Construire la solidarité populaire avant que la crise ne frappe !

Avec l’organisation de lutte Drapeau Rouge, nous avons initié des tables de solidarité depuis plusieurs semaines. Ces tables ont vocation à permettre de distribuer des produits de première nécessité, mais également à en collecter auprès de ceux et celles qui peuvent en donner. Au travers de ces tables, nous essayons de développer une politique de solidarité. Elles ont été accueillies chaleureusement par les habitants et habitants du quartier. Cela nous a également donné la possibilité d’échanger avec les habitants et les habitantes du quartier de Vaise, dans l’agglomération lyonnaise.

Nous avons également commencé à réaliser des distributions auprès des étudiantes et des étudiants, qui, bien souvent, sont en face de problèmes considérables pour boucler leurs fins de mois.

Nous ne sommes pas les seuls à faire ce travail, et nous n’avons de prétention à quoique ce soit. Nous saluons d’ailleurs l’intégralité des initiatives de solidarité populaire qui ont été lancées1. Leur travail est exemplaire. Nous voulons apporter nous aussi notre contribution, jouer notre rôle, couvrir une plus grande surface de terrain. Nous voulons, en somme, que le slogan « servir le peuple » se concrétise.

Nous appelons d’ailleurs à multiplier ces actions et à les renforcer. Nous espérons qu’il sera possible de les centraliser davantage, d’éviter les doublons, de ne pas laisser de déserts, et de travailler en bonne entente.

Car, hélas, le climat social et politique ne va pas en s’arrangeant. De sombres nuages s’accumulent à l’horizon.

Nous sommes dans l’œil du cyclone.

Depuis des décennies une profonde crise économique couve. L’économie peine depuis longtemps déjà. La crise du Covid amplifie simplement le phénomène.

Nous n’en voyons que les prémices.

Pour le moment, le gouvernement maintient un grand nombre d’entreprises sous perfusion. Les aides « Covid » maintiennent un semblant de niveau de vie. Si certaines entreprises se gavent de cet argent public, se gavent de dette, elles permettent aussi de faire échapper bon nombre à la misère. Mais elles ne les endureront pas éternellement. Le gouvernement réfléchit à l’après-pandémie. L’arrêt des aides signifiera probablement une contraction de l’économie et la fermeture d’un nombre encore plus grands d’entreprises vulnérables. Ce darwinisme économique profitera aux plus forts, aux plus puissants, et contribuera encore davantage à polariser la société et à concentrer le capital.

Contrairement à une idée reçue, la dette n’est absolument pas un problème. Il n’y a ni urgence à l’annuler, ni à la rembourser. Les taux d’emprunts sont extrêmement bas, négatifs parfois, ce qui fait que certains paient pour prêter aux États. Mais ce poids est dangereux lorsqu’il est utilisé politiquement pour justifier une politique de liquidation des droits sociaux. Au nom du fétiche de « l’économie saine », une offensive nouvelle se prépare vers les droits sociaux. Alors qu’ils sont précisément ce qui – y compris dans une perspective non révolutionnaire — est ce qui peut permettre de surmonter la crise. La sécurité sociale, les aides pour les chômeurs et les retraites sont les enfants de la misère de 1945-1947. Ils sont précisément ceux qui ont permis l’expansion économique des années suivantes.

Mais les capitalistes, les banquiers, les rentiers et les parasites ne pensent pas ainsi : ils sont des ravageurs, qui ne voient pas d’autre chose que la rentabilité à court terme, que l’accroissement de leurs rentes, de leurs bénéfices. Leurs actions ne sont d’aucune stratégie : après eux, le déluge ! Pour échapper à la misère, à la précarité, nous ne pourrons compter que sur nous même. La seule véritable solution est une économie dirigée vers la satisfaction des besoins culturels et matériels de l’humanité. C’est là, uniquement là, qui réside une économie saine, sans dettes et sans crises.

Tant que l’économie sera axée sur la recherche du profit maximal, sur l’exploitation sans vergogne, il y aura des crises constantes.

Notre solidarité contre leur charité.

Paniers repas, bons d’achats, réductions… les opérations commerciales menées par les grandes surfaces ont été nombreuses. Quelles que soient leurs formes, elles partagent un trait commun : elles sont un bon investissement plus qu’un sacrifice. Premièrement, les opérations commerciales sont un bon moyen de fidéliser la clientèle et de réaliser une campagne de communication positive qui améliore l’image de la marque.

