Publication pour la campagne antiguerre commune de Reconstruction communiste et d’Unité communiste
Loin du récit lisse d’une « fin de l’histoire » proclamée dans l’euphorie des années 1990, la guerre n’a jamais disparu. Aujourd’hui, de l’Ukraine à Gaza, des confins sahéliens aux rivages de la mer de Chine, les foyers de conflit se multiplient, révélant moins des accidents périphériques que l’aggravation d’une dynamique structurelle : celle des rivalités interimpérialistes, jamais abolies, toujours rejouées, et qui rendent illusoire toute stabilisation durable de l’ordre mondial. À mesure que l’économie de guerre s’impose comme horizon, une interrogation s’impose à nouveau comme elle s’imposait déjà à nos camarades en 19121 : ne sommes-nous pas, déjà, aux avant-postes d’une Troisième Guerre mondiale ?
Si nous posons la question d’une Troisième Guerre mondiale, nous ne pouvons faire l’économie d’une analyse de ce qu’est une guerre mondiale. Une guerre mondiale est un conflit armé à l’échelle planétaire, marqué par :
- Une dimension globale et totale.
- Elle s’étend à une grande partie du monde, influençant directement ou indirectement toutes les régions.
- Elle implique une mobilisation totale de la société (militaires et civils, villes et campagnes).
- Des causes et enjeux impérialistes.
- Elle naît des rivalités entre grandes puissances pour le partage ou le repartage du monde (colonies, zones d’influence).
- Elle est inévitable à l’ère de l’impérialisme, sauf si des révolutions sociales l’empêchent.
- Des acteurs et des moyens extrêmes.
- Les belligérants sont les puissances impérialistes et les États placés sous leur dépendance (semi-colonie), divisés en blocs hostiles.
- Ils recourent aux technologies militaires les plus avancées et aux armes les plus destructrices, en raison de l’enjeu stratégique et existentiel du conflit.
- Un effondrement des normes politiques.
- Les institutions et règles juridiques bourgeoises internationales s’effondrent face à la logique de la guerre.
- Les forces politiques et idéologiques chauffent à blanc les populations pour promouvoir la guerre comme une solution raisonnable.
La radicalisation de la crise mondiale
Depuis plusieurs années, nous assistons à une transformation de la situation internationale à travers le retour de l’hypothèse guerrière à petite échelle, la fin des illusions sur le droit international, et le renforcement des affrontements interimpérialistes pour un nouveau partage économique du monde. Ce tournant, déjà perceptible depuis la crise financière de 2008, est devenu central à partir de 2022 avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie et la nouvelle intensification de la guerre de l’État sioniste en Palestine. La conflictualité mondiale s’installe durablement, non tant par une hausse quantitative des conflits que par leur transformation qualitative en affrontements par proxy entre grandes puissances.
Dans ce contexte, la réélection de Donald Trump à la présidence des États-Unis en 2024 ne constitue pas une rupture de l’impérialisme américain, mais bien une continuité radicalisée de ses logiques. Si elle marque une inflexion par rapport aux formes plus classiques de la diplomatie américaine, elle n’en représente pas moins l’approfondissement d’une ligne stratégique défendue par des secteurs puissants du capital américain, déjà à l’œuvre sous les administrations précédentes. Loin de relever de l’accident politique, son retour au pouvoir exprime cette cohérence de fond. Si les styles diffèrent, la faible variation des orientations économiques et géopolitiques entre Trump et Biden — notamment en matière de confrontation avec la Chine ou de réarmement global — révèle l’unité de la bourgeoisie impérialiste américaine autour de la préservation de son hégémonie mondiale. La stratégie d’endiguement économique de la Chine, la militarisation accélérée de l’Indo-Pacifique, le soutien conditionnel à l’Ukraine et la guerre commerciale généralisée témoignent d’une logique de confrontation structurelle. Dans ce cadre, l’Union européenne apparaît toujours plus marginalisée, prise en étau entre sa dépendance stratégique envers les États-Unis et l’incapacité à se doter d’une politique impérialiste autonome.
Le droit international, déjà fragilisé depuis longtemps par les violations répétées des grandes puissances, n’apparaît plus que comme une chimère, invoquée uniquement lorsqu’elle sert leurs intérêts : les grandes puissances, qu’elles appartiennent au bloc impérialiste occidental ou au camp des impérialismes dits « émergents » (Russie, Chine), recourent désormais fréquemment à la force, aux violations du droit humanitaire, aux blocus économiques et à la guerre par procuration.
