Depuis la nuit du 13 juin 2025, Israël mène l’opération Lion qui se dresse en Iran. Israël a bombardé plusieurs sites scientifiques, industriels et militaires en Iran et a assassiné plusieurs hauts responsables militaires et scientifiques iraniens. L’objectif déclaré de l’opération est de détruire le programme nucléaire iranien, et d’ainsi supprimer la « menace existentielle » que représenterait l’Iran pour Israël. À ce jour, les bombardements israéliens auraient tué plus de 500 Iraniennes et Iraniens, majoritairement des civils.1
Avec ce nouveau conflit ouvert, des questions brûlantes se posent pour les communistes.
1. Guerre juste ou injuste ?
La République islamique d’Iran est née de l’échec de la révolution démocratique en Iran, en 1979, lorsque le prolétariat et la paysannerie ont été vaincus par la bourgeoisie nationale (petite et moyenne), représentée par Khomeini, en alliance avec les féodaux (les mollahs) que s’était aliéné le Shah pendant la Révolution blanche (1963). La Révolution iranienne est un rappel cuisant de l’impossibilité d’une révolution démocratique (antiféodale, anticompradore, anti-impérialiste) sous direction bourgeoise, à l’époque de l’impérialisme.
La République islamique d’Iran est un régime réactionnaire qui mène une politique d’oppression contre les minorités nationales, les minorités religieuses et les femmes. La classe dirigeante en Iran est la bourgeoisie compradore, c’est-à-dire une classe capitaliste soumise à l’impérialisme. L’Iran est un pays capitaliste comprador (semi-coloniale) qui porte des ambitions de domination régionales sur le Moyen-Orient.
Aujourd’hui, la guerre de l’Iran contre Israël est une guerre juste.
A. Pourquoi la guerre de l’Iran contre Israël est-elle une guerre juste ?
Lorsqu’une guerre a lieu entre un pays impérialiste et un pays semi-colonial, même lorsque ce dernier est un État réactionnaire qui a ses propres ambitions de domination, la position communiste est de reconnaître la guerre juste du dominé contre le dominant. Lénine l’exprimait ainsi :
« Les socialistes ont toujours entendu par guerre “défensive” une guerre “juste” dans ce sens (comme a dit exactement un jour W. Liebknecht). C’est seulement dans ce sens que les socialistes reconnaissaient et continuent de reconnaître le caractère légitime, progressiste, juste, de la “défense de la patrie” ou d’une guerre “défensive”. Par exemple, si demain le Maroc déclarait la guerre à la France, l’Inde à l’Angleterre, la Perse ou la Chine à la Russie, etc., ce seraient des guerres “justes”, “défensives”, quel que soit celui qui commence, et tout socialiste appellerait de ses vœux la victoire des États opprimés, dépendants, lésés dans leurs droits, sur les “grandes” puissances oppressives, esclavagistes, spoliatrices. »2
Sur quelle base les communistes adoptent-ils cette position ? Toute attaque contre l’impérialisme mondial, contre la domination en général des pays dominés, est objectivement progressiste, parce qu’elle crée les conditions de la victoire de la révolution communiste mondiale en affaiblissant l’impérialisme mondial. Le principal ennemi du prolétariat et des peuples dominés du Moyen-Orient est aujourd’hui l’impérialisme occidental en général, et l’État colonial et impérialiste israélien en particulier. Tout coup porté contre l’impérialisme occidental et le colonialisme sioniste au Moyen-Orient est un coup porté contre le principal ennemi du prolétariat et des peuples opprimés de la région.
Reconnaître qu’une guerre est juste, c’est reconnaître que l’un des deux belligérants est relativement progressiste par rapport à l’autre ; qu’ils ne sont pas autant réactionnaires l’un que l’autre ; que la victoire de l’un serait préférable à la victoire de l’autre ; et donc, que les communistes doivent être dans le camp de l’un contre l’autre. Lorsqu’une guerre est juste, les communistes ne peuvent pas considérer à égalité les forces en lutte et rester neutres dans celle-ci. Mao l’exprimait ainsi :
« L’histoire montre que les guerres se divisent en deux catégories : les guerres justes et les guerres injustes.
