Mort de Serge Dassault – Mort d’un super-capitaliste ? Partie 2

Mort de Serge Dassault – Mort d’un super-capitaliste ?

Partie 2

Ce paradoxe incite à parler d’autres. La bourgeoisie possède une conception très dialectique de la loi. La loi, basiquement, c’est un bouclier et une chaîne. Un bouclier contre les masses : elle permet de les réprimer et d’obtenir une exploitation la plus pacifiée possible. Elle est en revanche une entrave à l’accomplissement du but de la bourgeoisie : exploiter de manière maximale ses travailleurs. En créant des règles, elle assure la domination de la classe des exploiteurs, mais elle les brime, les entrave. C’est cette relation paradoxale qui se retrouve vis-à-vis de l’Etat, dont les libéraux prétendent haïr l’intervention, mais qu’ils appellent constamment quand les choses vont mal. Fondamentalement, le souhait de la bourgeoisie est que les autres bourgeois respectent la Loi et restent loi de l’Etat, tandis que son clan, sa clique, quant à elle, s’en affranchisse.

C’est ce qui fait que la bourgeoisie tend à tricher systématiquement. Et plus les enjeux sont important, plus les bourgeois et les bourgeoises tendent à être réactionnaire contre les masses et à être permissifs vis-à-vis d’eux mêmes et d’elles mêmes. Comme certains bourgeois trichent, cela pousse,oblige même, les autres à tricher aussi pour maintenir la parité. Il s’en suit un système de tricherie sans limite excepté les moyens disponibles et la diplomatie entre membres de la bourgeoisie. Ce système de tricherie généralisé, Dassault en était un tel participant que, fait rare, il fut même condamné. Pas à de la prison, tout de même, mais à une sanction symbolique, pour que l’Etat ne perde pas la face.

A la tête d’un réseau de corruption, Dassault a ainsi acheté ses places à grand frais. Sa méthode était simple et pragmatique : distribuer directement des enveloppes contenant du liquide à ses potentiels électeurs. Double bénéfice : ceux-ci le voyaient ainsi plus favorablement et, en plus, étaient prêts, pour certains, à agir comme une milice contre les autres forces politiques ou contre des “ennemis”. Ainsi, ses mercenaires Younès Bounouara et Mamadou Kébé on été écroués pour diverses tentatives de meurtre, dont une visant la personne de René Andrieu, père des rappeurs du groupe PNL (!).

En revanche Dassault avait mésestimé le fait que, dans la corruption, il existe un lien dialectique -et non unilatéral- entre le corrupteur et le corrompu. En l’occurrence, à plusieurs reprises, ce sont ses administrés qui ont exigé de lui des sommes plus grandes, qui ont procédé à un racket face auquel Serge Dassault pouvait difficilement faire face par la voie légale. Ses largesses auprès de la droite lui ont aussi permis de se hisser à des postes de responsabilité. En somme Dassault a agit de manière rationnelle : il a investit. Ces pratiques sont inscrites dans les gênes de sa classe, dans le patrimoine génétique du capitalisme.

Les retours sur investissement ont été du domaine de l’immunité parlementaire, de la création de réseaux, de la possibilité de pouvoir obtenir de leviers de pression. Le tout pour accroître ses richesses personnelles et pour satisfaire ses actionnaires d’entreprise. Dès 1991, Dassault est condamné -il est en poste depuis sept ans- pour entraver au fonctionnement du Comité d’Entreprise de Dassault Industrie. La CGT obtient 3000 F (450€) tandis que lui-même écope d’une amende de 10 000 F (1500€).

En 1998, il est condamné par la justice belge pour corruption. L’objectif de celle-ci était de rafler des contrats de modernisation pour les hélicoptères et les chasseurs F-16 de l’aviation de Belgique. Il est condamné à deux ans de prison – avec sursis.

Sur les affaires d’achats de vote, la justice est d’autant plus longue à se mettre en route que les procureurs, aux ordres de l’Etat, ne tirent pas sur les amis des gouvernements successifs. Pourtant, son élection de 2008 est invalidée du fait des “dons d’argents” qui lui ont permis d’acheter des voix. Il est déclaré inéligible pour un an. En somme, on lui tape sur les doigts. Son laquais, Jean-Pierre Bechter, voit son élection elle aussi invalidée.

