FISC et lutte des classes. Partie III – 1945 – 1954 Victoires tactiques, problèmes stratégiques.

1945 – 1954 Victoires tactiques, problèmes stratégiques.

Le régime de Vichy, fondamentalement, ne change rien structurellement aux méthodes d’imposition. Il reste dans la droite ligne d’une IIIème République moribonde. En revanche, un choc se produit dès la libération, du fait du changement des rapports de forces.

Bien que l’Histoire bourgeoise s’empresse d’occulter ce fait gênant, les trois-quarts de la Résistance dépendaient du Parti Communiste, devenu en 1943 le Parti Communiste Français. Première force de résistance, le PCF est armé, contrôle de manière effective le territoire, dispose de points d’appuis importants. De plus, fait essentiel, les chars soviétiques ne sont pas extrêmement loin. Entre Torgau, sur l’Elbe, là où Américains et Soviétiques se rencontrent, et Paris, il n’y a qu’un petit millier de kilomètres de plaine, sans obstacles majeurs autres que le Rhin. Rhin qui, comparé au Dniepr et au Dniestr, n’évoque qu’une petite rivière aux yeux des sapeurs soviétiques.

Pour la parenthèse, Churchill, lançant une étude sur une guerre possible entre URSS et Alliés occidentaux, nommée opération Unthinkable, ne se faisait guerre d’illusions sur la possibilité de s’accrocher au continent européen.

C’est dans ce contexte très particulier qu’apparaissent des changements structurels importants, impensables avant. Ces changements permettent des progrès dans chaque secteurs pour les travailleurs, même si l’essentiel, le pouvoir, n’est pas pris. Au seuil d’une possible accession au pouvoir, le PCF recule.

Une des mesures les plus importantes, car structurelle, est la création de la Sécurité Sociale. Pourquoi ce point là ? Car il s’agit d’une mesure quasiment socialiste, qui s’inclut, pour son financement dans un ensemble formé par le salaire indirect. Cette mesure donne naissance donc à la Caisse d’Allocations Familiales, à la Sécurité Sociale ainsi qu’à la caisse des retraites. Ces réformes sont mises en place par un ouvrier devenu ministre : Ambroise Croizat.

 Elle impact les rapports de production même. Elle est payée entièrement par des cotisations sociales, non par des impôts. Ainsi, elle est payée au détriment des gains du patron, car elle correspond à un supplément ajouté au salaire net. Elle forme un véritable salaire socialisé, géré, à l’époque, intégralement par les syndicats. les élections les patrons sont minoritaires, déterminent ce qui se passe. Les élections, qui permettent de mettre en place son comité directeur, ont comme issue un patronat constamment en minorité.

Les mutuelles et les entraides ouvrières, qui existent depuis fort longtemps, sont donc remplacées par ce système unique de Sécurité Sociale, dans lequel les besoins sont satisfaits par des cotisations variables. Il ne s’agit pas de budgets, mais de prélèvements. Dans ce fonctionnement, le “trou de la sécu” est une hypothèse inenvisageable. Les besoins augmentent, les cotisations aussi. Les besoins baissent et les cotisations suivent le même chemin.

Il est difficile, pour nous qui vivons en France, de s’imaginer ce que signifie profondément qu’un monde sans Sécurité Sociale. Pour le comprendre, il faut se pencher sur les séries d’outre-Atlantique : Dr House, Scrubs ou Breaking Bad pour comprendre les problématiques liées aux financement des soins. Une mutuelle ne garantit pas de soins, elle cherche toujours à trouver la faille pour ne pas payer et conserver l’argent placé en son sein. Une Sécurité Sociale est un droit.

A cette époque, la Sécurité Sociale est donc une organisation 100% ouvrière. Ca paraît invraisemblable aujourd’hui. Mais la situation est, nous le rappelons, particulière. La situation est celle d’un double-pouvoir, du fait de la présence de milices armées.

La bourgeoisie fait donc des concessions structurelles importantes pour obtenir la paix, et obtenir que ne se déclenche pas une explosion sociale. Elle accepte une mise en place d’un semi-salaire socialisé pour payer un deal historique. Un deal qui, nous le rappelons, entraine la mise en place d’un système qui échappe à la bourgeoisie, et qui est n’est ni financé par l’impôt, ni par le salaire directe, mais bien pas une cotisation sociale.

Il s’agit d’un aspect fondamental.

Mais dès sa mise en œuvre, le système est attaqué. Il s’agit d’une constante devant laquelle la bourgeoisie ne recule pas. D’autant que le rapport de force glisse progressivement en sa faveur.

L’autre acteur du deal, le PCF, a accepté une offre de bien piètre qualité. Sa stratégie, en accord partiel avec Moscou, par ailleurs, est de dissoudre les milices -sans rendre les armes- et de tenter d’infiltrer l’armée pour la noyauter ainsi que les services de police et de renseignement. Il est notable de constater que les Alliés en ont conscience, et les Américains refuseront de remettre plusieurs dignitaires nazis à la France, considérant ses services de renseignement comme à la botte de Moscou. Le PCF, dans une posture qui satisfait les plus droitiers en son sein, essaie d’avoir le beurre et l’argent du beurre, c’est à dire d’accéder au pouvoir sans entrainer de casus belli. Cette illusion réformiste fut un piège terrible.

Dès que la bourgeoisie le peut, elle attaque. La IVème République est faite de gouvernements fragiles, variables, qui chutent sans cesse. Elle possède pourtant une constante : ses gouvernements sont tous extrêmement pro-USA. Au final, les plus pro-US de tous sont les sociaux-démocrates, lesquels sont prêts à tout pour casser l’influence du PCF sur la société. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si, dans une ville comme Marseille, ils s’appuient sur la mafia pour contrer la CGT dans les docks.

La situation est particulièrement tendue. Quand le général Rigway, dit “la peste” -du fait de son usage d’armes bactériologiques en Corée- vient à Paris en 1953, le PCF organise une manifestation, elle se traduit par 800 arrestations. Le climat est celui d’une hystérie anticommuniste d’autant que les guerres coloniales font rage. En 1954, la France est battue à Dien Bien Phu tandis que l’Algérie s’embrase. Ces guerres coûtent cher. Le principe est de les financer par la levée d’un autre impôt, cet impôt naissant est la Taxe sur la Valeur Ajoutée, ou TVA, l’impôt le plus injuste et, pourtant, celui qui rapporte le plus.

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