La guerre à Gaza et au Moyen-Orient illustre ce basculement : Israël, avec le soutien actif ou la passivité complice des puissances occidentales, mène un génocide contre le peuple palestinien, dans une dynamique coloniale assumée, et bombarde directement le territoire iranien, libanais, irakien, qatari, entraînant une riposte militaire d’ampleur. Le régime israélien agit ici comme avant-garde violente d’un axe réactionnaire mondial, dont les soutiens militaires sont fournis par les États-Unis, l’Allemagne et d’autres États de l’OTAN.
Dans ce contexte, la guerre en Ukraine ne peut être comprise ni comme une défense de la démocratie ni comme un simple conflit local. Il s’agit, pour reprendre les catégories de Lénine, d’un conflit interimpérialiste, où les puissances capitalistes s’affrontent pour le contrôle de zones stratégiques, au détriment des peuples ukrainien et russe. Les États-Unis, dès 1991, ont élargi leur influence vers l’Est, intégrant d’anciennes démocraties populaires à l’OTAN et à l’UE, provoquant ainsi un encerclement militaire de la Russie. Cette dernière, puissance impérialiste régionale, a répondu par la guerre pour préserver sa sphère d’influence. La Russie et la Chine deviennent aujourd’hui les leaders d’un bloc impérialiste challengeur, opposé à la triade USA-UE-Japon — des blocs loin d’être homogènes, mais qui partagent les mêmes logiques d’accumulation et de domination. L’affrontement est donc mondial, stratégique et durable.
En Afrique également, la situation illustre l’intensification de l’accumulation par le pillage. Tandis qu’un accord de paix entre le Rwanda et la République Démocratique du Congo laisse espérer une stabilisation, les grandes puissances, à travers multinationales et mercenaires, poursuivent leur prédation des ressources (cobalt, or, coltan) dans un continent devenu champ d’expérimentation de toutes les formes de domination impérialiste. Nous vivons ainsi une crise généralisée inhérente au système capitaliste à l’échelle mondiale, où chaque contradiction du système s’aiguise : crise de suraccumulation, crise des rapports de dépendance, crise de légitimité des institutions représentatives. L’exemple de la Chine illustre bien cette dynamique : ses capacités industrielles massivement surdéveloppées. Pour résoudre cette contradiction, la bourgeoisie chinoise cherche une issue géostratégique, en élargissant ses zones d’influence commerciales, financières et logistiques à travers l’Initiative des Nouvelles Routes de la Soie et une diplomatie offensive. Cette expansion entre directement en collision avec les intérêts impérialistes américains et ceux de leurs alliés, aggravant la logique de confrontation globale. Face à l’impossibilité d’un nouvel équilibre impérialiste stable, la solution qui se profile pour les classes dominantes est celle de la guerre.
Caractériser la période
Crise de rentabilité et rivalités géopolitiques
Le capitalisme porte en lui une contradiction structurelle : à mesure qu’il se modernise, la part de travail humain (seule source de valeur) diminue face à l’accumulation de machines, ce qui provoque une tendance générale à la baisse du taux de profit, comme l’a démontré Marx. Pour y répondre, le système déploie des contre-tendances comme les délocalisations, la financiarisation, l’ouverture de nouveaux marchés, l’intensification du travail, la réduction du salaire direct ou indirect, en somme l’impérialisme, mais leur efficacité s’épuise, surtout depuis la crise de 2008 et après le choc du COVID-19. Le capital affronte ainsi une crise de rentabilité persistante. Dans ce contexte, la guerre demeure un « remède temporaire » : elle légitime des dépenses publiques massives, détruit du capital excédentaire qui ne permettait pas le profit suffisant, relance la production capitaliste et renforce le contrôle social. Cette explication exprime une tendance de fond essentielle du capitalisme, mais elle doit être complétée pour saisir les formes actuelles des rivalités interimpérialistes.
Car ce qui caractérise la phase présente n’est pas une rupture avec la logique du profit, mais son développement au stade impérialiste. La concurrence entre monopoles ne se limite plus aux marchés traditionnels, elle se déploie désormais sur le terrain géopolitique pour le contrôle des infrastructures critiques de la mondialisation, comme les ports, les câbles sous-marins, les routes commerciales, les minerais stratégiques, les systèmes technologiques (5G, satellites, semi-conducteurs), les plateformes numériques, les normes juridiques, les brevets et les systèmes monétaires. Ces objets ne relèvent pas d’une logique politique séparée de l’économique : ils constituent l’expression concrète, au niveau actuel du capitalisme, de la lutte pour l’hégémonie et la captation du profit mondial.
