Épidémie de coronavirus : marqueur de la mondialisation des échanges, marqueur du racisme.

L’épidémie de coronavirus fait parler d’elle. Apparue en Chine à la toute fin de 2019, elle s’est maintenant répandue sur une partie de la planète. D’heure en heure, les étendues de la contamination sont mieux connues, tandis que le bilan s’alourdit. À l’heure où nous écrivons ces lignes 7 783 personnes sont infectées, 170 sont mortes et 133 sont guéries1. Autour de cette épidémie, un grand nombre de fantasmes orbitent, accompagnés par un grand nombre d’idées fausses sous-jacentes.

La raison principale de la diffusion massive de ce virus est la mondialisation des échanges et l’intensification de ceux-ci. En abolissant les distances, elle fait de toute épidémie une pandémie possible. La mondialisation virale et bactérienne est une réalité qui ne peut être niée.

Deuxième raison fondamentale : la question de la nature. La surexploitation des ressources naturelles et l’expansion incontrôlée des habitats humains créé davantage de zones de contact avec des réservoirs naturels de virus. Ainsi, le cas des épidémies de coronavirus a été le fait, successivement, du contact avec des dromadaires et des chauves-souris contaminées (pour l’épidémie arabe), de la civette (pour le SRAS).

Aujourd’hui, le réservoir naturel est inconnu, mais il est plus que probable qu’il sera lié à la consommation de viande sauvage. Les mêmes schémas se sont retrouvés dans le développement des épidémies de VIH (par la consommation de viande de brousse) et de syphilis (pour des raisons mal définies encore). Le lieu d’apparition est important, car le marché de viandes sur pied est régulièrement un lieu de mise en contact de souches virales et bactériennes d’origines différentes. Or, ces mélanges peuvent devenir explosifs : le cas de la « grippe espagnole », qui a tué 30/50 millions de personnes, est ainsi le contact entre la grippe porcine et la grippe du poulet.

La grande distinction est la rapidité de la diffusion, notamment, car la maladie se répand par les voies aériennes. Si elle est extrêmement médiatisée, la maladie est à relativiser : le taux de mortalité, de 3 % pour le moment, est très éloigné de celui du SRAS, avec 10/25 %. Il ne s’agit donc pas d’une nouvelle peste noire dans l’état actuel des choses. Ce qui inquiète est donc plus la perspective d’une épidémie mortelle que celle-ci. De plus, quoiqu’on puisse penser du gouvernement chinois, il a mis en œuvre des moyens immenses, qui servent d’ailleurs de démonstration de force, pour tenter d’enrayer la propagation de la maladie. Il en va de sa crédibilité en tant direction d’une puissance montante.

Malgré cela, l’épidémie continue de nourrir des phénomènes très particuliers, y compris en France.

Autre épidémie, parallèle à celle du virus, celle des théories conspirationnistes. En faire l’inventaire serait fastidieux, mais elles se résument à trois grandes catégories :

  1. Le virus n’existe pas, il sert de diversion pour que l’actualité sociale soit éclipsée.
  2. Le virus a été créé en laboratoire pour effrayer.
  3. Le virus existe, il est redoutable et il a été créé pour éliminer une partie de la population (souvent en mentionnant Bill Gates comme l’inventeur du procédé.)

Le plus souvent, ces théories reposent sur des bases extrêmement faibles. Elles se limitent à des « comme par hasard ! », ou à des confusions grossières, notamment sur le fait que d’autres coronavirus existent, et que d’autres épidémies ont eu lieu. Nous rappelons à ces apprentis analystes que :

  1. L’utilisation de l’armement biologique / chimique sur une grande ampleur est un sport extrêmement dangereux. A tel point que même les conflits comme la Seconde Guerre mondiale n’ont vu qu’une utilisation anecdotique de celui-ci. Il se retourne régulièrement contre son utilisateur.
  2. L’intérêt pour les capitalistes d’éliminer une partie de la population n’est absolument pas évident. Il est d’ailleurs inexpliqué par les conspirationnistes.
  3. L’utilisation des événements pour détourner l’attention de certains problèmes est un classique. Mais il n’implique pas la création d’une diversion. La bourgeoisie est suffisamment intelligente pour saisir les opportunités et la balle au bond. C’est le même raisonnement chez les conspirationnistes, qui saisissent n’importe quel événement pour instiller leur poison.

Cette épidémie n’a rien de particulièrement étonnant. Elle est même logique compte tenu des évolutions économiques et des échanges internationaux.

Deuxième phénomène qui est apparu à la suite de cette épidémie : une expression xénophobe et raciste. Nous séparons les deux aspects, car ils recouvrent des réalités différentes.

D’une part, une peur atavique, viscérale, devant toutes personne « asiatique », par crainte qu’elle soit porteuse du virus. Elle n’est pas théorisée et n’est pas accompagnée de jugements de valeur sur la personne. Cette peur est infondée, mais elle existe parfois de manière indépendante de la volonté de ceux qui la vivent.

De l’autre, une théorisation, qui vise à cibler les « Asiatiques » (Le terme de sinophobie revient parfois, mais le plus souvent, l’incapacité de discerner les origines de la part de ceux qui la portent fait qu’il s’agirait plus d’une « asiatophobie ».), en justifiant avec des arguments essentialistes la peur, tout en les maquillant de science. Ainsi, il a fleuri des expressions telles que le « péril jaune », un peu partout dans les unes des journaux. Dans les commentaires sur la situation, à plusieurs reprises, ce sont les Chinois et les Chinoises qui ont été ciblés comme les responsables du développement de l’épidémie. Ce racisme latent s’était déjà exprimé à plusieurs reprises, notamment dans l’affaire du meurtre de Shaoyo Liu, en mars 2017.

