Une série de manifestations et d’émeutes ont lieu en Suède depuis plusieurs jours. En cause : les actions d’une organisation fasciste nommée Ligne Dure.
Le mouvement Ligne Dure (Stram Kurs) a lancé une série d’opérations de provocation. Ligne Dure est une mouvement danois de la mouvence ethno-nationaliste et identitaire. Fondé en 2017, il est parvenu à acquérir une certaine notoriété par ses actions d’éclat et leur diffusion sur internet. Leur méthode d’action est de s’appuyer sur la très libérale conception scandinave de la liberté d’expression pour essayer de provoquer des incidents. En 2018, cela s’est concrétisé par des caricatures, en 2019 par des jets de Coran à Copenhague – qui provoquèrent des émeutes. À partir de 2020, ils ont initié des tournées en Suède dans lesquelles les militants de l’organisation brûlent des Corans. Leur but avoué est de « brûler un Coran dans chaque ville ». Fort logiquement, ces provocations ont donné lieu à des tensions importantes dans chaque ville.
Leur but est d’instrumentaliser les réactions pour passer pour des victimes de la censure auprès de leurs adhérents et soutiens, tout en créant des réactions vives qui provoquent des affrontements avec les autorités. Cela permet également de cibler les musulmans de Suède et de les faire accuser d’être des dangers pour la population. À la date du 18 avril, 40 personnes ont été blessés, dont 26 policiers et 14 manifestants et manifestantes. Cependant les chiffres ne reflètent que partiellement la réalité : plusieurs blessés parmi les civils l’ont été par balles ou par éclats provoqués par les balles. 26 personnes ont été arrêtées. Il semble que ces manifestations aient permis à des agents provocateurs de s’infiltrer et de semer un chaos toujours plus grand, soit pour des motifs crapuleux, soit consciemment pour créer des débordements supplémentaires et accroître la répression. En dernière instance, ce sont les musulmans et le mouvement antifasciste suédois qui paient les conséquences de ces actes.
Rasmus Paludan s’est vu comme le leader d’une espèce d’officine internationale de la provocation raciste. Ainsi, il a été ciblé par la police française pour avoir planifié le projet d’incendier des Corans sous l’Arc de Triomphe le 11 novembre. Ces ambitions et cette capacité de « projection » de haine sont inquiétantes.
En France, si la situation ne peut pas être considérée comme aussi catastrophique, elle n’en est pas moins préoccupante. Pour le moment, les élections laissent entrevoir un second mandat de Macron assorti d’une ligne politique qui essaie de faire la synthèse entre les deux électorats les plus mobilisés de la présidence : le centre et l’extrême-droite.
Cependant, il existe toujours une part d’imprévisible. Des provocations peuvent éclater, à l’image de la Suède, et nous ne sommes pas à l’abri d’un scénario à la Trump, voire pire, d’un scénario à la « incendie du Reichstag ». Une grande partie de la population française, travaillée depuis de longues années, échaudée par deux ans de pandémie, pourrait être victime d’un « moment totalitaire » à la suite d’un événement grave. Elle pourrait accorder sa bénédiction à un pouvoir autoritaire. D’autant que les agents provocateurs ne manquent pas. Les extrêmes droites, qu’elles soient racistes ou religieuses, n’hésitent pas à recourir à la prophétise auto-réalisatrice lorsque les choses ne se passent pas comme elles le désirent. Elles pourraient chercher à polariser encore davantage la société.
La coordination entre les élections présidentielles et les élections législatives, voulue par Chirac pour renforcer le pouvoir présidentiel et lui laisser les mains libres, rendent ces années cruciales. Même si nous pensons que les élections ne font pas tout et que les décisions ne sont pas libres, elles indiquent des tendances dans la population et elles indiquent quelle sera la ligne que « l’interface démocratique de la dictature de la bourgeoisie » appliquera. Elles donnent également des signaux forts envers la société, envers ce qui est permis ou non. Les apprentis-sorciers du racisme et de la haine ont une responsabilité morale dans les attentats d’Oslo, d’Utøya ou de Christchurch. Ceux qui pourraient arriver au pouvoir à la présidentielle ou en force à la législative en auraient également une quant aux déferlements d’agressions qui en résulteraient.
Cela impose donc de garder la tête froide et de prendre aussi ses responsabilités. La dégradation de la situation politique ne peut pas être compensée par des pratiques d’un temps de « paix ». Beaucoup de forces positives et courageuses sont encore dispersées, soit par un manque de liens, soit parfois même pour des questions de conflits personnels érigés abusivement en controverse entre organisations. Pourtant, nos espaces d’expression politiques se réduisent progressivement. Ils sont le reflet de la dégradation économique et sociale dans notre pays.
L’exemple de la Suède montre que les fasciste sont capable d’ingéniosité pour faire parler d’eux et pour créer des effets levier qui décuplent leur influence. À ce jeu là, nous ne pouvons être gagnants car la division ne nous apporte rien. Un travail acharné nous attend, serons-nous capables de le mener à bien ?
Pour l’heure, il me semble qu’il appartient aux ML de faire preuve de responsabilité politique et de se dépouiller du dogmatisme que nous traînons depuis le milieu des années 60. Le Pen et Macron, ça n’est pas la même chose. Fils de réfugié politique espagnol dont la famille a souffert dans sa chair du fascisme, je ne peux pas mettre le signe égal en le RN et LREM . C’est facile de se réfugier dans l’abstention et de ne pas “se salir les mains” en mettant dans l’urne le seul bulletin qui reste. Moi, je vais me salir les mains. Je le ferai sans état d’âme. Combattre le système capitaliste incarné par Macron passe par la défaite de Le Pen. Je préfère le courage politique au confort d’un appel à l’abstention. L’histoire de la révolution chinoise montre que Mao a toujours su analyser la réalité concrète jusqu’à demander à l’armée populaire de se fondre dans celle du Kuomintang face à l’agression japonaise. Lorsque je suis allé en Chine en 1975 dans le cadre d’une délégation officielle ml, j’ai été frappé par ce sens des responsabilité politique qui allait pourtant à contre courant des militants pour qui, revêtir l’uniforme honni du Kuomintang, pouvait sembler une trahison. Le choix chez nous, demain, relève de la même démarche. Il n’y a aucune honte à appeler à barrer le RN avec le seul bulletin qui reste. On combattra Macron demain avec la même détermination. En attendant ne prenons pas le risque d’une arrivée au pouvoir du fascisme relooké par la voie électorale.