Toute guerre progressiste est juste et toute guerre qui fait obstacle au progrès est injuste.
Nous autres communistes, nous luttons contre toutes les guerres injustes qui entravent le progrès, mais nous ne sommes pas contre les guerres progressistes, les guerres justes.
Nous communistes, non seulement nous ne luttons pas contre les guerres justes, mais encore nous y prenons part activement. La Première Guerre mondiale est un exemple de guerre injuste ; les deux parties y combattaient pour des intérêts impérialistes, et c’est pourquoi les communistes du monde entier s’y sont résolument opposés.
Voici comment il faut lutter contre une telle guerre : avant qu’elle n’éclate, il faut faire tous les efforts possibles pour l’empêcher, mais une fois qu’elle a éclaté, il faut, dès qu’on le peut, lutter contre la guerre par la guerre, opposer à une guerre injuste une guerre juste.
La guerre menée par le Japon est une guerre injuste, une guerre qui entrave le progrès. Les peuples du monde entier, y compris le peuple japonais, doivent lutter et luttent déjà contre elle.
En Chine, depuis les masses populaires jusqu’au gouvernement, depuis le Parti communiste jusqu’au Kuomintang, tout le monde a levé l’étendard de la justice et poursuit une guerre révolutionnaire nationale contre l’agression. »3
Qu’une guerre soit juste ou injuste dicte l’attitude et les actes des communistes à son égard. Les communistes doivent soutenir les guerres justes et s’opposer aux guerres injustes, défendre les guerres justes et condamner les guerres injustes ; mais ils doivent aussi lutter pour la victoire des guerres justes et la défaite des guerres injustes, participer aux guerres justes et lancer des guerres justes contre les guerres injustes.
En l’état, il est impossible pour les communistes de considérer à égalité l’Iran et Israël, un pays dominé en lutte contre un pays dominant, de prétendre que la lutte du capitalisme comprador iranien contre le colonialisme et l’impérialisme israéliens n’est pas progressiste, et de ne pas souhaiter la victoire du premier contre le second. Affirmer cela, ce n’est pas entretenir des illusions sur ce qu’est l’Iran, c’est être lucide sur ce qu’est Israël. Que l’Iran soit relativement progressiste face à Israël nous informe plus sur le colonialisme-impérialisme d’Israël que sur l’« anti-impérialisme » (sic) de l’Iran.
Israël et l’Iran luttent tous deux pour leur domination sur la région, mais ceci ne change rien à la réalité impérialiste d’Israël et semi-coloniale de l’Iran, c’est-à-dire au fait qu’Israël fasse partie des « “grandes” puissances oppressives, esclavagistes, spoliatrices » et que l’Iran fasse partie des « États opprimés, dépendants, lésés dans leurs droits ». Les semi-colonies dont Lénine disait que « tout socialiste appellerait de ses vœux la victoire » (le Maroc, l’Inde, la Perse et la Chine du début du XXe siècle) n’étaient pas des États « innocents », dénués de tout chauvinisme ou expansionnisme, qui ne luttaient que pour leur libération sans lutter aussi pour leur propre domination. À l’époque de l’impérialisme, il n’y a pas d’État bourgeois qui puisse être le « défenseur des peuples » — les peuples sont leurs seuls défenseurs.
La victoire — plus qu’improbable — de l’Iran sur Israël serait très positive sur les mouvements révolutionnaires démocratiques et communistes de la région. Cette victoire représenterait un coup important contre les pays impérialistes principaux dans la région, c’est-à-dire les pays impérialistes occidentaux, dont Israël, qui sont les ennemis principaux du prolétariat et des peuples opprimés de la région. L’affaiblissement, même relatif, de la domination des principaux impérialismes dans la région serait très favorable au développement des mouvements démocratiques et communistes. Ceci dit, le renforcement des positions de l’Iran dans la région, en lieu et place de celles des pays impérialistes qui y sont aujourd’hui dominants, ne serait en lui-même pas favorable au développement des mouvements démocratiques et communistes. Le prolétariat et les peuples opprimés de la région n’ont à gagner dans la victoire de l’Iran que la défaite d’Israël et des autres principaux pays impérialistes qui dominent la région, rien d’autre. Les communistes doivent donc soutenir l’Iran dans la mesure où l’Iran sert objectivement leurs intérêts, les intérêts du prolétariat et des peuples opprimés, mais sans les confondre avec ceux de l’Iran — ceux de la bourgeoisie compradore.
