La COP27 bat son creux

Ouverte pour deux semaines en Égypte, la COP27 est le rendez-vous annuel des chefs d’État et des grands lobbyistes. Elle mêle espoirs, gros sous et déceptions. Qu’en est-il cette année ?

Il serait aisé de prendre le temps d’ironiser sur les coûts et les pollutions propres à cet événement. Entre 300 et 400 jets privés, 5 à 14 fois plus polluants par passager qu’un avion de ligne, sont arrivés. 33 000 participants se sont inscrits pour participer à l’événement. Cependant, tout le monde n’a pas bénéficié du même accueil. Les ONG et la société civile ont été placées à l’écart de cet événement. « En raison de l’interdiction de manifester en Egypte, les associations environnementales ont dû se contenter d’une marche à huis clos, à Charm El-Cheikh. » annonce Le Monde.

Derrière les barrières de Al-Sissi

Protégés par les forces de sécurité du maréchal Al-Sissi, les dirigeants des grandes puissances se sont livrés à une surenchère de discours creux. Ceux des pays qui vont subir concrètement et immédiatement les conséquences de ces politiques ont lancé leurs appels à l’aide. Il est assez clair de savoir qui l’emporte. Les gouvernements des pays les plus puissants développent un discours calibré pour rassurer les marchés et les grands cartels de l’industrie. Pour exorciser le spectre d’une transition vers la neutralité carbone qui implique de réduire leurs bénéfices, ils mettent en avant des issues rassurantes. La question du climat est réduite à sa dimension économique et l’acceptabilité des décisions par les cartels économiques dominants. Lorsque Macron annonce que la France interdira la production de véhicules thermiques d’ici 2035, c’est un discours adressé à PSA, à Renault et à Citroën : c’est une garantie qu’ils conserveront leurs bénéfices.

Faute de possibilités d’aller manifester à Charm El-Cheikh, nous avons participé à une mobilisation à Paris

Espoirs et greenwashing

«Quelques lueurs d’espoir» malgré «beaucoup de greenwashing», déclarait Clément Sénéchal, de Greenpeace. Mais après une semaine de discours, les négociations entre pays tendent vers l’impasse. Les enjeux sont jugés trop importants pour chaque pays ou chaque bloc. Difficile, aujourd’hui, de regarder avec espoir ces négociations. L’espoir évoqué par Greenpeace est celui de voir adopter un système de compensation des « pertes et de dommages » causés par le réchauffement climatique. Déjà évoqué dès les premières négociations (Rio, 1991), il suppose une reconnaissance des dégâts provoqués par les pays les plus polluants. Mentionné à l’article 8 de l’accord de Paris, il ne s’accompagnait d’aucune mesure concrète.

Il est considéré comme le grand enjeu de cette COP27. Mais « Les pays du Nord disent que ce sont des sommes colossales, qu’ils ne pourront pas le ‘vendre’ à leurs concitoyens. C’est comme s’ils faisaient semblant d’oublier toutes les propositions mises sur la table » avait déclaré Fanny Petitbon, responsable plaidoyer de l’association Care France.

« L’humanité a un choix : coopérer ou périr », a déclaré le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, le 7 novembre devant près de 100 chefs d’État réunis à la COP27. Le problème est que la coopération ne semble pas à l’ordre du jour. Les tensions entre les puissances dominantes paraissent bien plus fortes que l’esprit de coopération. Le Canada a annoncé, ainsi, ne plus vouloir importer de lithium extrait par les entreprises chinoises. Le pays de l’érable considère que cette dépendance mettrait en péril sa sécurité nationale. Mais ce boycott n’a pas été lancé sur un coup de tête : le Canada possède de solides investissements dans la région du « Triangle du Lithium », principale zone de ressources de ce précieux minerai.

L’ombre du lithium

« On n’a pas de pétrole, mais on a du lithium. » avait déclaré Macron. Dans un élan de « en même temps », à côté de la déclaration sur la nécessité de protéger les fonds marins, Macron développe le projet d’une mine de Lithium à ciel ouvert en France, dans l’Allier. Le but est d’extraire, à partir de 2027, 34 000 tonnes d’hydroxyde de lithium par an, ce qui permettrait de fabriquer 700 000 véhicules électriques. Bruno le Maire l’a annoncé comme un projet « propre » et vertueux, qui pourrait assurer la transition tout en créant de l’emploi.