Nous pouvons distinguer 4 grands pôles géopolitiques :
- Les États-Unis imposent des sanctions à la Russie et à la Chine, en mobilisant leurs leviers stratégiques majeurs. Par exemple, sur le plan financier, Moscou est exclue du système de paiement international SWIFT, et sur le plan technologique, l’exportation vers Pékin de machines de gravure de semi-conducteurs avancés est interdite. Dans le même temps, Washington aide le réarmement européen à travers l’OTAN et ses propres exportations militaires.
- L’Union européenne, malgré des velléités d’autonomie stratégique, s’aligne majoritairement sur la stratégie américaine tout en défendant ses champions industriels (Airbus, ASML, Safran, etc.). Le récent accord sur les droits de douane (15 %) en offre une preuve exemplaire.
- La Chine riposte par une politique d’investissement massif dans les pays de la périphérie et par une stratégie de montée en gamme technologique.
- La Russie mise sur sa capacité de nuisance géostratégique et sa rente énergétique, tout en consolidant des alliances militaires et diplomatiques alternatives (Iran, Corée du Nord, Afrique, etc.).
La conflictualité actuelle est donc interimpérialiste, elle oppose des puissances rivales pour la maîtrise du capital, des ressources, des technologies, des normes, et des routes qui les relient.
Une militarisation de la société
Les budgets militaires mondiaux repartent à la hausse depuis plus d’une décennie, atteignant en 2024 un record historique de plus de 2 400 milliards de dollars, selon le SIPRI (Stockholm International Peace Research Institute).
- L’Europe, dans le sillage de la guerre en Ukraine, s’engage désormais dans une logique de réarmement lourd : l’Allemagne, jusqu’alors prudente sur le plan militaire, a mis en place un fonds exceptionnel de 100 milliards d’euros. La France, quant à elle, s’engage à plus que doubler son budget militaire actuel, ce qui équivaut à un budget total de 413 milliards d’euros réparti sur les cinq années qui viennent2.
- Les États-Unis, déjà premiers en dépenses militaires, continuent d’augmenter leur budget de défense, qui dépasse à lui seul le total cumulé des dix pays suivants.
La militarisation de la société ne se limite pas à une simple réponse aux menaces extérieures. Elle est le produit d’un système économique et politique où les intérêts de la finance, de l’industrie d’armement et de l’État convergent autour d’un modèle fondé sur la guerre comme horizon stratégique. L’un des moteurs principaux de cette militarisation est économique. Les États confrontés à une instabilité mondiale croissance, réorientent massivement leurs budgets vers les dépenses militaires.
Les puissances impérialistes, à commencer par les États-Unis, financent ces hausses de dépenses par l’endettement auprès des investisseurs privés, c’est-à-dire principalement les grosses fortunes capitalistes et les banques privées. La dette publique devient ainsi un outil de soutien à l’industrie de défense, dans une sorte de boucle auto-alimentée (un circuit militaro-monétaire3) : les États émettent des obligations pour financer leurs armées, les marchés les achètent, car ils y trouvent un placement sûr, et l’industrie militaire prospère sur cette mécanique. Le résultat, c’est une économie où la guerre n’est plus un accident, mais un moteur.
Mais la guerre n’est pas seulement militaire ou économique : elle est aussi idéologique, chaque pôle cherche à imposer son propre récit du monde et sa justification belliciste, créant ainsi les conditions possibles d’une adhésion à la guerre par les populations
Créer le consentement à la guerre
Comme nous l’avons dit, la guerre ne peut pas se réduire à une logique uniquement économique ou géopolitique : elle doit aussi être rendue acceptable, voire désirable, pour les populations. C’est là qu’intervient la dimension idéologique et culturelle du conflit. Les puissances impérialistes déploient des dispositifs complexes de « fabrication du consentement » qui associent propagande, contrôle de l’information et naturalisation de la guerre comme horizon collectif.
D’abord, le registre idéologique. Les rivalités interimpérialistes sont systématiquement requalifiées en affrontement de valeurs : démocratie contre autoritarisme, liberté contre dictature, Occident contre Barbarie, civilisation contre terrorisme. Les récits officiels effacent les logiques matérielles derrière une grille de lecture morale. Ainsi, la guerre est présentée non comme un choix stratégique, mais comme une nécessité cathartique, un combat pour « sauver un mode de vie », défendre les droits humains ou préserver l’ordre international.
