Rapport de la France sur la période 2017-2021 (UC et UPML)

Ce rapport a été présenté lors de la IVe conférence mondiale de l’ICOR par une délégation commune représentant la France. Il va rejoindre une série de rapports internationaux réalisés par les représentants des 31 organisations présentes. Elles seront compilées dans un prochain texte, de même que les résolutions prises dans cette conférence importante.

1. Situation générale internationale

L’impérialisme français, dans la période 2017-2022, a subi une série de revers. Les plus récents sont l’échec de la vente de SNA (Sous-Marins Nucléaires d’Attaque) à l’Australie, court-circuitée par les USA. De même, l’annulation des ventes de navires de type Mistral à la Russie, là aussi sous la pression diplomatique, consacre une certaine perte d’autonomie.

En Afghanistan, la France a été prise dans la tourmente de la débâcle américaine, tandis qu’au Mali, les organisations rebelles ont vaincu l’armée malienne et provoqué un repli français du Sahel.

Ce sont dans les deux cas des groupes qui possédaient l’appui d’impérialismes rivaux et grandissants, attaquant l’influence de l’impérialisme français pourrissant. Les challengers, tels que la Chine, la concurrencent directement.

La France a accru sa politique de coopération et d’alliance avec l’Europe, principalement l’Allemagne. Ainsi, Macron s’est fait le promoteur d’une politique de défense Européenne commune. Il est notable que cette ambition se développe au moment où la notion « d’ennemi » apparaît à nouveau dans les documents de l’armée. Celle-ci est en réorganisation dans le but de pouvoir correspondre dans la forme et le contenu à des affrontements symétriques.

2. Situation interne à la France.

Depuis la dernière conférence, la dégradation de la situation en France s’est accentuée. Les déboires de l’impérialisme et la pression de nouveau concurrents ont pesé sur la bourgeoisie. Tandis qu’elle appuyait des réformes pour augmenter son taux de profit, elle en appuie aujourd’hui simplement pour le maintenir, avec donc une énergie décuplée.

Cette situation a des conséquences politiques importantes : le centre de gravité politique est passé d’un affrontement « gauche – droite » à un affrontement « droite – extrême-droite ». Quant aux luttes, elles se sont politisées chaque fois davantage, mais n’ont pas obtenu de victoire clairement décelable. Par exemple, dans l’éducation, les enseignants ont refusé de corriger le baccalauréat (l’examen final de l’enseignement secondaire). Ce refus était l’ultima ratio regum1 du corps enseignant. Le ministère de l’Éducation l’a ignoré et s’en est même servi comme argument pour affaiblir cet examen et sa valeur juridique.

Durant la période 2017-2018, nous avons pu voir la victoire d’un courant libéral « apocalyptique » incarné par Macron. Il s’est démarqué par une vision radicalement utilitariste de la politique : plutôt que de jouer la carte de la diplomatie et du moyen terme pour être réélu, il a agi en chef d’agence, chargé d’exercer de la manière la plus directe et efficace la dictature de la grande bourgeoisie. Dans son sillage, les dégâts sur le système de protection social français ont été immenses ; mais de nombreuses luttes ont freiné ses projet.

Le Covid a été un catalyseur, les mesures sanitaires mises en œuvre (confinements, fermetures des lieux de loisirs etc.) ont été subordonnées à assurer le mieux possible l’économie capitaliste. Cependant, les confinements successifs et la politique d’entre deux du « moindre mal » ont relativement affaibli le pays par rapport à ceux qui avaient choisi une stratégie « 0 Covid », à l’exemple des pays d’Asie-Pacifique.

Trois inconnues subsistent concernant cette crise :

1. Comment la dette sera remboursée, à la fois économiquement et politiquement. Cet argument peut servir de levier pour justifier des politiques extrêmement agressives contre les droits sociaux.

2. Nous ne connaissons pas encore l’impact réel sur la petite bourgeoisie, il sera visible au moment du retrait des mesures de soutien.

3. La pandémie a renforcé la concentration du capital entre les mains des plus grands capitalistes. Les fortunes des plus grands ont cru démesurément, tandis que la paupérisation s’est accrue.

L’entropie politique est donc toujours plus grande. Pour les élections présidentielles 2022, la bourgeoisie hésite entre une solution libérale (qui pourrait être les écologistes-libéraux) et une solution réactionnaire.

L’écologie prend de plus en plus de place dans le débat bourgeois – en faveur du greenwashing de l’économie de profit. A côté du clan Le Pen, à la tête du Rassemblement National, le parti d’extrême droite de référence en France depuis les années 80, de nouvelles têtes apparaissent, comme Eric Zemmour1 soutenu par exemple par les réseaux catholiques et le puissant milliardaire, Bolloré.

Plusieurs systèmes tels que le SNU (Service National Universel) tentent de militariser à nouveau la société et la jeunesse. Pour le moment, c’est un échec, mais la volonté est là.

L’affaiblissement relatif de l’impérialisme français a créé de l’inquiétude parmi les éléments les plus chauvins du mouvement ouvrier et communiste. Ainsi, le PCF et des organisations communistes-conservatrices considèrent qu’il faut fait bloc avec l’impérialisme français contre la pression américaine ou allemande. En revanche, dans leur analyse du monde, ils jugent que les impérialismes chinois et russes sont des impérialismes avec lesquels il faut s’allier.

Une nouvelle étape de austérité économique s’annonce : des droits sociaux et, par la suite, les droits politiques sont attaqués pour la concurrence de la France sur le marché mondial.