Ce projet essentiel pour l’économie des gros cartels de l’automobile, Michel Jarry l’a découvert par voie de presse. Président de France Nature Environnement (FNE) dans la région Auvergne Rhône-Alpes, il déclare : « Une mine propre, ça n’a jamais existé et ça n’existera jamais. Les risques de pollution des eaux, des sols et de l’air sont réels et ce serait un beau mensonge que de dire le contraire. »

De plus, les études sur les impacts miniers sont sans appel : les promesses d’emploi ne durent qu’un temps. Dans la majorité des cas, une fois les filons épuisés, les régions concernées deviennent plus pauvres qu’avant. Si une mine dure entre 10 et 20 ans, les sols et les paysages dégradés sont des cadeaux qui se passent de génération en génération. Seul point positif, cyniquement souligné, par certaines associations, est que la confrontation avec la réalité des mines de ce type pourrait être un électrochoc pour les Français.

La carrière d’Échassieres (Allier) où doit être implantée la future mine de lithium, abrite déjà une exploitation minière consacrée à l’extraction de kaolin et d’un concentré d’autres métaux. – © Imerys

Le tabou de la pollution

Les économies du futur promises escamotent le plus souvent les questions gênantes. Ainsi « la prétendue marche heureuse vers l’âge de la dématérialisation n’est donc qu’une vaste tromperie, puisqu’elle génère, en réalité, un impact physique toujours plus considérable. »1 (Guillaume Pitron, 2019). En fait de solutions, ce sont simplement des substitutions d’une technologie polluante lors de son usage (les hydrocarbures par exemple) par une technologie qui paraît propre, mais où les coûts écologiques sont soit éloignés géographiquement (production, recyclage), soit indirects (extraction). Si elles peuvent aussi remplacer une pollution (gaz à effet de serre (GES), par exemple), par une autre (arsenic dans l’eau ou autre), leurs effets tarderont à se faire sentir. En fait de solution, elles risquent surtout de créer une conjonction dans laquelle nous aurons à la fois des émissions de GES record, et en plus une pollution high-tech.

L’humanité reste encore impuissante face aux questions les plus cruciales pour son avenir en tant qu’espèce. Les réponses proposées par les gouvernements sont soit insuffisantes, soit carrément à double tranchant. Elles sont par essence prisonnières de leur but premier : servir les intérêts des exploiteurs. Elles sont aussi conditionnées par le fait qu’elles doivent répondre aux contrats sociaux passés avec les travailleurs et les travailleuses du monde entier. Dans les pays dominants : exploitation contre consommation, dans ceux qui ne le sont pas : surexploitation contre espoir d’accéder à cet univers de confort.

Pas de pessimisme inutile

Nous pensons qu’il est possible pour l’humanité de pouvoir réussir à franchir cet obstacle immense. Nous pensons que la surconsommation et le gaspillage de ressources, s’ils sont combattus avec fermeté, peuvent permettre une élévation générale du niveau de vie à l’échelle mondiale sans mettre en péril notre survie. Mais il y a des entraves. La plus forte étant celle de la dictature du profit sur l’économie mondiale et ses relais étatiques. La seconde est le poids de l’idéologie consumériste et individualiste entretenue par ces groupes. Elle impose comme modèle de réussite l’accès à des biens de consommation de luxe et le nihilisme écologique.

Mais il reste un long chemin pour que les forces qui peuvent permettre un changement deviennent suffisamment puissantes. Nous déplorons que les initiatives restent encore bien souvent divisées et dispersées entre communistes, et qu’il n’existe pas encore de liaisons et de coopération développées. Nous-mêmes, nous avons participé à des rassemblements à Paris, avec nos camarades de l’ICOR et de l’Alliance internationale. Nous considérons que ce type de cadre est un embryon dans lequel il est possible de coopérer et nous incitons tous ceux et celles qui le veulent à y participer. Il n’est pas un outil exclusif d’un groupe, mais bien un canevas dans lequel nous pouvons nous inclure et traiter nos points de vue différents pour les synthétiser.

Les capitalistes peuvent traiter les questions climatiques à la légère. Ils ne s’intéressent qu’au profit. Mais nous, qui voulons servir le peuple, nous ne le pouvons pas.

1G. Pitron (2018) La guerre des métaux rares.

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