Critique de l’article « Le Centre Maïakovski, Hoxha et le Maoïsme »

Commentaire critique de l’article du NEM publié sur le site de Nouvelle Époque à cette adresse :

https://www.nouvelleepoque.fr/noyau-detude-marxiste-le-centre-maiakovski-hoxha-et-le-maoisme/

Le 26/01/2023 a été publié cet article du Noyau d’étude marxiste par Nouvelle Époque. Ils y sont données des critiques très justes de l’hoxhaïsme, tout comme sont faites des erreurs de base allant jusqu’à des mécompréhensions fondamentales de principes de base du marxisme. Ci-dessous, une critique « pour participer au débat d’idées dont le mouvement révolutionnaire a besoin ».

« Le Centre Maïakovski se revendique “pro-albanais”, c’est-à-dire anti-maoïste. Cela ne peut être différent, car ceux qui se réclament de la pensée d’Enver Hoxha [1] ne peuvent exister que contre le Maoïsme, c’est leur seule raison d’être. Pour cela ils tentent, de manière souvent très maladroite, de faire du Maoïsme un révisionnisme. »

Premier problème, l’accusation ici faite est creuse. L’on peut définir toute idéologie par celle à laquelle elle s’oppose, on ne l’a pas pour autant qualifiée. Le marxisme-léninisme est un anti-trotskysme, le capitalisme un anti-communisme, l’anarchisme un anti-marxisme, etc. Aucune de ces définitions ne sont fausse, pour autant, on n’a rien dit ni sur le marxisme-léninisme, le capitalisme ou l’anarchisme : elles ne se réduisent pas à ce qu’elles ne sont pas, même si la construction s’est faite par opposition à une référence négative (par exemple, dans le cas du trotskysme, le « stalinisme »).

Qu’est-ce qu’il transparaît cependant ? Une compréhension du monde, sinon binaire, simpliste, entre le bon (nous) et le mal (eux) : s’ils ne sont pas « nous », alors ils ne sont pas « bon », donc ils sont « mal ». Car le NEM ne voit l’hoxhaïsme qu’en ce qu’il s’oppose à lui, il le réduit à cette opposition et n’essaie pas de le comprendre, se contentant très satisfait de ses manichéismes, il écrit que leur rejet du maoïsme est « leur seule raison d’être », ce qui est faux. Sans nier l’importance de la rupture sino-albanaise dans la construction idéologique de l’hoxhaïsme (car toute idéologie est le produit de son histoire, et donc de la généalogie des « schismes » qui l’a vu naître), ce n’est pas plus vrai de dire cela que de dire que le maoïsme ne serait qu’un anti-hoxhaïsme et que ce serait là sa seule raison d’être.

Le second problème est quant au fond du reproche : les hoxhaïstes seraient tous des anti-maoïstes. Il est vrai que c’est le cas de nombre d’hoxhaïste (sinon une majorité), dont le centre Maïkovski et notamment ceux membres de l’ICMLPO (dont le Parti communiste des ouvriers de France). L’hoxhaïsme se caractérise en général comme assez sectaire et dogmatique, notamment envers les maoïstes. Mais cette accusation générale n’est pas exacte : il existe aussi nombre de « pro-albanais » qui ne se reconnaissent pas dans ces déviations. C’est le cas du Parti communiste marxiste-léniniste de Turquie/Kurdistan (MLKP), qui rejette explicitement le sectarisme et le dogmatisme de l’ICMLPO et qui est engagé dans ses activités de lutte armée avec des organisations d’obédience maoïstes dans le Mouvement révolutionnaire uni des peuples (HBDH). L’on peut aussi citer le TIKB qui est comme le MLKP engagé dans l’ICOR (qui rassemble à ce propos des organisations aux orientations diverses).

« Ils confondent l’œuvre du Président Mao, la Chine Populaire d’avant le coup d’État révisionniste de 1976 et le Maoïsme, troisième et supérieure étape du Marxisme. Il faut savoir que les critiques faites par Hoxha contre le Président Mao datent de 1978, quand les révisionnistes chinois autour de Deng Xiaoping étaient en pleine liquidation de la Révolution et de l’œuvre du Président Mao. Jusqu’en 1976, le Président était vu comme un grand Marxiste-Léniniste par les Albanais. Il faudrait que les pro-albanais creusent cette question, car il y a déjà des réponses très claires à trouver dans ce fait même, qu’ils n’ont jamais abordé. »

Il est vrai que la rupture sino-albanaise date de 1976 et que L’impérialisme et la révolution de Enver Hoxha (où il attaque Mao et le qualifie de révisionniste) date de 1978. Mais l’éloignement sino-albanais date lui de 1966, c’est-à-dire du début de la révolution culturelle, et s’était déjà intensifié avec la rencontre Nixon-Mao de 1972 et la formulation en 1973-1974 de la théorie des 3 mondes par la Chine populaire. De plus, l’Albanie et la Chine avaient déjà connu des premiers désaccords importants dès 1956, concernant le cas de la Yougoslavie et du révisionnisme de Tito.

« Le Grand Lénine nous a toujours enseigné qui fallait de la pédagogie pour régler les contradictions, la coercition ne peut venir qu’en dernier recours et il faut l’éviter, c’est exactement ce qu’a fait le Président Mao. Les pro-Hoxha semblent d’ailleurs accepter la Nouvelle Politique Économique de l’URSS (NEP), qui a permis de régler les contradictions principales à un moment donné, et ils n’ont jamais dit que Lénine était un révisionniste. »

C’est tout à fait exact.

