Halte à l’instrumentalisation de la lutte contre l’antisémitisme !
L’antisémitisme est un problème réel qui doit être considéré avec sérieux et avec gravité. Le Parti Socialiste a, ces derniers jours, lancé un large appel à un front uni contre l’antisémitisme. Nous considérons qu’il est, effectivement, nécessaire de lutter contre ce fléau. Cependant, nous ne pouvons pas prendre au sérieux la manœuvre initiée par le PS. Elle ne peut être considérée comme un acte sincère, mais uniquement comme une opération de communication.
La période que nous vivons est marquée par les difficultés économiques, par l’accaparement des richesses par la grande bourgeoisie et ses monopoles. Il en résulte des tensions sociales importantes, explosives, qui se manifestent de différentes manières. Certaines de ces manières sont saines et justes, comme les luttes, comme la remise en cause de l’ordre bourgeois et de son régime despotique.
D’autres, attisées par l’extrême-droite et une sphère conspirationniste et confusionniste à son service, détournent la colère des exploités. Leurs vomissements de haine attisent les braises du racisme, de l’islamophobie, de l’antisémitisme, mais également du sexisme ou de toute une série de -phobies qui permettent de fragmenter toute idée d’unité contre les exploiteurs.
Récemment, l’un de ces vieux démons assoupis, celui de l’antisémitisme, est revenu sur le devant de la scène. Les inscriptions « Juden », les tags antisémites, les croix gammées (devant le PCF de Vienne par exemple), les publications racistes… ont été légion.
Elles ont culminé, selon les médias et les ténors de la politique, avec l’agression du « philosophe » Finkielkraut. Durant l’acte XIV des Gilets Jaunes, Alain Finkielkraut, comme durant Nuit Debout, a déclenché un incident. Il est venu agir en agent provocateur. Si son cinéma est le même qu’il y quelques années, la réaction n’est plus la même. Les invectives dont il a fait l’objet étaient, pour certaines, porteuses de sous-entendus particulièrement douteux. Elles ont été montées en épingle par de nombreuses forces politiques. Benjamin Griveaux, porte-parole du gouvernement, a ainsi apporté un soutien public à Alain Finkielkraut, dénonçant ceux et celles qui l’auraient traité de « sale juif ». Légitime. A ceci près que le terme n’a jamais été prononcé, de l’aveu même de la victime.
C’est là où le bât blesse et où le manque total de sérieux dans le traitement de l’antisémitisme apparaît publiquement. Ce sont ces déclarations qui déforment la réalité et instrumentalisent les faits qui démasquent ceux qui les profèrent. Ce ne sont pas des alliés des Juifs et des Juives qui subissent l’antisémitisme. Ce sont, au contraire, des vautours qui n’ont d’autre hâte que de trouver des sujets à utiliser pour attaquer les masses populaires. Griveaux, qui a rendu hommage à Pétain et qui a confondu dans ses citations l’antisémite Charles Maurras avec le résistant Marc Bloch, représente-t-il l’avant-garde de la lutte contre le racisme ?
Qu’irions-nous faire, nous, communistes, révolutionnaires, dans des rassemblements impulsés par le PS ? Comment pourrions-nous accepter de serrer les mains des Wauquiez, des Collomb, des bourreaux des masses populaires, de ceux qui écrasent les exploités ? Qu’irions-nous dire, aux côtés de ceux qui pratiquent le colonialisme et le néocolonialisme. Qu’irions-nous faire auprès de ceux qui vomissent la haine et la division, qui instrumentalisent les souffrances, et qui, dans le même temps, ne se privent pas de faire commerce avec les pires régimes du monde.
La proposition du Parti Socialiste, en vérité, n’est ni plus ni moins qu’un piège.
Le choix n’en était pas un. Signer signifiait accepter d’être tout sourire aux côtés des agents de la régression sociale et politique. Cela signifiait également avaliser un discours qui décale le débat public des questions économiques et sociales vers des questions identitaires, ethnico-raciales. Un discours qui alimente les tensions entre les communautés, ce qui est le jeu favori des politiciens et des politiciennes depuis les 30 dernières années.
Ce discours qui occulte les revendications des Gilets Jaunes, qui occulte le mouvement social et politique, et qui l’enferme dans une grille de lecture, par ailleurs suggérée par BHL, par l’antisémitisme.
Nous ne pouvons pas accepter ce discours. Nous ne pouvons pas accepter ces attaques ouvertes ou détournées contre le mouvement social. Or, ne pas signer cet appel prête le flanc à l’accusation de collusion avec les réactionnaires, avec les racistes, avec les fascistes.
