Cuba en crise

Depuis le 11 juillet a lieu un mouvement de manifestations à Cuba. La crise sanitaire, les pénuries en matière de denrées de première nécessité et de médicaments, ainsi que les fréquentes coupures de courant, ont généré chez les cubains une grogne qui s’est exprimées dans la rue.

Aux manifestants qui dénoncent le parti communiste cubain comme responsable de cette situation, se sont opposés des contre-manifestants, défilant sous les drapeaux de Cuba, et à cris de « je suis Fidel ». Ces dernier dénoncent une entreprise de subversion menée par une « mafia cubano-américaine ». Washington, fidèle à sa tradition d’ingérence, a mis en garde le gouvernement de Miguel Diaz-Canel, contre toute violence à l’encontre des manifestants anti-communiste.

La construction du socialisme à Cuba est, depuis la révolution, une épreuve de force, et cette question fait encore débat parmi les communistes.
De part sa structure économique, nous ne pensons pas que Cuba soit socialiste, ni qu’elle soit en voie de le devenir. Ce petit pays ne possède malheureusement pas la masse critique permettant une parfaite maîtrise de son système de production, de A à Z. Néanmoins, le combat du PCC, celui qu’il a réussi à mener, avec tout son cortège d’épreuves, c’est d’avoir constitué un modèle autonome, cherchant sans cesse à s’affranchir de la tutelle américaine.

Dans cette situation, nous considérons qu’il faille faire preuve de pragmatisme dans nos analyses, et de sagesse dans nos conclusions.

Dès lors, Cuba doit être considérée, avant tout, de nos point de vue d’européens de l’ouest, pour ce qu’elle est ; une citadelle assiégée par l’impérialisme US depuis les années 1960.

Depuis les années 1960, l’île vie au rythme des embargos américains, pour une seule et unique raison, Fidel Castro a eu l’arrogance de vouloir offrir à son peuple une voie de développement indépendante du bon vouloir des États-Unis, qui ont toujours considéré l’Amérique latine, et les Caraïbes, comme leur pré carré.

Tenant au début une ligne plutôt réformiste, Castro et ses camarades ont réalisé que, pour permettre aux cubains de jouir des fruits de leur terre, dont 75% étaient détenues par des compagnies états-uniennes, que pour permettre le développement d’une industrie tournée vers les besoins du peuple, et non vers le profit d’une puissance étrangère, que pour lancer les différents chantiers permettant le développement harmonieux de l’île, il fallait bouter les capitaliste en dehors, il fallait passer par un rapport de force, d’où l’évolution de la ligne des révolutionnaire. Dès lors, le front dirigé par le mouvement du 26 juillet a mué vers la construction du parti communiste cubain.

Assumer haut et fort la nature socialiste de la révolution cubaine était cependant un grand risque à prendre, étant donné la proximité des États-Unis. Dans l’urgence de la situation, Castro s’est tourné vers le premier allié qui s’est présenté, Moscou.

Malgré cette situation périlleuse, la politique du PCC a permis à Cuba de se développer tout en assurant à chaque citoyen les moyens d’une vie digne, par sa politique de logement, d’emploi, d’éducation, et surtout, de santé.

Le régime médical cubain est universel, solidaire, et performant, au point que même certains citoyens américains ont pu faire la traversée vers l’île afin d’accéder aux soins que le système d’assurances privées de leur pays leur interdisait.

Depuis le début de la pandémie de Covid-19, Cuba a développé deux vaccins de manière autonome, et, fidèle à sa tradition, a envoyer des médecins jusque dans d’autres pays pour prêter mains fortes à leurs collègues d’Italie, d’Andorre, et de Martinique, là où l’État français était incapable de gérer la crise.

Cuba est à ce jour le seul exemple de pays exportateur de médecins, là où les grands champions de la liberté individuelle n’ont su exporter que des capitaux, et bien souvent, des bombes.

Malgré ces réussites, tout n’a pas toujours été merveilleux. Tout en composant avec le danger d’agression impérialiste, Castro n’aurait pu prédire que son alliance avec Khrouchtchev le mènerait à intégrer l’île dans le système de division internationale socialiste du travail, qui a intégré Cuba dans la sphère du social-impérialisme soviétique d’après 1956.

