Berlin : mobilisation anti-masque.

17 000 manifestants et manifestantes anti-masques se sont réunis à Berlin le 1er août. Cette manifestation « pour la liberté » s’est déroulée au mépris des injonctions sanitaires. Elle réclamait le droit « à respirer », mais également la fin des mesures contraignantes liées à la crise. Si les manifestants étaient de tout horizons, ceux-ci comprenaient une part importante de militants et de militantes des organisations d’extrême-droite Allemande, notamment Alternativ fur Deutschland et le NPD.

Cette manifestation est un danger en soi, tant pour les participants et les participantes que pour leurs proches, et, par rebond, pour l’ensemble de la population. Si les mots d’ordres sont antiscientifiques, conspirationnistes et réactionnaires, ils méritent néanmoins d’être étudiés pour ce qu’ils sont : un phénomène révélateur.

Parmi les réactions relatives à cette manifestation, beaucoup ont été de l’ordre de la moquerie ou du mépris. Il est vrai que le mouvement anti-masque, naissant en Europe, peut laisser perplexe. Mais au-delà de la moquerie, il nous faut également comprendre, sans pour autant adhérer à ces conceptions.

Pourquoi le conspirationnisme gagne du terrain ?

Le conspirationnisme gagne de l’ampleur durant la période récente. Il a le vent en poupe et, dans de nombreux États, trouve un terreau favorable pour s’implanter.

La parole officielle, que ce soit celle de la science ou celle du politique, soit constamment disqualifiée. Cela démontre qu’il existe une réelle crise de confiance et une méfiance profonde envers tout ce qui semble émaner des “élites”, quelque soit la nature de l’information. Elle est fondamentalement une réponse à l’emploi constant du mensonge par les politiciens. Ce mensonge ne trouve plus prise, et la réaction, diamétralement opposée, de ceux qui ne s’y laisse plus prendre est de tout analyser à contre-pied. Même si cela amène à sombrer dans d’autres mensonges.

La politique bourgeoise, basée sur la tromperie, sur la réclame publicitaire, sur la corruption, ne peut que générer et nourrir les raisonnements conspirationnistes. Le décalage entre la promesse de chances égales, entre l’idéal de justice, de paix, de démocratie et la réalité vécue par la population ne peut que déboucher sur cette désillusion. De plus, la démocratie représentative, opaque, obscure, faite de tractations dans l’ombre et d’arrangements entre cliques, ne peut que renforcer un sentiment d’être le jouet des événements, d’être dépossédé de toute influence, d’être une donné statistique dans un plan qui nous dépasse.

L’avantage du plus faible.

Ainsi, toute parole alternative bénéficie d’un avantage, dans le sens où elle est supposée être dénué d’intérêt caché, et donc mû uniquement par l’altruisme. L’opposition à la parole officielle devient donc un point de repère, et, dans son sillage, se traînent d’autres théories du complot : vaccins, chemtrails, complot juif… Lorsque le raisonnement conspirationniste s’installe, plus aucune barrière ne l’entrave. D’autant que les moyens de réponse de la part des autorités sont tout autant de points d’appuis : en censurant ceux qui ont déjà déclamé être censurés, ces politiques alimentent une prophétie auto-réalisatrice. L’école, et particulièrement l’enseignement de l’histoire, joue un rôle dans ce mode de raisonnement. La chronologie artificielle, l’enchaînement d’événements, la tendance à rechercher l’intentionnalité des politiques et à déposséder le peuple de toute rôle dirigeant, tend à avaliser les théories du complot.

