L’ère du post-réel et la guérilla informationnelle. Partie 2: Les acteurs de la désinformation

Qui sont les acteurs de ces campagnes?

Nous pouvons identifier 4 acteurs principaux pour ces campagnes: 

1. Les transmetteurs

Les transmetteurs n’ont qu’un rôle relativement passif, mais pourtant essentiel: ils diffusent les fausses nouvelles, les rumeurs, les canulars partout, y adhèrent et contaminent d’autres individus, rendant efficace la manœuvre. S’ils n’adhérent parfois pas à 100%, parfois même pas du tout aux valeurs et à l’idéologie des créateurs de ces fausses nouvelles, ils en sont les agents involontaires. 

2. Les individus

Le volontarisme est une base essentielle de la campagne de canulars sur Internet comme ailleurs. Beaucoup de ces individus, ceux qui, sur les imageboards américains, ont donné un élan considérable à la campagne de Trump, ont un profil relativement similaire.

Beaucoup de ces sites sont anonymes. Pour autant, grâce aux sondages que font eux-mêmes les contibuteurs, il est possible de dresser un portrait sommaire. Ils sont d’une manière générale assez jeunes, entre 15 et 35 ans,  caucasiens "blancs" de classe moyenne, des suburbs. s’ils [le ratio hommes/femmes est très disproportionné] ont un niveau d’étude au dessus du lycée, ils sont composé en grande partie de drop-out, de gens ayant abandonné l’université avant d’être diplômés.

Beaucoup sont des parasaito shinguru, de leur propre aveu. Des célibataires parasites qui vivent toujours chez leurs parents malgré un âge avancé, avec une tendance à la désocialisation, une prévalence importante des troubles psychologiques. Idéologiquement, le nihilisme teinté de darwinisme sociale, ainsi que l’influence des idées suprématistes blanche sont très importantes.
En somme, ce groupe d’individu représente une part de la petite-bourgeoise étatsunienne en déclassement complet, en décomposition rapide. La frayeur de devenir des white trash, dans ce monde en crise, les pousse souvent à pointer du doigt les immigrés, les noirs, les musulmans etc.

Pour autant, s’ils sont influencés, c’est aussi grâce à l’effet de distanciation lié à l’écran. Seuls, atomisés, ils se laissent facilement prendre au jeu, d’autant que les initiateurs leur ressemblent, ou du moins, au minimum, le prétendent. Beaucoup créent, publient, participent à des raids sans conscience politique théorisée, souvent pour s’amuser. Lors de l’élection de Trump, beaucoup l’ont interprété comme une revanche sur la vie, comme la possibilité de participer à quelque chose de grand. Ce sont pourtant ces individus qui forment une masse importante de l’armée de publication de rumeurs et de campagnes racistes.

3. Les militants et organisations

Le Parti Républicain en tant que tel s’est relativement peu mouillé dans l’affaire. Il est resté sur une ligne traditionnel d’affrontement partisan, de « guerre classique », sans suivre la tactique qui s’est développée autour de Trump. Fox News, ainsi, pourtant alliée traditionnel des réactionnaires et des néoconservateurs, s’est attirée les foudres des pro-Trump, en restant trop timorée.

Les Tea-parties eux-même, pourtant très virulents à l’égard de Barack Obama et de Clinton, ont été, eux aussi, débordés par des éléments plus radicaux et plus agressifs. Ce sont justement ces derniers qui ont fait pencher la balance: les alt-rights.

(source de l'image: Ben Garrison)

Le caricaturiste d’extrême-droite Ben Garisson, connu pour ses dessins racistes, souligne ce débordement : Trump résistant aux néoconservateurs, aux Social Justice Warriors et aux Mainstream Medias. Au final, un front uni s’est formé derrière Trump, composé de nombreux activistes réactionnaires radicaux, organisés en associations ou non, mais également d’officines comme le Ku Klux Klan tout comme des organisations plus petites comme le Parti Nazi Américain, lequel titrait, sous la plume de son président:  "I wrote from the beginning of Trump’s campaign, you can look it up in the Archives of these ANPReports, that Trump would WIN — White America was ANGRY and READY to support a politician who dared speak as Trump did, whether he sincerely MEANT what he said or not. The system’s controlled MEDIA went overboard in ridiculing me in their to-be-expected hit pieces. THEY knew BETTER…lol. In all honesty, there OUGHT to be a LOT of job vacancies within the World of Zog – and that goes for ALL “sides” of the supposed “political spectrum” — Democrud AND Republirat."  Sans rentrer dans les détails du style particulier d’écriture, deux aspects reviennent de manière importante: L’Amérique Blanche se soulève face aux médias accusés de sionisme militant. Rengaine classique, mais qui explique le fait que beaucoup d’organisations se sont basées sur leurs propres réseaux plutôt que sur une communication à travers les médias traditionnels.

