Un an de confinement (Partie 2) : les origines

Retour sur les origines.

Petite parenthèse ironique. Sur Netflix, la série En Bref présentait en septembre 2019 un documentaire intitulé La pandémie qui vient. Durant cet épisode, il était expliqué que nous courrions un risque immense de voir un jour arriver une pandémie. Le modèle-type était décrit : probablement une zoonose, c’est-à-dire un virus mutant transmis de l’animal à l’homme ; probablement dans une région dans laquelle on trouve des marchés « humides », c’est-à-dire où la viande est vendue sur pied et tuée à la demande ; probablement dans une région comme la Chine, où le SRAS était apparu de cette manière.

Elle indiquait également que les canaux de la mondialisation pourraient transmettre ces virus avec une célérité ahurissante, et rapidement atteindre le monde entier. Mais elle indiquait aussi, tristement, que les gouvernements traînent des pieds à mettre en place des systèmes préventifs et des stocks stratégiques en case de pandémie : cela est coûteux, et face à une menace incertaine, aléatoire, il est toujours facile de remettre à demain les mesures à prendre. A la suite du déclenchement de la pandémie, l’équipe a produit une nouvelle version, détaillant aussi la course au vaccin. Elle mérite d’être vue.

Il faut dire qu’ils ont vu juste. A moins d’une surprise colossale – ce dont rêvent les conspirationnistes – il est pratiquement certain que la pandémie est surtout terriblement banale. Un pathogène qui se transmet d’un animal réservoir à l’homme, et qui se répand par la suite. La peste, la syphilis, le VIH, la grippe porcine, aviaire, espagnole, le SRAS, le MERS… sont toutes des maladies qui ont suivi ce tracé là.

Dans le cas de la grippe espagnole, il est même possible de remonter jusqu’aux origines : le Kansas. Pendant la Première Guerre mondiale, un fermier porteur de la grippe humaine et un poulet porteur de la grippe aviaire sont dans le même espace : une grande basse-cour. Ils ne peuvent se contaminer mutuellement. En revanche, ils peuvent contaminer un porc. Dans les cellules de celui-ci, les deux virus transmettent leur ARN, ce qui leur permet de faire de celles-ci des usines à copie. Sauf que les deux le font en même temps, fusionnant leurs ARN pour en créer un nouveau. C’est quelque chose qui n’est pas exceptionnel. En revanche, dans la grande majorité des cas, les virus mutants sont moins efficaces, bancals, stériles. Dans quelques cas, cela créé une nouvelle souche. Dans le cas du Kansas, cette souche va se répandre comme une traînée de poudre, profitant de l’envoi d’un corps expéditionnaire américain en Europe. Il en résulte plusieurs millions de morts.

Dans celui du VIH, c’est le déboisement de la forêt congolaise, la consommation de « viande de brousse » et le contact avec des espèces tropicales qui ont provoqué la rupture des barrières entre espèces. L’épidémie est restée discrète jusqu’aux années 1970, date à laquelle le développement de la mondialisation et du transport mondial lui a permis de s’implanter aux USA.

Le virus qui provoque la Covid suit très certainement ce même schéma, très bien anticipé par En Bref. Il est tristement banal, et tristement classique. Mais il bénéficie lui aussi de l’incroyable accélérateur du transport mondial, de la densité de population, de la mauvaise application de mesures prophylactiques (lavage des mains, masques en cas de maladie…).

Comme dans toute période d’angoisse, la politique s’en mêle également, et avec elle un lot de fantasmes.

Un virus « chinois »?

Il est clair que la Chine n’a pas fait preuve d’une grande volonté de transparence quant à cette pandémie. Elle a agi avec la prudence d’une puissance montante, laquelle tient à cacher secrète toutes ses faiblesses, pour qu’elles ne soient pas exploitées par ses potentiels – ou réels – adversaires. Ce silence a joué un rôle dans le fait que la pandémie ait plus se disséminer davantage, mais il ne s’agit pas d’un acte volontaire. Il est indéniable qu’elle a mis en œuvre tous les moyens possibles pour juguler celle-ci. L’impressionnant confinement de la ville de Wuhan a été parfois utilisé en exemple d’un totalitarisme chinois.

Cependant, les accusations qui ont eu pour but de démontrer le fait qu’il s’agisse d’une expérimentation ou d’un produit préparé n’ont été étayée que par des preuves douteuses, fictives, ou mal interprétées. Elles sont allées de la simple confusion avec les autres types de coronavirus jusqu’à des inventions pures et simple. Surtout, elles ont procédé d’une manière non scientifique : soit par la pétition de principe soit par l’inversion de la causalité. Lorsque nous détaillerons les logiques conspirationnistes, nous aurons l’occasion de détailler cela plus précisément, mais dans l’intervalle, nous pensons qu’il est important d’expliciter ces deux principes.

