Nous méritons mieux que Thiers !

Nous avons pris l’initiative de renommer symboliquement l’avenue Adolphe Thiers (Lyon 6e) pour la rebaptiser « Avenue de la Commune de Paris ». Pour nous, ce nom, comme d’autres à Lyon, est une injure à la mémoire des exploités et exploitées, des opprimés et opprimées. La rue Bugeaud, la rue Faidherbe, le quartier du Tonkin… sont tout autant de toponymes d’un passé qui ne passe pas.

Un passé qui ne peut s’effacer car ses conséquences sont toujours là. Conséquences du colonialisme, qui maintient toute une partie de l’humanité dans la domination et le sous développement. Conséquences racistes, xénophobes, impérialistes. Conséquences sociales, aussi, car l’exploitation ne s’est pas éteinte. Aujourd’hui, elle s’accroît.

La Commune de Paris représente toujours, 150 ans après sa proclamation, un des points d’orgue de la lutte sociale et politique. Elle est la première démocratie populaire. Elle est le premier gouvernement des classes populaires, des travailleurs et des travailleuses. Une démocratie sans leurs exploiteurs et contre leur ordre.

La Commune de Paris a été l’aube d’une ère nouvelle. Elle fait partie du passé, mais elle incarne l’avenir. Un avenir collectif, émancipateur, libérateur. Un avenir qui nous propose ce que le capitalisme ne peut faire : un futur.

Thiers, son fossoyeur, incarne un présent dont on ne parvient pas à s’extraire : celui de la répression, celui de l’écrasement, de la domination et de l’exploitation.

L’espace public possède un très fort caractère prescriptif. Il détermine la mémoire jugée légitime. Il détermine ce qui représente la mémoire et l’histoire officielle. Les bourreaux y sont encensés comme ayant contribué à la grandeur du pays, tandis que leurs victimes sont rejetés dans l’anonymat ou dans l’oubli. Nous méritons mieux qu’une avenue Thiers. Nous méritons une avenue qui célèbre la force créatrice des masses.

Oui, il existe des rues qui portent le nom de héros populaires. Mais ces petits espaces laissés aux progressistes, aux révolutionnaires, aux combattants et combattantes du progrès et de l’égalité sont vidés de leur contenu. Ils sont également accaparés par leurs ennemis. Beaucoup de ceux qui se réjouissent des victoires du progrès, contre le fascisme, contre l’esclavagisme, pour des droits sociaux, contre les guerres… sont les héritiers directs de ceux qui étaient les acteurs de ces crimes. Ils se sont battus pour que ces avancées n’aient pas lieu. Ils se battent pour que de nouvelles ne puissent naître. Ni les abolitions, ni les droits sociaux, ni quelque progrès que ce soit n’ont été données. Elles ont été arrachées, par la lutte, par le sang, par la souffrance. Les prochaines victoires demanderont, elles aussi, leur Livre de chair.

Les toponymes représentent cette réalité, ces oppositions dans la société. Nous affirmons qu’il existe et qu’il existera des mémoires contradictoires et antagoniques tant qu’il y aura des oppositions d’intérêt dans la société. La mémoire de la bourgeoisie, des capitalistes, des réactionnaires est celle de l’oppression, de l’exploitation, de l’âge d’or du commerce triangulaire, des colonies, du servage, de l’exploitation la plus poussée et la plus criminelle.

La nôtre, celle des classes populaires, est celle des luttes sociales, de la résistance à l’oppression, à la répression. De la lutte antiraciste, antifasciste, anticoloniale. Celle de la construction d’un monde nouveau. Un monde que nous appelons toujours de nos vœux. Celle de la liberté, la vraie, celle dont la base ne peut être que l’égalité réelle. Notre mémoire est celle d’un avenir en gestation, qui n’attend plus que de naître et de recouvrir l’ancien monde.

Que faire de Thiers ? Il ne s’agit pas d’effacer l’histoire. Oublier ces personnages, être sans histoire, c’est perdre tout repère. Mais il s’agit aussi de lui rendre sa complexité. Une rue Thiers pourrait exister. Il ne faut pas en faire un « non-être ». Mais elle se doit de rendre sa cohérence au personnage. Il n’existe pas un Thiers des « libertés nécessaires » et un Thiers fossoyeur de la Commune. Thiers a défendu la liberté, celle de la bourgeoisie, dont il représentait les intérêts. Ce sont ces mêmes intérêts qu’il défendait en massacrant les communards. C’est ce que tout toponyme doit rappeler. Un jour, cette histoire apaisée pourra trouver sa place.

Mais dans l’intervalle nous réclamons le fait que nos rues portent les noms de nos héros et de nos héroïnes. Ceux et celles qui ont combattu pour la liberté, pour l’émancipation de l’humanité, pour l’égalité. Ceux et celles qui ont fait avancer le progrès. Ceux et celles qui sont porteur d’un avenir, avenir qui est le grand enjeu de cette période de crise.

Vive la Commune de Paris ! Vive les révolutionnaires, les révoltés et révoltées, vive les luttes et les combats pour un monde juste !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *