Référendum en Nouvelle-Calédonie. Entre victoire et défaite.

Référendum en Nouvelle-Calédonie.

Le référendum en Nouvelle-Calédonie sur la question de l’indépendance s’est déroulé hier.

Nous avions mentionné qu’il fallait prendre ce référendum pour ce qu’il était : un faux-espace de liberté et d’expression pour les populations de Kanaky, un faux semblant de démocratie. En cas de victoire, cela n’aurait signifié qu’une étape vers la libération, en cas de défaite, cela sera instrumentalisé par les impérialistes comme un contrat de domination en bonne et due forme.

Pourtant, ces derniers n’ont pas triomphé. Au lieu d’un plébiscite de la domination, les votes ont illustré les immenses clivages qui peuvent exister au sein de l’île, montrant que les mondes des colonisés et des colonisateurs sont côte à côtes, mais ne se mélangent pas.

Ni victoire… Ni défaite, contre plus fort que soi.

Les indépendantistes, sous le leadership du FLNKS, n’ont pas gagné. Mais il n’est pas possible de parler de défaite non plus.

Crédité d’une victoire écrasante, aux alentours de 70%, le « NON » a finalement triomphé par 56,4% des voix. Cette victoire d’une courte longueur est à souligner, dans une campagne où le gouvernement français, les impérialistes et leurs laquais -de droite comme de « gauche », ont pesé de tout leur poids dans la balance, pour maintenir « le caillou » dans les griffes du système colonial.

Ceux et celles qui dominent l’administration et l’économie de l’île, les colons et leurs descendants, ont tout fait pour stopper le processus de décolonisation. Leur victoire est une victoire faible et fragile. Elle illustre le fait que l’acceptation de la présence française ne « va pas de soi », n’est pas « unanimement applaudie ». Le rejet grandit, malgré les pressions, malgré la présence policière, malgré les menaces.

Dans un article du journal Le Monde, la docteure en sciences politiques Angélique Stastny écrivait : « La consultation référendaire entérine la minorisation politique du peuple kanak. Les critères pour pouvoir figurer sur la liste électorale spéciale pour la consultation (LESC) et pouvoir ainsi voter au référendum ont fait l’objet de longues discussions entre indépendantistes et loyalistes. La publication de la liste définitive et les analyses récentes montrent que, malgré les efforts du peuple kanak pour que le résultat de cette consultation reflète au mieux ses volontés, le droit à l’autodétermination prévu à l’article 3 de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones (2007) n’est pas respecté. »

Comme nous l’avions mentionné dans notre premier communiqué, les impérialistes ne se contentent pas de la pression politique, ils ont également entravé les possibilités d’expression des Kanaks en empêchant une partie importante d’entre deux d’exercer leur droit à l’expression politique. L’impérialisme ne prend pas de risque, pourtant sa légitimité n’est pas renforcée par cette épreuve de force. Face à ces manœuvres, il faut saluer le score relativement important du OUI.

Malgré, aussi, le silence des organisations politiques progressistes de métropole.

Le silence assourdissant de la métropole.

Dans la métropole, la grande majorité des organisations politiques de gauche ou d’extrême-gauche avaient pris des positions timorées, ambigües, sur cette question. La France Insoumise et le Parti Communiste Français ont joué et jouent toujours la carte du centrisme, ne prenant pas de position, mettant de côté la question de l’impérialisme français.

Lutte Ouvrière s’est montré franchement contre, tandis que le NPA pour, tout en ne prenant pas de position en tant que tel sur savoir s’il fallait boycotter le référendum ou non, chose que nous avons nous-même fait, en considérant que nous ne pouvions trancher le débat entre le FLNKS et l’USTKE.

La mobilisation anti-impérialiste est restée faible, hormis auprès des régions elles-mêmes concernées par ces questions, telles que la Corse, le pays Basque, la Bretagne ou la Catalogne. Dans les citadelles de l’impérialisme français, les choses ont suivi leur cours. Nous mêmes avons à être capable d’autocritique par rapport à ce manque criant de soutien à nos camarades qui subissent de plein fouet la domination coloniale, impériale, de la France.

