Barbarossa 1/2 « Le monde entier retiendra son souffle. »

Le 22 juin 1941 commençait l’opération Barbarossa. L’une des plus grandes opérations militaires de l’histoire. Après avoir vaincu la Pologne, l’Europe de l’Ouest, après avoir vaincu les Balkans, la machine de guerre nazie se lance sur l’URSS. La guerre la plus meurtrière de l’histoire démarre.

Les Allemands alignent alors trois groupes d’armées, soit 153 divisions, dont 17 blindées et 13 motorisées. Ils réunissent quatre groupes de Panzern, soit 3 500 chars et étaient appuyés par 2 800 avions divisés eux aussi en quatre flottes distinctes. Au total 5,5 millions d’hommes prennent part à l’opération. Ils viennent d’Allemagne ; de Finlande ; de Hongrie ; de Roumanie et Italie. Tous se lancent à l’assaut de la forteresse bolchévique.

Contrairement à une idée répandue, ils possèdent une supériorité numérique écrasante. En face d’eux, l’Armée Rouge alignait 3 millions de soldats, répartis dans 132 divisions, dont 34 blindés. Si elle possède un nombre d’avions équivalent, et bien plus de chars, elle manque d’expérience et de commandants aguerris.

La veille de la guerre.

Étant donné les liens diplomatiques qu’entretenaient URSS et Allemagne nazie, certains, non sans cynisme, voient cette opération comme l’addition finale de choix douteux. Nous ne reviendrons pas en détail ici sur cette question, à laquelle nous avons dédié une longue brochure en 2019. Pour résumer rapidement :

  • Le caractère abominable du régime nazi n’était pas connu à l’époque. Il ne se démarquait pas spécifiquement des autres régimes réactionnaires, tant par l’inégalité raciale (que les USA pratiquaient), par la présence de camps de concentration (La France en avait), ou par sa politique antisémite (comme celle de la Pologne). Les spécificités du nazisme, notamment son caractère génocidaire, sont apparues après l’invasion de l’URSS.
  • L’URSS (et le Komintern) comprenait la guerre à venir comme inter-impérialiste. Il fallait donc en rester à l’écart.
  • La diplomatie des années 30 s’apparente à un jeu d’échec dans laquelle les puissances capitalistes veulent à la fois éliminer l’URSS mais également protéger leurs intérêts propres.
  • De ce fait, ils ont refusé toute politique de sécurité collective qui aurait pu donner un sens à la Société des Nations. Ils ont joué la carte de l’encouragement des agressions Allemandes, tout en essayant de se mettre l’URSS dans la poche.
  • Cette politique à double face a renforcé l’Allemagne nazie tout en irritant l’URSS. L’occident lui demandait de rentrer en guerre contre l’Allemagne sans garantie d’une assistance.
  • L’Allemagne nazie lui a demandé l’inverse : ne rien faire. En échange, elle permettait à l’URSS de se doter d’un glacis défensif. (Glacis dont la méthode d’acquisition est critiquable, mais qui a contribué à la sauver).
  • L’absence d’empressement à aider la Pologne au moment de l’invasion Allemande et la précipitation dans le fait d’échafauder des plans invraisemblables pour attaquer l’URSS après son intervention ont montré quelles étaient les priorités des démocraties occidentales.

L’URSS et l’Allemagne nazie vivent donc dans une bien étrange paix entre 1939 et 1941. Elle est une parenthèse anxieuse. Chacun a conscience du caractère temporaire de la situation, et du fait que la guerre éclatera tôt ou tard. Mais la question qui se pose, dans le fond, est « pourquoi ? ». Plusieurs raisons à cela :

  • La conquête d’un Lebensraum (souvent mal traduit en Français par « un espace vital » alors que la connotation est plus anxieuse pour les Allemands, chez qui cela signifie plus « espace nécessaire à la vie ») aux dépends de l’Est était le but géopolitique principal de l’Allemagne nazie depuis le départ. Le Generalplan Ost, définit les limites des objectifs à atteindre à la ligne Arkhangelsk / Astrakhan. Pour les nazis, cette limite définit celle dans laquelle leur race peut vivre sans être altérée. Il s’agit de la zone de répartition de leur arbre symbole : le hêtre.
  • Cette guerre possède des buts idéologiques : refoulement des Slaves, élimination des Juifs, élimination du bolchevisme… L’ensemble est là pour assurer à la fois un espace et une sécurité à la race aryenne.
  • Au delà de ces ambitions de long terme, les nazis analysaient le fait que l’Angleterre ne se rende pas comme étant une manifestation d’un soutien secret de la part de l’URSS. Paradoxalement, pour conjurer la menace d’une guerre sur deux fronts, il fallait la prévenir par l’attaque surprise. Pour les nazis, cette ruse était acceptable dans le sens où les populations de cette partie du monde étaient racialement en guerre contre leur propre race.
  • De plus l’URSS avait manifesté, lors des rencontres d’octobre 1940, un désintérêt total pour un partage du monde promis par les nazis. L’attitude de V. Molotov, qui exigeait des garanties de paix et le retrait des troupes Allemandes des régions proches de l’URSS (Finlande ; Etats Baltes ; Roumaine…), avait exaspéré Hitler. De plus, l’opinion publique et les publications de la Pravda prenaient une tournure largement pro-anglaise.
  • L’Allemagne nazie était largement dépendante, pour ses matières premières, de l’URSS. Cette dépendance allant croissant au fur et à mesure de la guerre, il lui fallait frapper pour éviter de devenir plus faible que son allié de circonstance, mais également pour pouvoir s’emparer de ces régions.
  • La guerre devenant plus longue, et les nazis étant très sensibles à l’attitude de la population Allemande, il fallait organiser un pillage en règle pour pouvoir maintenir ou élever le niveau de vie de la population et ainsi conserver une adhésion aux réalisations du régime.
  • Enfin, les nazis pensaient que l’URSS était beaucoup plus faible et moins cohérente que ce qu’elle n’était. Hitler pensait que « la construction pourrie » s’effondrerait. Mais elle a tenu bon !