« Le Camarade Staline, pour sa part, a lutté 13 ans contre les opportunistes et les différentes lignes réactionnaires “gauchistes” et droitières, tout l’inverse d’un quelconque règlement bureaucratique. »

Voilà qui contredit la critique maoïste du bilan de Staline, tel que développé par Mao dans À propos de l’expérience historique de la dictature du prolétariat (1956)1, où il y critique précisément les méthodes bureaucratiques et le manque de compréhension de la superstructure de Staline. Mao a évoqué cette même critique également dans Sur Les problèmes économiques du socialisme en URSS (1958)2 et Critique de Les problèmes économiques du socialisme en URSS de Staline (1961)3, où il reproche à Staline de ne parler nulle part de la superstructure. C’est très exactement le manque de « pédagogie pour régler les contradictions » que Mao a reproché à Staline — que l’on considère cette critique comme justifiée ou non.

L’on peut considérer de plusieurs manières la ligne de Staline de rupture radicale avec la NEP, par opposition au programme de transition progressive de Trotsky et de l’opposition de gauche, sur la base de l’adhésion volontaire à la collectivisation. Soit elle était en soi supérieure, malgré ses erreurs, car actant le rejet de la tolérance de la NEP et l’entrée dans une phase active (sinon « agressive ») de construction du socialisme, soit ses maladresses et ses manquements se justifiaient par l’urgence de la situation internationale de rattraper les pays capitalistes (puis au milieu des années 30, de préparer la guerre prévisible à venir) et la hâte subséquente de la direction soviétique. Mais, quel que soit notre rapport à la campagne menée par Staline, on ne peut pas louer son absence de bureaucratisme tout en affirmant que les critiques de Mao sont parfaitement justes : si la collectivisation stalinienne a été sans bureaucratisme, alors Mao avait tort, et si Mao avait raison, alors la collectivisation stalinienne n’a pas été sans bureaucratisme.

De plus, du point de vue historique, cette critique de Mao se justifie vis-à-vis de l’expérience de la collectivisation et de la dékoulakisation dans les années 30. Staline lui-même critiquera les excès et les erreurs de la méthode bureaucratique dans Les vertiges du succès (1930)4. Or, si Staline était déjà un Mao (selon le NEM), alors qu’est ce qu’a critiqué Staline dans son propre bilan ? Et qu’est ce qu’a critiqué Mao chez Staline ?

Du point de vue historique, toujours, si cette collectivisation et dékoulakisation soviétique était déjà parfaite, révélée pure et nue, alors pourquoi Mao n’a-t-il pas appliqué la même méthode en Chine ? Pourquoi s’est-il plutôt tourné vers la mobilisation de masse par opposition au procédé soviétique (avec son propre lot de réussite et d’échec) ? Et pourquoi la dékoulakisation et la collectivisation étaient-elles partielles et se sont-elles faites au prix d’une désorganisation de l’économie (malgré ses réussites tant pour le développement des forces productives que des rapports de production communiste) ?

Toujours sur la question des méthodes bureaucratiques, quoi de plus bureaucratique que la purge comme mode de régulation interne du Parti communiste ? Certes, celles-ci n’étaient pas conçues exclusivement comme des instruments de lutte politique, et ne furent mobilisées ainsi qu’à l’encontre des dissidents de l’opposition de gauche passés dans la lutte ouverte contre le Parti et non plus dans celui-ci, puis contre les membres accusés en 1937 par le comité central du PCUS(b) de conspiration. Mais c’était bien avec pour but de régler les dysfonctionnements internes du Parti (dont ceux qui mèneront à la crise politique de 36-37) qu’il y eut des campagnes successives de purge lors des années 30, c’est-à-dire un mode de résolution bureaucratique de ce que l’on sait aujourd’hui être des contradictions au sein du Parti et entre le Parti et la société soviétique.

Chanter les louanges de Staline pour ce qu’il n’a pas fait et oublier les critiques que lui a adressées Mao, voilà une drôle de manière de faire du maoïsme la 3e étape incontestable et incontestablement supérieure du marxisme.

« Si nous sommes Marxistes, nous savons que tout est en mouvement ; que quelque chose qui était juste, ou principal, dans un certain contexte ou époque, peut ne plus l’être dans un autre. Mais c’est bien cela qui caractérise Hoxha et ses disciples : leur incompréhension de la dialectique, du mouvement : les choses deviennent mécaniques et donc incomprises dans leur substance, et doivent être réglées de manière bureaucratique. »

C’est une critique tout à fait juste de l’hoxhaïsme : la méthode bureaucratique et une mauvaise compréhension et résolution des contradictions. Ainsi, les hoxhaïstes, tenant d’un marxisme-léninisme orthodoxe, se condamnent à faire les mêmes erreurs que Staline avant eux. Cependant, cette critique va être développée en un sens qui n’a plus rien de marxiste.

