Information publique sur plusieurs agressions contre des militant·es de la Jeune Garde et des militant·es du milieu antifasciste à Lyon

Nous publions -à l’issue de cette introduction en italique- le communiqué unitaire rédigé à la suite d’une campagne diffamante contre la Jeune Garde et d’une série d’affrontements inter-militants.

Ce n’est pas sans un sentiment de déchirement que nous publions ceci. Nous le faisons car nous pensons que la situation est grave et que les modes de gestion internes au militantisme ne sont plus opérant. Les narrations fantaisistes qui ont circulé sur cette série d’événements sont trop toxiques pour ne pas être réfutées.

Il nous paraît important de reconnaître certaines choses : la GALE a assuré un rôle indispensable pendant une période sombre, durant laquelle nous avons réellement connu un creux dans l’antifascisme. Elle a brillamment joué son rôle, notamment dans le lancement de campagnes contre le Bastion Social, courant 2016-2017. Nous avons travaillé en bonne intelligence durant cette période, en organisant par exemple un rassemblement anti-électoral le 4 février 2017.

Au cours de cette période, d’autres forces antifascistes se sont formées, la plus importante étant la Jeune Garde. Pourtant, les conceptions différentes, tant idéologiques que la stratégie pouvaient laisser penser deux développements séparés et à une possible coopération. Mais la fin du monopole antifasciste a créé une situation de tension qui a exacerbé des passion individuelles. Ce terrible processus qu’on nomme parfois le « piège de Thucydide », dans laquelle la force dominante lutte pour conserver sa place, quitte à entrer dans une situation de conflit qui a accentué les choses, et, in fine, le relatif déclin de la GALE. L’acharnement avec laquelle l’État s’en est pris à la GALE a pu aussi accroître un sentiment d’injustice, de deux poids deux mesures. Pourtant, le milieu militant a unanimement soutenu la GALE ou le Lyon Antifa Fest. Nous pensons que les causes méritent d’être comprises, sans pour autant les excuser, car ces tendances sont bien trop courantes dans le militantisme.

Nous sommes obligés de mentionner que nous ne croyons pas qu’il s’agisse à l’origine d’un véritable affrontement organisationnel entre GALE et Jeune Garde. Nous pensons que certains membres historiques de la GALE ont des contentieux à régler. Ils ont utilisé leur autorité de cheftains pour impliquer leur organisation et provoquer un effet levier dans le but de solder ces comptes par la force. S’il existe des causes idéologiques, elle maquillent mal une mentalité tribale ou clanique. C’est quelque chose qui est d’autant plus dérangeant que le conflit s’élargit progressivement.

Que les différentes forces politiques aient des adversaires ou des rivaux, cela va de soi. C’est un état de fait dont qu’on ne peut abolir. Mais lorsque la polarisation devient trop forte, lorsque la notion d’adversaire ou de rival disparaît, lorsqu’il ne reste plus que cette dichotomie totalisante ami ou ennemi, il existe un danger grave. Il existe aussi un décalage entre les causes de ce conflit, ses enjeux, et ses conséquences. Le choix de sortir d’affrontement symboliques – déjà condamnables ! – et de passer à une étape de violence supplémentaire est une transgression grave. Sans faire d’imputation hasardeuses sur qui est à l’origine de ces messages, des adresses ont été dévoilées. Cela créé un danger sans précédent, qui revient à livrer des militants et des militantes en pâture aux ennemis absolus que sont les militants fascistes. Il est inacceptable que cela n’ait pas déclenché un réflexe d’autoprotection mutuelle.

De plus, en supplément des personnes qui sont impliquées dans cette histoire, il y a la surinfection purulente de corps étrangers qui s’ajoute : celles de personnes qui ont architecturé l’intégralité de leur existence militante autour du drama personnel. Ce sont des provocateurs ou des provocatrices qui essaient, en déclenchant un climat apocalyptique dans tous les milieux les entourant, de pouvoir dégager ainsi une cour qui les flattent. Quitte à ce qu’ils ou elles anéantissent des années de travail, quitte à mettre en péril des adversaires et à faire gagner des ennemis.

Nous appelons à ce que celles et ceux qui sont impliqués dans ce conflit, qui continuent de l’alimenter, reviennent à la raison : il n’y aura aucun gagnant dans cette affaire, si ce n’est ceux qui veulent écraser l’antifascisme et les luttes progressistes.

