Accord nucléaire sur l’Iran : l’embargo imposé et la guerre qui couve.

Accord nucléaire sur l’Iran : l’embargo imposé et la guerre qui couve.

            Les USA ont annoncé le 8 mai leur intention de se retirer de l’accord sur le nucléaire iranien, mis en place par le président Obama en 2015. Cet « épouvantable accord », ce « pire accord jamais signé » est désormais caduc, comme Donald Trump l’avait évoqué lors de sa campagne. L’argument avancé est celui d’une violation des principes de celui-ci par l’Iran. Or, rien ne démontre, à l’heure actuelle, que ces violations puissent avoir la moindre base de réalité.

            En échange de la levée d’une partie des sanctions internationales qui étaient en place contre le régime réactionnaire de Téhéran, celui-ci s’engageait à limiter son programme nucléaire, à faciliter les inspections et les contrôles et à modifier une partie de ses infrastructures pour qu’elles ne puissent servir à produire de l’équipement nucléaire militaire. Dans les faits, les inspections et les accords n’empêchent nullement la mise en place d’un programme militaire, mais l’accord compte sur le fait que la bourgeoisie iranienne à nettement plus intérêt à pouvoir commercer internationalement que de rester brimée par les sanctions et les embargos.

            Cela a permis au pétrole iranien d’inonder les marchés et à l’Iran de pouvoir récupérer 150 milliards d’avoirs qui étaient gelés par les sanctions. Pour la bourgeoisie iranienne et pour son développement économique, l’accord fait figure de succès important.

            L’ennui est que la situation géopolitique ne se nourrit pas que de paix. Plusieurs acteurs voient d’un œil particulièrement maussade l’idée d’une ouverture de l’Iran. Les USA voient dans cet Etat, tout comme dans l’Afghanistan, des zones qui doivent servir à maintenir la Russie loin des mers libres et des mers chaudes. Or, le rapprochement important entre Russie et Iran est une chose détestable aux yeux des stratèges US. Maintenir l’Iran sous embargo, sous fermeture, c’est s’assurer une sécurité sur la zone de front sud.

            L’Arabie Saoudite est une rivale de l’Iran. Tant du fait de la question du pétrole et de son exportation que d’une rivalité religieuse entre l’une -sunnite- et l’autre -chiite. L’Arabie Saoudite se méfie de la puissance croissante de cet Etat, en particulier d’un point de vue militaire. En 2010, Wikileaks révélait ainsi que l’Arabie Saoudite enjoignait les USA à frapper l’Iran, en demandant que ceux-ci « coup[ent] la tête du serpent

            La Turquie et l’Iran ont fait preuve d’une rivalité forte sur la question du régime Syrien. La Turquie essayant de s’accaparer le Kurdistan ainsi que plusieurs portions de la « Syrie utile » tandis que l’Iran joue le rôle de soutien au régime de Bachar Al-Assad, par ailleurs chiite, tout comme les Iraniens. Alors que la Turquie arme et soutien l’ASL, l’Iran fait de même pour le régime.  L’une et l’autre sont des puissances régionales et devenir, qui veulent s’affirmer sur le Moyen-Orient.

            Israël, sur le dossier Iranien, fait front avec l’Arabie Saoudite et la Turquie. Le soutien de l’Iran à la résistance du Hezbollah, au Liban tout comme la rivalité géopolitique d’une manière générale a poussé Israël à combattre en faisant feu de tout bois contre l’Iran. A l’époque du mandat d’Obama, l’Etat hébreux devait même être tempéré par son allié américain, du fait de sa lourde tendance à vouloir porter la guerre. L’accord sur le nucléaire Iranien fut vécu par beaucoup de soutiens à Israël comme une trahison et un reniement, entraînant un refroidissement brutal des relations israélo-américaines.

            Dès l’annonce du retrait de l’accord, Israël à procédé à des frappes, le 11 mai, sur des cibles iraniennes en Syrie. Ces frappes avaient pour justification officielle le fait que l’Iran voudrait utiliser le plateau du Golan, espace stratégique éminent, comme tête de pont contre l’Etat hébreux. Ces arguments illustrent au mieux la paranoïa, au pire le cynisme d’Israël. Israël qui, lors du 70ème anniversaire de la Nabka [la catastrophe] a tué plus d’une cinquantaine de Palestiniens et blessé plus de 2000. La tension est plus que palpable dans la région, et menace de dégénérer en une guerre ouverte, laquelle ne peut que se surinfecter par les interventions étrangères, tant la région est importante géopolitiquement et géo-économiquement.

            Paris, Berlin et Londres ont dénoncé ce retrait et cette tendance à la guerre, bien qu’eux-même la portent en agissant dans le conflit Syrien et Lybien. Non pas par grandeur d’âme, bien sûr, mais parce que l’Iran pourrait devenir un partenaire commercial important et lucratif pour les puissances impérialistes. Or, qu’est ce qui empêche simplement d’ignorer la décision américaine de se retirer de l’accord sur le nucléaire iranien ? Une chose simple, mais méconnue : l’extra-territorialité du droit américain.

            En 1977, le Foreign Corrupt Practice Act est mis en place. En 1998, cette loi visant à lutter -officiellement- contre la corruption s’étend aux entreprises étrangères. Cette loi se double de lois criminalisant le commerce avec les Etats sous embargo -en l’occurrence Iran, Cuba, Libye, Soudan…), puis, après 2001, de lois antiterroristes accroissant l’autorité des agences de renseignement américaines.