Dans la pétition de principe, les « chercheurs de vérité » ont procédé ainsi : ils sont partis du principe qu’il y avait une influence humaine et une action humaine à l’origine de cette pandémie, et sont donc partis à la recherche de signes, plus que de preuves. Or, dans une ville de la taille de Wuhan et dans un pays continent comme la Chine, il est aisé d’en trouver.

Wuhan, avec ses 11 081 000 habitants et habitantes en 2018, n’est pas une bourgade. De la taille de Paris et de sa banlieue, la ville est une vraie métropole. Elle possède donc des installations universitaires et de recherche qui sont à la hauteur de sa taille. Parmi celles-ci, il existe effectivement un laboratoire P4, dédié aux maladies infectieuses. Mais il existe 1 356 laboratoires d’études sur les virus dans le monde. Si deux sont classés P4 en Chine, ce n’est pas du fait de la dangerosité des coronavirus, mais plus d’autres maladies nettement plus fatales. Pour le moment, il n’existe aucune preuve qu’il s’agisse d’un virus échappé d’un laboratoire, et encore moins d’un virus construit par l’homme.

Il est vrai qu’il existe des expérimentations pour créer des virus chimères. Il n’est pas exclu non plus qu’il existe des armes virales ou bactériologiques. Cependant les probabilités sont minces. Dans un cas comme dans l’autre, nous ne pouvons que constater certaines choses. Pour un virus supposé bricolé, il possède un comportement qui est tout à fait banal. Rien ne le rend exceptionnel. Ni dans ses mutations, ni dans ses effets – encore qu’ils ne soient pas complètement élucidés.

Pour un virus militaire, en particulier si celui-ci devrait servir à réduire la population terrestre, c’est un bien piètre outil. Il est incontrôlable – ce qui est le travers de toute armes biologique – et il n’est guère létal. D’une manière générale, c’est là un travers des armes biologiques : elles ne sont pas discriminantes.

Un virus américain ?

L’autre branche de la tenaille conspirationniste s’est nourrie d’un « à qui profite le crime ». Or, là encore, il s’agit d’une faille de raisonnement. Il inverse les principes de causalité, et il fait de la capacité de résilience, d’adaptation, une preuve d’intention. En soi, dans la plupart des situations, bonne ou mauvaise, des opportunités nouvelles ou des possibilités d’adaptation existent. Certains, certaines, sont plus efficace que d’autres à savoir saisir la balle au bond, et à utiliser des situations à leur avantage. Ainsi, la pandémie à fait naître, par exemple, des perspectives pour l’Asie, qui s’est libérée rapidement des entraves liées au Covid. Les milliardaires en ont tracé d’autres, en dépit de la récession, pour s’emparer de parts de marché détenues par leurs concurrents et par la petite bourgeoisie… Pourtant ils n’ont pas intérêt en soi à provoquer cette crise : elle aurait été un double saut périlleux dans le vide.

Tirer profit, cela ne signifie pas être à l’origine de cette pandémie.

Ainsi, tandis que beaucoup accusaient la Chine, d’autres ont accusé les USA, l’Europe, ou, même les Juifs. En partant d’un affrontement – réel – entre capitalistes, ils ont limité leur champ d’investigation aux relations géopolitiques ou à une grille de lecture purement militaire, oubliant ainsi totalement deux acteurs : la Nature et le hasard.

Arguments sans preuve, se répondant sur la base de supposition biaisées, nourries de preuves bancales… Les théories du « grand reset », de l’arme de guerre ou d’autres buts de ce type paraissent bien naïves. Sans preuves tangibles d’un caractère exceptionnel

En revanche, leurs effets ont été très concrets. Dans ceux qui « profitent du crime » il existe une cohorte de racistes et de xénophobes qui s’en sont servis pour alimenter la haine. Le racisme anti-asiatique connaît depuis, surtout aux USA, des sommets. Ainsi, il y a quelques jours, une tuerie à Atlanta a visé plusieurs salons de massage asiatiques, causant 11 morts. Le mobile raciste semble être au centre de cet acte.

La peur panique et les mensonges ont aussi un autre effet : cela pousse les personnes vulnérables à s’isoler ou à se recroqueviller sur des communautés sectaires qui s’unissent autour des mêmes croyances. Une explication des événements, donc rassurante. L’hostilité provoquée envers les mesures gouvernementales, prophylactiques ou de soin (masques, vaccins, confinements…) représente un aspect criminel de ces pratiques.

Nous pensons que nous pouvons qualifier ce virus de tristement banal et de tristement prévisible. Il a été le révélateur des faiblesses des uns et des autres, en en particulier a provoqué un coup dur au prestige du système de santé occidental.

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