L’expérience massive de la confrontation avec les forces de l’ordre, avec la dictature de classe, au cours du mouvement des Gilets Jaunes a agi comme un détonateur. Le mythe républicain s’est fracturé. Cette instabilité profite cependant davantage à l’extrême-droite, qui tire un grand bénéfice de l’isolement du confinement, de la fragmentation, du doute et des inquiétudes. Surtout, elle peut proposer des réponses simplistes à des problèmes complexes. Ne cherchant ni la vérité, ni la cohérence, elle s’appuie sur les instincts. Elle est capable de pouvoir réclamer des masques, clamer qu’on nous sacrifie, puis considérer que ceux-ci sont une émanation d’un complot lorsqu’ils arrivent. Le temps de les démonter, un nouveau thème est déjà apparu. Il en résulte un sentiment d’angoisse et d’isolement. Et celui-ci est propice pour instiller la division et la haine.

Ces sentiments sont présents dans une très grande partie de la population. La question ouverte est celle de l’attitude à avoir. Les fascistes ont choisi la leur : ils nourrissent ce sentiment de dépossession pour prendre la place des cliques au pouvoir. Ils ne dénoncent leurs méfaits, ne se placent en posture d’outsiders dénonçant les abuse que dans l’unique but d’être ceux qui exécuterons les désirs des bourgeois. Elle est d’autant plus cynique que, dans une grande partie des situations, elle ment sciemment. Elle est prête à soutenir le mouvement anti-masque, comme un point d’appui populiste, tout en sachant pertinemment quels risques elle fait courir à la population.

Personne n’est à l’abri.

Même dans les rangs de la gauche révolutionnaire, il existe l’influence de ces conceptions conspirationnistes. Simplifiant la lutte des classes en un affrontement binaire entre monolithes, certaines tendances finissent par oublier que la bourgeoisie est une classe en concurrence avec elle-même. Que le fait de faire front n’est pas sa tendance naturelle, spontanée, mais au contraire, le fait de se tendre des pièges. Elle ne recherche pas non plus à imposer une dictature absolue et totale, mais repose bel et bien sur des stratégies d’adhésion à son système, et sur des interfaces démocratiques, beaucoup plus souples qu’une dictature ouverte. Nous mêmes devons être d’une extraordinaire prudence quant à nos propres raisonnements, pour ne pas voir l’intentionnalité ou le plan préétabli derrière chaque action.

La bourgeoisie, dans ses diverses fractions, essaie de tirer bénéfice de la situation. Elle réagit à la fois en essayant de limiter la casse, mais également en tentant de sortir renforcée. Si les -13 % de PIB en France sont une bien mauvaise nouvelle pour elle, elle trouve toujours des voies pour s’en tirer. La concentration du capital sera plus grande encore après cette crise, car les petits capitalistes vont dévorer des plus faibles.

D’ailleurs, bien que supposément opposé aux « élites », certaines des revendications de ces mouvements « pour la liberté » ne tombent pas dans l’oreille de sourds. Le proverbial « en même temps » d’Emmanuel Macron s’applique à d’autres. Les mesures de « redémarrage de l’économie », qu’il faut entendre comme étant une baisse des droits sociaux et des salaires, seront les seules réponses fournies par les exploiteurs aux exploités et exploitées.

Lutter contre le conspirationnisme.

Dans le fond de l’affaire, l’influence conspirationniste est le reflet de la faiblesse du mouvement progressiste et révolutionnaire. Mais, aussi, de fragilités théoriques et idéologiques au sein de celui-ci. Ces fragilités trouvent leur source dans un éparpillement des travaux, des productions, qui empêchent, indépendamment des volontés des différents groupes, qu’émerge une masse critique, suffisamment grande, pour permettre d’élaborer et de diffuser les réponses aux questions que se posent une partie toujours plus grande de la population.

D’une manière générale, l’expérience des Gilets Jaunes, l’expérience de la pandémie, les défis qui se profilent montrent l’importance d’un travail conjoint. Ce travail nous tiens à cœur, au sein de l’UnCo. Nous appelons, à nouveau, les organisations communistes et non-communistes qui veulent travailler dans un esprit de front uni, à mettre en commun leurs ressources et leurs compétences, et à œuvrer à la création d’un programme minimal d’urgence, permettant de répondre aux enjeux actuels. Non seulement ce travail est nécessaire, mais il est salutaire !

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