Le projet régional de l’Iran est en contradiction directe avec celui d’Israël, il lui fait obstacle, et ce indépendamment des intérêts capitalistes compradors qui l’animent. Si aucun de ces deux projets régionaux n’est émancipateur pour le prolétariat et les peuples opprimés du Moyen-Orient, ils sont quantitativement et qualitativement (!) différents. Israël est — en tant que pays impérialiste et que colonie de peuplement — un bastion monstrueux de la réaction mondiale au Moyen-Orient : dans la région, Israël est le plus grand adversaire de l’émancipation du prolétariat et des peuples opprimés, le plus grand danger de toute révolution démocratique et communiste.
Les communistes ne s’abaissent jamais à choisir de « moindre réactionnaire » lorsqu’il n’y a pas de moindre réactionnaire ailleurs qu’en apparence (c’est à dire, pour le développement de la révolution) : entre deux impérialistes, ou entre deux compradors. Mais dans la guerre entre l’Iran et Israël, il y a réellement un progressiste et un réactionnaire. Dans la région, la destruction d’Israël par le concours de l’Iran serait la libération du colonialisme de peuplement sioniste, et avec celle-ci, un recul de l’impérialisme.
B. Que signifie que la guerre de l’Iran contre Israël soit une guerre juste ?
Cette question pratique ne peut être répondue que d’un point de vue : de celui de la révolution communiste. Les communistes luttent pour les guerres justes et contre les guerres injustes pour le développement de la révolution communiste dans leur pays. Les communistes jugent de leurs actes dans une guerre juste comme injuste du point de vue de la révolution communiste, et exclusivement de ce point de vue.
Il ne faut pas s’empêtrer dans de faux dilemmes : « si la guerre de l’Iran est juste, alors il faut rejoindre l’Iran ; et s’il ne faut pas rejoindre l’Iran, alors la guerre de l’Iran n’est pas juste. » Ça n’est pas comme cela que les communistes posent la question de leur participation à une guerre juste.
Qu’une guerre soit juste ne change en rien la priorité des communistes : la défense de l’autonomie politique de classe du prolétariat. Défendre l’autonomie politique de classe du prolétariat — dans les circonstances d’une guerre juste comme dans celles d’une guerre injuste — est toujours le premier impératif pour les communistes. Qu’une guerre soit juste ne rend jamais secondaire l’autonomie politique de classe du prolétariat, qui est d’une importance stratégique qu’aucune circonstance ni tactique ne peuvent diminuer (« assouplir »).
Participer à une guerre juste n’implique jamais d’abandonner l’autonomie politique de classe du prolétariat ni de substituer la révolution communiste par le programme d’une autre classe. Une guerre juste l’est parce qu’elle est progressiste, c’est-à-dire en ce qu’elle amène à la résolution des contradictions. Une guerre juste l’est du point de vue de la révolution communiste, c’est-à-dire en ce qu’elle crée les conditions de son développement. Du point de vue de la grande bourgeoisie (impérialiste ou compradore), toutes les guerres menées par son État sont justes et toutes les guerres menées contre son État sont injustes, mais ce point de vue n’est jamais celui de la révolution communiste — même lorsqu’ils correspondent à un moment donné. Une guerre est juste ou injuste toujours du point de vue de classe du prolétariat, jamais de celui de la grande bourgeoisie (ou d’une autre classe).
Reconnaître que la guerre de l’Iran contre Israël est juste, ce n’est pas adopter le point de vue de la bourgeoisie compradore iranienne, c’est reconnaître que le point de vue du prolétariat international et des peuples opprimés correspondent avec celui-ci dans certaines conditions déterminées bien délimitées (la guerre actuelle).