  • Les idées réactionnaires se renforcent en lien avec les élections:
  • La sécurité et le terrorisme : face à la montée de la paupérisation, les contradictions et luttes, la réponse est une politique répressive de la part du gouvernement.
  • L’Islam : derrière la question de l’obscurantisme religieux se cache en réalité une question raciale. Des conceptions rejetant l’intégration et préconisant la déportation gagnent en influence en amalgamant les peurs.

La « gauche » institutionnelle n’est absolument pas en mesure de pouvoir opposer une autre conception du monde. Le Parti Communiste français social-démocrate, par exemple, s’est positionné sur celles-ci sans chercher à faire voler en éclat les mensonges que cela pouvait représenter.

L’isolement et l’atomisation produit par les confinements ont permis aux thèses conspirationnistes de prendre une ampleur croissante. De plus, les organisations politiques combatives ont connu des échecs à la fois idéologiques et pratiques. Si les mobilisations comme celles des Gilets Jaunes ont été indubitablement des progrès politiques et pratiques, le Covid a imposé un coup d’arrêt. Les mobilisations contre la politique sanitaire ont parfois porté des mots d’ordres conspirationnistes et individualistes. Soit les organisations politiques ont suivi et amplifié ces mots d’ordres, soit elles n’ont pas su y intervenir (comme cela a été notre cas).

3. Situation des forces combatives.

Depuis plus de 5 ans, la France a été le lieu de grandes luttes qui montrent une opposition combative et grandissante à la droitisation de la politique du gouvernement et des partis bourgeois. La répression a été brutale et grandissante. Ces luttes ont mobilisé largement (dans le domaine de l’écologie, dans celui de la jeunesse, des travailleurs contre la précarisation et des luttes féministes). Les consciences y ont évolué dans un sens anti-capitaliste et contre la dictature des grands groupes et de leur gouvernement. L’arrivée de la pandémie a mis un coup d’arrêt aux convergences des luttes, mais les contradictions existent toujours et se sont même approfondies. Le problème des luttes est l’absence d’une force politique pour les faire avancer à un niveau politique plus élevé. Il n’y a pas de Parti révolutionnaire et les forces communistes sont faibles et éclatées. L’anarcho-syndicalisme et le trotskisme sont dominants et le socialisme n’a qu’un faible écho dans les luttes. Pour cela, nous nous efforçons à construire une organisation et nous promouvons la coopération entre révolutionnaires.

Pour les élections, il n’existe pas d’organisation ou de front capable de pouvoir à la fois utiliser ces élections comme des tribunes tout en les dénonçant. Les trotskistes du NPA ou de Lutte Ouvrière [déclarent vouloir] le faire, mais ils sont écrasés en réalité par le cadre étriqué des débats.

4. Notre situation.

Depuis la dernière conférence nous avons pu améliorer notre situation et travailler ensemble à plusieurs reprises. Dans le cadre de l’ICOR Europe, nous avons mené des campagnes communes UPML et UCL contre l’Union européenne impérialiste et notamment cette année pour les 150 ans de la Commune de Paris. Nous avons également pu nous investir de manière plus approfondie dans l’ICOR et dans son travail. De ce point de vue-là il y a eu une progression incontestable.

Nous avons développé d’autres travaux en commun et nous en menons encore, tant dans le but de répandre nos conceptions que de faire la promotion de l’ICOR. Nos appels à l’unité des partis ou organisations se réclamant du marxisme -léninisme se heurtent pour l’instant au sectarisme des organisations françaises.

[La partie suivante est supprimée car elle est à usage interne uniquement. Cependant, nous pouvons souligner plusieurs points : nous pensons que l’existence des organisations politiques de petite taille, qui sont nombreuses en France, est précaire. En effet elle repose grandement sur des individus avec leurs vulnérabilités.

Ce poids individuel et cette fragmentation débouche sur plusieurs choses : la difficulté de pouvoir fonctionner d’une manière véritablement rationnelle dans le traitement des problèmes internes (avec une tendance à la protection de personnes parfois défaillantes), mais aussi la difficulté à passer d’une « vision des choses » à une « conception scientifique des choses », ce qui demande une masse plus importante de ressources.

La plupart des processus d’unification échouent car ils sont compris comme étant « l’empire d’une organisation », et ayant, en réalité, vocation à phagocyter, à dévorer, les autres organisations. Nous avons besoin, avant tout, d’un espace dans lequel il est possible de progresser avec une méthodologie scientifique pour pouvoir passer de l’affirmation à la démonstration. NdUC]

Nous comptons sur notre engagement dans l’ICOR pour être un facteur positif dans cette situation.

Nous pensons que l’ICOR est un cadre de débat large qui permet de sortir de la courte focale autocentré franco-française. C’est dans ce partage d’analyses, d’expériences, que peut naître une véritable synthèse scientifique et une véritable stratégie commune.

Pour de petites organisations, l’inclusion dans ICOR est quelque chose de très important : nous sommes peu nombreux, mais nous nous rattachons à un projet qui transcende notre existence organisationnelle.

Participer aux entreprises de l’ICOR et à la solidarité internationale est aussi un biais d’adhésion important : il permet de sortir du sentiment d’impuissance et de participer à des actions, même de solidarité, qui peuvent être enthousiasmantes. C’est un facteur non négligeable.

L’ICOR est une coordination au sein de laquelle l’implication sérieuse consomme du temps de l’énergie, mais qui peut aussi en apporter, tout comme cela apporte de la formation et une envergure à notre organisation.

Il nous reste encore beaucoup de travail à réaliser, mais nous avons le sentiment que, progressivement, nous sommes capables de mieux l’arpenter. Il nous reste une longue « guerre de position » à mener, mais celle-ci peut nous amener à de véritables percées lorsqu’elle sera gagnée.

1 “le dernier argument des rois”

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