Nous sommes attachés à une certaine vision des relations entre organisations. Nous considérons que notre loyauté première va à la cause que nous défendons : construire les moyens de changer le monde et d’arriver à une société sans classes ni États. À ce titre nous avons toujours choisi de maintenir une équidistance entre les différentes forces concurrentes dans la mesure ou nous considérions que leur action allait dans le bon sens. Aujourd’hui, si nous sortons de cette réserve, c’est parce que nous considérons que l’action de la GALE a outrepassé ce consensus. Ce conflit peut causer des dommages terribles et provoquer un recul de l’ensemble des organisations politiques et des courants extra-parlementaires. À ce titre, nous considérons qu’il est impératif de le régler. Ce type de conflit est un jeu à somme nulle ou même à somme négative. Il affaiblira tout le monde et ne renforcera personne, hormis peut-être quelques charognards qui seront ravis de s’en nourrir.

Nous constatons qu’il existe aujourd’hui une fracture à Lyon. Or, Lyon est un espace qui n’est pas suffisamment grand pour que les uns et les autres ne se croisent pas. Il est impossible d’acter simplement une espèce de politique de sphères d’influence qui n’auraient pas de contact les unes avec les autres. Les vies personnelles et les allégeances politiques ou affinitaires sont bien trop imbriquées pour que cela n’ait pas de conséquences dramatiques. De plus, les tentatives d’impliquer des forces politiques ou antifascistes d’autres villes, voire d’internationaliser cette situation, sont là aussi la preuve d’une conception singulièrement sectaire de la vie politique et d’un manque de loyauté à la cause que nous défendons en commun. Des événements auront lieu, qui rassembleront toutes les forces progressistes. Il serait inexcusable qu’ils renvoient une image aussi minable d’un milieu capable de tant de choses positives.

Communiqué Commun

Le milieu militant antifasciste et plus largement luttant contre l’extrême droite et ses idées est secoué depuis quelques semaines par une vague d’agressions, perpétrées non pas par un groupuscule fasciste mais par des militant·es se revendiquant elles et eux-mêmes de l’antifascisme. À Lyon, Paris, et ailleurs, ces agressions blessent déjà, menacent des manifestations, remettent en cause des initiatives unitaires. Des versions mensongères ou approximatives des faits sont propagées par les auteur·rices des agressions, cherchant à aggraver la crise. Au contraire, pour les organisations lyonnaises signataires de ce texte, l’urgence est au rétablissement du calme, à l’exposition claire des faits, à la condamnation des agressions et à la désescalade. L’heure est également à la remise en cause des pratiques virilistes dans les milieux antifascistes sur des bases féministes claires. Nous analysons aujourd’hui que nous devons collectivement et clairement communiquer sur les faits qui se sont déroulés et ne pas laisser les réseaux sociaux être envahis par des versions des faits mensongères ou approximatives. Nous espérons que cette communication clarifiera à Lyon et dans les autres villes l’origine de la crise, ses tenants et aboutissants, éclairera les nécessaires prises de position, et nous permettra ensuite de reprendre notre lutte contre l’extrême droite et pour de nouvelles conquêtes sociales.

Le contexte

Nous nous sommes jusque là abstenu de toute communication publique, compte tenu de la procédure de dissolution qui visait la GALE, afin de ne pas donner prise à une instrumentalisation répressive par le gouvernement. De plus, nous n’avons pas comme pratique de diffuser des conflits sur les réseaux sociaux, ceci pour ne pas donner d’éléments à nos ennemis et à la police. Les agressions par des groupes autonomes, en particulier la GALE, contre les militant·es du mouvement social lyonnais ne sont pas nouvelles : le 1er mai 2021 contre des militant·es CGT et de l’intersyndicale, en juin 2021 contre un militant LFI qui avait dû être exfiltré d’une manifestation, pour ne citer que les événements les plus récents. Malgré ces pratiques détestables, nos organisations n’ont jamais considéré que le gouvernement puisse être un « arbitre » face à de telles pratiques, et nous nous sommes opposé·es à la procédure de dissolution visant ce groupe et avons participé au rassemblement de soutien et l’avons fait connaître. La vague actuelle d’agressions a démarré après la manifestation du 16 avril 2022 et cible des militant·es de la Jeune Garde. La Jeune Garde est une organisation antifasciste partenaire d’autres organisations signataires de ce texte dans le cadre du collectif unitaire Fermons les locaux fascistes. À travers la Jeune Garde, c’est avant tout une conception unitaire et populaire de l’antifascisme qui est attaquée. Même si, pour certain·es, les organisations antifascistes Jeune Garde et GALE peuvent sembler proches, les bases politiques ne sont pas les mêmes et la Jeune Garde s’est toujours intégrée dans les collectifs et organisations unitaires.