« La base du révisionnisme albanais, c’est la négation des contradictions, qui sont pourtant moteur de toute chose. C’est donc notamment la négation du fait que le Parti Communiste soit lui aussi une contradiction, car la bourgeoisie existe dans le Parti sous forme d’idées, de comportements, de positions, de lignes ; car le Parti est le reflet de la société, il est constitué d’Hommes qui sont eux-mêmes le reflet du monde matériel. »

Puis :

« Il suffirait, donc, de supprimer la propriété privée pour avoir une société socialiste. L’Albanie est pourtant l’exemple parfait pour montrer que tout cela n’est pas vrai, nous y reviendrons. Dans leurs analyses, nulle part n’est prise en compte le facteur des idées, les Hommes changeraient par magie du jour au lendemain, une fois la collectivisation mise en place. »

« En Chine, donc, la bourgeoisie nationale avait perdu son pouvoir politique (1949), mais elle continuait à exister, car l’instauration du socialisme dans un pays semi-colonial est un processus plus ou moins long. De fait, la bourgeoisie nationale a perdu avec le temps son pouvoiréconomique, reflet du développement de la Révolution Socialiste. Ce qui était important, c’était de ne pas créer des ennemis farouches dans le pays qui s’opposeraient par tous les moyens au socialisme et, surtout, de transformer l’Humain. »

« Le Président Mao a compris que la bourgeoisie ne pouvait se reconstituer comme force politique que dans le Parti et non en dehors : c’était matériellement impossible, car le régime de dictature du prolétariat l’empêchait fermement et qu’économiquement elle avait disparu comme classe. »

« C’est là où le leader de la Chine Populaire a totalement saisi le Marxisme, car une classe sociale n’a pas seulement un contenu économique, elle a aussi un contenu idéologique et politique. Si vous éliminez l’économie (vous collectivisez ses industries), et la politique (elle n’a plus le droit de s’organiser politiquement et de prendre part aux affaires de l’État), la classe existe idéologiquement, comme conception dans la tête des gens, pendant un moment, et peut donc se reconstituer politiquement si elle subsiste idéologiquement. C’est de là que vient le danger dans tout Parti Communiste, c’est de ça que naît le révisionnisme. C’est-à-dire que le cœur de la Politique, l’enjeu de toute chose, ce n’est pas tant la base économique à un moment donné, mais qui dirige le Parti. Le Parti est-il dirigé par le prolétariat ou la bourgeoisie ? Voilà la seule question importante. Quand nous disons prolétariat, nous parlons de sa conception du monde, de son idéologie. Il y a des ouvriers complètement réactionnaires et traîtres à la classe, comme il peut y avoir des individus issus de la bourgeoisie qui sont aussi des traîtres à leur classe. »

Il est tout à fait vrai d’affirmer l’importance de l’aspect idéologique de la transformation de la société, ainsi que du rôle de la superstructure dans la révolution communiste. Cependant une erreur fondamentale est commise ici.

D’abord, il est dit que la propriété privée a été abolie en URSS et en Chine : la bourgeoisie y aurait disparu en tant que classe, les rapports économiques d’exploitation y auraient disparu.

Ensuite, à partir de cette analyse, il est dit que les classes se perpétuent idéologiquement et que la bourgeoisie peut renaître à partir de l’inertie de son idéologie dans la société et dans le Parti. Ce serait là, la reproduction idéologique, l’origine du révisionnisme. Autrement dit, les idées réactionnaires recréeraient une classe bourgeoise : donc, les idées produiraient des rapports de production.

Le NEM va jusqu’à affirmer qu’une classe qui n’existe plus peut prendre le pouvoir dans le Parti communiste et mener une contre-révolution, en même temps qu’elle réapparaîtrait comme classe à partir de ses subsistances idéologiques. Il pourrait y avoir révolution bourgeoise sans bourgeoisie et restauration du capitalisme sans capitaliste. Ce serait ensuite ces rapports politiques et idéologiques qui produiraient des rapports économiques.

Oui, une classe existe aussi comme contenu idéologique, dans la superstructure sociale. Mais premièrement, cette superstructure est déterminée par la base matérielle de la société : les rapports sociaux d’exploitation créent les idées bourgeoises réactionnaires et ces dernières dépendent des rapports sociaux dont elles sont la conséquence (l’existence matérielle détermine la conscience). Et deuxièmement, les idées ne peuvent pas ni restaurer une classe, c’est-à-dire transformer la base matérielle de la société — son mode de production — ni mener une contre-révolution.

Lorsqu’il est dit que le prolétariat se définit comme contenu idéologique, qu’est-ce qui est dit ? Que ce ne sont pas les rapports aux moyens de production — au capital — qui font l’essence d’une classe, mais ses idées. Pourquoi une telle confusion ? Car le NEM semble ne pas comprendre que la conscience de classe et que la vraie-conscience historique d’une classe révolutionnaire n’apparaissent pas mécaniquement mais seulement médiatisées par une superstructure en contradiction. La conscience communiste n’est pas transparente au cœur de chaque prolétaire, c’est une conclusion qui se révèle à lui dans la pratique sociale de la lutte des classes. Cette conscience naît elle-même à travers la superstructure sociale, c’est-à-dire en lutte avec l’idéologie dominante et les idées fausses. Ce n’est pas une vérité révélée, immanente et immédiate, elle est découverte dans la pratique et médiatisée par la structure idéologique de l’époque et du lieu d’une société.

Un exploiteur deviendrait-il un prolétaire car ses idées seraient communistes ? À ce titre Engels était-il un prolétaire ? Non, un ouvrier peut être réactionnaire, il reste un prolétaire, et un bourgeois peut être communiste, il reste un capitaliste.

Il est tout à fait juste de dire que ce qui importe en dernière analyse quant à la direction du Parti communiste, c’est sa ligne de classe : prolétarienne, c’est-à-dire communiste. Mais l’on ne peut pas dire pour autant que la classe se définit idéologiquement (même si une idéologie lui correspond). L’on ne peut pas non plus séparer la composition du Parti des lignes qui existent en son sein, une ligne bourgeoise peut-être portée par des prolétaires, certes, mais sans bourgeois pas de ligne bourgeoise capable de se constituer comme tel autour d’intérêts capitalistes, puis de conquérir une hégémonie. De la même manière, le Parti communiste doit être composé de prolétaire pour pouvoir avoir une ligne prolétarienne, c’est-à-dire connectée et conforme à la réalité de celui-ci, connaissant et défendant ses intérêts, donc, communiste.

