Catalunya, entre indépendance et incertitudes.

Catalunya, entre indépendance et incertitudes.

Un océan d’incertitudes. Voilà ce qui ressort du discours du président Puigdemont.

Aujourd’hui, 10 octobre 2017, le dirigeant de la Generalitat de la Catalogne s’est exprimé devant le parlement. Prévu à 18h00, il fut retardé d’une heure, à la suite d’un entretient avec Jean-Claude Juncker, président de la commission européenne.

Le discours était attendu. Historique. Nul ne savait réellement à quoi s’attendre, après 9 jours d’incertitudes, de flou total.

Puygdemont s’est donc adressé à la population catalane, à celle de l’Etat espagnol, à l’Europe, au monde.

Il a rappelé le cheminement qui entraîna la Catalogne sur la voie de l’indépendance. Il a rappelé avec justesse que le centralisme madrilène s’est montré un maître aigre, tyrannique, vampirique, brisant les désirs d’autonomie.

Le discours est revenu sur le référendum. Les violences policières, les pressions, les amendes, les arrestations ont été citées. Elles ont été condamnées. Elles ont été l’illustration de la position de la monarchie sur le processus d’indépendance. Une position aussi ossifiée et aussi dure que celle du grand-père du régime : Francisco Franco.

Puigdemont s’est ensuite attaqué à la question de l’indépendance. Le dirigeant catalan a indiqué que la solution retenue n’est pas la sienne, mais qu’elle serait celle qui serait appliquée. Une manière de dire que les décisions du référendum seraient appliquées.

Malgré les périphrases, malgré les détours, le couperet tombe : la Catalogne sera proclamée République indépendante. Mais sous condition. Sous condition d’un dialogue avec l’Etat espagnol, avec l’Union Européenne. Sous des conditions qui entachent de “mais” lourds et sombres l’indépendance.

Une manière amère d’indiquer que la promesse reste, mais que l’application est suspendue.

Pour beaucoup de catalans et d’observateurs étrangers, ce sont des mots qui sonnent comme une défaite. Mais comment en serait-il autrement pour le moment ?

“Espérons que rien ne sera déclaré demain, parce que la personne ayant fait cette déclaration pourrait finir comme celle ayant fait une déclaration identique, il y a 83 ans” déclarait Pablo Casado, faisant ainsi référence à Lluis Companys, fusillé par les franquistes. Casado n’est pas un petit fasciste à croix gammée, un petit rat noir, il est le très haut placé vice-président chargé de la communication du Parti Populaire. Ce même parti dont est issu le chef du gouvernement actuel, Mariano Rajoy, ce même parti dont nous disions qu’il était fils du franquisme.

Ce genre de déclaration ne peut que donner une teinte particulière à la manière dont les choses peuvent évoluer.

Dimanche, entre 300 000 et 950 000 “unionistes” ont défilé contre le référendum. Parmi eux, certes, des gens pétris de bonnes intentions. Mais également un grand nombre de fascistes, de phalangistes, de monarchistes, de franquistes. Une force importante qui pèse toujours d’un lourd poids dans la vie politique du pays.

L’Europe et ses dirigeants ont vilipendé le résultat du référendum. Nul doute que la “conversation” avec Jean-Claude Juncker n’a pas forcément été une causette au coin du feu entre deux amis. Nul doute que des pressions sont exercées pour que Barcelone renonce, abandonne l’expression démocratique du référendum et la sacrifie sur l’autel des intérêts des diverses bourgeoisies. Macron a soutenu le régime de Madrid, a traité les catalans d’égoïstes. Belle manière de donner un point de vue.

