Massacre de Nice : Refuser que l’on piétine la mémoire des disparus.

A Nice, le soir du 14 juillet, à la suite du feu d’artifice, un camion frigorifique loué a servi d’arme pour assassiner 84 personnes et en blesser gravement bon nombre d’autres. Nos pensées vont vers les proches des victimes, leurs familles, leurs amis, et nous leur accordons tout notre soutien dans ces moments cruels et difficiles.

 

L’émotion est certaine, compréhensible, et nous la respectons.

En revanche, ce que nous ne respectons pas, c’est la cohorte de charognards qui, sentant l’occasion trop belle, s’empressent et se précipitent sur cette aubaine, pour répandre leur discours de haine raciste.

Faire cela, c’est faire offense à la mémoire de ces victimes, c’est se servir de leur corps comme d’un marchepied, d’une tribune, pour instiller un climat de peur et de haine dans l’Etat français.

 

 

C’est assassiner une nouvelle fois les victimes de ce massacre.

En invoquant, dès les événements, le terrorisme islamiste, le président François Hollande se joint aux vautours et s’en fait d’ailleurs le chef de file.

En se ruant, au mépris des faits, sur l’occasion de conspuer et de charger les musulmans de France, l’extrême-droite méprise la mémoire des victimes et se sert de leur mort à son compte.

En parlant d’attentat terroriste, la réalité de cet événement est niée, et en refusant de vouloir élucider la trajectoire qui a amené cet individu à commettre cet acte, on le rejette au rang des monstres de foire, des anomalies, et on s’interdit de comprendre que cet acte est le fruit pourri de notre société malade.

Terrorisme ou Spree killing ?

Le dictionnaire Larousse définit le terrorisme ainsi: Ensemble d’actes de violence (attentats, prises d’otages, etc.) commis par une organisation pour créer un climat d’insécurité, pour exercer un chantage sur un gouvernement, pour satisfaire une haine à l’égard d’une communauté, d’un pays, d’un système.

Or, dans ce cas précis, nous ne retrouvons nullement les termes employés. Nous sommes en face d’un situation toute autre.

Le cas de Mohamed Lahouaiej Bouhlel n’évoque en rien le parcours d’un agent de Daesh. Il s’agit plutôt de celui, typique, de ces spree killers américains ou coréens, ces individus rongés par le mal-être et la dépression, et qui se sont lancés dans une folie meurtrière, indistincte, dans le seul but de faire un maximum de mort.

Buvant, ne pratiquant pas de religion, ayant été condamné à des peines légères pour des délits de droit commun, instable psychologiquement, Mohamed Bouhlel ressemble plus à quelqu’un du lumpenprolétariat, atomisé, désocialisé, en perte complète de repère.

De même le dictionnaire Larousse définit le terme attentat ainsi : Atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation, acte de violence de nature à mettre en péril les institutions de la République ou l’intégrité du territoire national.

 

Nous ne sommes pas en face d’un acte qui est à visée de destabiliser, de menacer les institution, de créer un climat de terreur, non, nous sommes en face d’un individu qui a frappé, par la haine aveugle, tout un ensemble d’individus, dans le but d’en tuer un maximum.

Quand BFM-TV évoque une “radicalisation rapide” de quelqu’un qui a changé de discours, c’est prendre le problème à l’envers. Lorsqu’un individu tombe entre les griffes d’organisations réactionnaires terroristes, il est d’abord embrigadé, broyé, détruit, pour devenir un outil docile entre les mains de ses commanditaires. C’est ainsi qu’il finit par accepter, de gré ou de force -par le conformisme du groupe, par la menace, par l’exhortation- à sacrifier sa vie pour causer la mort.

Dans le cas de Nice, nul parcours de ce type n’est observable, juste une volonté aveugle de causer la mort. Ce n’est nullement par religion, ou alors par justification à postériori. Cela ne s’inscrivait nullement dans la logique de Daesh, à qui les médias rendent d’ailleurs service, lui attribuant un attentat qu’il n’a ni commis, ni revendiqué immédiatement, et accroissant donc son influence.

Daesh s’est permis de le revendiquer à postériori, dans un saut périllieux de l’esprit, se permettant d’attribuer des intentions, qui concordaient parfaitement avec ses désir, à un acte qui n’avait d’autre sens que la destruction.

 

Deux poids, deux mesures.