Une guerre terrible.

Lorsque l’opération commence, elle est catastrophique pour l’URSS. Même si, contrairement à ce qu’on a pu proférer pendant une longue période, la direction soviétique ne s’est pas laissée surprendre. D’ailleurs, la fameuse semaine d’absence de Staline, supposé terrassé par l’annonce de l’invasion, est remise en cause par l’ouverture des archives du Politburo. Aussitôt l’invasion est annoncée que les rendez-vous se multiplient. La décision est prise : il n’y aura pas de paix de compromis. Dès avant l’invasion, l’armée mobilise – ce qui demande du temps – et la défense antiaérienne est mise en alerte. Cependant, il est clair que le gouvernement soviétique, et notamment Staline, ne voulaient pas donner le moindre prétexte pour que les Allemands attaquent.

Les Allemands avancent très vite, après avoir détruit l’aviation soviétique au sol. Ils évitent les poches de résistance et réalisent des encerclements immenses, qui privent l’Armée Rouge de plus d’un million de soldats. L’immensité du pays permet au coin blindé de Guderian de se faufiler partout. L’Armée Soviétique est en pleine réorganisation après les leçons de la guerre contre la Finlande. La méfiance envers le risque bonapartiste avait poussé à dissoudre les corps blindés autonomes. Ils sont dispersés et ne peuvent s’opposer aux charges de Panzern.

Carte des étapes de l'opération Barbarossa jusqu'au 5 ( Moscou ) et 9  décembre ( pour le secteur Sud et Rostov ) 1941. - Blog de  Carnets-de-Guerre-39-45
Les trois secteurs de l’attaque.

Mais lorsque les Allemands tombent sur des poches de résistance, la lutte est extrêmement âpre. La forteresse de Brest-Litovsk, encerclée le 22 juin, tombe le 29, tandis que les combats continuent sur les arrières. Les villes ne sont abandonnées qu’en ruine. La bataille de Kiev les retient de début Aout jusqu’au 26 septembre. Smolensk, verrou de Moscou, tient deux mois (10 juillet – 10 septembre). Odessa du 8 août au 16 octobre. Sébastopol tient du 24 septembre au 4 juillet…1942. Léningrad, deuxième ville du pays, n’est jamais prise. Ces opérations sont horriblement coûteuses en vies humaines et en matériel, mais elles permettent de gagner du temps. Les Allemands sont aussi épouvantés par la découverte des chars T-34 et KV-1, par la qualité de l’artillerie, des Orgues de Staline, et de l’équipement du soldat de base. De plus, la combativité individuelle est importante. A plusieurs reprises, les aviateurs soviétiques percutent volontairement les avions Allemands pour les détruire. Cette pratique du Taran, le bélier, connaît ses spécialistes. Certains ont jusqu’à trois Taran à leur actif. Surtout, les soviétiques avaient mis en place un minutieux plan d’évacuation des usines, lesquelles sont réinstallées dans l’Oural. Si les régions agricoles sont ravagées, l’URSS n’est pas vaincue.

Les problèmes des Allemands.

Plus les Allemands avancent, plus les problèmes surgissent.

  1. Le plan Allemand choisi par Hitler et par Hadler fonctionne en éventail. Les forces se dispersent progressivement. Hitler ne voulait pas non plus suivre la route la plus directe, utilisée par Napoléon, pour prendre Moscou. Au lieu de frapper ce centre logistique, économique et politique, il impose une série d’étapes.
  2. Les pertes sont plus lourdes que prévu et l’insécurité est totale sur les arrières du front. Les soldats s’épuisent sur les distances, alors que la motorisation de l’armée est très incomplète.
  3. Les réseaux routiers sont médiocres et permettent aux soviétiques, lors des périodes de Raspoutista, les pluies d’automne et de printemps, de reprendre leur souffle.
  4. Le temps se dégrade rapidement, tandis que les forces manquent pour clore certaines batailles comme la prise de Leningrad et de Sébastopol.
  5. L’Armée Allemande ne possède pas d’aviation à long rayon d’action qui lui permette de frapper les zones industrielles et hydro-électriques soviétiques.

Finalement, en dépit de succès constants, les Allemands arrivent aux portes de Moscou dispersés et épuisés. L’opération Typhon, qui doit permettre de prendre la Capitale, échoue en vue de son objectif. Avec l’Hiver, les soviétiques reprennent l’offensive et dégagent la capitale, qui ne sera plus menacée. La guerre-éclair vient d’arriver à ses limites. La victoire totale lui échappe désormais, tandis que l’URSS a survécu. Mais à quel prix ?

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