La grève nationale colombienne, la Commune de Paris contemporaine

Repris depuis Arlac – Cultura y solidaridad latina en Europa. Nous affirmons notre solidarité avec la lutte menée en Colombie contre le régime dictatorial. Au cours du week-end sur la Commune de Paris, nous avons pu échanger avec plusieurs personnes investies dans cette lutte. Elle prend une double tournure : elle est à la fois une lutte démocratique, mais aussi une lutte à potentiel révolutionnaire : les Colombiens et les Colombiennes populaires ne veulent pas seulement voter et s’exprimer : ils et elles veulent diriger réellement leur pays !

1. 54 857 jours après le début de la Commune de Paris, cinq millions de manifestants sont sortis dans les rues en Colombie. Après plusieurs jours d’affrontements, le gouvernement a dû céder et retirer le projet de réforme fiscale contre lequel le peuple manifestait et remplacer le ministre de l’Économie. Alors que la situation aurait dû revenir à la normale, le peuple a continué de manifester : après un mois de combats, l’oligarchie, le gouvernement et les États-Unis sont sur la défensive. Et malgré les centaines d’assassinats et de disparitions, de blessés et de détentions, le mouvement continue.

2. En Colombie, il y a neuf bases militaires nord-américaines. Bien que le pays ne soit pas sur la liste des sept pays où les États-Unis sont en guerre, ses conseillers militaires ont un rôle déterminant dans le pays. Il faut se rappeler que la Colombie a reçu, de la part des États-Unis, une aide militaire massive afin que le régime narco-paramilitaire ne s’effondre pas, ce qui explique l’importance qu’a le conflit colombien pour les USA.

3. L’administration Biden n’a pas apporté de véritable changement dans ses relations avec l’Amérique latine : la dynamique continue d’être celle qu’on a vue sous le mandat de Trump. C’est pourquoi les assistants militaires insistent pour que l’armée sorte dans les rues et en finisse militairement avec l’insurrection. Si la direction de l’État n’a pas choisi cette option, c’est uniquement parce qu’elle craint la réaction des soldats, qui sympathisent de plus en plus avec les manifestants. Mille soldats et policiers ont démissionné afin de ne pas être contraint de réprimer ; il est commun d’en voir s’unir aux manifestations. Il s’agit de la première dislocation au sein de l’armée colombienne, cela malgré le fait que le conflit qui a commencé en 1948 a fait près d’un million de victimes.

4. Depuis que les paysans colombiens ont pris les armes pour combattre l’oligarchie en 1948 et s’est ensuite organisé en différentes guérillas, le conflit colombien est pleinement entré dans la Guerre froide. Le Plan Fénix, créé par l’armée états-unienne pour combattre les guérillas vietnamiennes, n’a pas pu être appliqué à grande échelle car la scène militaire et politique ne l’ont pas permis. Ainsi, pour le Pentagone, traumatisé par le Vietnam, la Colombie devait offrir un terrain favorable au perfectionnement de la lutte ainti-insurrectionnelle afin de freiner la lutte révolutionnaire dans le monde.

5. En Colombie, « retirer l’eau au poisson » a signifié huit million de paysans déplacés, dont on a volé les terres à coup de massacres. Cela explique pourquoi 71 % de la population vit en zone urbaine, contre 55 % en moyenne dans le monde. Le 24 novembre 2016, l’Accord de La Havane a été signé entre les FARC-EP et le gouvernement. Il s’agit de la conséquence de nombreux facteurs, dont la formation d’une fraction défaitiste dans la direction. Selon les chiffres de l’Union européenne, 73 anciens combattants ont été assassinés en 2020, et 248 depuis la signature de l’Accord de paix en 2016 jusqu’au 21 avril 2021 (sans compter les morts liés à la répression actuelle). Le haut commissariat aux Nations Unies pour les Droits humains a reçu des informations à propos de l’assassinat de 120 défenseurs des droits de l’homme cette dernière année, dont 53 ont pu être vérifiés. Par ailleurs, l’institution a enregistré 69 incidents avec un grand nombre de victimes civiles en 2020, qui se sont soldés par la mort de 269 personnes dont 24 enfants et 19 femmes. Les Nations Unies ont affirmé qu’il était nécessaire de faire tous les efforts possibles pour implémenter les accords de paix. Pour autant, l’ONU, l’Union européenne et les pays garants de l’accord n’ont rien fait pour faire cesser le génocide des signataires de l’Accord de La Havane.

6. La rébellion du peuple colombien est le résultat de plusieurs facteurs. D’abord la violence de l’État et de l’oligarchie avec ses paramilitaires. Ensuite la misère et le manque de perspectives du modèle néolibéral. Et enfin la crise sanitaire et socio-économique générée par la pandémie de Covid-19. Comme aucune de ces trois contradictions ne pourra être dépassée à court terme, le seul chemin viable est la lutte : il s’agit d’un véritable défi pour la direction du mouvement.

7. La Commune de Paris a montré le chemin de la lutte révolutionnaire. Le peuple colombien l’a suivie mais il a payé sa lutte par un sacrifice inouï. À la différence de 1871, nous pouvons aujourd’hui suivre en direct les combats à Cali, capitale de la résistance, mais aussi de la salsa, de la culture et du football colombien.

À la différence de 1871, nous pouvons nous unir pour diffuser les informations à travers les réseaux sociaux ou en participant à notre campagne d’appui financier à la Première ligne de combat de la ville de Cali, sur le compte suivant : BE43 2100 6437 3801 (en ajoutant la communication suivante : Première ligne)

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