Comment un Parti composé exclusivement de prolétaire affirmant une ligne communiste, correspondant à leur intérêt de classe révolutionnaire, saurait-il être victime d’un « coup d’État fasciste bourgeois » mené par la simple force des idées réactionnaires résiduelles ? Nous laissons au NEM cette formidable énigme qu’il nous pose et nous contenterons de rester marxistes.

Pourquoi une telle distorsion des principes les plus élémentaires du matérialisme dialectique ? Si le NEM affirme d’abord qu’il n’y avait plus de bourgeoisie ni de capitalisme ni en URSS ni en Chine, alors comment peut-il expliquer la restauration du capitalisme et la contre-révolution qui s’y sont observées ? Il doit donc recourir à ce qui est ni plus ni moins qu’un idéalisme, au sens premier du terme : l’idée détermine le rapport matériel.

Quel est l’apport de Mao sur la question de la question de la survie de la lutte des classes et de la reproduction de la bourgeoisie sous le développement du socialisme ? Staline a déjà affirmé que sous le développement du socialisme dans la dictature du prolétariat, même si la lutte des classes était mourante, elle continuait. Ce que Mao a compris, c’est que la lutte des classes ne s’amenuise pas, mais au contraire se développe avec le développement du socialisme. La bourgeoisie ne disparaît pas mais se renforce progressivement dans la lutte des classes continue vers le socialisme. Pourquoi ? Car la forme économique de la dictature du prolétariat est le capitalisme d’État (cf. le débat de Lénine contre Boukharine de 19185), et donc, avec le développement de son économie, c’est-à-dire pendant que celle-ci pose les bases de l’économie socialiste — son dépassement dans celle-ci — elle consiste aussi en un développement du capitalisme d’État. Cette extension du capitalisme d’État a pour corollaire nécessaire, et c’est là l’apport de Mao, la génération d’une nouvelle classe capitaliste (bureaucratique) dans le Parti et l’État.

C’est celle-ci, la nouvelle bourgeoisie qui naît avec l’accouchement du socialisme, qui est la base sociale du révisionnisme (alliée avec les survivances de l’ancienne bourgeoisie). Effectivement, l’idéologie bourgeoise joue alors un rôle important, particulièrement dans le Parti, car elle sape la lutte des lignes contre les idées réactionnaires et maquille en rouge la contre-révolution. Mais ce ne sont pas ces idées qui re-créent une classe ou mènent une contre-révolution, mais bien la classe dont elles sont le produit : la bourgeoisie.

À ce sujet, nous redirigeons vers la synthétique et éclairante brochure du TKP/ML Marxisme-Léninisme-Maoïsme contemporain (1998).6

Ce que dit en substance le NEM, c’est que Staline avait raison et que Mao n’a rien rajouté : la bourgeoisie est mourante avec le développement du socialisme. Elle perd d’abord son pouvoir politique, puis son pouvoir économique, et ne survivrait que dans la superstructure par inertie. Où sont donc alors les apports du maoïsme (l’intensification de la lutte des classes dans le développement du socialisme) ?

Il y a de plus un problème fondamental à ne pas comprendre la relation entre pouvoir politique et économique comme deux aspects d’un tout. Oui, il faut d’abord réaliser les tâches politiques de la révolution pour ensuite mener les tâches économiques de celle-ci. Mais c’est bien du pouvoir économique que provient le pouvoir politique, c’est d’ailleurs pour cela que la bourgeoisie conserve du pouvoir tant que l’économie n’est pas totalement socialiste. Et, car la bourgeoisie renaît sous la dictature du prolétariat, sous une forme bureaucratique, elle aspire également à reconquérir pleinement son pouvoir politique. Et pour l’en empêcher, il y a alors nécessité d’une révolution culturelle. Or, si l’on nie que la bourgeoisie ne perd pas mais gagne du pouvoir économique sous le développement du socialisme, alors l’on nie aussi la nécessité de la révolution culturelle. L’on dit que Staline et Hoxha ont raison de penser que simplement purger les éléments réactionnaires, qui ne sont que des résidus des vieilles classes réactionnaires, suffit à garantir la survie du régime ouvrier et le bon progrès vers le socialisme, du point de vue interne de la question (à l’intérieur le pays concerné, cf. la distinction faite par Staline entre l’aspect interne et externe de la transition vers le socialisme).

Il semblerait qu’involontairement ce soit la définition marxiste-léniniste elle-même du socialisme tel que développé par Staline, dans la théorie du socialisme dans un seul pays, qui est nié ici. En effet, le socialisme au sens où l’on qualifie l’URSS, la Chine ou l’Albanie, n’est comme nous venons de le voir pas la phase inférieure du communisme (une victoire achevée), mais la dictature du prolétariat qui tend vers celle-ci (un combat en cours). Donc, d’une part, les consciences sont encore incomplètement socialistes et les idées réactionnaires pèsent toujours (ce qui perdure dans la phase inférieure et consiste en ce que Lénine qualifie de « stigmate »), mais d’autre part, la bourgeoisie n’a pas perdu son pouvoir économique et elle tend à augmenter celui-ci (bureaucratiquement, en alliance avec la petite bourgeoisie et la bourgeoisie du capital privé).