Les classes révolutionnaires doivent utiliser les intérêts des classes dominantes pour servir les leurs ; elles doivent exploiter les contradictions entre les classes dominantes à leur meilleur avantage, pour leurs propres fins — la révolution communiste. Si les intérêts des classes révolutionnaires et d’une classe dominante (d’un État) peuvent se correspondre à un moment de la lutte des classes, ils ne peuvent jamais se confondre. Le risque, c’est que les classes révolutionnaires d’un pays oublient de servir leurs propres intérêts, et servent ceux d’une classe dominante ou d’une autre à la place. Les intérêts des classes révolutionnaires ne sont pas ceux d’une classe dominante (d’un État), même s’ils sont liés par leur destin national.
Pendant la guerre antijaponaise (1937-1945), les communistes chinois auraient-ils dû rejeter dos à dos le Japon impérialiste et la Chine semi-coloniale, soumise et alliée à l’impérialisme français, britannique et américain ? Non. Les communistes chinois auraient-ils donc dû rejoindre les rangs de l’État chinois et abandonner leurs ambitions révolutionnaires (la guerre civile contre l’État chinois) ? Non plus. Que la guerre de la classe dominante chinoise soit aussi celle des classes révolutionnaires chinoises n’impliquait pas que le prolétariat devait remplacer son programme politique par celui de la bourgeoisie chinoise et se laisser diriger par celle-ci — ce qu’aucune circonstance ne peut impliquer.
La qualité du soutien à apporter à une guerre juste, et à opposer aux guerres injustes, est déterminée par le développement concret de la révolution communiste relativement à la guerre. Par exemple, dénoncer la propagande mensongère et hypocrite israélienne contre l’Iran, ce n’est pas défendre la propagande iranienne contre Israël ; idem, saboter et appeler au sabotage de l’effort de guerre d’Israël contre l’Iran, ce n’est pas rejoindre et appeler à rejoindre l’effort de guerre de l’Iran contre Israël.
Pour les communistes, la question pratique de la participation à une guerre juste, c’est-à-dire des moyens concrets qui doivent être investis dans celle-ci, relève de ce que le prolétariat et les peuples opprimés ont à y gagner. Autrement dit : « comment cette guerre juste peut-elle être utilisée pour intensifier la mobilisation politique du prolétariat et du peuple, jusqu’à la révolution communiste ? » Il est évident que cette question ne peut être répondue que selon les conditions concrètes dans lesquelles elle se pose, dans chaque pays.
2. Guerre impérialiste ou interimpérialiste ?
Aujourd’hui, la guerre est entre un pays impérialiste — Israël — et un pays dominé (semi-colonial) — l’Iran. La guerre d’Israël contre l’Iran est une guerre impérialiste ; et la guerre de l’Iran contre Israël est une guerre de résistance à la guerre impérialiste (ce qui n’en fait pas une guerre « anti-impérialiste »).
Israël n’est pas une semi-colonie américaine (un proxy occidental), c’est un pays impérialiste autonome allié aux USA, au même titre que le Japon. Il existe des contradictions entre le colonialisme (de peuplement) sioniste et l’impérialisme israélien, d’une part, et les autres pays impérialistes occidentaux, d’autre part. Le bloc formé par les pays impérialistes occidentaux, dont Israël fait partie, ne peut pas occulter l’existence d’un colonialisme et d’un impérialisme israéliens particuliers — Israël ne peut pas être réduit à un simple « avant poste » des autres pays impérialistes occidentaux.
Aujourd’hui, l’Iran n’est pas un proxy de la Chine et de la Russie dans sa guerre contre Israël.Les pays impérialistes qui dominent principalement l’Iran sont la Russie et la Chine. Il est correct d’affirmer que la Chine et la Russie servent leurs intérêts au Moyen-Orient par le soutien à leur semi-colonie iranienne. Cependant, dans la guerre de l’Iran contre Israël, les intérêts de la bourgeoisie impérialiste russe et/ou chinoise ne sont pour l’instant pas les intérêts principaux. La guerre de l’Iran contre Israël est aujourd’hui principalement la guerre de la bourgeoisie compradore iranienne, pour ses propres intérêts et par ses propres moyens.
