Cap Catastrophe 2022 : Le droit, la loi, les impôts et la TVA.

Cap Catastrophe 2022 : Le droit, la loi, les impôts et la TVA.

Partie 8

Le droit et la loi.

La justice est elle une affaire comptable ? C’est la conclusion qui semble émerger à la lecture de la proposition 13 du document. Les constats dressés sont les suivants :

« La politique française de justice s’est traduite depuis quinze ans par une forte augmentation de ses crédits et de ses emplois : son budget est passé de 4,6 Md€ en 2002 à 8,7 Md€ en 2018. Pour autant, il persiste une forte impression d’inadéquation entre les moyens mobilisés et les attentes des usagers. Par rapport aux autres services publics, la justice enregistre en effet un net déficit d’opinion positive de la part de ses usagers. »

Dans notre analyse, le premier aspect qui explique la désaffection de la part d’une large partie de la population envers la justice provient de son caractère de classe. Malgré les prétentions sur la séparation des pouvoirs, le fonctionnement de la justice ne peut être découplé de la nature de la société. Les individus ne sont pas égaux devant les juges de par leur classe sociale ou leur ethos. Mais ils ne le sont pas non plus du fait de l’organisation même de la justice, où le procureur est sous les ordres de l’État et est le relais de la volonté politique du gouvernement au pouvoir.

Face à une justice où les non-lieux, les acquittements, les peines jamais appliquées sont légion pour les grands bourgeois, comment avoir confiance ? Ce n’est pas possible.

Que préconise alors ce texte ? Le numérique est une nouvelle fois brandi comme solution à l’intégralité des problèmes du monde, remplaçant tout déplacement et tout accueil. Dans le même temps, pour accélérer les procédures, un certains nombre de changements sont mis en œuvre : les juges peuvent rejeter les demandes « manifestement irrecevables » et doivent se recentrer autour de leur « cœur de métier ». L’idée est d’externaliser plusieurs fonctions, lesquelles peuvent être remises entre les mains d’individus n’ayant pas le statu de magistrat. Ainsi, les juges des tutelles et juges des enfants peuvent voir leurs fonctions suppléées par des services administratifs.

Autre aspect, le resserrement du délais d’appel pour les jugements civils et le caractère non-suspensif de l’appel. En somme, il s’agit de le rendre plus rare, plus difficile à saisir et, surtout, sans efficacité immédiate, donc décourageant pour les plaignants comme pour les accusés.

En somme, il s’agit d’une proposition qui ne vise qu’a réduire les dépenses de la justice, mais nullement, autrement sous la forme d’un voile cosmétique, de résoudre fondamentalement des problèmes de fonctionnement, même dans le cadre du droit bourgeois.

Suite logique d’un item sur la justice, suit un autre sur la question de l’exécution des peines. L’introduction de l’item revient sur la situation française, qui est celle d’une surpopulation carcérale immense. Les rapporteurs annoncent 119% de taux d’occupation, un chiffre contesté par l’Observatoire International des Prisons, lequel déclarait le 8 aout 2018 « Des records de densité de population sont battus, alors même que depuis vingt-cinq ans, 30 000 places de prison supplémentaires ont été construites. À ce jour, le taux moyen d’occupation des maisons d’arrêt, établissements dans lesquels sont hébergés 48 000 détenus, s’établit à 142 %. 53 établissements présentent même des situations extrêmes de sur-occupation, avec une densité supérieure à 150 %. Citons notamment les maisons d’arrêt de la Roche-sur-Yon, Baie-Mahault (en Guadeloupe), Évreux, Laval et Nîmes dont le taux d’occupation avoisine voire dépasse les 200 %. »

Fait notable, le nombre de détenus augmente de manière constante, passant de 60 000 à 70 000 en à peine 10 ans (le chiffre total de personnes suivies par l’administration pénitentiaire est de 249 298 en 2016). 10 000 détenus sont en attente de jugement.

Les solutions préconisées par le rapport pourraient-elles se diriger vers une possible meilleure réinsertion des détenus ? Non. Vers une compréhension des raisons socio-économiques qui expliquent la délinquance ? Encore moins. Elles ne se dirigent que vers une gestion purement comptable de la question des peines.