À titre de rappel, Staline donne deux arguments pour qualifier la dictature du prolétariat soviétique de « socialiste » (ce sont les mêmes que mobilise Mao concernant la Chine) :

Premièrement, la classe au pouvoir (le prolétariat) et sa direction consciente et déterminée vers le socialisme, c’est-à-dire le régime ouvrier et la ligne communiste dans le Parti.

Deuxièmement, l’œuvre au dépassement du capitalisme d’État dans une économie pleinement socialiste et l’abolition de la lutte des classes dans le cadre national (aspect interne de la victoire du socialisme). Ce second argument se décline lui-même en deux aspects :

D’abord, la transition d’une production pour le profit à une production pour les besoins et le bien-être général des ouvriers.7 Cette dernière opère toujours partiellement dans le cadre du capitalisme d’État, mais elle est alors dite socialiste, même si elle obéit toujours en partie aux lois économiques capitalistes. Ensuite, la tendance à l’abolition de l’économie politique (loi de la valeur, monnaie, propriété privée, marchandise, rareté), c’est-à-dire la création de rapports de productions socialistes à proprement parler.

Revenons sur la question de la propriété privée. Le NEM accuse les hoxhaïstes de penser qu’« Il suffirait, donc, de supprimer la propriété privée pour avoir une société socialiste » et que « les Hommes changeraient par magie du jour au lendemain, une fois la collectivisation mise en place ». La seconde affirmation est fausse, même si comme nous venons de le voir, le NEM en conclut des fantaisies idéalistes. Cependant, le NEM donne raison à l’hoxhaïsme avec la première : oui, l’abolition totale de la propriété privée, c’est le socialisme.

C’est en partie l’inertie idéologique entre dictature du prolétariat, où perdure la lutte des classes, et phase inférieure du communisme (socialisme), qui fait de cette dernière une forme encore immature du communisme. Mais alors, déjà le mode de production est bel et bien socialiste et la lutte des classes est finie du point de vue interne (dans le pays en question). Oui, « Il suffirait, donc, de supprimer la propriété privée pour avoir une société socialiste », et cela n’est absolument pas incompatible avec la persistance d’une idéologie incomplètement communiste et d’idées plus ou moins réactionnaires. C’est tout le sens de la distinction entre phase inférieure et supérieure du communisme, c’est en partie pour cela que le socialisme n’est pas la phase supérieure du communisme.

Il y a donc deux erreurs de définition :

Premièrement, confondre deux sens donnés à « socialisme », la dictature du prolétariat en lutte vers son dépassement dans un seul pays en l’absence de révolution mondiale (tel que théorisé par Staline), et la phase inférieure du communisme. Deuxièmement croire que le socialisme n’est plus marqué par l’idéologie bourgeoise (ce qui est le cas, que l’on parle de la dictature du prolétariat assiégé et en lutte, ou de la phase inférieure du communisme).

Un mot sur l’amalgame qui est fait entre collectivisation et abolition de la propriété privée — l’économie socialiste : la collectivisation n’est qu’une forme de socialisation supérieure de l’économie, mais pas aboutie. Elle autorise la conservation de la loi de la valeur et du salariat (sous une forme partiellement dé-monétarisée seulement), donc, la propriété privée et l’économie marchande, c’est-à-dire le capitalisme. C’est une transition du capital privé vers le capital collectif intégré à la planification — en cela c’est un progrès vers la socialisation et la fin de l’anarchie de la production. La répartition des revenus dans les kolkhozes par le paiement en nature, ainsi que l’échange en nature entre ville et campagne, étaient également toujours une forme de répartition capitaliste, bien que représentant une étape et un progrès dans la tendance vers l’extinction de la monnaie (le troc remplissant de manière moins optimale le rôle de la monnaie, donc celui de base d’accumulation du capital). Cependant, les rapports de production dans les fermes collectives (kolkhozes), et entre celles-ci et l’État, sont toujours petits-bourgeois.

Cela nous amène à poser une nouvelle question : y avait-il capitalisme en URSS avant 1956 et en chine entre la fin de la démocratie nouvelle et 1976 ? Oui, l’on qualifie ces deux États de socialiste sur cette période, car ils étaient alors un régime de dictature du prolétariat sur les classes exploiteuses, alors engagées dans l’abolition du capitalisme et le développement de rapports économiques socialistes : le régime politique était prolétarien et l’économie était de transition, du capitalisme vers le socialisme. C’est-à-dire que du point de vue interne, la tendance était à la création du socialisme et à la fin du capitalisme (socialisation, production et répartition selon les besoins, et fin de la loi de la valeur, de l’économie marchande et de la monnaie). Non, du point de vue interne, le socialisme n’avait pas été atteint, l’économie était toujours capitaliste, mais la société était alors activement engagée vers son abolition car le pouvoir politique était possédé par le prolétariat, que sa direction d’avant-garde était assurée par le Parti communiste, et que la ligne communiste dominait le Parti communiste.

Donc, il faut rappeler : oui, il existait en URSS et en Chine socialiste la propriété privée tant individuelle que collective, une petite bourgeoisie privée et une bourgeoisie (bureaucratique) d’État, ainsi que la persistance de la marchandise, du salariat et du profit, de la monnaie et de la loi de la valeur. Reconnaître cela (dans leurs mesures respectives) ne nous empêche nullement de qualifier ces régimes de dictature du prolétariat, exactement comme Engels a également à son époque qualifié la Commune de Paris de 1871 de dictature du prolétariat, alors même que les catégories économiques capitalistes y dominaient autrement plus et y étaient autrement moins consciemment combattues qu’en URSS, en Chine ou en Albanie.8

Pour un très bref et très bienvenu éclaircissement sur cette question, nous redirigeons le NEM vers Réponse à Kushtysev (1928) 9, Réponse à la lettre de Ivanov (1938) 10 et Quelques questions de théorie (1939) 11 de Staline.

