Cap catastrophe 2022 : la santé – partie 3

Santé : la liquidation

Partie 3

« Transformer les services publics », voilà l’intitulé sous lequel s’ouvre la troisième partie du doucment. « Le Comité a souhaité concentrer sa réflexion sur un nombre limité de réformes : celles-ci répondent en effet à des attentes fortes des Français en termes d’amélioration du service public, et elles permettent de conjuguer amélioration du service rendu et réduction de la dépense publique. » Voila comment mêler démagogie et liquidation.

Les premières mesures concernent la santé. Il est intéressant de voir, à la syntaxe hasardeuse de l’article, qu’un effort limité a été concédé pour camoufler la véritable teneur de celui-ci. L’article présente des problèmes réels : « Les symptômes de ces difficultés sont connus : délais d’attente, engorgement des urgences des hôpitaux à défaut de solutions de proximité en matière de soins primaires et d’urgence, renoncement aux soins, et épuisement des professionnels concernés. » Mais la question posée de manière insistante est celle du coût.

Toutes les propositions sont axées autour de cette ligne rouge, celle de réduire les dépenses et de réduire les remboursements de soins par la Sécurité Sociale, anticipant sa liquidation. En prétendant assouplir et simplifier l’accès aux soins pour limiter le renoncement à ceux-ci, les rédacteurs et rédactrices de l’article le complexifient et le figent. Les parcours santé, ces étapes mises en œuvre pour cloisonner l’accès aux spécialistes sont davantage balisés, avec des sanctions prises au niveau des remboursements.

« rembourser les soins fournis par les professionnels de santé exerçant en ville à la condition qu’ils se soient inscrits dans un système de coordination entre les acteurs. Dans le cas contraire, ces professionnels ne seraient pas « conventionnés » et leurs actes ne pourraient donc pas donner lieu à remboursement par la sécurité sociale »

S’ajoute à cela une « américanisation » de la gestion financière : « mettre en place des modalités de facturation du patient à l’hôpital qui améliorent le recouvrement et simplifient la vie de l’usager (paiement à l’entrée, prise d’empreinte de carte bancaire, forfaitisation …) »

Dans le même temps, la situation critique au sein des hôpitaux est contrée par une « souplesse » au niveau de la masse salariale :

« rénover l’organisation interne, la gestion des ressources humaines, le management et le dialogue social dans les établissements publics de santé pour redonner aux managers les moyens de répondre au besoin d’adaptation constante du système de santé. »

Ces dernières années, les fermetures de maternités jugées « non-rentables », d’hôpitaux de rééducation, d’antennes de proximités ont été pointées du doigt tant par les militants que par la société civile. Hypocritement, les élus locaux ont régulièrement accouru à la rescousse de l’hôpital local, bien qu’ils ou qu’elles soient de partis participant à leur liquidation. Cette crise, les rédacteurs la conjurent en promettant monts et merveilles :

« mieux adapter l’offre de soins aux besoins locaux, notamment en améliorant la répartition de l’offre sur le territoire (cela passe par le renforcement des groupements hospitaliers de territoire, qui favorisent l’émergence de projets structurés par territoire) et en mettant en place une plateforme d’orientation, d’information et de coordination au service du patient ;

développer la délégation de compétences aujourd’hui exercées par les médecins (par exemple les métiers d’infirmier en pratique avancée), en s’inspirant des exemples européens et internationaux réussis. Par exemple, certaines vaccinations ou le suivi de patients malades chroniques pourraient être assurés par des infirmiers »

Ces deux aspects sont significatifs, le premier parce qu’il revient à jouer sur les « lignes intérieures » et à tenter de compenser le manque criant par une rationalisation supérieure et une ventilation plus performante. En somme, il revient à exploiter au maximum l’état de misère sans le résoudre.

Le second est à l’envi, puisqu’il créé un échelon intermédiaire entre corps infirmier et médecins pour combler en partie la pénurie sans menacer le statu des médecins. Héritiers du fonctionnement en corporation -l’ordre des médecins est une survivance de Vichy- les médecins sont les grands défenseurs du numerus clausus, qui permet entretenir la rareté de leurs activités, leur garantissant ainsi des revenus considérables, au mépris des patients. Il s’agit d’ailleurs d’une corporation que la grande bourgeoisie soutient, malgré ses hypocrites vœux de libéralisme.

Créer cette sous-catégorie permet ainsi de combler un vide sans s’aliéner le soutien d’une catégorie de population traditionnellement plus qu’à droite.

Autre réponse, comme un tour de magie, est le recours au numérique. La télémédecine est présentée comme la nouvelle panacée, permettant une gestion d’un plus grand nombre de patients et de diminuer le nombre d’hospitalisations.

« généraliser en priorité la télémédecine à tous les citoyens vivant dans une commune identifiée comme étant un désert médical, augmenter le recours à la télésurveillance à domicile pour un meilleur suivi des maladies chroniques, donner accès aux actes de télémédecine à toutes les professions médicales, diminuer le nombre d’hospitalisation en EHPAD »

Plutôt que de relâcher le sacro-saint numerus clausus, mieux vaut acter que ruralité rime avec désert médical et liquider le contact humain pour le remplacer par des SMS. L’avenir paraît bien sombre pour les personnes âgées. Mais l’essentiel est résumé dans le petit paragraphe de conclusion.

« Ces réformes permettront d’améliorer les conditions de travail des personnels grâce au désengorgement de l’hôpital et au rééquilibrage avec la médecine de ville et donc de répondre au maise (sic) actuel. Ces réformes devraient enfin permettre de rendre le système de santé plus efficient, en générerant plus de 5 Mds€ d’économies. »

5 milliards d’euros d’économie, cela vaut bien quelques vieux et vieilles dans l’isolement. La grande bourgeoisie, dans les faits, s’en moque, elle a ses hôpitaux qui lui sont réservés, ses passe-droits, ses copinages… Elle n’est pas concernée.

Le numérique sert également d’onguent miracle face à la perte d’autonomie des personnes vulnérables ou âgées. Mais en fait d’onguent, il s’agit, là encore, de rationaliser à outrance les soins et la gestion d’individus qui sont parfois dans l’isolement ou dans le dénuement et pour qui le contact avec le personnel soignant est un des rares contacts sociaux. Le maintient souhaité des personnes âgées ou vulnérables à domicile peut passer pour une initiative positive, mais, dans les faits, elle n’est qu’un paravent au fait de réduire les coûts.

La proposition 7 « Simplifier la vie des personnes en situation de handicap et celle de leurs proches. » fait office de jonction entre deux angles d’attaques importants. La question du handicap scolaire est traitée sous l’angle du vœux pieux, de la volonté de « bien faire », de faciliter l’accès à des classes spécialisées et à une meilleure inclusion dans le système scolaire. Rien à redire. A l’exception du fait, fondamental, qui est que les moyens pour réaliser cela ne sont pas mis en œuvre, étant donné les sombres projets du gouvernement concernant l’éducation.

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