au Rojava.
A.I.T.
Antifascist Internationalist Tabur

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