« La Grande Révolution Culturelle Prolétarienne (GRCP) est donc la solution pour contrer la restauration de la bourgeoisie dans le Parti. L’enjeu, du début à la fin de la Révolution Culturelle, n’est que la question de qui dirige le Parti. Car c’est le Parti Communiste qui dirige le processus de mouvement vers le Communisme. […] C’est un processus continu qui commence même avant la Révolution dans les rangs du Parti. C’est d’ailleurs pour cela que dès le début de la Révolution Prolétarienne, la Révolution Culturelle doit être centrale, et cela en permanence. C’est comme cela qu’on transforme les “âmes” des Hommes. C’est parce que le Président Mao a compris le poids de l’idéologie, comme Marx et Engels l’avaient saisi, qu’il est traité d’idéaliste par les révisionnistes qui n’acceptent pas le fait qu’il faut mettre toujours la politique aux commandes. »

Bref commentaire : l’objet de la révolution culturelle (ou révolution dans la révolution) n’est pas tant de qui dirige le Parti, mais de qui dirige la dictature du prolétariat. En effet, la tradition marxiste-léniniste a pris pour habitude de considérer que le Parti et l’État sont une seule et même entité à cette époque, et historiquement cela s’est relativement vérifié. Mais il faut toujours se rappeler que le régime de parti unique fut un résultat non intentionnel de la guerre civile russe devant lequel les bolchéviques se retrouvèrent le fait accompli (cf. le processus d’évincement politique progressif des forces progressistes et le ralliement autour des bolchéviques tel que décrit par Marc Ferro dans Des soviets au communisme bureaucratique), que le régime de parti unique était censé être aboli par la constitution de 1936 promu par Staline (qui ne sera jamais appliqué), et qu’en Chine ce régime ne fut jamais instauré (même s’il devint un de facto politique). Cependant, si partout s’est observé un régime de parti unique, c’est parce qu’après la révolution, le parti devient la direction de l’État, car l’héritier direct de la révolution, dans lequel les masses ont mis leur confiance et qui seul à la capacité pratique et l’ambition correspondante de diriger. Donc, c’est là que se concentre le pouvoir politique de l’État et que convergent celles et ceux qui veulent l’exercer (y compris les réactionnaires). Donc, il faut se rappeler que ce qui est l’objet d’une lutte acharnée au moment de la révolution culturelle, c’est d’abord le contenu de la dictature du prolétariat, c’est-à-dire sa direction, et ensuite le contenu du Parti, par voie de conséquence. L’on peut imaginer une révolution culturelle dans le Parti mais aussi contre lui si ce dernier est au-delà de tout salut : qu’importe, car ce qui prime, c’est le contenu sur le contenant — nous enseigne le maoïsme.

Il est tout à fait juste de noter le caractère idéologique de la révolution culturelle (par définition). Mais il est parfaitement occulté ici que cette dite révolution ne se fait pas que dans « les “âmes” des Hommes », mais aussi et surtout, car la politique — comme il est répété à raison — reste l’aspect principal du problème de la transition vers le communisme, est une révolution contre la bourgeoisie, menée par les masses. Cette révolution est bel et bien aussi un acte par lequel une classe en renverse une autre : les masses ouvrières et de la jeunesse, acquises au socialisme, et les franges communistes du Parti, contre la nouvelle bourgeoisie, et les franges réactionnaires du Parti. Cet aspect politique est principal, il prime tant sur l’aspect idéologique et sur l’aspect strictement économique de la révolution. La révolution culturelle se mène sur le front de l’idéologie (contre les idées réactionnaires), sur celui de la politique (contre les lignes bourgeoises dans la société et le Parti), mais surtout sur celui de la lutte des classes (empêcher une classe de prendre le pouvoir, ou la renverser si elle l’a déjà fait).

« La vérité, c’est que la bourgeoisie s’était en fait reconstituée dans le PTA ; en fait elle n’a jamais vraiment disparu, car son représentant était le chef tout-puissant du pays des aigles. »

Le problème n’est donc plus seulement les idées ? Et quid de la restauration de la bourgeoisie en URSS et en Chine, alors ?

« Les “pro-albanais” sincères se rendront vite compte et les autres s’enfonceront toujours plus dans le révisionnisme et le dogmatisme. Il faut beaucoup de dogmatisme pour nier les faits qui sont éblouissants. »

« Bien entendu, comme Marxistes, nous sommes prêts à mener la lutte des deux lignes avec tous ceux qui sont sincères dans leur démarche, car nous pensons que tout peut évoluer dans le bon sens, surtout dans cette période de recomposition ! Nous sommes donc prêts à vous aider à balayer vos vieilleries, pour que vous sortiez enfin du cadre bourgeois et assumiez le Communisme. »

Voilà une dernière question à aborder. Il est dit ici la volonté « sincère » de mener la lutte des lignes et le débat entre communistes, ce qui est la plus louable des intentions. Mais d’autre part, le maoïsme, et plus précisément celui théorisé par le Parti communiste du Pérou (PCP) et Gonzalo, est avancé non pas comme une proposition défendue, mais comme une vérité révélée. Nous apprenons que :

« le Maoïsme, etil faut vraiment le comprendre, ce n’est pas la Chine, tout comme le Marxisme-Léninisme ce n’est pas la Russie. Le Maoïsme, c’est un développement constant dont le cœur est l’œuvre du Président Mao définie par le Président Gonzalo. […]