Épinglé par le site Médiapart, lequel a produit un enregistrement de Dassault lui-même indiquant qu’il avait payé 1.7 millions d’euros pour faire élire son poulain, il s’est défendu en indiquant qu’il s’agissait d’un “don philanthropique.”

De plus, le président du Sénat fait obstacle à la levée de l’immunité parlementaire de Serge Dassault. Les chefs d’inculpation sont pourtant titanesques : Blanchiment d’argent ; achat de votes ; complicité illicite de financement de campagne électorale. En somme, ne pas le condamner reviendrait à avaliser publiquement le fait qu’il est autorisé d’acheter les places d’élus, à la mode de l’achat de charges et d’offices sous l’ancien régime, par une bourgeoisie voulant devenir noblesse.

Finalement, ce n’est qu’en août 2017 qu’une mise en examen est prononcée.

 

Parallèlement, les accusations de blanchiment d’argent aboutissent en février de cette même année. L’agence Reuters, dans un article du 2 février 2017, indiquait: Tout en considérant que “l’ampleur de la fraude et sa durée” justifierait “une peine d’emprisonnement ferme”, le tribunal a estimé que cela n’aurait “aucun sens” du fait “du grand âge” de Serge Dassault, PDG du groupe éponyme, l’un des fleurons de l’industrie aéronautique française (Rafale, Falcon…).

Le parquet national financier avait requis cinq ans d’inéligibilité, deux ans de prison avec sursis et neuf millions d’euros d’amende contre le sénateur de droite, un élu qui “a piétiné toutes les lois qu’il a votées sur le thème de la fiscalité” et “trahi son mandat”.

En somme, il échappe à la prison une fois de plus. De plus, l’industriel-criminel fit appel du jugement. Sa mort a éteint les poursuites.

A la suite de ce décès, la mairie de Corbeil-Essonnes a annoncé sa volonté de débaptiser l’avenue “Jean Jaurès” pour la renommer “Serge Dassault”. Ironie de l’histoire, un des rares socialistes de la II Internationale à être resté fidèle à la question du pacifisme est remplacé par un marchand d’armes, de canons, de mort.

Est-ce, finalement, un super capitaliste qui est mort ? Est-ce un être anormal, amoral, un criminel sans foi ni loi qui est décédé ?

Non.

Fondamentalement, Dassault est le miroir parfait de sa classe sociale. Il a agit exactement comme un capitaliste soucieux de ses intérêts de classe est voué à agir. Serge Dassault était un réactionnaire, un homophobe, probablement quelqu’un qui aurait été tenté par des solutions fascisantes en cas de tension. Par du fait de sa “personnalité”, mais bien du fait que ces prises de position étaient celles qui correspondaient le mieux à la poursuite de ses objectifs.

Son ton de dureté à l’égard des “assistés” et sa tricherie constante sont les traits de caractère de sa classe, une classe qui ne conçoit la loi que comme un moyen de pouvoir obtenir plus tout en écrasant les adversaires et les ennemis.

C’est ce fait qui rend le réformisme impossible. La bourgeoisie n’est pas fair play, même vis-à-vis du vote des urnes. Elle est une classe en guerre, une classe en lutte, en lutte contre elle-même, mais capable de faire front contre les exploités et les opprimés. Ce n’est pas l’apanage des “grands méchants loups” du capitalisme, mais de toutes les formes de production capitalistes et même artisanale de prendre ce chemin. La fin des “grands Dassaults” fait que les petits prendront sa place. C’est pour cela que brider, moraliser le capitalisme est impossible.

Il se niche dans la petite production, il se niche dans les rapports marchands. Il cherche à renaître de ses cendres, même si il n’en reste que des brins.

 

Dassault illustre la nature du capitalisme et le fait qu’il est rigoureusement impossible de l’amender, de le pacifier, de le rendre “éthique”. Il ne peut qu’être liquidé comme système, et ses partisans liquidés en tant que classe par la révolution, par la mise en place d’une économie planifiée, dirigée, contrôlée politiquement par les masses. En somme, une économie socialiste.

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