 

Le traitement médiatique et politique de cette affaire fait l’oeuvre de deux poids, deux mesures, autant une promptitude s’est faite à assimiler cet acte au terrorisme islamique, autant dans d’autre cas de figure, de longs méandres se suivent avant d’arriver à une conclusion. Anders Breivik , qui a commis un attentat visant les instances gouvernementales de la Norvège, et qui a assassiné 77 membre du Parti Travailliste Norvégien, est classé, selon Wikipédia, dans les mass murderer et dans les spree killer, mais le caractère idéologique de son acte est nié. Pourtant, lui, correspond très précisément aux définitions de dictionnaire de terrorisme et d’attentat.

D’autres tueurs de l’extrême-droite sont ainsi classés dans les personnes souffrant de maladie mentales, étant des “fous”, des monstres incorrigibles, mais niant le fait que leur choix idéologique était conscient et revendiqué.

Cette tolérance face aux meurtriers d’extrême-droite ne date pas d’hier, et la justice leur a toujours réservé la plus grande clémence. Pourquoi ? Parce qu’ils sont issus de la petite-bourgeoisie ou de la bourgeoisie, qu’ils ne sont pas d’une minorité ethnique ou culturelle, et en somme qu’ils nous ressemblent -façon de parler bien sûr- et que donc, on peut les comprendre et comprendre leur mal-être, alors qu’ils sont mus par leur idéologie.

A l’inverse, lorsque nous avons Mohamed Lahouaiej Bouhlel, celui-ci est rejeté dans la nébuleuse tentaculaire de l’ennemi intérieur, de la Vème colonne, et de la menace permanente, qu’entretiennent, en jetant de l’huile sur le feu, tous les ténors du racisme. Rien ne justifie, rien ne peut excuser ces crimes, mais il est impératif, pour pouvoir en comprendre les causes, de les expliquer.

L’explication, contrairement à ce qu’a pu dire Valls lors des discours suivant le 13 novembre, n’est pas l’excuse. Cette dangereuse pente qui tend à exclure la sociologie, la criminologie, l’anthropologie ou même la politique des actes commis est une manière de refuser de voir la réalité en face.

Même les pires actes sont le fruit d’une trajectoire sinistre, mais réelle.

 

« Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres » Gramsci

 

 

Pourtant, l’auteur du massacre de Nice n’est que le fruit de la société. Il en est le reflet, le miroir. Il est le fruit pourri d’une société pourrissante. Comme l’écrivait, en prison, Gramsci « La crise consiste justement dans le fait que l’ancien meurt et que le nouveau ne peut pas naître : pendant cet interrègne on observe les phénomènes morbides les plus variés », ce qui n’est que la stricte vérité.

Le système capitaliste pourrit peu à peu, et engendre la réaction, l’obscurantisme, la misère et la souffrance. Et de ce monde naisse ces “phénomènes morbides”, ces mass murderers, ces spree killers. Ils sont les symptômes d’un monde finissant, mais qui n’en finit plus de mourir.

Le pilote de la German Wings Andreas Lubitz, avait été ainsi défini par les psychiatres comme un meurtrier-altruiste, entraînant dans la mort les 150 passagers et membres d’équipage pour les “protéger de la souffrance.”

De même que d’autres, pris au piège des dettes, étranglés, se donnent la mort, certains la transforment en rage et en haine aveugle et meurtrière, souhaitant anéantir tout ceux qui, confusément, ils associent à leur souffrance.

Pour autant les racines de ces maux sont connues, elles sont l’exploitation, l’aliénation, la misère. Elles sont l’impossibilité que nous avons, en régime capitaliste, de nous réaliser nous même, d’être autre chose qu’une marchandise vendue, d’être autre chose qu’une force de travail.

Dans ce Titanic qui sombre, les bourgeois et les capitalistes s’accrochent de toutes leurs forces pour se maintenir, alors qu’ils ne sont que des parasites. Qu’importe si le sang coule, s’il faut faire appel aux réactionnaires, qu’ils fussent religieux ou fascistes, tant que leur ordre tient.

Qu’importe si, pour cela, il faut utiliser sans vergogne la mort de 84 personnes, un soir, à Nice, tant que cela permet de mobiliser de manière réactionnaire les masses, si cela leur permet d’instiller la haine qui détourne de la lutte juste.

Qu’importe, pour eux, ces morts. Leur ordre injuste en produit partout sur la planète, à chaque instant.

Ce sont leurs guerres, ce sont nos morts. Ce sont nous qui subissons la folie meurtrière de leurs fruits pourris.

Ce sont les monstres du capitalisme pourrissant qui engendrent d’autres monstres qui s’en prennent au peuple.

Nous ne le pardonnerons pas, nous ne l’oublierons jamais.

 

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