Les microchaînes comme Infowars, dirigée par Alex Jones, ont eu un impact très important dans ce cadre là. Véritable mercenaire de l’information — son site abritant d’ailleurs une bien étrange boutique de produits de santé — cet acteur a pris un poids de plus en plus prépondérant. D’abord moqué pour son style caricatural et ses hurlement, il s’est doté d’un auditoire de plus en plus large et varié, augmentant son influence, également par le truchement des réseaux sociaux. Pourtant, le traitement de l’information y est indéniablement faussé, et ce de manière caricaturale. Sur la situation au sein de L’État Français, nous pouvons ainsi trouver un article du 6 Août 2016 mentionnant une attaque de bus, incendié aux cris de « Allahou Akbar », tandis que la source de l’article indique un simple acte de vandalisme, commenté en ces termes: « Cet acte de vandalisme, prémédité et gratuit et dont les conséquences auraient pu être dramatiques fait suite à une tentative d’homicide sur un ouvrier par un jet de cocktail Molotov vendredi 22 juillet, et au saccage de des parties communes d’immeuble du bailleur Plaine Commune habitat » rappelle le maire (PC) Didier Paillard. Nous sommes loin de la guerre des races. La encore, la désinformation, l'interprétation règne.

4. Les États

Un appui colossal à été donné aux forces réactionnaires américaines — mais aussi dans l’Etat Français — par certains États, au premier chef desquels la Russie de Vladimir Poutine. La Russie, qui cherche à reprendre une place importante au point de vue international et géopolitique, a lancé récemment une gigantesque campagne de déstabilisation des États Européens.

La pensée géopolitique de celle-ci est cohérente et efficace. Elle s’articule autour du concept de la Maskirovka, le camouflage opérationnel. Consciente de son infériorité en terme de puissance face à ses concurrents, la Russie utilise une ruse élaborée. Il s’agit de brouiller les cartes de l’adversaire, de ne pas permettre de déterminer le vrai du faux, de répandre un brouillard de guerre épais et impénétrable. L’expérience démontre que les services de renseignement peuvent facilement trouver un signal au milieu du désert informationnel. En revanche, il est quasiment impossible pour eux de se repérer lorsque ce signal unique est caché au milieu de centaines d’autres signaux contradictoires, occupant tout l’espace. Plutôt que de cacher, brouiller en sur-émettant. Au lieu de retenir les informations, les noyer au sein d’autres informations non-pertinentes.

En se dotant d’agence-presse telles que Russia Today, Sputnik, Russia  beyond the headlines, auxquels collaborent les extrême-droites locales, le Kremlin s’est doté de relais efficaces dans la désinformation. Ainsi, en pleine crise Syrienne, Sputnik a prétendu que la Chine avait envoyé son porte-avion en mer Méditerranée pour aider le régime de Bachar Al-Assad, avant de se rétracter sans faire de vagues. Il reste des traces de cette nouvelle sur la fachosphère, l’envoi restant présenté comme un fait, alors que le Liaonning était à ce moment précis en entretient.

(Source de l'image: Breizh Attao)

Les hackers russes ont également joué un rôle prépondérant dans l’élection de Donald Trump, en faisant fuiter plusieurs milliers de mails de Hilary Clinton, par l’intermédiaire de Wikileaks, dont ils ont très bien compris l’utilité. Bien qu’il soit quasiment sûr que ces mails soient authentiques, leur relâchement, à cette période là, est probablement une des plus audacieuses campagne de déstabilisation d’une élection par un autre État.

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