À ce moment-là, nous nous exprimions ainsi :

Cette mort est révélatrice de nombreux aspects de la situation au sein de notre Etat, tout comme dans les relations internationales.

« Premièrement, le traitement médiatique de l’affaire fut empreint d’un racisme terrifiant, inconcevable. Shaoyo Liu s’est retrouvé réduit à la formule “un chinois.” Bien souvent, les termes en restaient là. Il n’était ni M. Shaoyo Liu, 56 ans, ni un ressortissant chinois, ni quoique ce soit d’autre qu’un “chinois” 1/1 200 000 000ème d’un bloc interchangeable, anonyme, de titulaires d’une citoyenneté.

Ce traitement méprisant fait écho aux manifestations d’un racisme latent dans la société française. Si celui-ci ne s’exprime pas ouvertement avec la même virulence que celui qui touche les communautés issues du monde Arabe, du Moyen-Orient ou d’Afrique Subsaharienne, il n’en existe pas moins.

Une de ces racines se trouve dans le système colonial, qui a pillé la Chine, la Corée, les composantes de l’ex-Indochine, la Thaïlande, les Philippines…etc. Ce colonialisme a marqué au fer rouge de stéréotypes infamants les habitants de ces régions. Le mépris des peuples colonisés joue toujours, quand bien même les Français ont subi de terribles revers dans ces régions.

L’exploitation et le tourisme sexuel ont forgé un autre aspect, un aspect de fantasme pervers et exotique envers les femmes, les hommes, les transgenres de ces pays. Cela se ressent dans les rapports sociaux pénibles et les projections de fantasmes que les personnes typées asiatiques peuvent endurer.

[Quant au maoïsme, il est jugé parfois ainsi.] Nombre de nos détracteurs jouent sur ce regard méprisant pour le qualifier de “secte politique”, de “communisme de rizière.” C’est une belle manière de montrer son ignorance politique. Lorsque nous disons “léninisme”, nous voyons un regard qui n’est absolument pas le même que lorsque nous disons “maoïsme.” De même nous ne doutons pas qu’une certaine négation des apports de Mao ou de Ho Chi Minh provient également d’un dénigrement des idées issues d’ailleurs que de l’Europe. »

Ce racisme, toujours présent, est le plus souvent considéré comme une lutte de deuxième ou de troisième ordre. Il est considéré comme acceptable, convenable. Pourtant la colère a éclaté à la suite du spectacle de Gad Elmaleh et de Kev Adams en avril 2018. Dans un sketch, ceux-ci se grimaient en chinois, dans un yellowface qui devrait être remisé à un autre temps. Elle a débouché sur une prise de conscience naissante. Aujourd’hui, c’est le #jenesuispasunvirus qui s’exprime. Nous espérons que ces mouvements pourront permettre de procéder à une meilleure prise de conscience de ce racisme souvent oublié.

Nous avons bon espoir que celle épidémie, virale et raciste, puisse s’éteindre rapidement. Et que, pour poursuivre la métaphore, l’humanité en ressorte avec un système immunitaire renforcé. À la fois contre la xénophobie et le racisme, à la fois contre le conspirationnisme, mais également contre les pandémies émergentes.

Or tant que le profit et ses logiques dominent, il n’est pas question de lutte sérieuse contre les maladies et pour la mise en place d’une réelle hygiène de vie. Une question se pose, terrible : celle de leur dégradation. En 2012, Marianne notait que 1/3 des Américains renonçaient à se soigner faute de moyens financiers. En France, en dépit d’une couverture santé jugée supérieure, le resultat est globalement le même. Le quotidien du médecin indiquait que « Un petit tiers des Français (30 %) a déjà renoncé à se faire soigner au cours des 12 derniers mois, en particulier les ouvriers (41 %) et les jeunes de moins de 35 ans (36 %). » Cette situation va tendre à s’aggraver avec les attaques sur la Sécurité Sociale. Le remplacement d’une caisse de cotisation par des mutuelles santé, ainsi que la destruction de l’hôpital public sont une menace lourde et croissante.

Cette destruction, pour instaurer des logiques de rentabilité maximale, couplée au vieillissement de la population et à dégradation des conditions de vie et de travail, laissent un espace conséquent pour une catastrophe.

De plus, la concentration toujours plus importante d’animaux d’élevage dans des lieux confinés chaque fois plus massifs, la monoculture, la destruction des barrières entre biotopes, créé un risque de pandémie toujours plus grand. La question n’est pas de savoir si elle aura lieu, mais bien quand.

Il n’existe, hélas, pas de solution miracle ou de moyen-terme : si nous voulons mettre fin à ces menaces, cela demande plusieurs choses :

  • La fin de l’exploitation irraisonnée de la nature et la prudence quant à la mise au contact entre l’homme et des vecteurs possibles de maladie, en particulier dans le cadre de l’alimentation.
  • La fin des politiques de rentabilité dans le développement des traitements et dans les soins et la reconstruction d’une couverture hospitalière totale.
  • L’accès libre et gratuits au système de santé permettant d’anticiper les situations a risque épidémiologiquement.

Comme tant de questions fondamentales, ces questions de santé ne peuvent être réglées que et uniquement par le fait que les masses populaires exercent la réalité du pouvoir. En économie, en politique, en santé, seule la révolution et la démocratie populaire peuvent faire sortir l’humanité de sa vulnérabilité.

1 Il est possible de suivent en direct l’évolution de la situation ci : https://gisanddata.maps.arcgis.com/apps/opsdashboard/index.html#/bda7594740fd40299423467b48e9ecf6

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