Ce
soir, une nouvelle fois, il y eut un incendie. Là
aussi, un pan d’histoire vient d’être ravagé par les flammes. Mais,
cette fois-ci, le pan d’histoire n’est pas culturel, religieux,
historique, il est social. Ce
qui se consume, ce sont les protections sociales, arrachées de haute
lutte par le passé.
Macron
s’est donc, finalement, exprimé devant les Français et
les françaises, pour présenter ce qui, selon lui -ou plutôt
selon ses commanditaires- est le bilan du Grand Débat et
la porte de sortie de la crise de régime qui dure depuis 24 semaines
sans discontinuer.
Certains
ou certaines optimistes ont eu, un moment, l’espoir qu’Emmanuel
Macron mettrait de l’eau dans son vin, qu’il arrondirait les angles,
qu’il ferait en sorte que les choses se tassent. Nous-mêmes,
nous nous attendions à des promesses payées de mots, qui
n’engageaient rien ni personne, justes bonnes à démobiliser ceux et
celles qui luttent.
Mais
il n’en fut rien.
Si
le vernis du consensus a bien été appliqué consciencieusement, le
fond des annonces transparaît nettement. En
fait d’une pause, c’est une nouvelle charge.
Macron n’a
donné aucune précision sur les vraies mesures qui vont émerger à
la suite de ce discours, mais les cibles sont claires :
-La
promesse de « démocratisation », par une intégration de
la proportionnelle (20%), maquille mal le fait que la réduction
des parlementaires (25/30%) revient à augmenter la taille
des circonscriptions, et donc renforce, en réalité, les
organisations politiques les plus puissantes. Elle
permet surtout aux successeurs de Macron de pouvoir mieux tenir
l’appareil d’Etat entre leurs mains.
En
revanche, les espoirs de prise en compte du vote blanc et du RIC ont
été déçus.
-Le
gouvernement ne renonce pas à son plan maître : Cap 2022,
concernant les services publics et les fonctionnaires. Tout
ce qui a pu être prononcé allait dans le sens de l’application
stricte de cette liquidation en plusieurs actes. Certes,
Macron a promis une nouvelle décentralisation, mais basé sur une
rationalisation et une autonomisation des services publics. Certes,
il promet de ne plus fermer d’hôpitaux ou d’écoles, mais les vide
de leur contenu. Certes,
il promet de revaloriser le travail des enseignants, mais il leur
impose une charge de travail plus grande, et un système de
recrutement plus précaire.
Il
poursuit son ambition de liquider 120 000 postes d’ici
2022. Supprimer
l’ENA fait figure de manœuvre dilatoire, pour prétendre s’attaquer
à l’élitisme, tout en générant des passerelles vers ces fonctions
encore plus sélectives.
Cela
était déjà connu.
-En revanche, même si, dans une certaine mesure, ces attaques étaient prévisibles, le gouvernement ouvre officiellement le feu sur la question de la limitation du temps de travail, sur la question des retraites ou de l’assurance-chômage.
« Les Français veulent travailler plus », nous répètent en boucle les ténors de LREM, d’Aurore Berger à Macron lui-même. Nous ne sommes même plus à l’ère du « travailler plus pour gagner plus » de Sarkozy. Le temps où les attaques se limitaient à des coins enfoncés dans les limites légales est fini. Aujourd’hui, c’est une hausse obligatoire du temps de travail qui se profile, dans tous les secteurs et dans toutes les branches de travail.
De plus, s’annonce également une manœuvre pour allonger la durée de travail. Macron annonce qu’il sera toujours légalement possible de partir à la retraite à 62 ans, mais que le temps pour atteindre le taux plein sera plus allongé, pour « inciter à travailler plus longtemps ». Nous savons, par expérience, que les incitations sont des injonctions.
Pour faire avaler cet ensemble, Macron l’enrobe de déclarations douteuses, qui ressemblent forte à une véritable offensive réactionnaire sur toute la ligne. Sans la moindre raison, dans le contexte actuelle, il a sorti une grosse ficelle digne de Manuel Valls : l’Islam et l’immigration. Le programme de Mme Loiseau, ex-gudarde « repentie », pour les Européennes, flaire bon la rhétorique identitaire quant à la défense des frontières et l’Europe et de son identité. Même l’espace Schengen est visé.
Encore que.
Nombreux et nombreuses sont ceux qui s’aventurent sur ce terrain marécageux, à gauche comme à droite. De Kuzmanovic jusqu’à Wauquiez, tous essaient d’engranger des voix chez l’extrême-droite en reprenant ses refrains. Sauf que cela ne marche pas. Chaque fois, c’est cette dernière qui s’est nourrie du soutien à ses thèses.
La tactique dangereuse d’alimenter le brasier réactionnaire ne sert qu’à détourner des questions économiques et sociales. Elle intoxique le débat publique, tout en permettant de faire passer, derrière un écran de fumée, les réformes exigées par le patronat.
Macron ne gagnera pas 2022. Il le sait et ses commanditaires aussi. Il s’agit donc de « bien » les perdre ! Or, pour cela, mieux vaut les perdre à droite qu’à gauche. Donc, faire monter l’extrême-droite, à laquelle Macron et ses laquais ressemblent de plus en plus, n’est pas une gêne.
LR/RN, ou un hybride, qu’importe. Ces cliques continueront à appliquer les réformes désirées par les grands capitalistes. C’est ce qu’a fait, ainsi, le gouvernement Autrichien, lequel vient de faire passer à 60h le plafond du travail hebdomadaire. 12H de plus que le maximum en France. 25 de plus qu’en 1997.
Nous
sommes au pied du mur.
Il
n’est plus possible d’accepter que, pour des raisons X ou Y, de
sectarisme, de méfiance, d’agenda conflictuel, les mouvements de
masse, les luttes syndicales, les luttes sociales, les luttes
écologistes… Restent
séparés, divisés, battues et écrasées dans le détail.
Toute
organisation politique conséquente doit placer le fait qu’il faille
unir les forces combatives en premier lieu de son ordre du jour.
L’Unité
Communiste de Lyon appelle à rejoindre, à soutenir, à renforcer et
à développer les Assemblées Populaires de lutte, qui forment un
noyau dur de résistance contre ces attaques.
Nous
pensons qu’une nouvelle phase de lutte sociale, un nouvel acte,
s’ouvre depuis quelques mois déjà. Cet
acte peut se jouer sous la forme d’un solo funèbre, ou il peut,
conjointement avec les autres forces en mouvement, former une
véritable lame de fond.
Nous
pensons qu’il est également fondamental que les organisations
combatives soient renforcées. Nous
appelons ceux et celles qui luttent et qui veulent inscrire cette
lutte dans la durée, la faire passer de la défensive à
l’offensive, à travailler avec nous, à avancer conjointement pour
que nous puissions sauvegarder nos acquis sociaux.