À cela s’ajoute le registre sécuritaire. Les États mobilisent la peur de l’ennemi extérieur et du chaos intérieur pour légitimer la surveillance accrue, l’extension des pouvoirs d’exception et la militarisation de l’espace public. L’insécurité sociale (inflation, chômage) est ainsi déplacée vers une insécurité militaire et géopolitique : ce n’est plus le capitalisme qui produit l’instabilité, mais l’ennemi extérieur et intérieur qui menacerait la cohésion nationale. C’est dans ce contexte d’un capitalisme en crise que naît un nouveau fétichisme de la nation.
Enfin, la guerre est normalisée dans l’économie quotidienne. L’argument de l’emploi sert à justifier l’expansion du complexe militaro-industriel : on ne produit pas seulement des armes, on « crée de la croissance », on « sécurise des filières industrielles stratégiques », on « protège des bassins d’emplois ». Par ce biais, des fractions entières de la classe ouvrière embourgeoisée sont intégrées au dispositif militaire, ce qui rend plus difficile toute contestation radicale. Et lorsque contestation il y a, elle est réprimée : l’ennemi devient aussi intérieur.
Répression envers les opposants
Par ce marasme toute contestation de la militarisation est assimilée à une trahison de la nation. C’est le cas en France où les opposants au génocide en Palestine ont vu s’accumuler les poursuites judiciaires pour apologie du terrorisme, dans un discours de cinquième colonne « islamo-gauchiste ». Mais c’est aussi et surtout le cas dans les avant-postes de l’impérialisme que la répression étatique s’exerce sans fard. En Ukraine les opposants à la guerre la vivent de manière particulièrement féroce, avec arrestations, traques policières et enfermements. Ce climat ultra-répressif se voit d’autant plus renforcé à mesure que la guerre s’enlise et que les désertions se multiplient dans l’armée ukrainienne.
Devenu en Occident un des fers de lance de la contestation sociale à une époque où l’opposition au capitalisme avait été rendue ringarde par la chute de l’URSS, l’antimilitarisme apparaît dorénavant plutôt comme une accusation excommuniante qui ferait des internationalistes autant de campistes, des « munichois » ou d’alliés du Kremlin.
Que faire ?
Dans une telle situation, la première chose que nous pouvons faire c’est de chercher à l’analyser correctement. Le début de toute politique est de faire l’analyse de notre contexte d’intervention pour déterminer quelle est la voie à suivre. Pour nous, le contexte est indubitablement celui d’un accroissement des tensions interimpérialistes, et face à cela, d’une grande faiblesse des forces qui peuvent s’opposer aux déflagrations futures. Le mouvement communiste international est faible et avec lui l’ensemble des forces qui ne se rangent pas derrière leur bourgeoisie nationale. Nous sommes donc dans une situation particulièrement dangereuse. Cela ne veut pas dire que nous devons être fatalistes et considérer que nous sommes fichus, car trop faibles et désorganisés.
La première chose à faire est de s’organiser. Sans cadre collectif rien n’est possible. La bourgeoisie agit de manière structurée, nous devons donc nous doter de la même force. En ce sens, nous pensons qu’il est primordial de rejoindre des collectifs qui saisissent la hauteur des enjeux et cherchent à s’organiser en conséquence. Mais cette nécessité de l’organisation n’est pas qu’un appel à nous rejoindre, c’est également un impératif pour nous, celui de chercher à améliorer notre travail, diffuser nos idées, construire des fronts unitaires avec des mots d’ordre clairs. La tendance à l’accroissement des tensions interimpérialistes est accompagnée par une augmentation de la répression interne, encore une fois face à cela, notre réponse doit être d’y opposer une organisation la plus soudée possible. Nous analysons à long terme que la construction d’un Parti communiste, c’est-à-dire une organisation implantée dans le prolétariat, capable d’organiser et d’orienter les expressions de la lutte des classes dans une confrontation directe avec l’État français impérialiste, est la condition nécessaire à la révolution communiste, une révolution qui est la seule capable de briser ce système qui pousse les peuples à la guerre pour les intérêts des dominants. Face à la guerre impérialiste, le Parti communiste auquel nous aspirons doit prôner le défaitisme révolutionnaire, c’est-à-dire la transformation de la guerre interimpérialiste en guerre civile de classes.