Ainsi, LFI a choisi au départ, d’ignorer l’offre de signature, tandis que le RN n’a pas été invité. Nous ne pensons pas que LFI soit un nid d’antisémites camouflés et conspirant contre les Juifs et les Juives. Nous pensons que le mouvement de Jean-Luc Mélenchon a été placé au pied du mur par cette offre : choisir entre une crédibilité politique d’opposition et entre un réel antiracisme, il a ployé le genou sous la pression. Le PCF a poursuivi sa logique propre : après une interview dans laquelle Fabien Roussel indiquait dénoncer les « casseurs » à la police, après des déclarations demandant plus de policiers pour « encadrer » les manifestations, le PCF accepte de serrer les mains des bourreaux. Les grands succès du congrès du PCF sont payés aujourd’hui, par la ligne Brossat-Roussel.
Quant au RN, nous pensons au contraire que le mouvement fasciste aurait été bien trop heureux de signer cet appel pour continuer son processus de dédiabolisation.
Que penser de tout cela ? Nous ne pouvons comprendre cet appel, qui est une véritable injure à ceux et celles qui souffrent du racisme, que comme une manœuvre visant à constituer un centre « démocratique » contre des ailes « populistes ». Or, assimiler, derrière le mot de « populisme », extrême-droite et extrême-gauche, dans le but évident de diaboliser cette dernière, donne des conséquences funestes. Elle créée le corollaire de rendre l’extrême-droite fréquentable, banalise ses thèses, popularise ses analyses, et lui décerne la couronne d’alternative convenable à l’échec du système. Voici, fondamentalement, le travail de pompier pyromane que la « macronie » et ses médias, mènent.
Les perspectives des organisations politiques du « centre » ne sont pas réjouissantes. Le travail qu’elles ont fait pour le compte de la grande bourgeoisie les ont démasquées, les unes après les autres, comme travaillant contre les intérêts populaires. A force de servir d’interface pour les directives des exploiteurs, elles ne paraissent plus des portes de sorties politiques crédibles aux yeux des masses.
D’une part, ce qui est condamné aujourd’hui, par une ligue allant de la “gauche” issue ou inféodée du PS à la droite qui drague lourdement sa voisine extrême, est à géométrie variable. S’ils sont prêt à disséquer avec ferveur les lourds sous-entendu lancés contre Finkielkraut, ils se sont montrés eux-mêmes de grands adeptes du sous-entendu quand celui-ci pouvait leur servir d’arme. Ils ont avalisé qu’il était acceptable de traiter certaines populations, Rroms, musulmans… comme des individus de second ordre. En somme, ils ont autorisé le racisme larvé comme un argument politique contemporain.
Dans le fond, aux yeux de ces individus, même inconsciemment, la question du racisme ne prend qu’une dimension tactique. Elle est une manœuvre qui permet de marquer des points, qui permet de s’afficher, qui permet de faire parler de soi. Le FN/RN, montant les homosexuels contre les musulmans pendant des élections, puis faisant l’inverse pendant la Manif Pour Tous. Valls proclamant une fidélité inconditionnelle à la « communauté » juive et à Israël « je suis lié (…), de manière éternelle, à la communauté juive et à Israël », proclamant les juifs comme étant « à l’avant-garde de la République » et aujourd’hui défilant avec la droite Franquiste en Espagne. Valls , par ses propos, a insinué qu’il existerait une élite auquel il faudrait prêter allégeance.
Or, les Juifs et Juives de France, qui n’avaient rien demandé de plus que le fait qu’on les laisse tranquille et de ne pas être assimilés de force à la politique d’Israël, se sont vus impliqués, à leur corps défendant dans les propos d’un premier ministre qui fait appel à un inconscient antisémite. En dernière analyse, ces propos ont nettement plus contribué à mettre en danger les Juifs et les Juives de France qu’a leur apporter le moindre réconfort. Voilà à quoi mène la loyauté « éternelle » de ces agitateurs.
Les responsabilités sont écrasantes !
Car il existe une part de responsabilité terrible d’un certains discours politique dans la montée de l’antisémitisme. Il existe bien sûr, celui, direct, qui vise les juifs en les parant de tous les traits les plus néfastes, en inventant des mensonges et des calomnies, en déclenchant des attitudes pogromistes. C’était celui des fascistes, des nazis, de l’Okhrana, cette sinistre police du Tsar.
Il existe un autre, vicieux, insidieux, qui utilise le rejet et la répulsion que procure la politique d’Israël à de grandes parties de la population française comme mondiale, et de s’en emparer, pour tenter de justifier les crimes passés, de les légitimer a posteriori et, en dernier lieu, de réhabiliter les régimes qui les ont commis. C’est celui de Soral, par exemple.
