Qui sont les assistés ?

Qui sont les assistés ?

Depuis des décennies, les gouvernements successifs mènent une guerre. Une guerre contre les droits sociaux, contre le salaire élargi. Une guerre contre les travailleurs.

Aiguillonnée par la crise, la grande bourgeoisie a brusqué l’ordre du jour de la chasse au “coût du travail”, mais également de la chasse à toutes les dépenses sociales et toutes les cotisations.

Il en résulte une propagande éhontée qui cible les plus pauvres, les plus précaires, les plus vulnérables, les accablant de tous les maux.

Ainsi, d’après Emmanuel Macron, les aides sociales coûteraient un “pognon de dingue” et il serait nécessaire que les plus pauvres se “responsabilisent”. La Secrétaire d’État chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, s’est également fendue d’un tweet sur le sujet, en affirmant ceci : “Toucher 550€ de RSA/mois ne permet pas de sortir de la pauvreté s’il n’y a pas d’accompagnement efficace vers le travail. Un vrai travail, un vrai salaire: voilà le projet du gouvernement !
“L’émancipation des travailleurs sera l’oeuvre des travailleurs eux-mêmes” (K.Marx)”

Ces exemples, ils sont légion, sont de passionnantes fenêtres sur l’esprit des dirigeants de l’Etat bourgeois. Ils sont également de biens sinistres aperçus sur les projets de la classe qu’ils servent.

Dans l’esprit de ces grands commis d’Etat, des intendants des intérêts de la grande bourgeoisie monopoliste , les aides sociales sont des aumônes versées à une plèbe oisive par ceux qui “ont” et ceux qui “sont”, en somme, par les bourgeoise. Le sentiment des agents de la bourgeoisie, est que cet argent, pris dans la poche de leurs commanditaires, ne fait qu’entretenir la faiblesse, la paresse, la fainéantise. La solution serait alors de “responsabiliser” les pauvres en les soumettant à la menace de l’appauvrissement, en leur ôtant de quoi survivre, dans l’espoir de les obliger, de les contraindre à sortir de leur oisiveté et à vendre leur force de travail -quelqu’en soit le prix.  Dans une grande illustration du darwinisme social, le pauvre doit s’en sortir par lui-même ou disparaître. C’est le sens qu’accorde Marlène Schiappa, par ailleurs théoricienne du féminisme libéral, à la citation de Karl Marx. Les travailleurs seraient des enfants à secouer.

La réalité est toute autre.

Elle est même intégralement l’inverse de celle qui est décrite par les mercenaires des exploiteurs. Premièrement, la création de la richesse n’est nullement le fait de la bourgeoisie. Elle se targue de réaliser des profits immenses par “sa prise de risques”, par son “sens des affaires”, par ses prouesses. Mais dans les faits, l’intégralité des marchandises -qui forment la base de l’échange commercial, donc de la création de richesses matérielles- sont le fruit du travail des ouvriers -industriels et agricoles- ainsi qu’une partie infime par l’artisanat et la paysannerie traditionnelle.

La totalité de l’argent détenu par cette bourgeoisie est le fruit d’une accaparation parasitaire. Chaque fois que la bourgeoisie se plaint -et elle sait le faire, à l’exemple de Serge Dassault- elle se plaint du fait de ne pouvoir plus exploiter encore les travailleurs et les travailleuses.

La grande bourgeoisie ne paie pas d’impôts, puisque ceux-ci sont, de fait, payés par ses exploités. Et encore, elle dispose de ristournes, d’arrangements, d’exonérations pour y échapper. Pourtant elle continue à rechigner de payer ces sommes “confiscatoires”. De fait, elle n’a toujours pas digéré l’existence d’un impôt sur le revenu progressif. Il lui paraît toujours aussi monstrueux, aussi criminel, aussi injuste.

Ses hurlements contre les aides sociales, contre les cotisations, contre les retraites, contre l’assurance maladie ont ainsi une double nature : ce sont des cris contre le salaire, dont font partie ces “charges patronales”, ces “charges sociales”. La bourgeoisie s’époumone, en vérité, non pas contre le “coût du travail”, mais contre le salaire indirect, le salaire élargi, qu’elle doit verser à celles et ceux qui produisent les richesses. Elle s’indigne de ne pouvoir le baisser au minimum vital, pour augmenter sa rentabilité, pour augmenter ses marges, pour augmenter ses profits et son attractivité auprès des investisseurs.

Elle s’énerve aussi de voir ces sommes échapper au marché de l’assurance, au marché des complémentaires retraites et des fonds de pension, en somme à ses poches. Le désir le plus profond serait de remplacer les bourses aux étudiants par des prêts bancaires ; de voir se systématiser les crédits à la consommation, de voir s’endetter à mort les ménages. Il s’agit de la voie qu’ont pris les Etats-Unis d’Amérique. La dette et le surendettement sont ainsi les compagnons de vie des masses étatsuniennes.

Alors la charge contre les pauvres, que signifie t’elle ?

Les exclus du travail ont toujours servi d’armée de réserve, d’épouvantail à la bourgeoisie. Le but même de l’existence de ces individus en détresse est d’effrayer les prolétaires pour leur montrer ce qui les attends si jamais ils ou elles se montrent trop exigeants avec leurs maîtres.

Elle désire cependant plus. Elle désire niveler par le bas le statut des travailleurs et des travailleuses, en projetant d’obliger ces exclus du travail à accepter toute offre d’emploi, y compris dans des conditions de travail ou de salaire qui soient dégradées. Il s’agit, en somme, dans une oeuvre commune avec la Loi Travail et même Parcoursup -qui prépare une armée de travailleurs et des travailleuses sans qualifications- de casser l’existence du salaire indirect et du SMIC. Il s’agit de créer une nouvelle ère de misère, de précarité et d’endettement.

N’y a t’il pas quelque chose de fantastique au fait de voir des individus n’ayant jamais exercé un travail honnête et productif de voir tenir ce langage vers ceux qui peinent, suent, souffrent, mais créent la richesse ? N’y a t’il pas une délicieuse perversité dans le fait que ce soient des individus qui vivent en parasites sur ces richesses, qui sont payés par les impôts, qui les utilisent à des dépenses stupides ou ostentatoires, qui s’érigent en gardiens et gardiennes de la probité ? Que les journaux de la propagande bourgeoise soient soutenus par les deniers publics, que les bourgeois et les bourgeoises elles-mêmes se réfugient dans la socialisation des pertes dès que l’orage gronde ?

Mais là où Marlène Schiappa a raison, c’est dans le fait que Marx a raison : “L’émancipation des travailleurs sera l’oeuvre des travailleurs eux-mêmes”. Mais loin du slogan ultra-libéral, restaurons le véritable sens de cette phrase : l’émancipation des travailleurs proviendra de leur lutte, non seulement sans les politiciens et les politiciennes bourgeoises, mais même, contre elles !

 

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