Le Brésil à la croisée des chemins. Partie 1

Le Brésil à la croisée des chemins.

Partie 1

 

Jair Bolsonaro a été élu. Le candidat d’extrême-droite, avec 56% des voix, accède aux fonctions suprêmes de la 9ème puissance mondiale et du 5ème Etat le plus peuplé du monde. Bolsonaro « Mito » -le Mythe- a désormais les coudées franches pour imposer son programme de terreur sur les masses populaires du Brésil.

Cette élection était une formalité pour les fascistes. Le recours à la force avait été déjà envisagé -et annoncé publiquement- comme option en cas d’échec.

Si, déjà en amont de l’élection, les partisans de Bolsonaro avaient commis des exactions, enivrés par l’hypothèse de la victoire, par les discours fiévreux et enflammés, dès l’annonce des résultats, une chape de plomb est tombée sur le Brésil.

Les manifestations de colère et de dépit de la part des opposants au nouveau président ont été réprimés avec la plus grande virulence, tant par une police déchaînée que par des partisans du militaire, se muant en pogromistes de la pire espèce.

Les seuls manifestants qui purent, au mépris de la loi, marcher dans les rues, furent les militaires eux-mêmes. A Niteroi, près de Rio, les militaires goguenards ont ainsi traversé la foule, juchés sur leurs camions, fusil d’assaut à la main.

Aujourd’hui, les universités du Brésil sont sous tension. Leur nouveau ministre est un vieillard, militaire de carrière, ancien pilier de la dictature, à l’heure où ces lignes sont écrites, des professeurs sont interrogés par la police. Les favelas tremblent devant la certitude de voir des escadrons de la mort envahir les rues et semer les cadavres. Les femmes, les minorités sexuelles, les natifs, s’attendent à voir une pluie de lois réactionnaires et racistes tomber du ciel. Les progressistes, les révolutionnaires, les communistes se sont vus proposer un choix simple : la valise ou le cercueil. L’exil ou la tombe. Certains, certaines, qui, pourtant, sont en première ligne, ne se doutent de rien. Parmi la foule qui a applaudi l’élection se trouve une majorité de futures victimes.

Le programme anti-populaire de Bolsonaro a pourtant séduit nombre de votants et de votantes. Logiquement, les milliardaires du football brésiliens, à qui il promet des taxes réduites, les marchés nationaux et internationaux, qui se ruent sur l’aubaine de pouvoir exploiter la main d’oeuvre du Brésil, dont le coût s’effondrera, et qui pourront faire la loi dans les entreprises.

Et pour cause !

Le plan économique de Bolsonaro repose sur trois piliers, qui ne sont jamais explicités dans le plan gouvernemental du candidat, mais indiquent la voie à suivre pour que « l’économie brésilienne soit gérée par le Brésil ».

Les trois piliers sont la privatisation sans limites, la réduction des droits du travailleur (le portefeuille jaune), et l’indépendance de la Banque centrale du Brésil. Toutes ces politiques aggraveront la crise économique brésilienne, qui conduira au chaos dans les grandes villes et aura un impact négatif sur la vie des populations les plus vulnérables.

En ce qui concerne les privatisations, elles reposent sur un néolibéralisme archaïque, il est envisagé de vendre toutes les participations de l’État brésilien dans des entreprises appartenant à l’État, notamment le système Eletrobras, Petrobras, etc. L’opinion qui prévaut est que la vente de participations dans des entreprises d’État suffira à atténuer considérablement le déficit budgétaire de l’État. Dans les faits, non seulement cette liquidation du patrimoine financier et des rentrées d’argents est une perte à moyen-terme, mais bien souvent, la gestion désastreuse qu’ont les capitalistes monopolistes de leurs entreprises oblige l’Etat à les porter à bout de bras.

La liquidation est vendue comme une aubaine en termes de réductions de taxes et de transformation du salaire indirect en salaire direct, mais elle est -en vérité- une réduction salariale déguisée.

En revanche, pour le capitalisme international cela est vu comme une occasion en or de conquérir de nouveaux marchés et de réaliser des investissements fructueux. Le Canada s’est ainsi réjouit de cette élection, tant elle ouvre des possibilités de développement dans le secteur des mines et du pétrole.

Parmi les soutiens réactionnaires à Bolsonaro, nous retrouvons également les nostalgiques de la dictature militaire, les chauvins, les racistes, les « phobes » de tout poil et les misogynes…

Mais d’autre part une grande partie des masses populaires s’est rallié à son panache. Il y a là matière à tirer des leçons importantes.

Bolsorano, ou l’éternelle leçon d’histoire

Chaque élection amenant un candidat ultra-réactionnaire au pouvoir entraîne systématiquement un torrent de réflexions oiseuses sur la « bêtise » des électeurs et des électrices. Avec condescendance, ceux qui ont glissé un bulletin fasciste dans l’urne sont vus comme des idiots, des imbéciles. Parfois ce sont des réflexions racistes qui sont ainsi avancées : Américains congénitalement dégénérés, Brésiliens incapables de comprendre la démocratie, Russes trop ignares ou manipulés….

Chaque fois que nous nous sommes exprimés sur le sujet, nous avons essayé de tordre le coup à ces idées fausses et réactionnaires, elles aussi. Dans le cas du Brésil, il existe plusieurs facteurs qui expliquent cette trajectoire funeste.

Bolsonaro n’est pas tombé du ciel. Ce n’est pas un coup de tonnerre dans un ciel d’azur. Son élection est le fruit d’un processus de décantation étalé sur des années. Un processus qui se résume par la faillite de la sociale-démcoratie à faire face à la misère, à l’exploitation, à l’opression.

D’autres paramètres existent : L’hystérie anticommuniste comme fond politique, hystérie nourrie par la quasi-intégralité des forces politiques, issue d’une longue tradition de lutte contre les révolutionnaires, laquelle a servi pour attaquer le PT. Dès 2016 et le coup d’Etat de Temer, un sourd Maccarthysme s’est installé, avec sa propagande, ses menaces, ses agressions.

La situation au Venezuela a également été utilisée comme repoussoir et comme illustration de ce que le « communisme » pourrait donner. Nous reviendrons dessus pour que le tri soit fait entre le vrai et le faux.

Les congrégations religieuses, notamment les évangélistes, très puissants, ont manoeuvré en faveur de Bolsonaro et de sa clique, dans le but d’obtenir des facilités fiscales, par conservatisme, par anticommunisme.

Les milieux d’affaire ont offert une campagne dorée, étincellante, tandis que les réseaux sociaux, tout comme pour l’élection de Trump, ont été un point d’appui essentiel. En déversant des fakes news à tout va, en permettant de contacter chaque inscrit, ces biais ont été une arme redoutable.

La mémoire de la dictature militaire de 1964-1985 est très faible chez les jeunes. L’historiographie dominante est, in fine, celle des militaires, qui parlent de « révolution démocratique » ou de « révolution rédemptrice » contre les maux que sont le communisme, l’athéisme, l’internationalisme. Cette « contre-révolution préventive » est murée dans le silence par la loi d’amnistie de 1979, laquelle a protégé une poignée d’opposants et l’intégralité des bourreaux.

Tout comme le coup d’Etat de de Gaulle en 1958 pour la France, que celui de Krouchtchev en 1957, la dictature militaire a été effacée des mémoires populaires.

Le point central demeure néanmoins la désespérance des masses populaires face à l’échec du réformisme, de la sociale-démocratie.

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