La chute de l’URSS a dès lors laissé la Havane livrée à elle même, sans aucun allié, sans personne pour racheter à bon prix le sucre dont la production était sa spécialité, avec une économie qui peinait à se diversifier. Plus d’URSS, mais l’embargo américain, lui, est toujours là. Et ce sont les même qui, avec un cynisme nauséabond, étouffe cette île inoffensive tout en dénonçant les pénuries qu’elle subit.

Ce sont ces pénuries qui ont fait récemment exploser la colère des cubains. Cette colère est compréhensible, surtout dans le contexte de pandémie que nous traversons. Néanmoins, qui est le plus responsable ? Le PCC qui depuis 70 ans cherche, parfois de manière très débattable, à maintenir l’île éloignée de la rapacité de Washington ? Ou Washington elle même, qui en maintenant l’embargo, empêche Cuba de se développer autrement qu’au ralenti aujourd’hui ?

Nous entendons la colère, elle pointe du doigt de réelles défaillances, des promesses non tenues, « on a toujours raison de se révolter » tel que le disait le président Mao. Néanmoins, quelles solutions sont envisagées ? Quand la bourgeoisie parle de liberté, elle parle avant tout de la liberté économique, de la libre circulation des capitaux, et de leur libre domination. Cuba, pour retrouver grâce aux yeux du monde, devrait accepter de s’inclure dans un système de domination global ?

En tant que communistes, notre devoir immédiat est de témoigner notre solidarité à ce peuple qui, depuis 70 ans, vie sous pression des impérialistes. Nous dénonçons TOUTES les formes d’ingérence, les destin de Cuba est entre les mains des cubains.

Nous émettons également de vives critiques à l’égard des positions qui ont pu s’exprimer, jusque dans la gauche se voulant révolutionnaire en France, attaquant la « dictature » cubaine. Dans le contexte actuel de menace impérialiste, il s’agit d’une grave erreur, c’est hurler avec les loups ; c’est également la conclusion d’une vision libérale, et petite bourgeoise, de la politique, niant la nature de classe de tout régime, et une vision « jusqu’au boutiste » qui passe à la trappe la solidarité internationaliste contre l’impérialisme.

Il y a 30 ans de cela, les mêmes qui appellent aujourd’hui de leurs vœux l’effondrement du castrisme, étaient ceux qui sabraient le champagne à la chute de l’URSS, en y voyant l’avènement de la « vraie révolution ». C’est probablement le contre-coup de leur déception qui les a poussé à s’intégrer dans les partis de la gauche bourgeoise, tel que le PS ; nous comprenons cette démarche de reconstruction personnelle.

Camarades, ne vous trompez pas d’ennemi ! Certes, le système cubain est perfectible ; oui, il faut plus de démocratie au sein du peuple ; mais l’effondrement signifiera le retour de Cuba à ce qu’elle était, le bordel des États-Unis ; les accomplissements, et l’autonomie chèrement payés, ne doivent pas être balayés d’un revers de mains. Surtout dans le contexte actuel de fortes contradictions inter-impérialistes.

Avec la crise actuelle, sanitaire certes, mais aussi économique, nous pouvons craindre que le capital financier international n’entre dans une phase plus agressive. Il n’est pas un jour sans que tel, ou tel média ne se fende d’un article sur l’émergence du dragon chinois, sur les tensions entre la Russie et l’occident. D’ici 2023, l’armée française lancera un vaste exercice mobilisant 10 000 soldats. Dans cette atmosphère, nous devons identifier nos alliés, et nos ennemis. Nos ennemis, c’est la bourgeoisie impérialiste et ses laquais ; nos alliés, ce sont les millions de prolétaires, des villes et des campagnes, qui subissent l’exploitation à travers le monde, ce sont les peuples dominés par l’impérialisme et le néo-colonialisme.

Tous ensemble, unis dans un front anti-impérialiste, nous devons faire bloc !

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