L’argument principal qui revient sur la question de la substitution de la peine de prison par le bracelet électronique est celui du coût (10€ / jour contre 100 € pour la prison.) Aux yeux des rédacteurs et des rédactrices, l’essentiel de la question se trouve là : trouver une solution économique, au travers de la géolocalisation et du développement de l’ « arrêt domiciliaire ». Le but même est que celui-ci puisse devenir une peine autonome de la prison. Quand à l’exécution systématique des peines, cela, dans le climat social actuel – mais également politique – signifie une intensification plus que probable de la répression et de l’incarcération d’un nombre toujours plus grand de détenus. Or le capitalisme et la prison marchent particulièrement bien main dans la main. Malgré les discours constant sur la répression dans les États Socialistes, les laquais du capitalisme sont bien en peine d’expliquer les taux supérieurs de détenus présents dans le parangon de la liberté que sont les USA. Et pour cause, là prison est aussi un business, qui rapporte gros.

Fusionner les impôts et les recouvrements.

Pour mieux financer leurs projets, les rédacteurs se montrent d’une avidité sans nom et sans bornes. Plus nous grimpons dans la hiérarchie de la bourgeoisie, moins elle paie d’impôts. Les exonérations sont immenses. Ou elles sont négociées entre bons amis ou réalisées par les magiciens de l’optimisation fiscale, qui parviennent à défalquer des sommes vertigineuses les particuliers, tandis que les entreprises ont leur secrets.

Comme les plus riches s’y soustraient, il est nécessaire que l’argent soit trouvé ailleurs. Ailleurs et autrement. Une des manières d’y parvenir est de mettre entre les mains de l’État tout ce qui lui échappait auparavant. Mais surtout, comme évoqué précédemment, l’idées est également de fusionner les lignes de comptes qui étaient auparavant séparées, ce qui permet désormais aux dirigeants de pouvoir ventiler comme bon leur semble les deniers récoltés par l’impôt, et donc d’assécher les aides sociales, tandis que d’autres secteurs peuvent être noyés sous les finances.

Cette fusion est non seulement particulièrement vicieuse en ce qui concerne les particuliers, elle l’est également pour les communes. La suppression de la taxe d’habitation, haïe par la population, prive les communes et les collectivités locales de leur principale rentrée d’argent. Le remplacement par un fond géré et ventilé par l’Etat signifie la mise sous tutelle de celles-ci. Cela aura pour conséquences l’assèchement des communes menant des politiques contradictoires avec les lignes défendues au sein de l’Etat, mais également l’accroissement du phénomène de métropolisation. L’ex-maire de Lyon et actuel ministre de l’intérieur s’est ainsi fait remarquer pour ses manœuvres dans le but de siphonner le budget des métropoles de la région Rhône-Alpes-Auvergne dans le but d’alimenter Lyon et son réseau de clientèle.

Dans le document suivant, l’idée retrouvée est donc une rationalisation avec comme fin des économies dans la gestion de la collecte d’impôt, mais également un pouvoir discrétionnaire de la part de l’Etat sur celui-ci.

« L’objectif est de simplifier drastiquement le système de recouvrement, en réduisant le nombre de dispositifs et de structures qui en ont la charge. En vision cible, les acteurs économiques mettraient sur une plateforme les données économiques et sociales et ces données seraient utilisées pour le recouvrement par un système unique, fortement automatisé et orienté vers l’usager. Cela aurait pour effet de faire évoluer les missions de l’État vers le contrôle, le conseil et l’accompagnement. »

Une grande partie de la population, y compris ceux qui bénéficient d’aides, détestent les impôts, présentés comme un « racket ». Plus les systèmes sont automatisés, plus la destination de l’impôt paraît abstraite, absurde, injuste. Cela permet de justifier toutes les politiques qui prétendent liquider ce fardeau, mais qui, in fine, ne servent qu’a alléger celui de la grande-bourgeoisie et à réduire les salaires indirects des prolétaires.

Le sens de « simplifier le droit fiscal et social pour améliorer l’efficacité et la lisibilité de notre système de prélèvements obligatoires et renforcer notre attractivité. Cela implique de réduire les niches et de supprimer les petites taxes, complexes à collecter et au rendement faible » est celui-ci, celui de supprimer ces « petits tracas » qui concernent certains bourgeois, certaines bourgeoises, et qui leur coûte une partie de leurs profits. Le rêve ? Un impôt comme celui préconisé par Vauban, en plein ancien régime, qui serait unique et uniforme, sans tranches fiscales en fonction du revenu.