En France, la présence importante de thèses sociales-chauvines et nationales-impérialistes explique cela. Certaines organisations capitulent idéologiquement vis-à-vis de ces questions, en refusant de les analyser autrement que sous un angle « humanitaire », voir de mettre sur le même plan indépendance et domination.

Contre le social-chauvinisme, bâtissons le front anti-impérialiste !

Rejeter l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie par peur qu’elle ne tombe « entre les mains d’un autre impérialisme » signifie, en clair, considérer que son propre impérialisme serait plus moral, plus propre, plus pur que celui des Américains, des Australiens ou autre. Ce qui est faux à plus d’un titre. Faux en termes moraux, même, mais faux en termes stratégiques. Notre propre impérialisme est le premier que nous avons à combattre et celui sur lequel nous avons la plus grande prise.

Quand vient la question des surprofits tirés de l’exploitation coloniale, néocoloniale, impérialiste, là, aussi, les masques se fendent et tombent. Défendre la ZEE de la France au nom de l’intérêt de celle-ci, c’est défendre l’accaparement des ressources par la bourgeoisie monopoliste de France. Défendre le « rayonnement économique », c’est défendre les marchés captifs tenus d’une main d’acier par cette même bourgeoisie.

Certains instillent l’idée sociale-impérialiste que la perte d’influence internationale et de contrôle entraînerait une baisse du niveau de vie des travailleurs et des travailleuses de la métropole, du fait de la diminution des rentes. Cette thèse voit uniquement les miettes que la bourgeoisie concède. Elle nie que ce qui fait baisser le niveau de vie des exploités et qui les paupérise, ce ne sont pas le tarissement des sources de surexploitation, mais bien l’accaparement rapace des ressources et des richesses par une clique de bandits impérialistes « bien de chez nous ».

La ligne des communistes ne peut être autre chose que celle de soutien aux forces qui luttent pour leur libération nationale. Elle ne peut être que celle de la solidarité internationale et internationaliste, contre l’ensemble des impérialismes. Tant que cette ligne ne sera pas hégémonique suivie, il ne pourra exister de véritable front anti-impérialiste en France, ni de front anti-guerre conséquent et puissant. Or, à l’aube du centième anniversaire de 1918, nous en avons plus que besoin !

Les accords de Nouméa prévoient d’autres échéances de consultation pour avaliser -ou non- la présence coloniale française. Ces dates joueront un rôle politique important, au même titre que le référendum qui vient de se terminer.

Mais ce rôle politique n’est pas suffisant en soi pour permettre une victoire de l’indépendance pleine et entière pour la Nouvelle-Calédonie. Même en cas de victoire du « oui », les impérialistes et les chauvins ne renonceront pas à maintenir leurs griffes sur l’île, à exploiter son nickel, à s’agripper à sa ZEE.

Le communiqué de PCF appelait, quelque soit l’issue, l’Etat français à s’engager en Nouvelle-Calédonie. C’est là une vision naïve du rôle de l’Etat que partagent les disciples de Karl Kautsky, lesquels ne comprennent pas le caractère de classe de celui-ci.

Au contraire ! L’Etat français n’a pas de droit de regard sur la terre Kanak -et surtout pas en cas de victoire du oui, pas de droit d’intervention, pas de promontoire, par de balcon a avoir sur l’île. Il doit partir, tout comme ses relais, ses fonctionnaires, ses militaires.

Les accompagnements de décolonisation ne sont que des manœuvres pour remplacer le direct rule par un indirect rule basé sur des laquais, des agents, des hommes de paille locaux.

Nous, communistes, voulons l’indépendance pleine et entière pour ceux qui en formulent le désir. Nous ne voulons pas notre impérialisme pour quiconque, ni ici, ni ailleurs.

Chaque territoire perdu est une bataille gagnée !

La route de la victoire est longue, mais nous l’arpenterons jusqu’au bout !

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