Macron a parlé

Le 12 juillet, Emmanuel Macron, dans ce rituel habituel, s’est adressés à ses administrés. Ses annonces sont en deux volets. Une partie sur la question de la crise sanitaire, une autre sur la question de l’offensive contre les droits sociaux. Il s’agissait de déclarations attendues et prévisibles. Mais ce qui est tragique, c’est le renversement total, aux yeux d’une partie conséquente de l’opinion publique de l’importance de l’une par rapport à l’autre.

La première nous paraît la plus importante. Elle est le dévoilement du plan d’assaut contre les droits sociaux. Nous savons désormais que la pause dans les réformes, très relative, est terminée. Macron prévient : le monde de demain ressemblera donc à celui d’avant hier. A celui d’avant le programme du CNR et les conquêtes sociales. Le temps avant les élections présidentielles est compté, et il entend bien en tirer profit pour mener, tambour battant, une série de réformes scélérates. Nous voilà prévenus : il nous faudra rassembler les forces syndicales, politiques, sociales qui ont subit un an et demi de knock out technique, et prendre le chemin des luttes.

Nous savons que celles-ci s’empêtrent souvent dans les calendriers électoraux : certes les organisations politiques présidentiables battront le pavé, mais avec un seul mot d’ordre. « Votez, et nous ferons le reste ». Or nous savons que ces promesses creuses n’engagent à rien, mais, aussi, sont souvent irréalisables. L’État n’est pas l’arbitre neutre de la lutte entre les intérêts dans la société : il est surtout une interface qui permet à la bourgeoisie de rendre la dictature des siens acceptable, en permettant certains aménagements, certaines concessions. Mais sans jamais renoncer à l’essentiel : ses intérêts priment.

La réforme du chômage sera donc appliquée. Le RSA baissera. Les retraites sont en ligne de mire. Et pourtant, ce qui ressort dans les discours, c’est la lutte contre la pandémie. Alors que les premiers points concernent l’avenir et l’assombrissent terriblement, les yeux sont rivés sur la lutte sanitaire. Le reste est oubliée.

Mais, même la mise sur un pied d’égalité de la lutte sanitaire est déjà une forme de défaite intellectuelle et militante. Le fait que certains groupes choisissent de qualifier les mesures prises par l’État de dictature sanitaire, de totalitarisme, montre le divorce complet entre ces groupes et la réalité concrète, matérielle, de ce que signifie cette épidémie.

Nous ne considérons pas que la politique menée par l’État pour lutter contre la pandémie soit idéale ou parfaite. Nous l’avons largement critiquée à plusieurs reprises, en particulier pour sa stratégie du moindre mal. Celle-ci, pour des motivations économiques mais aussi démagogiques, a été coûteuse sur tous les plans. Tant sur le plan humain, moral, qu’économique. Si aujourd’hui, la situation paraît sous contrôle, plusieurs indicateurs laissent penser qu’elle peut repartir rapidement, notamment sous la pression d’un nouveau variant. Pendant ce temps, la campagne vaccinale s’est montrée poussive. Nous interprétons le discours de Macron, par rapport à ce point là, comme étant une manière de taper du poing sur la table, tout en offrant aussi des issues : il s’agit de passer d’une vaccination encouragement (à voyager, à sortir…) à une vaccination sanction basée sur des menaces et des restrictions spécifiquement appliquées à celles et ceux qui ne se vaccinent pas. C’est une politique qui se durcit. La question de cette vaccination obligatoire pour certaines professions (santé, pompiers…etc.) ainsi que le développement du pass vaccinal ou d’application de suivi ont causé une levée de boucliers.

C’est une expression multiforme qu’il convient d’analyser rapidement : Elle est d’une part un sentiment populaire de méfiance et de rejet de tout ce qui est proposé par le gouvernement, traduisant une absence de confiance dans celui-ci, mais également plus profondément, dans l’ensemble de la société telle qu’elle est à l’heure actuelle. Et c’est là quelque chose de dramatique quant il est question de sujets tels que la science ou la santé publique.