Mais il en existe une autre forme, tout aussi perverse, qui consiste à s’emparer de la mémoire de ceux qui ont perdu la vie ou qui ont été persécutés. Qui consiste en une prise en otage des souffrances de millions de personnes pour servir des projets politiques, économiques ou géopolitiques. Cette manière de créer un ensemble artificiel, déniant aux juifs et aux juives leur opinions, leurs positionnements politiques, considérant que toute critique politique du sionisme et d’Israël devient un acte antisémite, est une manœuvre qui n’apporte qu’un climat de haine et de crainte.
C’est la politique qu’a suivi Manuel Valls, en considérant que le rejet du sionisme en tant qu’idéologie politique est l’antichambre de l’antisémitisme. C’est la politique du gouvernement israélien, qui expose aux violences sa propre population, pour ensuite les instrumentaliser en en faire une justification d’une politique colonialiste.
Lorsque le député LREM Sylvain Maillard justifie un projet de loi assimilant antisionisme et antisémitisme en déclarant : “On peut critiquer le gouvernement d’Israël, mais pas remettre en cause l’existence même de cet État“, il ne rend pas service aux juifs et juives de France ou d’ailleurs. Figer la critique de l’existence d’un ensemble juridique ne présume pas d’une haine contre ses habitants, ou contre les Juifs et Juives. En revanche il adoube une politique douteuse qui consiste à assimiler l’un à l’autre.
Qu’importe les conséquences dramatiques pour la vie de ceux et de celles que ces déclarations, qui n’ont jamais été demandées, impliquent. Ce qui importe, c’est le gain politique. Quitte à surfer, comme l’a fait Valls, sur un inconscient antisémite, qui assimile, comme l’écrivait l’antisémite Soral, les Juifs à une « communauté organisée ». L’un est le miroir de l’autre.
En s’exprimant ainsi, Valls a placé la question du débat au-delà de la politique, mais sur le terrain ethnico-confessionnel. Il a enfermé le débat dans le bourbier de l’antisémitisme, chose par ailleurs confortée par son rejet de toute analyse sur les attentats. « Expliquer, c’est justifier », avait-il clamé. Au lieu d’interdire réellement les spectacles antisémites de Dieudonné et les logorrhées du même acabit de Soral, ce qui était non seulement possible, mais nécessaire, il les a monté en épingle. Il les a utilisées pour appuyer son image, sa communication, et non seulement a fait une publicité immense autour de ceux-ci, mais les a également légitimés. Ils sont devenus des points de repères pour ceux et celles que la politique coloniale et impérialiste d’Israël pouvaient révolter, grandissant leur audience. Soral, Dieudonné, Valls, furent de grands gagnants dans l’affaire. Les perdants et perdantes furent les victimes de racisme.
Le bal des hypocrites.
Nous condamnons l’antisémitisme sous toutes ses formes, mais nous en condamnons également une instrumentalisation par des forces sans vergogne. Nous avons également une difficulté considérable à considérer comme des alliés valables des organisations qui arrivent à défendre des lois vouant à la mort les réfugiés qui fuient les guerres. Nous ne pouvons prendre au sérieux ces groupes qui paient uniquement de formules creuses ou dangereuse un engagement antiraciste schizophrène. Nous ne pouvons marcher ou serrer les mains de ceux qui utilisent le racisme pour faire avancer leur propre agenda.
Leurs larmes sont des larmes de crocodiles. Elles sont superficielles et hypocrites. Devrons-nous avoir à tolérer, demain, ces mêmes pleurnicheries sur le sort qui attend ceux qui meurent aujourd’hui par leur faute ?
Comme nous le mentionnions en introduction, l’antisémitisme est un sujet sérieux. Nous le prenons au sérieux. C’est pour cette raison que nous rejetons l’appel lancé par Olivier Faure en direction d’agitateurs dangereux.
C’est également pour cette raison que nous nous rallierons aux appels à lutter contre l’antisémitisme faites par ceux qui ont à cœur de lutter réellement contre celui-ci. Pour Macron, Grivaux, le PS et les autres, l’ennemi ce n’est pas l’antisémitisme. L’ennemi, ce sont les “classes dangereuses” incarnées par les Gilets Jaunes. Pour les combattre, ces derniers n’hésitent pas, avec un cynisme absolu, à les jeter dans les bras de l’antisémitisme, au risque de renforcer ce dernier.
La grande majorité des Gilets Jaunes, comme ceux qui, à Lyon se sont recueillis lors de la commémoration de la libération des camps de la mort, n’ont rien à voir avec l’antisémitisme. Pour le reste, la lutte contre l’extrême-droite et contre les préjugés réactionnaires qui lui servent de terreau, reste pour nous un combat quotidien, sur lequel nous n’acceptons aucune leçon de la part des politiciens. Nous ne baissons pas notre garde sur cette question, mais nous dénonçons la politique de l’amalgame avec l’extrême-droite, politique d’autant plus cynique que les fascistes sont l’as caché dans la manche de la bourgeoisie.