Les faits des 16 et 17 avril

Alors que la manifestation contre l’extrême droite du 16 avril 2022, organisée par l’organisation unitaire Fermons les locaux fascistes, s’était déroulée sans incident, et que les organisateur·rices et des membres de la Jeune Garde quittaient en groupe la manifestation, un membre de la GALE a pris à partie un membre de la Jeune Garde, en multipliant les insultes sexistes devant de nombreux témoins. Plus tard dans l’après midi, ce même individu et deux autres personnes ont agressé un militant de la Jeune Garde, alors que celui-ci marchait dans la rue avec des amies, elles aussi insultées. Cela a entrainé cinq jours d’ITT (Incapacité Temporaire de Travail) pour le militant agressé. Le lendemain 17 avril, alors que des membres de la Jeune Garde venaient demander des comptes aux auteur·rices de l’agression, une bagarre a éclaté au cours de laquelle l’agresseur de la veille a dégainé un couteau et tenté à plusieurs reprises de poignarder un militant de la Jeune Garde, heureusement sans succès. Ces faits ont eu lieu devant de nombreux témoins, attablés dans un bar. Cela n’a pas empêché pour autant la GALE de diffuser une version totalement mensongère des faits, prétendant que des militants de la Jeune Garde avaient agressé une militante féministe antifasciste isolée.

Les faits du 19 avril

Par la suite, à Paris, un des porte-paroles de la Jeune Garde a été pris à partie sur la foi de cette version mensongère par des militantes de la CFA (Coordination féministe antifasciste, dirigée par une ancienne militante de la GALE) accompagnées par des militants de l’AFA Paris Banlieue. Pourtant, ce porte-parole n’était pas présent lors des faits des 16 et 17 avril. Une altercation entre les militants de la Jeune Garde et la CFA s’en est suivie au sortir d’une conférence. Une femme de la Jeune Garde s’est vue rouée de coups par 6 femmes de la CFA tandis que les autres camarades tentaient de s’interposer pour temporiser la situation. Deux militants de l’AFA Paris Banlieue ont été reconnus, portant chacun un protège-dents. Il ne s’agissait donc pas d’une situation involontaire mais bien d’un guet-apens, étant donné que les militants étaient préparés pour l’affrontement.

Les faits du 1er mai

Le 1er mai, une nouvelle étape a été franchie. Alors que la manifestation lyonnaise s’était déroulée sans incident, la GALE, assistée par des personnes venues pour l’occasion de Paris et d’ailleurs, appartenant à la CFA, à l’AFA Paris Banlieue ou en étant proches, a agressé une militante de la Jeune Garde en pleine fête de quartier où se trouvaient de nombreuses familles avec enfants. Les autres militant·es de la Jeune Garde présent·es ont défendu leur camarade, et s’en est suivie une violente bagarre pendant laquelle plusieurs personnes, y compris extérieures aux groupes cités, ont été blessées. Si la confusion et la méconnaissance des différents groupes expliquent que certaines personnes sur la place n’ont pas compris l’origine de la bagarre, le déclencheur, à savoir l’agression initiale, ne fait aucun doute, celle-ci ayant été filmée. De même, si l’arrivée tardive et en groupe de la Jeune Garde sur la place a pu être interprétée comme une préparation à la bagarre, les témoignages que nous avons recueillis indiquent que c’est la GALE et ses allié·es qui ont tendu une embuscade et ont provoqué par texto la Jeune Garde. La Jeune Garde a donc rejoint la place en sachant qui s’y trouvait mais en espérant que le bon sens l’emporterait. Plus tard dans l’après-midi et ailleurs dans Lyon, des militant·es de la Jeune Garde ont été attaqué·es de nouveau par ces mêmes agresseur·euses, équipé·es de casques et armé·es de bombes lacrymogènes et de bâtons, à 15 contre 7, heureusement sans faire de blessé·es. Ils et elles avaient auparavant essayé de tendre un guet-apens au domicile d’un militant de la Jeune Garde, sans succès. Simultanément, à Paris, des membres de l’AFA Paris Banlieue ont proféré pendant la manifestation des menaces de mort contre des membres de la Jeune Garde.