Il est exact d’affirmer qu’une bourgeoisie compradore sert ses propres intérêts (compradors) lorsqu’elle sert les intérêts (impérialistes) des bourgeoisies qui la dominent. Les intérêts de la bourgeoisie compradore iranienne correspondent dans une certaine mesure avec ceux des bourgeoisies russe et chinoise — les ambitions des uns servent les ambitions des autres. Il serait absurde de chercher à distinguer les intérêts compradors des intérêts impérialistes là où ils convergent. Au Moyen-Orient, le développement du capitalisme comprador iranien sert en général les impérialismes russe et chinois, et inversement. Par exemple, l’Iran autant que la Russie et la Chine ont intérêt à combattre les USA et leurs proxys dans la région (Arabie Saoudite, etc.). Cependant, il serait inexact d’affirmer que les intérêts compradors ne sont que les intérêts impérialistes, c’est-à-dire qu’ils convergent en totalité. Il serait absurde de ne pas distinguer les intérêts compradors des intérêts impérialistes là où ils divergent. Par exemple, l’Iran n’a aucun investissement économique en Israël, contrairement à la Russie et à la Chine ; idem, le régime politique de l’Iran est directement menacé par Israël, ce qui n’est pas le cas de la Russie et de la Chine.
La bourgeoisie compradore d’un pays n’est généralement pas la simple marionnette de la bourgeoisie impérialiste qui la domine, elle a une autonomie politique et économique nationale, dans la mesure permise par la domination impérialiste. Une semi-colonie n’est pas une colonie. Non seulement les intérêts de la bourgeoisie compradore et ceux des bourgeoisies impérialistes qui la dominent ne relèvent pas des mêmes contradictions, mais il y a aussi une contradiction entre ceux-ci. Tout ce qui est fait par un pays dominé est fait dans la mesure permise par la domination impérialiste sur ce pays, et dans cette mesure seulement ; mais il ne faut pas alors en conclure que tout ce qui est fait par un pays dominé est fait par et/ou pour la domination impérialiste sur ce pays (c’est à dire, par et/ou pour une bourgeoisie impérialiste). Partir du principe que tout ce que fait une semi-colonie est en fait l’œuvre des impérialismes qui la dominent est une position abstraite qui n’est pas marxiste ; dans chaque cas particulier, il faut étudier concrètement quels sont les forces et les intérêts à l’œuvre.
Aujourd’hui, dans la guerre entre l’Iran et Israël, la contradiction entre l’impérialisme et les peuples opprimés est la contradiction principale, et la contradiction entre les pays impérialistes est une contradiction secondaire. Comprendre quelle est la contradiction principale dans une guerre est un problème théorique d’une importance capitale ; car, c’est à la lumière de la contradiction principale, des intérêts principaux, dominants, déterminants, etc., que l’on peut connaître la nature de la guerre en question, et donc, la position communiste à adopter dans celle-ci. La lutte mondiale entre l’impérialisme et les peuples opprimés est la cause principale de la guerre entre l’Iran et Israël, alors que la lutte mondiale entre les pays impérialistes (occidentaux, d’une part, russe et chinois, d’autre part) est une cause secondaire. La guerre entre l’Iran et Israël est donc une guerre impérialiste (pour la domination des colonies et semi-colonies), plutôt qu’une guerre interimpérialiste (pour le repartage de la domination des colonies et semi-colonies), contrairement à la guerre entre l’Ukraine et la Russie.
Pourquoi affirmons-nous que les intérêts impérialistes russes et chinois ne sont pas les principaux intérêts dans la guerre de l’Iran contre Israël ?
Depuis le début du conflit ouvert avec Israël, l’Iran est seul. L’importance secondaire des intérêts impérialistes russes et chinois s’observe en fait dans l’isolement diplomatique, financier et militaire de l’Iran, par rapport à la Russie et à la Chine. À ce jour, le seul geste de la Russie et de la Chine envers l’Iran est une condamnation de la violation de la souveraineté iranienne doublée d’un appel à une résolution diplomatique du conflit. Au premier jour de la guerre, Poutine a proposé la médiation de la Russie entre l’Iran et Israël, une proposition réitérée 5 jours plus tard et qui a été rejetée par les USA et l’UE. Le soutien de la Russie et de la Chine à leur semi-colonie est minimal et strictement diplomatique. Aucun soutien financier ou militaire à l’Iran n’est pour l’instant envisagé, ni par la Russie ni par la Chine. Le contraste avec le soutien des pays impérialistes occidentaux envers l’Ukraine (leur proxy), depuis février 2022, est flagrant : condamnation totale de l’invasion russe, exigence d’un retrait sans condition des troupes russes, sanctions drastiques sur la Russie, envoi de plusieurs centaines de milliards d’euros d’aides financières et militaires, livraisons massives d’armes et de munitions, partage du renseignement, négociation sur l’adhésion à l’OTAN ou à l’UE, etc. Pour l’Iran, rien de comparable.