Les bourgeois, les entreprises, les banques, ont plié bagage dans d’autres régions, terrifiées de la perte de leurs liens avec l’Europe. La classe moyenne catalane, tout en étant pour l’indépendance, n’est pas forcément prête à assumer la réalité de ce qu’elle signifie. La petite bourgeoisie radicale de la Catalogne, elle-même, partage les traits de toutes les petites bourgeoisies : elle s’enthousiasme, s’extasie devant le projet, devant les perspectives, mais prend peur devant le risque de perte de pouvoir d’achat, de perte de rentes, de perte de perspectives. Cruels revirements d’une classe vacillante.

Comment cette indépendance aurait pu être unilatérale et concrète ?

Bien que les situations soient politiquement différentes, un problème très direct se pose, celui de la capacité à exercer la réalité du pouvoir et de pouvoir tenir son territoire. La Catalogne n’est pas le Kurdistan, n’est pas le Kosovo, pour citer deux indépendances récentes, sans pour autant que ces deux cas de figure soient eux-même, entre eux, comparables. Il n’y a pas de Peshmergas, pas de soutient des YPG pour défendre le territoire, pour le sanctuariser contre les armées irakiennes et turques. Il n’y a pas de A-10 de l’OTAN, prêt à fondre sur le moindre blindé traversant la frontière entre la Serbie et son ancienne dépendance. Il n’y a pas de force armée au service du gouvernement catalan, capable de pouvoir déterminer et tenir des frontières.

Il n’y a, en Catalogne, qu’une poignée de mossos, une poignée de policiers catalans. L’armée Espagnole n’est pas la pointe du progressisme, loin de là.

Du point de vue de Puigdemont, les options sont restreintes : si l’Etat espagnol choisit la voie de la violence et de l’écrasement, il n’y aura que peu de forces pour le sauver. Son option est donc un départ négocié, pour éviter une guerre civile espagnole bis, dans laquelle les Catalans n’auraient ni force armée, ni soutien extérieur, et dans laquelle -de nouveau- les grandioses démocraties regarderaient avec détachement se faire massacrer les masses et les forces progressistes.

Pourtant, l’histoire à montré que des voies existent pour l’indépendance, pour la liberté, même du faible contre le fort. Ces voies sont celles des armées populaires, des armées révolutionnaires. Mais elles restent bouchées pour les forces catalanes, qui ne sont pas en rupture avec l’exploitation capitaliste. Ce sont ces forces, avec la solidarité internationale, qui peuvent garantir une indépendance à la Catalogne tout comme garantir la paix et la prospérité à ses habitants.

C’est là la faille du processus d’indépendance. Difficile de savoir quelle voie choisira le gouvernement de la Catalogne, entre la soumission et la réalisation du vœu exprimé dans le référendum.

Nous accordons, malgré ces failles, malgré le fait que seule la voie révolutionnaire est à même de triompher des obstacles, un soutien aux catalans et à l’indépendance.  Ce soutien est au nom du droit des peuples à disposer d’eux mêmes et aux droit à s’ériger en nation.

Nous soutenons la lutte du peuple catalan. Celui-ci a droit à l’indépendance dans la mesure où elle est souhaitée par la majorité du peuple. Les menaces de Rajoy, les pressions de l’UE et des pays européens, les atermoiements et les capitulations de la bourgeoisie catalane ne pourront pas stopper le processus engagé. Cette indépendance est une onde de choc qui traverse et secoue de nombreux Etats, dont l’Etat français, qui sera lui aussi confronté à cette question. En 2018, la Nouvelle-Calédonie, la Kanaky, votera elle-aussi sur la question de son autodétermination.

Nous lui souhaitons de réussir ce vote. Tant pour son avenir en tant que nation indépendante que par l’affaiblissement que cela provoque au sein de la métropole impérialiste.

Nous n’avons aucune honte à souhaiter la défaite de celle-ci.

Nous n’avons nullement à rougir, malgré les faiblesses, malgré les insuffisance, en soutenant l’indépendance de la Catalogne. 

A bas la monarchie putréfiée d’Espagne! A bas la répression et les menaces ! Vive la Catalogne indépendante et libre ! Visca Catalunya !

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