Deuxièmement, il s’agit parfois d’une affaire bien rentable. Au moment où Notre-Dame était ravagée par les flammes, nous écrivions :

« Un don est défiscalisé à 60 %. Les entreprises paient un impôt, donc, mais vers le secteur de leur choix. Et elles ne le paient qu’a 40 %, le reste étant, donc, à la charge des contribuables. Cela fait donc que ces derniers paient pour les choix d’image de l’entreprise, à hauteur de 60 %. Ainsi, en 2016, 369 millions d’euros ont été réellement versés par les entreprises, tandis que l’État a dû abonder de 990 millions d’euros. (selon les rapports de la Cour des comptes.) LVMH fait figure de grand pionnier, pompant à elle seule 61 600 000 € en 2018, loin devant les 8 suivantes, qui ne représentent que, cumulée, 21 000 000 €. Une manière de faire un bel effet levier sur les ambitions du peloton de tête des fortunes.

Troisième aspect, le gonflement des dons en nature et le mécénat “de compétences”. Pour le premier, il s’agit de faire des dons qui sont défiscalisés, mais en ne prenant régulièrement pas comme base le prix de revient du produit donné, mais son prix de vente final, accompagné de la marge du distributeur. De plus, lorsque Auchan, Carrefour, Casino donnent des produits alimentaires, il arrive régulièrement que ceux-ci soient inexploitables (trop proches de la fin de la Date Limite d’Utilisation), et donc auraient été perdus. Il s’agit donc d’une manière de valoriser les pertes et de faire des dons qui peuvent même rapporter.

Le mécénat de compétence, quant à lui, consiste à fournir de la main d’œuvre pour des travaux. Une manière d’ajuster l’activité de l’entreprise. En temps normal, la prestation est facturée uniquement du coût du salaire, mais des entreprises en profitent pour saler l’addition, sachant qu’elle est couverte par l’État. De plus, les “Établissements Administratifs Publics” peuvent offrir des prestations en nature à titre de dédommagement. Une nouvelle manière de rentrer dans les frais de l’entreprise. »2

En dernière instance, les capitalistes ne parlent pas la langue de la solidarité. Aux mieux, ils prodiguent la charité philanthropique, celle qui soulage la peine temporairement, sans jamais s’attaquer au fond du problème.

Il en est de même chez ceux et celles qui, au nom d’une « solidarité » hypocrite, sont là pour avancer des positions réactionnaires et antipopulaire. Les obscurantistes voient dans la misère un terrain de recrutement et de diffusion de leurs idées. D’autres, comme Bastion Social, y voient une occasion de diffuser la haine raciale et de fragmenter les exploités et exploitées. En dernière instance, la misère est un terrain comme un autre pour eux. Leur but est de l’utiliser, non d’y mettre un terme.

Une voie différente.

Notre solidarité est différente dans son fondement. Nous voulons mettre fin à ce cycle infernal de souffrances, d’exploitation, de misère. Nous ne nous réjouissons d’aucun malheur. De celui de l’ouvrier qui sait son poste condamnée, de l’artiste qui peine à se nourrir, de l’étudiant isolé dans son 9 m². Nous ne nous réjouissons pas plus de celui de la petite bourgeoisie commerçante, endettée, étrillée par les loyers, les traites, les impôts. Leur intérêt objectif est de mettre fin à la dictature de l’exploitation, à la dictature du capital, à la concentration toujours croissante des richesses dans des mains toujours moins nombreuses.

Nous savons que tout ne se réglera pas par quelques tables et un peu d’entraide. Le problème est plus profond. Le problème est structurel. Il concerne l’ensemble de structure économique, le capitalisme comme mode économique dominant. Cette société d’inégalité se maintient par la force et par la propagande. Par une force sans cesse plus omniprésente, brutal. Par une propagande qui fait croire à l’égalité des chances, à la méritocratie, au « que le meilleur gagne », alors que les dés sont truqués.

Pour nous, l’économie, la production de richesses culturelle et matérielles doit servir les intérêts de la population, doit permettre à l’humanité de poursuivre sa route, sans ravager la planète. Mais nous ne pouvons faire confiance qu’à nous même, qu’à un contrôle absolu sur l’économie, pour y parvenir. Nous avons besoin d’une nouvelle démocratie, d’un nouveau système.

Nous pouvons faire mieux !

Nous avons un monde à gagner. Un nouveau monde à construire. Face aux défis de la crise climatique, des menaces de guerres, de la misère et de l’obscurantisme, il n’existe pas une infinité de solutions. Soit rester prisonniers, écrasés par l’étau de l’exploitation, intoxiqués par les mensonges racistes, enfermés par une société pourrissante, soit perdre nos chaînes et faire front. Ensemble, solidaires, unitaires, nous pouvons être le changement révolutionnaire !

  1. Nous pourrions cependant ajouter un bémol à cela : l’organisation néo-fasciste Bastion Social prétend à une « solidarité populaire ». Dans les faits, elle se limite à des actions d’instrumentalisation de la misère sur des critères raciaux/ethniques. De fait, ces actions sont plus du domaine du prosélytisme et de la charité hypocrite que de la réelle solidarité populaire. A notre sens, celle-ci doit se doubler d’une volonté d’unifier les classes populaires dans le but de changer également le fond de notre société.
  2. Notre-Dame de Paris, une charité bien ordonnée

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