La Russie et la Chine ont des intérêts économiques et politiques en Iran, mais ils en ont aussi en Israël (par exemple, en 2024, la Chine était de loin le 1er exportateur vers Israel4). L’importance stratégique accordée par la Russie et la Chine à l’Iran est pour l’instant trop basse et les risques d’une intervention de leur part sont pour l’instant trop hauts ; le Moyen-Orient est un théâtre de lutte interimpérialiste secondaire, derrière l’Ukraine pour la Russie, et l’indopacifique pour la Chine. De plus, l’attitude passive de la Russie et de la Chine avec l’Iran s’explique par les rapports de force interimpérialistes, dans lesquels le bloc russo-chinois (challengeur) est relativement faible face au bloc occidental (hégémonique). La Russie et la Chine ne sont pas pressées d’ouvrir un nouveau front de lutte interimpérialiste ouvert, au Moyen-Orient.
Comme nous l’avons rappelé au sujet de l’Ukraine, une semi-colonie est obligée envers les pays impérialistes qui la dominent, mais les pays impérialistes ne sont pas obligés envers la semi-colonie qu’ils dominent.5 Ce n’est pas parce que l’Iran est dominé par la Russie et la Chine que la Russie et la Chine « doivent » défendre l’Iran.
Aujourd’hui, l’Iran combat essentiellement seul contre un ennemi régional pour la domination de la région. La contradiction interimpérialiste n’est pas la contradiction principale, à l’heure actuelle dans la guerre entre l’Iran et Israël. Ceci dit, rien n’exclut que cette contradiction ne devienne la contradiction principale, à l’avenir dans la guerre entre l’Iran et Israël. De plus, il ne fait aucun doute que le développement de la contradiction impérialisme-peuples dominés au Moyen-Orient, dans la guerre entre l’Iran et Israël, va participer au développement des contradictions interimpérialistes dans le monde, vers la 3e Guerre mondiale.
1 « Les frappes israéliennes sur l’Iran ont tué au moins 585 personnes, selon une ONG », L’Orient-Le jour, 18 juin 2025. À l’adresse :
2 V. I. Lénine, « Les principes du socialisme et la guerre de 1914-1915 », Le socialisme et la guerre, 1915.
3 Mao Z., De la guerre prolongée, 1938.
4 « Which countries trade the most with Israel and what do they buy and sell? », Al Jazeera, 22 mai 2025. À l’adresse :
5 « Il faut remettre les choses dans l’ordre : ce ne sont pas les pays impérialistes occidentaux qui sont obligés envers l’Ukraine, c’est l’Ukraine qui est soumise aux pays impérialistes occidentaux, dont les USA. Les USA sont libres de soutenir ou de ne pas soutenir l’Ukraine, c’est l’Ukraine qui n’est pas libre de contrevenir aux USA. Que l’Ukraine soit éventuellement abandonnée par les USA à l’avenir n’est pas impossible. Pour les USA, l’Ukraine n’est qu’un proxy, c’est-à-dire un État comprador et un marché qu’ils dominent, et à ce titre un enjeu stratégique dans leur lutte impérialiste mondiale. Cependant, aucun proxy ni aucun enjeu stratégique ne sont absolus, et certainement pas l’Ukraine pour les USA. Si, demain, les USA abandonnaient l’Ukraine, cela démontrerait-il que l’Ukraine n’était donc pas jusqu’alors un État comprador des USA ? Non, seulement que la stratégie impérialiste des USA, et/ou l’importance de l’Ukraine dans celle-ci, ont changées. Par exemple, c’est un tel scénario qui a eu lieu au Sud-Vietnam en 1973. » — « Les luttes interimpérialistes et la lutte idéologique. Partie I : Les luttes interimpérialistes (USA-Russie-UE) », Unité communiste, 8 avril 2025. À l’adresse :