Les faits depuis le 1er mai 2022

L’agression du 1er mai à Lyon montrant que les risques d’attaque physique des membres de la Jeune Garde par des membres de la Gale sont importants, des précautions extraordinaires sont désormais prises. De ce fait, la Jeune Garde fait le choix difficile de ne pas se rendre à certains évènements politiques auxquels elle est pourtant invitée dans le but d’éviter toute situation de confrontation dans des moments où l’unité et la cohésion sont nécessaires pour notre camp politique. Autre exemple, l’hommage annuel à Clément Méric, militant antifasciste assassiné le 5 juin 2013, ne pourra pas se tenir cette année à Lyon dans des conditions normales et les organisations signataires sont encore en train d’en chercher les modalités. Face à cette situation, la Jeune Garde a cherché la désescalade et un règlement politique de la situation notamment en faisant appel au collectif Fermons les Locaux Fascistes. C’est également en ce sens que nous avions diffusé une première interpellation en interne de certaines de nos organisations nationales, afin d’éviter tout étalage de telles pratiques sur les réseaux sociaux et de mettre fin à de tels actes inacceptables. Mais suite à cette interpellation, de nouveaux faits graves se sont ajoutés de la part de proches de la GALE et de la CFA. Tout d’abord, une version mensongère des faits a été diffusée sur les réseaux sociaux par la CFA, et reprise à leur compte – sans susciter de réaction de la CFA et de la GALE – par les médias d’extrême droite. Puis, des comptes créés par des proches de la GALE ont diffusé le 16 mai 2022 l’adresse d’un militant de la Jeune Garde Lyon sur les réseaux sociaux, en invitant les fascistes à s’en servir. Il est à noter que ce militant était lui aussi absent les 16, 17 avril et 1er mai. Cela a contraint le militant à quitter son domicile pour une durée indéterminée. La proximité des comptes en question et de la GALE ne fait aucun doute au vu de certains messages, dont nous avons gardé trace. Enfin, démontrant bien la non prise en compte réelle des questions féministes, un enchaînement de propos et injures sexistes a eu lieu sur les réseaux sociaux.

Nos conclusions

Il y a une volonté manifeste de nuire, comme en témoigne un certain nombre de messages sur les réseaux sociaux. Celles et ceux qui perpétuent ces agressions ne peuvent plus se revendiquer du même antifascisme que nous. Car à qui profitent de tels actes si ce n’est au pouvoir en place et aux fascistes, qui marquent régulièrement Lyon de leurs violences ? Les organisations signataires de ce texte dénoncent les comportements virilistes de la part de la GALE et de ses allié·es. Elles appellent à un travail en profondeur sur le virilisme dans l’ensemble du milieu antifasciste, y compris dans les organisations signataires. Nous rejetons également toute instrumentalisation de nos luttes et de nos modes de dénonciation des violences sexistes et patriarcales. Nous déplorons les amalgames qui sont faits entre « agression » et « autodéfense ». Il faut le rappeler : à Lyon, une partie du mouvement autonome antifasciste s’est rendu coupable de pratiques d’intimidation, d’insultes et de comportements virilistes visant, et subis par, les féministes lors de manifestations féministes récentes. Les organisations signataires, qui mènent depuis de nombreuses années une activité soutenue contre l’extrême droite, invitent à :

  • dénoncer avec la plus grande fermeté ces agissements ;
  • réfuter les versions mensongères des évènements ;
  • ne pas s’allier avec des individus soutenant ces agressions et ces méthodes ;
  • remettre en question la culture du virilisme dans les milieux antifascistes qui entretiennent des rivalités délétères.

Organisations lyonnaises ou du Rhône signataires : Alternatiba, EcoDéfense, Ensemble !, Jeune Garde, La France Insoumise, MeTooLyon, Nouveau Parti Anticapitaliste, Parti Communiste Français, Parti de Gauche, Section Départementale FSU, Union Communiste Libertaire, Union Départementale CGT, Union Départementale Solidaires, Unité Communiste

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