« La mise en œuvre de ces réformes conduira à réduire le nombre de taxes, ce qui sera mesurable en observant le nombre supprimé chaque année. Une telle réforme devrait permettre d’améliorer de manière très significative l’efficience du recouvrement de l’impôt. Les travaux conduits par le Comité permettent d’estimer l’économie à 1 Md€ d’ici 2022. »

Un milliard d’euros d’économie sur le fonctionnement des caisses de recouvrement, tout en réduisant la charge pesant sur la bourgeoisie. Que demander de mieux ?

Faire la chasse aux à-côtés.

Le rapport Cap 2022 émet une idée audacieuse : supprimer la monnaie matérielle. Prenant exemple sur certains Etats, notamment scandinaves, où les paiements dématérialisés représentent 90% des transactions, les rédacteurs du document s’interrogent sur la pertinence d’initier une suppression progressive de la monnaie physique.

Pourquoi proposer cela ? Les raisons sont multiples. Officiellement, il s’agit de « faciliter la vie des français » ce qui, au vu des propositions précédentes, est d’un ridicule achevé. Il s’agit également de posséder un contrôle et une possibilité d’examen sur l’ensemble des transactions qui sont réalisées en France.

« on estime aujourd’hui que la fraude à la TVA représente en France environ 10 Md€, une partie correspondant à des revenus non déclarés. De même, le travail non déclaré représente un manque à gagner important pour les administrations fiscales et sociales. En 2016, 555 M€ ont été redressés par les Unions de recouvrement des cotisations de sécurités sociale et d’allocations familiales (URSSAF). Enfin et plus généralement, la circulation d’espèces favorise par ailleurs le blanchiment d’argent. »

« En supprimant progressivement la circulation d’espèces, on simplifiera les paiements, correspondant aux modes de vie déjà préconisés par les Français, tout en permettant une lutte plus efficace contre la fraude et le grand banditisme . »

De fait, une part de vrai existe. L’Etat n’aime pas la fraude à la TVA, ni celle à l’URSSAF. La suppression d’une partie des moyens de blanchiment d’argent peut compliquer la tâche des activités illégales ou para-légales. Cependant, cela signifie également le fait de devoir déclarer chaque transaction qui pourrait être interprétée comme un revenu, y compris le bénéfice de la revente d’une lampe sur « Le Bon Coin ». Une manière de s’assurer que l’injuste impôt qu’est la TVA s’applique partout.

Mais il s’agit surtout d’un magnifique cadeau aux banques, qui deviennent des intermédiaires incontournables et dans lesquels l’intégralité des dépôts sont stockés. Certes le temps du bas de laine et de l’argent caché sous le matelas est révolu, mais en théorie un compte bancaire n’est pas une obligation légale. Elle le deviendra de facto, y compris pour qu’un bambin puisse avoir de l’argent de poche. Heureusement, les rédacteurs ont l’intelligence de mentionner les publics les « plus fragiles .»

« supprimer les espèces, les chèques et les timbres pour les paiements fiscaux et sociaux d’ici deux ans. Afin d’accompagner en particulier les publics les plus fragiles, des solutions intermédiaires pourraient être envisagées (par exemple utilisation d’une carte sans contact) ; »

Une personne en surendettement ou en interdit bancaire signe-t-elle son arrêt de mort économique ? Difficile à dire. En revanche, un frémissement d’excitation se ressent quant à l’idée de pouvoir liquider un partie de l’administration tout comme de pouvoir intégrer la totalité des transferts d’argent dans le calcul du PIB, permettant de gonfler son calcul et, ainsi de permettre aux dirigeants politiques de se pavaner en prétendant avoir crée de la richesse, alors que celle-ci est restée strictement la même.

« Le Comité est convaincu que cette réforme est source d’économies importantes mais n’a pas été en mesure de les chiffrer. Par ailleurs, elle devrait permettre de lutter contre la fraude fiscale et donc d’accroître la rentrée d’impôts. »

Une nouvelle fois, le comité pour CAP 2022 met en avant un objectif primordiale : réduire les dépenses de l’Etat, y compris -voir surtout- dans le domaine social. Deuxième objectif : être le plus rapace possible quant au fait de taxer les populations les plus fragiles, tandis que la grande-bourgeoisie échappe, comme durant l’Ancien Régime, à l’impôt.

Une dernière partie reste à aborder, celle de la cure d’amaigrissement préconisée dans l’administration, pour « réduire les dépenses inutiles .»

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