            En 2010, la loi Dodd-Franck permet à la Securities and Exchange Commission de réprimer toute infraction à la législation US, même si les acteurs sont tous étrangers. La même année, le FOreign Account Tax Complicance Act donne la possibilité au Fisc US d’agir de manière extra-territoriale.

            En 2016, enfin le Justice Against Sponsors of Terrorism Act permet aux citoyens US de porter plainte contre les Etats dont sont issus les individus ayant commis des attentats.

            Cet ensemble d’éléments fait que tout ce qui peut relier les USA à un acte qui leur déplaît est passible de poursuites judiciaires. Comme le cite Le Monde Diplomatique « Il suffit, écrit Me Paul-Albert Iweins, bâtonnier et ancien président du Conseil national des barreaux, qu’une opération contestée ait été libellée en dollars ou qu’un échange de courriels ait transité par un serveur américain pour que la juridiction américaine se reconnaisse compétente. » (Jean-Michel Quatrepoint, janvier 2017)

En somme, dès qu’une entreprise à un orteil en territoire américain, dès qu’elle utilise une monnaie américaine, dès qu’elle est en lien plus ou moins direct avec des intérêts US, elle est soumise, de facto comme de jure au droit américain. Or, dans les faits, le dollar est la monnaie d’échange la plus utilisée et chaque grande entreprise est liée par des accords sous une forme ou une autre, avec des intérêts US. Donc il n’est pas possible de rester à l’écart des décisions intérieures des USA.

            En somme, si, pour le cas de Cuba, de l’Irak avant 2003 ou de l’Iran, une entreprise d’un Etat X veut braver l’embargo, elle subira forcément des rétorsions de la part du département de la Justice Américaine. A titre d’exemple, voici les sanctions prises contre quelques entreprises entre 2008 et 2017 (source : http://www.assemblee-nationale.fr/14/rap-info/i4082.asp)

            Ces sanctions découragent les Etats de mener des politiques contraires aux USA. Ce système de sanction, de plus, lance des amendes qui envoient des sommes colossales dans les caisses de l’Etat. Elles se dédoublent d’un système de corruption généralisé, car les intermédiaires et les sources sont rémunérées. Une ONG dénonçant une entreprise touche une part de l’amende. De plus, les peines sont également relatives à l’intérêt que porte aux entreprises l’Etat américain et ses entreprises. Déjà cité plus haut, l’article du Monde Diplomatique précise : « Dans une affaire de corruption en Indonésie, Alstom était associé à un groupe japonais, Marubeni. Celui-ci a composé dès 2012 avec le DOJ et n’a été condamné qu’à 88 millions de dollars d’amende. La facture pour Alstom, négociée en 2014, sera neuf fois plus élevée. Marubeni n’intéressait pas les poids lourds américains du secteur, alors qu’Alstom était déjà une cible pour General Electric. »

            Le doit américain, basé sur la common law, laisse, de plus, la possibilité d’interprétation et de jurisprudence la plus large. Comme l’Etat US n’est pas neutre dans l’affaire, c’est une machine infernale qui se met en branle.

L’impérialisme américain montre, dans cette affaire, ses muscles. Il rappelle sa puissance à la face du monde et impose encore des volontés géopolitiques – pour le moment. Cette manœuvre n’est pas tant une démonstration de force qu’un aveu de la nécessité pour les USA, de durcir le ton. L’attitude de la Chine, dernièrement, en remettant en place des barrières douanières sur les produits US, illustre une certaine guerre économique larvée. L’impérialisme US jette un pavé dans la mare avec l’affaire iranienne, en coupant l’herbe sous le pied de la Russie et même de l’Europe, mais également en fragilisant encore la situation au Moyen-Orient.

Cependant, nous nous méfions de ceux et celles qui font feu de tous bois contre lui, quitte à ignorer les autres. Quitte, surtout, à passer sous silence l’impérialisme français, qui, lui aussi, mène une politique criminelle, rapace et belliqueuse. Nous n’oublions pas que cibler notre propre impérialisme est une priorité, car il est à la fois notre premier bourreau, mais également il est celui sur lequel nous pouvons avoir une influence, pour soutenir ceux qu’il opprime. Nous ne tombons pas dans le piège de certaines organisations sociales-chauvines.

Lénine définissait ainsi cette tendance : Le social chauvinisme, c’est la “ défense de la patrie ” dans la guerre actuelle. De cette position découlent, par voie de conséquence, la renonciation à la lutte de classe pendant la guerre, le vote des crédits militaires, etc. Les social-chauvins pratiquent en fait une politique anti prolétarienne, bourgeoise, car ils préconisent en réalité, non pas la “ défense de la patrie ” au sens de la lutte contre l’oppression étrangère, mais le “ droit ” de telles ou telles “ grandes ” puissances à piller les colonies et à opprimer d’autres peuples. Les social-chauvins reprennent à leur compte la mystification du peuple par la bourgeoisie, selon laquelle la guerre serait menée pour la défense de la liberté et de l’existence des nations, et se rangent ainsi aux côtés de la bourgeoisie contre le prolétariat. Sont des social-chauvins aussi bien ceux qui justifient et exaltent les gouvernements et la bourgeoisie d’un des groupes des puissances belligérantes que ceux qui, à l’instar de Kautsky, reconnaissent aux socialistes de toutes les puissances belligérantes un droit identique à la “ défense de la patrie ”. (Les principes du socialisme et la guerre de 1914-1915 , 1915)

Luttons contre les provocations militaires et la course à la guerre. Luttons contre l’impérialisme américain et ses alliés. Luttons contre l’aventurisme militaire de notre propre impérialisme ! Soyons solidaires contre le spectre de la guerre !

 

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