Si vous voulez comprendre le Maoïsme, encore faut-il le vouloir : il faut étudier les textes de base du Parti Communiste du Pérou (PCP). Le Petit Livre Rouge ne peut être compris sans une étude sérieuse de la définition claire réalisée par le Président Gonzalo. »

Il est donc affirmé, et ce comme fait irréfutable, que le maoïsme c’est autant Mao que Gonzalo, l’expérience Chinoise que Péruvienne. Pourquoi ? Quelles sont ces formidables preuves que possède donc le NEM pour affirmer avec autant de confiance que le maoïsme est indistinguable de la synthèse qu’en a faite le PCP ? Donc — c’est ce qui est dit — que la majorité des maoïstes existant aujourd’hui, dont ceux menant les processus révolutionnaires les plus avancés du monde en Inde et aux Philippines, ne sont en fait pas vraiment maoïstes ? Une telle affirmation peut se défendre, mais elle doit avoir pour ce faire les moyens de ses ambitions. À ce propos, le NEM nous laisse sur notre faim.

Soit. Mais il reste un autre problème : comment d’une part dire « nous voulons débattre et atteindre dans la lutte idéologique des conclusions qualitativement supérieures » et d’autre part « nous avons déjà raison, il ne vous reste qu’à vous rallier à notre vérité révélée » ? Et d’autant plus, quand la vérité révélée a si peu d’argument pour elle. Il est une fort bonne idée de rallier les hoxhaïstes sincèrement révolutionnaire à un projet d’unité révolutionnaire, c’est à dire produit d’une lutte idéologique franche pour atteindre une base de ralliement révolutionnaire reconnue commune. Mais ce n’est que dans la forme que le NEM affirme ces velléités louables, car dans le fond, il n’est pas intéressé par autre chose qu’une simple absorption par le procédé sine qua non annoncé a priori d’une capitulation sans condition : nous sommes très loin de la méthode de la lutte idéologique. Comment le NEM espère il ainsi, premièrement, réellement rallier les hoxhaïstes (ou même les maoïstes divergents avec eux) grâce au débat entre communistes, et deuxièmement, qu’un tel dialogue (dans l’hypothèse où qui que ce soit serait intéressé par un dialogue annoncé sourd à l’avance) produise une synthèse et une unité supérieure ?

Mystère. Le NEM se rend coupable de ce qu’il accuse (souvent à raison) l’hoxhaïsme de faire : rendre antagonique une contradiction non antagonique. C’est la seule résultante possible de ce non-débat d’idée qui n’est qu’un monologue pour soi-même sur le ton de l’excommunication.

En parlant d’une compréhension profonde et fine du maoïsme comme 3e étape, l’article du NEM nous présente une étrange contradiction. Son rapport à la figure de Staline et au bilan de l’URSS, tant vis-à-vis de la méthode bureaucratique de la direction soviétique que du développement d’une nouvelle bourgeoisie (bureaucratique) avec celui du socialisme, n’est pas un rapport maoïste. Ce que dit le NEM, se rapproche en réalité plus d’un rapport hoxhaïste à la question : Staline et la direction soviétique avaient la bonne méthode — elle n’était pas trop bureaucratique — et la bourgeoisie perd progressivement son pouvoir économique, elle est mourante, dans le développement du socialisme — il n’y a pas celui d’une nouvelle bourgeoisie avec celui-ci. Et étant donné que la méthode de Staline n’était pas trop bureaucratique et que la lutte des classes n’est pas croissante sous la construction du socialisme, alors la révolution culturelle n’est pas nécessaire, nul besoin de renverser une classe qui n’existe déjà plus (ou qui est déjà mourante), et il suffirait alors de transformer les consciences — de mener une lutte strictement idéologico-culturelle. Sur ces trois points (méthode bureaucratique, lutte des classes sous le socialisme et nécessite de la révolution dans la révolution), l’article du NEM est bien plus hoxhaïste que maoïste. C’est fort surprenant de la part des tenants les plus ardents du maoïsme comme 3e étape supérieure du marxisme, et défenseurs d’une compréhension intense de celle-ci qui ne saurait se trouver que dans les écrits du PCP. Il faudrait considérer comprendre le maoïsme de Mao avant de déclarer celui de Gonzalo 3e étape universelle.

Il faut cependant noter des choses très justes qui sont écrites dans cet article par le NEM, mais qui ouvrent alors à d’autres interrogations.

« … il est impossible que les consciences des cadres du Parti et des masses étaient socialistes jusqu’en 1985 (mort de Hoxha), et puis après le néant. Il faut un sacré dogmatisme et des œillères pour nier les faits. Les pro-albanais expriment une position de classe claire avec cette négation de la réalité, ils sont au fond des idéalistes. »

« Il nous semble que pour les disciples d’Hoxha, le plus important à l’heure actuelle serait de sortir une critique sérieuse, donc sincère, sur l’échec de l’Albanie “socialiste”. Cela devrait même être le préalable pour construire sur du solide. L’Albanie a cette particularité d’être le seul exemple où le leader historique a vécu durant toute la séquence, de la Démocratie Populaire à l’effondrement. Il y a donc un sacré problème dans la base idéologique de ceux qui soutiennent Hoxha. La question est de savoir ce qu’il s’est passé, et nous ne voyons que deux possibilités : soit il y a eu un acte magique qui a fait que du jour au lendemain, les plus grands Marxistes-Léninistes sont devenus des porcs de capitalistes liquidant d’un trait de plume tout le système, soit tout était déjà pourri sous Hoxha, et ça depuis longtemps. Comme Marxistes, nous ne croyons pas à la magie, donc tout devait être pourri. Sachant que le dirigeant synthétise tout le Parti, il devait y avoir un problème dans la personne même d’Hoxha ; sinon, on croirait à la théorie de “l’Homme bon, mais au mauvais endroit et au mauvais moment” comme ce que racontent les réactionnaires sur Louis XVI. »

Voilà qui est très juste et très pertinent dans la lutte idéologique à mener avec et contre les hoxhaïstes.