Mais cette expression est aussi celle d’un discours politique. D’une part l’extrême-droite tente d’employer ces peurs et ces angoisses pour alimenter sa propre rhétorique conspirationniste. De l’autre, il existe aussi ce conspirationnisme d’extrême-gauche, qui voit dans cette manière de gérer la pandémie l’expression de tendances totalitaires.

Nous n’avons pas besoin de parler des fascistes et de l’extrême-droite, leurs intentions sont claires. Mais nous voulons parler à nos amis qui se trompent dans leur manière d’analyser les choses. Il est vrai que le gouvernement (ou plutôt les gouvernements successifs) ne rechignent pas quant il s’agit d’étendre le contrôle social et de détruire les droits économiques et politiques (ce qui est, nous le maintenons, l’aspect central du discours de Macron). En revanche, cette hostilité à l’ensemble des mesures contraignantes et de lutte contre la pandémie pose question : comment l’auraient-ils abordée ?

Nous ne voulons pas nous poser les questions uniquement en étant dans une posture d’outsiders. Cette attitude qui consiste à se placer d’une manière diamétralement opposé à l’ensemble des discours de l’Etat, confortable, est aisée. Mais elle n’est pas sans travers : en supposant un plan préétabli, cohérent, dans l’ensemble des prises de décision politiques, en considérant l’État comme un diable cynique et mû par la méchanceté, ces discours piochent aussi dans un inconscient conspirationniste. Il est d’ailleurs hilarant de voir que cette hypothèse totalitaire se heurte à des écueils insurmontables. Par exemple, ceux et celles qui disaient que le gouvernement était en guerre contre la vie sociale, qu’il préparait 1984, comment expliquent-ils ce relâchement brutal dans le confinement ? Ils ne l’expliquent pas. Ils ont simplement cessé de le dire, et passés à autre chose, à d’autres hypothèses totalitaires.

Dans chacune de nos prises de position, nous nous posons la question de « qu’aurions nous fait ». Et il est clair que si nous étions au pouvoir, dans cette situation de pandémie, nous aurions du, nous aussi, prendre des mesures extrêmement contraignantes pour tordre le coup à cette maladie. Nous aurions du, nous aussi, faire la promotion ou imposer la vaccination. Nous arions du, nous aussi, empêcher les rassemblement festifs et sanctionner les organisateurs et les organisatrices (pas avec les mêmes modes opératoires, certes). Pas par attrait pour l’autoritarisme, non, mais bien parce que nous plaçons la nécessité comme préalable à la liberté. Et parce qu’une épidémie, et a fortiori une pandémie, n’est pas un choix individuel. C’est une responsabilité collective qui transcende notre individualité. Elle n’est pas comme marcher sur le bord d’une falaise par grand vent, où seule la sécurité de l’individu qui le fait est en jeu, elle est comme rouler ivre-mort dans une rue. Cette mise en avant des intérêts étroitement individuels et personnels, finalement pas si éloignée des ultra-libéraux à la Bolsonaro et à la Trump, montre une faillite dans l’analyse de la société et dans la compréhension du rôle de militant et de militante.

Cela ne signifie pas tout accepter, bien au contraire ! Mais cela signifie savoir reconnaître ce qui est nécessaire et vital et ce qui est à surveiller ou à combattre. En l’occurrence il nous faut lutter contre la pandémie de manière efficace. Nous ne marcherons pas avec les anti-masques, les anti-vaccins, ou ceux et celles qui n’agissent que pour leurs petits plaisirs, leurs petites jouissances de privilégiés individualistes. Nous ne nourrirons pas la machine à produire du conspirationnisme, qui non seulement nous éloigne de nos objectifs émancipateurs, mais qui menace aussi à tout moment de nous engloutir.

En revanche, nous considérons qu’il est vital, de rester vigilants.
Nous devons nous préparer à des temps difficiles, pris dans la tourmente d’une campagne électorale menée autour de thématiques réactionnaires et quasiment fascisantes. Nous devons nous préparer aux offensives sociales, sociétales, et politiques. Sans tordre le cou à cette pandémie, nous ne pourrons ni répondre, ni remporter de victoire.

Pour se retrouver dans la rue, lutter, avancer, gagner, il faut être en bonne santé !

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