Mais nos organisations sont loin d’être un parti communiste, elles ne sont à l’heure actuelle que des groupes communistes de très petite taille avec tous les défauts que cela implique. Nous ne disons pas cela pour nous autoflageller, mais, car cette analyse est nécessaire si nous voulons agir à l’échelle qui est la nôtre et sortir de cette condition. Ainsi, nous envisageons notre intervention de ce point de vue et nous pensons que le travail unitaire est une solution à cet état de fait. En confrontant nos points de vue, nous pensons que nous pouvons non seulement progresser nous-mêmes, mais faire progresser le mouvement communiste dans son ensemble. De plus, dans ce contexte de militarisation et de répression, les alliances et les fronts unis sont précieux pour diffuser des idées révolutionnaires et préserver nos organisations de la répression étatique.
Cette lutte idéologique entre organisations et contre les idées fausses répandues dans les masses est d’autant plus nécessaire que la période que nous vivons crée beaucoup de confusions. Une confusion non seulement entretenue par les idéologues bourgeois et réactionnaires, mais également par des organisations bien plus proches de nous. En ce sens, nous dénonçons toutes les tentatives de lier les intérêts de notre classe à ceux de la bourgeoisie et de l’État français. En tant que militants internationalistes, nous devons à tout prix lutter contre le repli nationaliste, quand bien même il se parerait d’un vernis « patriotique », « protectionniste » voire « progressiste ». Nous devons dénoncer les organisations qui comme la CGT ou la France Insoumise accompagnent la militarisation de l’État français sous couvert de l’intérêt des travailleurs. Nous devons réaffirmer que la bourgeoisie française est une bourgeoisie impérialiste, qui profite directement non pas seulement de l’exploitation du prolétariat français, mais également de l’exploitation de millions de travailleurs à travers le monde. La France n’est pas un pays dominé par l’Union européenne ou les États-Unis, elle est un des principaux pays impérialistes du monde, et notre tâche, en tant que communistes vivant en France, est de s’opposer en priorité à notre propre bourgeoisie. Mais cela ne veut pas non plus dire donner le moindre crédit aux prétentions « antiimpérialistes » de l’État russe ou même chinois, qui ne luttent contre les impérialismes dominants que pour faire triompher le leur.
Nous devons lier notre destin aux milliards d’exploités et d’opprimés qui subissent à travers le monde les ravages du système capitaliste-impérialiste. Cette tâche immense que nous souhaitons porter dépasse largement nos faibles moyens. Mais nous cherchons, à la hauteur de nos moyens, à la faire vivre à travers nos contacts avec des camarades belges, suisses, allemands, turcs, etc.
Comme il est affirmé dans le Manifeste de Reconstruction communiste : « L’histoire n’est pas une forteresse imprenable ». Il n’existe pas de fatalité que nous serions forcés de subir. Il appartient à chacune et chacun d’entre nous de tenter ensemble de construire une force à même de conjurer les guerres et de bâtir une humanité nouvelle.
Conclusion
Il n’y a pas aujourd’hui de Troisième Guerre mondiale au sens classique du terme, avec ses blocs impériaux dressés l’un contre l’autre dans un affrontement total. Mais tout, dans la configuration présente, laisse entrevoir l’émergence d’une guerre mondiale d’un genre peut-être nouveau. À l’instar des guerres balkaniques avant la Première Guerre mondiale, la diversité des fronts actuels montre une radicalisation de la crise du capitalisme. Mais cette marche à la guerre n’a rien de fatal : elle tient aux calculs mouvants des puissances et à l’équilibre instable de leurs appétits, mais aussi, et surtout, au degré de consentement que les sociétés voudront bien accorder à la boucherie qui s’annonce. C’est là que se joue l’alternative : face à la barbarie impérialiste, il ne s’agit pas seulement de dire « non » à la guerre, mais de la retourner contre ses maîtres, d’en faire non plus leur ordre, mais notre rupture. Car au fond, tout est déjà écrit dans la vieille maxime que l’histoire ressasse : leur guerre, notre sang. Mais peut-être, si les peuples se lèvent, notre lutte, leur chute.
1 En 1912, les socialistes envisageaient la possibilité d’une Guerre mondiale née des puissances impérialistes : Bureau socialiste international contre la guerre, Congrès socialiste international, 1912. (https://www.marxists.org/francais/inter_soc/1912/bale.pdf)
2 « Budget de la défense : quelles étapes pour le porter à 5 % du PIB en 2035 ? », Vie publique, 26 août 2025. (https://www.vie-publique.fr/eclairage/284741-budget-de-la-defense-les-etapes-pour-le-porter-5-du-pib)
3 E. Brancaccio, « Le moment Lénine : entre dette, droits de douane et guerre », Réalité, 15 mai 2025. (https://realite.world/2025/05/15/le-moment-lenine-entre-dette-droits-de-douane-et-guerre/)