Il est impossible de séparer une théorie, un parti ou un dirigeant de l’expérience historique dans laquelle il a vécu. Nous sommes des socialistes scientifiques, donc, nous devons appliquer notre méthode à la compréhension du monde pour croire en ce qu’il y a de plus exact et rejeter l’erronée, c’est à dire, trouver les idées justes dans la pratique. Ainsi, nous devons être capables de faire des bilans honnêtes sur notre passé, nos réussites autant que nos échecs. Autrement, nous sommes condamnés à croire en des dogmes coupés de la réalité, et nous ne sommes alors plus en rien marxistes, et donc, condamnés à l’impuissance.

Avant de se proclamer 3e étape du marxisme et seul représentant légitime du maoïsme, il serait à propos d’être capable en pratique de faire la démonstration de ses affirmations, en commençant par aller plus loin que les autres continuations du maoïsme, que le marxisme-léninisme, ou même seulement que le léninisme. La direction du mouvement communiste international ne se revendique pas en se proclamant vraie ad nauseam, mais là aussi et toujours dans la pratique, en se démontrant vrai et en ralliant ainsi à soit les communistes sous sa direction idéologique. Où est l’intérêt d’adhérer à une 3e étape incapable de se démontrer comme telle ? Nous sommes marxistes, les idées fausses nous sont inutiles et les idées justes se vérifient dans la pratique.

Quant à l’échec de l’expérience albanaise elle-même, l’article du NEM pose des problématiques brûlantes, mais l’on peut lui reprocher de se focaliser quasi exclusivement dans celle-ci sur l’aspect strictement interne de la construction du socialisme, et en l’occurrence, de la restauration du capitalisme. Or, il ne faut jamais négliger l’aspect ni interne ni externe de ce problème : il ne suffit pas d’avoir aboli le capital et les classes dans un pays, c’est-à-dire que celui-ci possède une économie pleinement socialiste, pour que le socialisme soit pour autant victorieux définitivement (et ce non pas parce que les classes peuvent se régénérer à partir de l’idéologie). L’échec de l’Albanie socialiste ne pose pas seulement le problème de la reproduction et restauration du capitalisme dans un pays à l’époque de la dictature du prolétariat. Il pose aussi celui de la possibilité et des limites de la construction du socialisme dans un seul pays en l’absence de révolution mondiale, et surtout de l’impossibilité de garantir cette victoire nationale sans victoire internationale du prolétariat. Le NEM a raison de dire qu’il y a beaucoup à étudier et de réponse à trouver, mais il ne faudra oublier aucune des échelles ni aucun des aspects de la question si nous voulons une « nouvelle synthèse » digne de ce nom.

« Le Maoïsme ne sera validé que par la pratique, c’est ce que nous dit le Marxisme. »

Voilà donc un sage juge entre les mains duquel nous invitons le NEM à se remettre, lui et ses vérités révélées. Sûrement que la pratique a des choses à nous enseigner sur l’expérience de la révolution péruvienne et les conclusions à en tirer.

En conclusion, nous invitons le NEM et toutes celles et ceux intéressés par une critique de l’hoxhaïsme et un exposé du maoïsme à consulter la brochure du RCP-USA Riposter à l’offensive dogmato-révisionniste sur la pensée Mao Tsé-toung (1979).12 Ce texte ayant été publié avant la mort de Hoxha, il ne fait pas le bilan de l’expérience du socialisme en Albanie et de son échec, mais il s’attaque aux thèses de L’impérialisme et la révolution, qui forment l’ossature de la critique hoxhaïste du maoïsme. Bien qu’il aborde lui aussi de manière antagonique la relation entre « pro albanais » et « pro chinois », il dénote par sa rigueur et la qualité de son argumentation.

1 https://www.marxists.org/history/international/comintern/sino-soviet-split/cpc/hedp.htm
https://www.marxists.org/history/international/comintern/sino-soviet-split/cpc/mhedp.htm

2 https://www.marxists.org/reference/archive/mao/selected-works/volume-8/mswv8_65.htm

3 https://www.marxists.org/reference/archive/mao/selected-works/volume-8/mswv8_66.htm

4 https://www.marxists.org/reference/archive/stalin/works/1930/03/02.htm

5 https://www.marxists.org/archive/lenin/works/1918/apr/29.htm#sec2

6 https://bannedthought.net/Turkey/TKP-ML/1990s/ContemporaryMLM-1998.pdf

7 https://www.marxists.org/reference/archive/stalin/works/1925/12/18.htm

8 https://www.marxists.org/archive/marx/works/1871/civil-war-france/postscript.htm

9 https://www.marxists.org/reference/archive/stalin/works/1928/12/28.htm

10 https://www.marxists.org/reference/archive/stalin/works/1938/01/18.htm

11 https://www.marxists.org/reference/archive/stalin/works/1939/03/10.htm

12 https://www.marxists.org/history/erol/ncm-5/rcp-hoxha/index.htm

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *